Au Bangladesh, une course contre la montre est engagée pour éviter une catastrophe en période de mousson
Le HCR reloge les réfugiés rohingyas menacés par des inondations et des glissements de terrain au Bangladesh ; les abris et les infrastructures doivent aussi être renforcés à l'approche des pluies.
Un premier groupe de familles, parmi les quelques 360 identifiées comme étant menacées par la mousson et les inondations, est transféré de la zone 7 à la zone 17 dans le camp de réfugiés de Kutupalong.
© HCR/Roger Arnold
Leurs quelques affaires entassées dans des sacs de riz, Momena Begum et son époux Mohammad Harez attendent leur départ sur une parcelle de sable humide située juste au-dessus du niveau de l’eau.
Quasi encerclés par un ruisseau dans lequel ils n’ont pied que jusqu’à la poitrine, ils savent que la saison humide qui approche peut provoquer des dangers mortels, auxquels ils ont pourtant échappé de justesse au Myanmar.
« Aucun de nous ne sait nager », explique Mohammad, qui est papa de trois enfants. « Si nous restons ici pendant la mousson, nous allons sûrement nous noyer ».
A quelques semaines du début de la saison des pluies, le gouvernement bangladais est engagé dans une course contre la montre, avec l’appui de l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) et de ses partenaires, afin d’éviter la catastrophe qui menace le plus grand camp de réfugiés au monde.
Plus de 670 000 réfugiés rohingyas ont quitté le Bangladesh depuis le mois d’août, fuyant les meurtres, les incendies ou les viols dans l’Etat de Rakhine, au Myanmar. Beaucoup se sont installés de façon spontanée sur les flancs de collines instables autour de Kutupalong.
« Aucun de nous ne sait nager. Si nous restons ici pendant la mousson, nous allons sûrement nous noyer ».
Les pluies de la mousson connaissent un pic en juillet et en août, où leur niveau atteint près de 6 centimètres par jour, et plus de 150 000 personnes sont menacées par des inondations ou des glissements de terrain dans cette gigantesque installation.
« La question n’est plus de savoir si cela se produira, mais quand », insiste John Wain, qui fut spécialiste des abris d’urgence pour le HCR à Cox’s Bazar. « Les sols de ce site sont composés de couches d’argile, de limon et de sable ; et ils bougeront. Il y aura des glissements de terrain, des inondations de ravins et des crues soudaines ».
Les risques de glissements de terrain ont été aggravés par l’abattage des arbres et l’arrachage de leurs racines pour se procurer du bois afin de cuisiner.
Mohammad Alam, l’un des réfugiés du camp, est bien conscient du danger que le menace lui et sa famille car leur abri est situé en contrebas d’un ruisseau. Une nuit, les fermiers ont libéré l’eau du barrage pour irriguer les cultures de riz et le ruisseau est sorti de son lit, Mohammad et sa famille ont été inondés.
« Ce matin-là, nous avons eu de l’eau sale jusqu’aux chevilles », explique Mohammad Alam, qui est père de trois jeunes enfants âgés de moins de 4 ans. « Nous ne sommes pas en sécurité ici ».
Le HCR a déjà relogé un premier groupe de familles parmi les 360 identifiées comme étant à risque, dont celle de Begum et d’Alam. Elles ont rejoint des zones plus élevées situées à l’ouest du camp, dans le cadre d’un projet mené en partenariat avec l’ONG Caritas. D’autres familles seront transférées par l’Organisation internationale pour les migrations (OIM).
Au début de ce mois, les agences des Nations Unies et leurs partenaires ont lancé un appel de 951 millions de dollars pour répondre aux besoins urgents des réfugiés rohingyas au Bangladesh, ainsi qu’à ceux de leur communauté d’accueil.
Pour mieux protéger quelque 80 000 personnes identifiées comme étant les plus exposées aux risques d’inondations dans cette zone ainsi que 23 000 personnes menacées par des glissements de terrain, le gouvernement bangladais, le HCR et ses partenaires prennent en urgence des mesures additionnelles.
« Il y aura des glissements de terrain, des inondations de ravins et des crues soudaines ».
Pour réduire le risque d'effondrement des terrains sur un nouveau site de 49 hectares destiné aux familles relocalisées, des pelles mécaniques réduisent l'angle de certaines pentes parmi les plus abruptes ou à risques. Ils remblayent les vallées avec de la terre afin d’obtenir un sol plus stable pour les abris.
