Des chefs indigènes colombiens s'enfuient au Panama après avoir reçu des menaces de mort

Articles d'actualité, 19 mai 2006

© HCR/B.Heger
De nombreux indigènes colombiens ont fui la terre de leurs ancêtres du fait de la violence. Ils ont trouvé refuge dans la région frontalière isolée de Darien, au Panama voisin.

REGION DE DARIEN, Panama, 19 mai (UNHCR) Craignant pour leur vie, sept chefs du groupe indigène Wounaan, originaires de Colombie, et leurs familles sont arrivés cette semaine par bateau au Panama, après avoir reçu des menaces de mort. Leur voyage a duré plus de six semaines, lorsqu'ils ont fui les campements au bord des cours d'eau dans le département colombien de Chocó, tentant d'échapper aux menaces des groupes armés irréguliers.

Il leur a été difficile de se décider à franchir la frontière. L'abandon de leurs terres coutumières suscite une grande anxiété chez les groupes indigènes. Mais, après des semaines de peur et d'inquiétude, ce groupe a considéré qu'il n'était plus en sécurité en Colombie et qu'il ne lui restait plus d'autre choix que de partir. Mardi, 47 personnes sont arrivées à bord de trois petits bateaux dans la région de Darien sur la côte pacifique du Panama, après une traversée périlleuse en mer.

Le directeur du bureau de l'UNHCR pour les Amériques, Philippe Lavanchy, en mission officielle au Panama cette semaine, a été informé de l'arrivée de ce groupe par l'instance nationale pour les Affaires des Réfugiés (ONPAR). Il s'est immédiatement rendu dans la région de Darien. Il a pu rencontrer les 47 exilés, qui attendent, dans un petit abri, de connaître leur sort. Philippe Lavanchy s'est entretenu avec les autorités pour s'assurer que les nouveaux arrivants recevraient l'autorisation de rester et de demander l'asile au Panama. Le Ministère de la Justice a confirmé un peu plus tard que, selon les principes du droit international, ce groupe serait autorisé à demeurer au Panama.

« Nous pouvons enfin commencer à souffler », a expliqué José*, l'un des chefs Wounaan à Philippe Lavanchy. « Nous n'avons cessé de vivre dans l'angoisse depuis notre départ. Nous ne savons toujours pas ce qui va nous arriver la violence continue et nous ne savons pas quand nous pourrons rentrer chez nous. Mais, au moins ici, nous savons que nos familles sont en sécurité. »

José était l'un des 700 indigènes wounaan qui ont fui leurs territoires ancestraux début avril, après qu'un groupe armé irrégulier ait tué deux des chefs de la communauté en 48 heures. Paniqués, les Wounaans ont fui par la rivière vers la petite ville colombienne d'Istmina où Philippe Lavanchy, alors en mission en Colombie, les avait rencontrés une première fois. Il avait négocié avec les autorités locales l'amélioration des conditions de vie du groupe à Istmina et pris connaissance des préoccupations des membres de la communauté déplacée qui, comme José, avaient été menacés de mort par le groupe armé illégal qui avait déjà tué deux chefs wounaan.

Au Panama, les familles récemment arrivées lui ont confié leurs craintes constantes et grandissantes pour les autres Wounaan qui, comme eux, ont reçu des menaces de mort directes.

« Ils m'ont indiqué qu'ils ne savent pas ce qu'il est advenu des autres », a affirmé Philippe Lavanchy. « Il pensent que quelques-uns se cachent dans la jungle mais ils n'ont aucune information à leur sujet, ils ne savent même pas s'ils sont encore vivants. C'est vraiment un cas extrêmement pénible et je suis très reconnaissant au gouvernement du Panama d'avoir tendu la main à ce groupe dans cette période si difficile. »

Philippe Lavanchy a eu également l'opportunité de remercier le Panama pour son hospitalité lors d'une réunion avec le Président, Martin Torrijos Espino, durant laquelle ils ont pu discuter de la situation de ce groupe nouvellement arrivé ainsi que de celle des réfugiés au Panama.

La majorité des réfugiés et des personnes relevant du mandat de l'UNHCR au Panama vivent soit à Panama City, soit dans la région de Darien, une vaste zone de jungle inhospitalière qui forme la frontière entre le Panama et la Colombie. Beaucoup de ceux qui se trouvent au Darien sont des indigènes colombiens qui ont été contraints de fuir la violence dans leurs territoires de l'autre côté de la frontière.

