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Serbie : information sur les vendettas menées par des Albanais d'origine; protection de l'État et services de soutien offerts aux victimes de vendettas; poursuites judiciaires intentées dans le cas de crimes liés à des vendettas (2012-mars 2014)

Publisher Canada: Immigration and Refugee Board of Canada
Publication Date 2 April 2014
Citation / Document Symbol SRB104821.EF
Related Document(s) Serbia: Blood feuds carried out by ethnic Albanians; state protection and support services available to victims of blood feuds; instances of prosecution for blood-feud related crimes (2012-March 2014)
Cite as Canada: Immigration and Refugee Board of Canada, Serbie : information sur les vendettas menées par des Albanais d'origine; protection de l'État et services de soutien offerts aux victimes de vendettas; poursuites judiciaires intentées dans le cas de crimes liés à des vendettas (2012-mars 2014), 2 April 2014, SRB104821.EF , available at: https://www.refworld.org/docid/538c434c4.html [accessed 21 May 2023]
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1. Tradition des vendettas

Des sources signalent que les vendettas [gyakmarrja, gyakmarrya, gjakmarrya, et gjakmarrja en albanais, et krvna osveta en serbe] font partie intégrante d'une tradition vieille de plusieurs siècles chez les Albanais d'origine, en particulier dans le Nord de l'Albanie et au Kosovo (IMIR 2004, 2; Malcolm 1998, 19-20). Les règles des vendettas sont présentées dans le Kanun of Lek Dukagjin [aussi appelé le Kanun ou le Code], un ensemble de lois coutumières qui datent au moins du XVe siècle (IMIR 2004, 2; Malcolm 1998, 17). Selon le Kanun, lorsque l'honneur d'un homme subit un affront grave, sa famille a le droit de tuer la personne à l'origine de cet affront (IMIR 2004, 2; Malcolm 1998, 18-20). Toutefois, après un tel meurtre, la famille de la victime peut se venger en prenant pour cible les hommes de la famille du tueur, déclenchant peut-être ainsi un cycle de meurtres par représailles entre les familles (IMIR 2004, 2; Malcolm 1998, 19-20).

Les règles relatives aux vendettas interdisent de tuer quelqu'un dans sa maison; certains hommes s'isolent donc dans leur domicile pour fuir le danger (IMIR 2004, 2; Clark 2000, 60; AFP 11 juill. 2011). Les vendettas peuvent être interrompues temporairement si la famille de la victime accorde à la famille du tueur un besa, un serment de sécurité d'une durée déterminée (IMIR 2004, 12; AFP 11 juill. 2011). D'après une étude effectuée par le International Centre for Minority Studies and Intercultural Relations (IMIR), une ONG de Sofia qui promeut la coexistence interculturelle, interethnique et interreligieuse dans les Balkans (IMIR s.d.), un besa peut garantir la sécurité pour une période allant d'une semaine à six mois (ibid. 2004, 12). Lorsque la période du besa est terminée, les hommes de la famille peuvent être en sécurité uniquement s'ils restent à l'intérieur de leur domicile (AFP 11 juill. 2011; IMIR 2004, 2) jusqu'à ce qu'un autre besa soit obtenu (ibid., 12).

2. Fréquence des vendettas en Serbie

Deux sources signalent que les Albanais d'origine dans le Sud de la Serbie mènent des vendettas depuis longtemps (Partners Serbia 25 mars 2014; KCSS 28 mars 2014). Dans une communication écrite envoyée à la Direction des recherches, une représentante de Partners for Democratic Change Serbia (Partners Serbia), organisation de la société civile qui mène ses activités [traduction] « dans les domaines de la primauté du droit, de la démocratie et des droits de la personne, du mode alternatif de règlement des conflits, du changement et de la gestion des conflits, et de la lutte contre la discrimination » (Partners Serbia s.d.), a exprimé ses opinions et points de vue personnels sur les vendettas en Serbie en s'appuyant sur des reportages dans les médias et son travail auprès du Tribunal international pour l'ex-Yougoslavie (ibid. 25 mars 2014). Elle a dit qu'en Serbie, seules les communautés d'Albanais d'origine dans le Sud de la Serbie mèneraient des vendettas, et que l'influence des vendettas dans cette région diminue (ibid.). Dans une communication écrite envoyée à la Direction des recherches, un chercheur du Kosovar Centre for Security Studies (KCSS), ONG de Pristina qui effectue des recherches sur des questions liées à la sécurité, à la justice et à la primauté du droit (KCSS s.d.), a expliqué que, même si c'est dans le Nord de l'Albanie et au Kosovo que le Code de Leke Dukagjini a la plus grande influence, les vendettas posent également problème dans la vallée de Presevo - les régions du Sud de la Serbie où vivent les Albanais comprennent Presevo, Bujanovac et Medvedja - en raison des interactions avec le Kosovo et des traces de l'influence du Kanun dans la région (ibid. 28 mars 2014). Selon le Minority Rights Group International (MRG), il y a environ 60 000 Albanais en Serbie, et la majorité d'entre eux vivent principalement dans la vallée de Presevo, qui est décrite comme la partie sud du pays adjacente au Kosovo (MRG juill. 2008).

