Une séparation des plus difficiles
La Journée internationale des familles, le 15 mai, est un moment de choix pour réfléchir à la question de la séparation des familles de réfugiés et demandeurs d'asile en Australie. Il est temps de les réunir.
Dans la banlieue de Sydney, Hana, 68 ans, cherche en vain quelqu’un pour comprendre la douleur d’être séparée de sa famille. Citoyenne australienne, elle n'a jamais vu son plus jeune petit-fils. « C'est indécent », sanglote Hana. « Mes filles sont à Nauru depuis presque cinq ans. C'est trop long ».
À 4.000 kilomètres de là, à Nauru, la ressemblance entre Marwa et sa mère est plus que frappante; tout comme son expression de détresse. Elle et ses filles ont été reconnues comme réfugiées mais, comme beaucoup d’autres, elles n’ont nulle part où aller.
« Ma mère parle à l’océan », dit Marwa, « elle demande ses enfants et ses petits-enfants ». Pendant un horrible instant, j’imagine ma propre mère séparée de son petit-fils de un an, lumière de nos vies. Rien que d’y penser, c’est atroce.
Depuis janvier 2014, l’Australie n'accorde que la plus faible priorité au traitement des demandes de visas familiaux parrainés par des résidents permanents arrivés dans le pays par voie maritime. En conséquence, des centaines de personnes vivant dans la communauté australienne restent séparées de leurs êtres chers pour une durée indéterminée. Le défi qui consiste à reconstruire leur vie est quasiment impossible, étant donné que leur famille proche se trouve toujours en situation de danger dans des pays comme l’Afghanistan, le Pakistan ou l’Iraq. L’incertitude et le stress paralysent. Plus incroyable, une famille de réfugiés pakistanais doit être réinstallée ce mois-ci en Scandinavie, alors que le père et le mari résident de manière permanente et légitime à Melbourne. L'Australie se refuse à examiner même de telles situations exceptionnelles.
Faute d'autres options à leur disposition, ils ont pris des décisions douloureuses pour tenter d'être ensemble.
Cette approche entraîne aussi d'autres, à leur tour, à chercher, en désespoir de cause, à rejoindre par mer leurs proches en Australie. Faute d'autres options à leur disposition, ils ont pris des décisions douloureuses pour tenter d'être ensemble. Ayant fui leur foyer à cause de la guerre ou des persécutions, les réfugiés en Papouasie-Nouvelle-Guinée et à Nauru expliquent qu’ils ont cherché la protection de l’Australie, d’abord et avant tout, à cause de la présence de proches parents dans ce pays.
Le HCR connaît le cas d'environ 35 réfugiés ayant des proches parents en Australie et qui ont été transférés vers la Papouasie-Nouvelle-Guinée ou Nauru. Il s’agit de maris et femmes, de conjoints de fait, de parents, d’enfants, de frères et de sœurs. Alors qu’un enregistrement gouvernemental exhaustif permettrait de confirmer ce nombre de façon certaine, il est évident qu’il s’agit d’un groupe restreint.
Les mouvements irréguliers, l'exploitation et le trafic des êtres humains sont les conséquences indirectes de l’aspiration humaine et universelle à survivre dans des conditions impossibles et à protéger sa famille. Ces défis ne sont pas propres à l'Australie. Partout dans le monde, ils se rencontrent de façon prédominante dans le contexte des conflits et des violations des droits de l'homme en Syrie, au Myanmar, au Soudan du Sud et ailleurs. Toutefois, l’Australie est un cas unique au regard de sa politique de dissuasion et de punition.
Plus de quatre années d'impasse et de souffrances sur les territoires de Nauru et Papouasie-Nouvelle-Guinée rendent futiles les efforts pour sauver des vies en mer. Même les questions les plus élémentaires sèment à présent le doute sur une politique injuste et cruelle. Ces questions sont les suivantes : Comment le fait de séparer des parents, des enfants, des femmes et des maris innocents peut-il bien contribuer à rendre l’Australie plus sûre ? Comment la plus infime exception humanitaire pourrait-elle donc amoindrir le cadre réglementaire de migration et de sécurité en Australie?
Le déni de l'unité familiale persiste, défiant autant le bon sens que le principe d'humanité.
Toutes les tendances politiques dans les trois pays concernés, y compris en Australie, reconnaissent à présent le besoin désespéré de solutions ailleurs qu’en Papouasie-Nouvelle-Guinée ou à Nauru. Le départ de certains réfugiés vers les États-Unis est un soulagement bienvenu, et un premier pas. Mais pour ceux qui ont des mères à Sydney, des maris à Melbourne ou des enfants à Brisbane, une réinstallation ailleurs qu’en Australie serait absurde. Et pourtant, le déni de l'unité familiale persiste, défiant autant le bon sens que le principe d'humanité. Pensez à votre propre famille, à vos enfants, à votre conjoint ! Pensez à ce que vous ressentiriez si vous n'étiez pas sûr(e) de les revoir un jour…
On entend peu les politiciens ou leurs spécialistes en relations publiques à ce sujet. Ce silence n'est pas accidentel. La réunification immédiate des familles est une question qui n’en est pas une, parce que nous savons tous au fond de nous que c'est la seule chose à faire.
L'unité familiale est un droit humain fondamental. Des instruments tels que la Déclaration universelle des droits de l'homme, la Convention relative aux droits de l'enfant et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques n’ont fait que codifier cette vérité universelle et acceptée par tous. Les familles sont faites pour être ensemble.