L'UNHCR a plusieurs fois exprimé son inquiétude sur l'impact disproportionné du conflit colombien sur ses communautés indigènes. Le déplacement forcé est spécialement difficile pour les communautés indigènes, dont la culture et les traditions sont étroitement liées à leurs terres ancestrales. L'UNHCR a prévenu que certains des plus petits groupes sont menacés d'extinction à cause de la généralisation des déplacements.

Au Panama, l'UNHCR a fourni une aide basique humanitaire et des conseils juridiques aux nouveaux arrivants wounaan. Un employé de l'UNHCR reste dans la région de Darien pour fournir une aide d'urgence et s'assurer que le groupe sera autorisé à rester et recevra la protection adéquate.

* Le nom a été changé pour raison de sécurité

Par Marie-Hélène Verney à Bogota, en Colombie

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Après plus de quarante ans de guerre civile, la Colombie recense l'une des plus grandes populations de personnes déplacées au monde. Plus de deux millions de personnes ont été contraintes de fuir leurs maisons ; beaucoup d'entre elles ont quitté des régions rurales éloignées pour aller chercher une sécurité relative dans les villes.

Les familles de personnes déplacées échouent la plupart du temps dans des taudis à la périphérie des grandes villes, où elles vivent dans un grand dénuement. Juste à la sortie de Bogota, des dizaines de milliers de personnes déplacées vivent dans les bidonvilles de Los Altos de Cazuca et de Los Altos de Florida. Les déplacé internes n'ont pratiquement pas accès aux services de santé, d'éducation ou de logement décent. La sécurité est également un problème, des gangs et des groupes armés contrôlant les bidonvilles et prenant souvent pour cible les jeunes.

L'UNHCR travaille en collaboration avec les autorités dans une dizaine de communes à travers la Colombie afin de s'assurer que les droits des personnes déplacées soient respectés, y compris leur accès aux services de base : la santé, l'éducation et la sécurité.

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Forcés de fuir la violence sévissant sur leurs territoires, les peuples indigènes en Colombie luttent pour éviter une rupture de leurs liens communautaires et culturels. On compte environ un million de personnes indigènes en Colombie. Elles appartiennent à 80 groupes différents et composent l'un des héritages autochtones les plus riches et les plus variés au monde. Mais le conflit armé interne frappe particulièrement sévèrement ces populations indigènes.

Comme de nombreux Colombiens, les peuples indigènes n'ont souvent pas d'autre choix que celui de fuir leurs terres pour échapper à la violence. Le déplacement forcé est tout spécialement tragique pour eux car ils sont attachés à leurs terres ancestrales par des liens très forts. Souvent leur survie économique, sociale et culturelle dépend de la préservation de ces liens. Selon l'Association nationale indigène colombienne (ONIC), quelque 18 groupes ethniques minoritaires se trouvent en danger réel d'extinction. L'UNHCR travaille avec eux pour les aider dans leur lutte à rester sur leurs terres ou pour reconstruire leur vie quand ils ont été forcés à fuir.

L'UNHCR aide aussi des réfugiés indigènes accueillis dans des pays voisins comme le Panama, l'Equateur, le Vénézuela et le Brésil. L'UNHCR développe une stratégie régionale pour mieux répondre aux besoins spécifiques des populations indigènes durant l'exil.

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La guerre civile en Colombie a forcé des millions de personnes à fuir de chez elles, dont des centaines de milliers qui ont cherché refuge dans d'autres pays de la région.

Au Panama, le long de la frontière avec la Colombie, la région de Darien est recouverte d'une épaisse jungle inhospitalière et accessible uniquement par bateau. Néanmoins, de nombreux Colombiens sont venus jusque-là pour trouver refuge, après avoir fui les groupes armés irréguliers qui contrôlent de vastes territoires de jungle de l'autre côté de la frontière.

De nombreuses familles réfugiées au Darien font partie de minorités éthniques de Colombie - indigènes ou afro-colombiennes - qui ont été particulièrement affectées par le conflit et déplacées en grand nombre. Ces dernières années, un nombre croissant de réfugiés colombiens ont également rejoint la capitale, Panama City.

Environ 12 500 Colombiens relevant du mandat de l'UNHCR se trouvent au Panama, mais beaucoup préfèrent ne pas se faire connaître des autorités et rester cachés. Venir en aide à cette population « invisible » est l'un des plus grands défis que rencontre l'UNHCR non seulement au Panama, mais aussi en Equateur et au Vénézuela.

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