Dans une communication écrite envoyée à la Direction des recherches, la présidente du Comité Helsinki pour les droits de l'homme, ONG de Belgrade qui vise notamment à résoudre les conflits afin de s'attaquer aux conséquences des violations des droits de la personne et de la répression exercée par l'État dans les régions multiethniques de la Serbie, y compris dans le Sud du pays (Comité Helsinki s.d.), a déclaré que les vendettas ne constituaient pas un problème en Serbie à l'heure actuelle (ibid. 31 mars 2014). Elle a dit qu'il y avait quelques vendettas non réglées qui remontaient à une vingtaine d'années et qui étaient principalement liées à des différends fonciers (ibid.).

Deux médias serbes font état du fait que, en avril 2012, un homme a été tué dans une rue de Bujanovac en raison d'une vendetta qui remontait à 1978, année où la victime aurait tué le frère du meurtrier et blessé le père de ce dernier (B92 11 avr. 2012; Vesti 13 avr. 2012). Un porte-parole de la police de Vranje, qui a été cité par le média serbe B92, a dit que le suspect était resté sur les lieux du crime et qu'il avait été mis en détention par la police (11 avr. 2012). La victime et le meurtrier étaient tous deux originaires du village de Neselce, situé dans le Sud de la Serbie (B92 11 avr. 2012; Vesti 13 avr. 2012). L'auteur du crime était en visite de la Suisse lorsqu'il aurait vu par hasard l'assassin de son frère à Bujanovac et aurait décidé de le tuer pour se venger du meurtre de son frère commis en 1978 (B92 11 avr. 2012; Vesti 13 avr. 2012).

Selon un article que le média serbe Vesti a publié sur le meurtre commis à Bujanovac dans le cadre d'une vendetta, on croyait qu'il n'y avait plus de vendettas à Bujanovac avant ce meurtre (Vesti 13 avr. 2012). La même source souligne qu'en avril 2012, aucun cas de crime grave lié à une vendetta n'avait été porté à l'attention de la police de Vranje (ibid.). Parmi les sources qu'elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n'a trouvé aucun renseignement allant dans le même sens que ceux présentés ci-dessus.

Au dire de la représentante de Partners Serbia, la confiance du public envers l'appareil judiciaire est limitée en raison de [traduction] « [son] inefficacité, des longs processus et des mauvaises politiques en matière de sanctions »; par conséquent, il y a encore des cas en Serbie où les gens veulent obtenir justice en tuant le meurtrier d'un des membres de leur famille (Partners Serbia 25 mars 2014). Elle a fait état d'un cas en juillet 2013 où le père d'une victime de meurtre a tué le père de la jeune femme qui a assassiné son fils (ibid.). Parmi les sources qu'elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n'a trouvé aucun autre renseignement concernant ce cas.

En outre, la Direction des recherches n'a trouvé aucune statistique sur les vendettas ni aucun autre exemple de vendetta en Serbie. Cependant, certaines sources précisent que les vendettas ne font pas toutes l'objet de reportages dans les médias (KCSS 28 mars 2014; Partners Serbia 25 mars 2014). Selon la représentante de Partners Serbia, les médias couvrent uniquement les vendettas de grande importance, ou celles qui revêtent un caractère politique ou social majeur (Partners Serbia 25 mars 2014).