Des équipes rémunérées d’ouvriers et de creuseurs réfugiés débouchent et renforcent les voies d’eau obstruées dans le camp. L’objectif est de permettre aux eaux de crue de s’écouler jusqu’à la rivière Teknaf, et de rejoindre la mer. Il s’agit d’un projet mis en œuvre avec l’appui de l’OIM et le Programme alimentaire mondial (PAM), deux agences sœurs des Nations Unies.
« C’est une tâche prioritaire », explique John Wain. « Si nous ne commençons pas maintenant, nous n’aurons pas de terrain sec avant la mousson ».
Les routes d’accès au camp risquent également d’être bloquées par des glissements de terrain et de devenir inaccessibles aux véhicules, ce qui compliquerait l’approvisionnement humanitaire d’urgence. Pour maintenir ces routes praticables, le gouvernement bangladais a annoncé qu’elles seraient pavées de briques.
Des projets de construction sont également en cours pour renforcer les sentiers à l’aide de bambous, pour construire des ponts surélevés ou des murs de soutènement pour stabiliser les coteaux, et pour protéger les arbres et leurs racines de la recherche quotidienne de bois de chauffage.
Les constructeurs et les réfugiés utilisent des sacs de sable et des piquets de bambous pour renforcer les marches creusées dans les pentes escarpées. Celles-ci peuvent en effet rapidement se transformer en coulées de boue comme ce fût le cas lors de la dernière saison humide, et Siraj Bergum en a fait la triste expérience.
Cette grand-mère a perdu l’équilibre lors d'une grosse averse et a dévalé la pente depuis sa cabane jusqu’au ruisseau en contrebas. Elle s’est blessée à la jambe, et cette blessure l’incommode encore aujourd'hui.
« Je ne sais pas si nous pourrons surmonter une autre mousson ici », dit-elle, dans son abri situé sur une parcelle qui doit être nivelée. « J’ai peur que toute la colline s’effondre ».
Cette année, le HCR et ses partenaires fournissent à 80 000 familles du camp des poteaux de bambou et des bâches pour protéger les abris précaires. Mohammad Ishaq, un papa de sept enfants, fait partie des bénéficiaires. Son abri est situé à une crête exposée.
Avec l’aide de ses voisins, il a refait le toit, solidifié les murs avec des bambous et renforcé le sol avec du ciment. « Mon seul souci maintenant, c’est le vent », ajoute-t-il, en jetant un rapide coup d’œil à la vallée en contrebas.
Comme l’année dernière, les glissements de terrain pourraient également balayer sur leur passage les puits tubulaires et les latrines jusque dans les ruisseaux, où les réfugiés lavent leurs vêtements et où jouent les enfants, rendant des milliers de personnes malades à cause d’une augmentation de diarrhées liées à la qualité de l’eau
Des équipes forent à de plus grandes profondeurs pour puiser de l'eau plus propre, filtrée à travers le sol sablonneux. Du personnel de santé prépare également des médicaments pour s'assurer que des traitements efficaces soient disponibles là où ils seront nécessaires, même si les défis sont de taille.
« Nous avons déjà géré des flambées de diarrhées dans le passé, mais pas quand on parle de près d’un million de personnes »,
« Nous avons déjà géré des flambées de diarrhées dans le passé, mais pas quand on parle de près d’un million de personnes », explique Mwiti Mungania, spécialiste des questions de santé pour le HCR à Cox’s Bazar et qui a notamment travaillé avec des réfugiés au Tchad. « Si la situation se présente, cela risquerait de poser un énorme problème ».
Pour les familles qui ont été inondées, les problèmes de santé se manifestent déjà. Tandis qu’ils attendaient un transfert, le fils de Begum, Mohammad Anas, a toussé et vomi. « Ça empire la nuit », dit-elle.
Leur petit voisin, Nurul Absar, âgé de quatre ans, a des frissons que sa grand-mère attribue à l'eau contaminée. « Il a de la fièvre à cause de l'eau maintenant, et cela ne fera qu'empirer avec la mousson », dit-elle.
Le HCR travaille avec 230 membres de la communauté des réfugiés répartis dans l’ensemble du camp afin d’identifier les personnes âgées et invalides car ces dernières font partie des plus menacées.
Avant la tempête, il est prévu d'identifier des lieux sécurisés pour tout enfant qui aurait été séparé de ses parents et de prédisposer de la nourriture et des médicaments afin que les réfugiés dans le besoin ne soient pas privés d’aide à cause des intempéries.
D'autres projets prévoient de former les réfugiés aux soins de premiers secours et il est conseillé aux gens de placer leurs documents d'identité et d'autres papiers vitaux dans des sacs en plastique.
« Nous nous sommes préparés », explique Azizur Rahman, un réfugié. « A présent, c’est entre les mains de Dieu ».