'Changer concrètement des vies et toujours chercher à faire mieux' — Andrew Harper
Le HCR emploie près de 11 000 personnes dont la plupart travaillent sur le terrain : Rencontre avec Andrew Harper qui dirige les programmes novateurs d'aide aux réfugiés à travers le monde.
Andrew Harper, dans le camp de réfugiés de Zaatari, en Jordanie, en août 2013.
© HCR/ Jared Kohler
Nom : Andrew Harper, Australien.
Fonction : HCR, directeur de programmes, basé à Genève.
Missions HCR : Timor occidental, Ukraine, Albanie, Iran, Irak, Jordanie et au siège à Genève.
Vous revenez d'Ouganda où se trouvent des milliers de réfugiés congolais qui ont fui les combats en République démocratique du Congo. Qu'y avez-vous vu ?
Les réfugiés traversaient le lac Albert en bateau, en provenance de la République démocratique du Congo.
Je ne pense pas avoir déjà été le témoin d'une situation où des personnes étaient forcées de fuir en bateau avec si peu de moyens et sans personne pour les aider.
Ils emportaient toutes leurs possessions. Ils chargeaient les bateaux de leurs couvertures, oreillers, chaises en plastique, de vestiges d'une église, de leurs chèvres. Ils emportaient leurs chèvres pour les vendre et envoyer l'argent à leurs frères, sœurs, tantes et oncles qui n'avaient pas d'argent, pour qu'ils puissent à leur tour prendre un autre bateau.
Comment parvenez-vous à rester optimiste malgré le nombre croissant de réfugiés et des atrocités dont vous avez été témoin ?
Nous n'avons pas le choix. Nous devons l’être parce que les gens ont besoin de l’optimisme des autres pour avoir confiance dans le futur. Les réfugiés sont déjà dans une situation suffisamment précaire en soi. Nous avons la chance d'être dans une position qui nous permet d’aider les autres et d’influencer les choses de manière positive. Mais nous ne sommes jamais satisfaits de nos prestations. Il faut toujours chercher à faire mieux.
“Il faut toujours chercher à faire mieux.”
Je crois que chaque situation est porteuse d’opportunités. Par exemple, la situation en Ouganda est très difficile pour le moment, mais ça nous donne l'occasion de mettre en place l'enregistrement biométrique des réfugiés grâce aux scans de l'iris. Et c'est l'un de nos objectifs principaux à l’échelle mondiale actuellement.
Pourquoi ce scan de l'iris est-il si important pour un réfugié ?
Avant, nous étions tributaires des cartes de rationnement, de morceaux de papier que les réfugiés portaient sur eux, pour établir leur identité. Mais lorsque les réfugiés partaient, ils les revendaient ou ils les donnaient à quelqu'un d'autre. Nous avons mis en place un moyen d'identifier chaque réfugié grâce au scan de son iris. Vous avez une caméra et vous prenez une photo de leurs yeux.
Farah, 4 year old girl from Homs, being registered using biometric iris scanning technology at UNHCR Amman #Jordan. pic.twitter.com/KUwBEc14oA
— Andrew Harper (@And_Harper) May 5, 2014
Pour un réfugié, c’est parfois difficile d'avoir des documents sur lui parce qu'on peut les lui prendre. Désormais, il a toujours l’assurance de son identité. Il peut aller quelque part et prouver que c'est bien lui.
Vous étiez le représentant du HCR en Jordanie au plus fort de la crise syrienne. Vous étiez responsable de mettre un nombre énorme de Syriens désespérés en sécurité. Quels défis avez-vous dû surmonter ?
Au plus fort de la crise, je crois que chaque nuit 80 autobus de réfugiés rejoignaient vers le camp de Zaatari. Ça en fait un certain nombre. On devait donc monter des tentes jour et nuit pour que ça marche.
The last wk of 2013, 5,300 Syrian @refugees x'd to safety of #Jordan. That equates to 750+/day. Will be a busy 2014! pic.twitter.com/AL0IpPEhAT
— Andrew Harper (@And_Harper) January 6, 2014
Notre objectif était d’éloigner les gens de la frontière le plus rapidement possible avec le soutien des forces armées jordaniennes, et de les conduire à un endroit où ils seraient en sécurité. Et c'est ce que nous avons fait. Personne n'a envie de se trouver dans une telle situation. Mais je pense que l'équipe locale et le peuple jordanien ont fait tout ce qu’ils pouvaient au vu de la situation.
Qu'avez-vous éprouvé en voyant des enfants dans cette situation ?
Vous savez, ce qui me déchire vraiment le cœur ce sont les parents, car les enfants se tournent toujours vers leurs parents en cas d’épreuve. Et on voit des pères qui ne peuvent rien faire pour protéger réellement leurs enfants. On voit des mères totalement désemparées, impuissantes.
As we approach #mothersday in #jo impossible to relate what @refugee mothers feel when protecting their children pic.twitter.com/1xaBdmkqVd
— Andrew Harper (@And_Harper) March 19, 2016
Ce sont souvent les enfants qui résistent le mieux. Ils s'adaptent. Mais comment faire pour redonner confiance aux parents ? Comment faire pour rendre aux parents le sens de l'avenir ?
Vous postez sur Twitter et vous vous décrivez comme quelqu'un qui adore tout ce qui est novateur et qui déteste le pessimisme et les réunions qui s'éternisent.
Ce n'est pas le cas pour tout le monde ? Je pense que notre rôle, c'est d’être convaincus que nous pouvons changer concrètement des vies et qu’il y a toujours moyen de faire mieux, car si nous n'y croyons pas, quel espoir pouvons-nous donner aux réfugiés ?