Des centaines de personnes déracinées souffrent à la frontière entre la Hongrie et la Serbie
Des centaines de personnes ayant fui la persécution dans leur pays d'origine vivent aujourd'hui dans des conditions désastreuses dans un camp de fortune près de Röszke à la frontière entre la Hongrie et la Serbie.
Röszke, Hongrie - Sayed Perwiz Ahmadi semble préoccupé tout en rajoutant une brindille sur le feu allumé devant la tente familiale au camp de fortune localisé près de Röszke à la frontière entre la Hongrie et la Serbie. Sa femme, son frère et deux cousins se tiennent plus près des flammes, car il fait frais cet après-midi et un autre orage s’annonce.
Les seuls membres insouciants de la famille sont son fils de quatre ans et sa fille de cinq ans, qui jouent joyeusement dans la boue. Les deux sont pieds nus. Contrairement à Sayed, ils ont seulement de vagues souvenirs d'une vie bien différente de celle-ci. Ils sont sur la route depuis six mois et dix-sept jours.
« Je ne vis pas comme ça normalement et je ne ressemble pas à ça non plus », dit Sayed, en pointant désespérément son environnement et lui-même. Ce photographe afghan âgé de 36 ans est l'une des centaines de personnes ayant fui la persécution dans leur pays d'origine et qui souffrent actuellement des conditions inhumaines sur le site de Röszke. Ils attendent d'être admis dans l'une des deux zones de transit en Hongrie pour déposer une demande d'asile.
« Les demandeurs d'asile souffrent et les États doivent agir pour faire cesser leur souffrance », explique Montserrat Feixas Vihe, Représentant régional du HCR pour l'Europe centrale. Le HCR plaide depuis longtemps contre les clôtures frontalières qui ne sont pas une solution pour la crise et qui ne font que déplacer le problème, tout en aggravant la situation des demandeurs d'asile.
« Les demandeurs d'asile souffrent et les États doivent agir pour faire cesser leur souffrance. »
C’est particulièrement vrai concernant une récente loi en Hongrie qui étend les contrôles aux frontières dans une zone de huit kilomètres à l'intérieur du territoire hongrois. Cette loi permet désormais aux autorités de refouler les personnes qui traversent clandestinement la frontière et qui sont appréhendées dans cette zone vers la côté serbe de la clôture. L’impact immédiat de cette nouvelle loi qui est appliquée depuis le 5 juillet, c’est que le nombre de personnes en attente en dehors de la zone de transit à Röszke a plus que doublé. Les temps d'attente sont aussi de plus en plus longs.
Les conditions de vie dans le camp de fortune près de Röszke sont désastreuses. Quelque 700 personnes se partagent un robinet d'eau froide et dix toilettes mobiles qui sont nettoyées tous les deux ou trois jours. Des personnes ont suspendu aux branches des arbres de couvertures données pour se protéger des intempéries, mais ce dispositif est peu efficace quand il pleut.
Les autorités hongroises admettent 30 personnes par jour, mais des centaines de personnes se trouvent déjà à la frontière et davantage s’en rapprochent chaque jour. Le HCR a exprimé à plusieurs reprises sa profonde préoccupation face à la nouvelle législation et des informations font état du recours à la force par les autorités pour appliquer la loi hongroise. « Les États doivent travailler ensemble pour protéger les gens et répondre à leurs besoins humanitaires », conclut Montserrat Feixas Vihe.
Sayed se sent un peu plus confiant maintenant que toute sa famille figure sur la « liste » - un registre de noms qui définit l'ordre dans lequel les autorités hongroises les admettront. Quelle est la position de la famille de Sayed sur la liste ? Elle est 216e.
Bien qu’elle soit longue, cette liste est une amélioration par rapport au chaos des mois précédents. Mais les temps d'attente travaillent en faveur des passeurs qui exploitent le désespoir des gens et qui, aussi longtemps que la situation persistera, ne craindront pas de manquer de travail.
« Presque tout le monde essaye, au moins une fois », affirme Mateolla Khan, 22 ans, au sujet du passage clandestin de la frontière. Mateolla Khan était fonctionnaire du gouvernement afghan. Il a tenté de franchir la frontière en coupant la clôture pas moins de quatre fois. Il a été arrêté et refoulé à chaque fois en Serbie par les autorités à l'aide de spray au poivre pour décourager de nouvelles tentatives.
« Le spray au poivre n’est pas si grave, j'ai vu pire et je suis habitué maintenant », dit-il avec un rire amer, ajoutant qu'il ne tentera plus de passer la frontière clandestinement. Lui et son frère sont 31e et 32e sur la liste des hommes célibataires. Considérant que les familles et les personnes vulnérables sont prioritaires, ils devraient attendre encore au moins 30 à 40 jours.
Musad, 16 ans, prétend que la police lui a pulvérisé du gaz au poivre, l'a battu et que des chiens policiers se sont déchaînés sur lui quand ils l'ont trouvé après qu’il ait coupé la clôture. Il est en 86e position sur la « liste des hommes célibataires » et a une longue, longue attente devant lui.
« Tout ce que je veux, c’est que mes enfants grandissent dans la paix et la sécurité. »
Dans le camp de fortune, les personnes attendant d'entrer en Hongrie sont perplexes. « Pourquoi dois-je attendre si longtemps? » demande Mustafa Hotaki, 22 ans, qui a étudié l’informatique à l'Université de Kaboul. « Toute ma famille est en Suède, je suis resté en Afghanistan un peu plus longtemps pour terminer mon premier semestre. »
Malheureusement pour lui, ces derniers mois, davantage de barrières se sont matérialisées aux frontières de l'Europe et maintenant rejoindre sa famille est devenu fastidieux.
« Je veux bien aller dans tous les pays de l'Union européenne où nous pouvons vivre dans la sécurité », déclare Sayed Afsar Sadat, âgé de 54 ans et dont la main gauche avait été blessée dans un raid aérien quand il était enfant.
« Je suis directeur de banque en Afghanistan, j'avais une maison et une voiture. Maintenant, je ne suis plus rien », ajoute-t-il. Lui et sa famille sont à la frontière depuis 15 jours et, s’il n’y a pas de problème avec la liste, ils ont encore 18 jours à attendre.
« Nous avons marché environ 20 kilomètres en territoire hongrois. La police ne nous a rien fait de mal, ils nous ont tout simplement ramenés en Serbie. Mais que faire ? Tout ce que je veux, c’est que mes enfants grandissent dans la paix et la sécurité ».