Intensification des combats dans le Sahel : le HCR appelle toutes les parties à protéger les civils

« Je veux rentrer chez moi, mais pas un jour ne passe sans que j'ai peur », dit un agriculteur déplacé originaire de la zone frontalière entre le Mali et le Niger.

Des réfugiés entassés dans des canots motorisés arrivent à Ngouboua, au Tchad, après avoir fui les violences dans le Sahel et le bassin du lac Tchad.

Des réfugiés entassés dans des canots motorisés arrivent à Ngouboua, au Tchad, après avoir fui les violences dans le Sahel et le bassin du lac Tchad.   © HCR/Aristophane Ngargoune

NIAMEY, Niger – Le HCR, l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés, demande une aide accrue pour gérer une nouvelle vague de déracinés forcés de fuir leurs foyers pour chercher refuge ailleurs suite à la résurgence du conflit dans les régions en pleine ébullition du Sahel et du bassin du lac Tchad.

Dans un communiqué de presse diffusé cette semaine, le HCR a appelé toutes les parties à prioriser la protection des civils piégés au cœur des actions militaires lancées par les forces de sécurité contre les groupes armés qui sévissent dans cette région, en passe de devenir le centre névralgique de l’une des plus importantes crises de déplacement du monde. 

Almaimoune Mohammed, un agriculteur nigérien de 59 ans, raconte qu’il a fui avec ses enfants au début du mois d’avril après qu’un groupe armé a tenté de recruter de force les jeunes gens du village.

« J’ai fui et j’ai tout laissé derrière moi. »

« Ils ont rassemblé tous les jeunes hommes du village et se sont mis à tabasser ceux qui ne voulaient pas rejoindre leurs rangs, deux jeunes ont été si gravement battus qu’ils en sont morts », a-t-il raconté aux équipes du HCR.

« Après leur départ, j’ai fui et j’ai tout laissé derrière moi : tout mon matériel et mes semences, ma terre, quelques moutons, quelques chèvres et un chameau. Presque tous les autres villageois se sont aussi enfuis. »

Des incidents similaires ont été signalés dans toute la zone depuis le 29 mars, date à laquelle les forces de sécurité du Niger, du Tchad, du Nigéria et du Cameroun ont engagé une répression militaire contre les groupes armés responsables d’attaques contre les civils et des membres des forces de l’ordre de ces pays. 

Le HCR insiste sur le fait que la sécurité des personnes déplacées et des communautés qui les accueillent « doit être une priorité pour toutes les parties impliquées dans ce conflit. »

Selon Aissatou Ndiaye, directrice adjointe du bureau du HCR pour l’Afrique occidentale et centrale, « trop de civils dans le Sahel et le bassin du lac Tchad ont déjà payé un prix élevé et ne devraient pas souffrir encore davantage. »  

Des milliers de personnes fuient quotidiennement leurs foyers et leurs villages et leur nombre vient s’ajouter aux milliers d’autres qui ont fui de précédentes flambées de violence, provoquant ainsi l’une des plus graves crises humanitaires d’Afrique.

 


« Les attaques et les contre-attaques ne cessent d’acculer les populations vivant dans les zones frontalières dans une misère plus profonde et risquent d’anéantir toute avancée pour assurer leur résilience », a ajouté Mme Ndiaye.

Aissa Dangui, 50 ans, a fui Tahoua avec sa famille pendant les troubles de février. Elle témoigne elle aussi : « Mon mari, mes enfants et moi avons quitté le village après l’attaque d’une base militaire proche… Je me suis blessée au pied en chemin et mon mari et mes enfants ont dû me porter. »

De nombreux déplacés veulent rentrer chez eux, mais redoutent de nouvelles violences. « J’aimerais retourner dans mon village, à mes animaux, à mes champs, mais j’ai trop peur », explique Almaimoune qui vivait à Tiloa, un village proche de la frontière avec le Mali.

« Nous avons quitté notre village parce que plusieurs personnes craignaient pour leur vie. Je suis tombée et je me suis blessée au pied. Mon mari et mes enfants ont dû me porter », raconte Aissa Dangui, 50 ans, qui vit dans la zone frontalière entre le Niger et le Mali.

« Nous avons quitté notre village parce que plusieurs personnes craignaient pour leur vie. Je suis tombée et je me suis blessée au pied. Mon mari et mes enfants ont dû me porter », raconte Aissa Dangui, 50 ans, qui vit dans la zone frontalière entre le Niger et le Mali.   © HCR/Boubacar Younoussa Siddo

Près de 50 000 personnes, dont des milliers de femmes, d’enfants et de personnes âgées, ont été déracinées dans la région cette année, dont 25 000 depuis que l’armée tchadienne a lancé l’offensive « Colère de Boma » sur les rives du lac Tchad, à la fin mars, avec le soutien des forces militaires des pays voisins.

Les autorités tchadiennes ont déclaré zone de guerre les départements du Fouli et de Kaya. Par ailleurs, plus de 4000 personnes ont été déplacées par les affrontements qui ont éclaté au début du mois dans la région de Tillaberi au Niger, tandis que des centaines d’autres ont traversé les frontières pour chercher refuge dans certaines régions du Mali, elles-mêmes déjà en proie à l’insécurité.

Quelque 6000 personnes ont en outre fui le Niger vers le Mali, rejoignant au moins 10 000 Maliens déplacés internes par les troubles qui ont balayé toute la région du Sahel depuis janvier 2020.  

Au Niger, le HCR et ses partenaires ont enregistré 191 incidents qui ont fait 549 victimes au cours des trois premiers mois de 2020 dans des localités situées à moins de 50 kilomètres des frontières. La situation humanitaire est extrêmement grave et l’accès à ces régions très limité. Environ 3,8 millions de personnes sont déplacées à l’intérieur de ces deux régions et 270 000 autres ont fui vers les pays voisins en tant que réfugiés.