Par peur de périr en mer, des réfugiés rejoignent la Bulgarie à pied
Articles d'actualité, 23 octobre 2015
Harmanli, Bulgarie, 23 octobre (HCR) – Quand il a décidé de fuir la Syrie ravagée par la guerre vers l'Europe, le chauffeur de camion Alep Faisal, son épouse Frida et leurs quatre filles avaient tout d'abord pensé tenter la traversée périlleuse de la Méditerranée en bateau. Ils ont finalement changé d'idée car aucun d'entre eux ne savaient nager.
« La seule chose importante pour moi, c'est la sécurité de ma famille », a déclaré Faisal, en montrant ses filles, âgées entre 7 et 13 ans, alors qu'ils étaient assis tous ensemble dans leur pièce au milieu d'un centre d'hébergement tentaculaire, d'anciennes casernes militaires à Harmanli, non loin de la frontière avec la Turquie.
Au lieu de cela, la famille, appartenant à la communauté yézidie qui est ciblée par les militants, a versé 6700 dollars à un passeur pour être accompagnés jusqu'à la frontière terrestre en Bulgarie. Le coût est beaucoup plus élevé que celui de la traversée périlleuse de la Méditerranée vers l'Europe, qui a déjà couté au moins 3135 vies humaines pour 2015.
Cette famille fait partie des 13 000 demandeurs d'asile ayant traversé la Bulgarie à pied cette année car l'itinéraire est plus sûr vers l'Europe, un voyage comportant toutefois également de nombreux risques car les frontières terrestres se durcissent.
Lors de leur première tentative pour rejoindre la Bulgarie, la famille de Faisal a été jetée en prison. Leurs documents d'identité ont été confisqués avant qu'ils ne soient renvoyés en Turquie, où ils ont essayé à nouveau de franchir une frontière qui se resserre.
Du fait de l'arrivée de l'hiver, la Bulgarie veut étendre une clôture qui couvre actuellement sa frontière avec la Turquie sur 160 kilomètres au lieu de ses 50 kilomètres actuels. La frontière est surveillée par des gardes armés et des équipements de surveillance de haute technologie.
La semaine dernière, un réfugié afghan a été tué par balles par un garde-frontière bulgare près de la ville frontalière de Sredets. Le HCR a condamné le meurtre et a demandé une enquête. Mais l'opinion publique bulgare envers les réfugiés s'est durcie.
Près d'un petit poêle dans le dortoir réservé aux femmes à Harmanli, Aveno, une jeune mère kurde originaire de Qamishli au nord de la Syrie, préparait une soupe. Elle était occupée à plusieurs tâches en même temps. Elle berçait son bébé de quatre mois dans un bras, tandis que son fils d'un an tirait sur sa chemise pour attirer son attention. « Ils ont été très fatigués tout le long du chemin pour arriver ici », explique-t-elle.
Après que des militants aient tué son mari, Aveno avait amassé 4500 euros pour arriver ici, plutôt que de risquer la vie de ses enfants dans la traversée périlleuse vers la Grèce. Elle espère que sa fille, qui souffre d'une maladie du cœur, va recevoir des soins médicaux.
Une femme d'âge moyen qui aide Aveno à cuisinier a expliqué qu'elle venait de passer trois jours perdue dans une forêt le long de la frontière bulgare. Elle a été battue par la police, on lui a volé ses affaires et elle a été expulsée en Turquie, mais elle est revenue. « Nous, les femmes, nous devons rester en groupe pour notre sécurité», dit-elle.
L'afflux de réfugiés au centre de réception de Harmanli ces derniers mois a conduit les responsables à mettre en place un camp supplémentaire dans des tentes et des remorques puis dans des préfabriqués. Mais il s'est sensiblement vidé ces dernières semaines car les réfugiés et les migrants ont choisi de continuer leur voyage pour rejoindre d'autres pays européens.
La Bulgarie gère six centres d'accueil, avec un total de 5130 lits mais, aujourd'hui, les centres sont actuellement autour de 70 à 80 pour cent de leur capacité.
« Maintenant, presque tout le monde veut rester en Bulgarie », explique Gospodin Gospodinov, fonctionnaire à Harmanli, assis à son bureau jonché de demandes d'asile. « Certains attendent notre décision, d'autres ne le font pas et arrivent illégalement. »