3. Causes des vendettas

L'historien Noel Malcolm a écrit dans son livre intitulé Kosovo: A Short History, qui a été publié en 1998 par la New York University Press, que [traduction] « traiter [un homme] de menteur devant d'autres hommes, insulter sa femme, prendre ses armes ou porter atteinte à son hospitalité » constituent quelques-uns des affronts à l'honneur présentés dans le Kanun qui peuvent déclencher une vendetta (Malcolm 1998, 18).

Par ailleurs, d'après le chercheur du KCSS, outre les meurtres, les actions suivantes peuvent déclencher des vendettas dans le Sud de la Serbie :

les différends fonciers;

les attaques à l'honneur, comme le fait d'insulter une personne en public;

les injures à l'endroit de l'épouse d'un homme;

les vols et les vols qualifiés;

les blessures résultant d'incidents violents, comme les agressions à l'arme blanche ou les fusillades (KCSS 28 mars 2014).

Le chercheur a aussi déclaré que, souvent, les attaques qui sont liées à une vendetta et où il y a des blessés ne sont pas signalées aux autorités parce que les Albanais ne font pas confiance aux autorités serbes ou parce qu'une famille préfère se venger de la personne qui a commis le crime plutôt que de la voir en prison (ibid.). Parmi les sources qu'elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n'a trouvé aucun renseignement allant dans le même sens que ceux présentés ci-dessus.

4. Réconciliation dans un cas de vendetta

Des sources précisent que la réconciliation dans un cas de vendetta en Albanie et au Kosovo nécessite souvent la médiation par un tiers, par exemple un aîné (IMIR 2004, 11-12; Partners Kosova s.d.a). L'IMIR explique que le rôle de conciliateur est souvent transmis de père en fils dans les familles, et que nombre de conciliateurs sont des professeurs ou des intellectuels (IMIR 2004, 11-12). Le conciliateur [ou l'aîné (Partners Kosova s.d.a.)] rend visite aux deux familles, souvent à plusieurs reprises, afin de parvenir à une entente pour mettre fin à la vendetta (ibid.; IMIR 2004, 12). Parmi les sources qu'elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n'a trouvé aucun renseignement sur la façon d'aboutir à une réconciliation dans un cas de vendetta dans le Sud de la Serbie.

Au dire de la représentante de Partners Serbia, au Kosovo et en Serbie, on considère que les vendettas sont propres à la culture des Albanais d'origine; ainsi, les autres membres de la collectivité hésitent à intervenir (Partners Serbia 25 mars 2014).

Des sources font remarquer que, dans les années 1990, Anton Çetta, un professeur de l'Université de Pristina, a mené un mouvement de réconciliation à grande échelle pour mettre fin aux vendettas au Kosovo (IMIR 2004, 10; Malcolm 1998, 20). Des sources précisent qu'il a été mis fin à environ 1 200 vendettas durant cette période (IMIR 2004, 10; Kosovo 13 sept. 2013). Des sources soulignent aussi que seules quelques vendettas étaient encore en cours avant le début de la guerre au Kosovo en 1999 (Clark 2000, 63; Kosovo 13 sept. 2013). La représentante de Partners Serbia s'est dite d'avis que le mouvement d'Anton Çetta avait probablement eu une grande influence sur les Albanais du Sud de la Serbie et du Kosovo, car ils entretiennent de solides relations (Partners Serbia 25 mars 2014). Le chercheur du KCSS soutient que le mouvement de réconciliation d'Anton Çetta visait aussi le Sud de la Serbie, mais qu'il a été de faible portée en raison de l'accès limité à la région (KCSS 28 mars 2014). Il a également soutenu que le Sud de la Serbie n'était pas prioritaire, étant donné que les vendettas y étaient moins nombreuses qu'au Kosovo (ibid.). Il a ajouté que les cas de vendettas qui ont été réglés dans le Sud de la Serbie grâce au mouvement d'Anton Çetta avaient principalement cours dans des villages adjacents au Kosovo (ibid.).

5. Protection de l'État et services offerts aux personnes impliquées dans des vendettas

Parmi les sources qu'elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n'a trouvé aucun renseignement sur la protection de l'État et les services offerts particulièrement aux victimes de vendettas dans le Sud de la Serbie.

6. Poursuites judiciaires intentées dans le cas de vendettas

D'après le chercheur du KCSS, la personne qui a commis le meurtre à Bujanovac en 2012 a été traduite en justice conformément aux lois serbes (KCSS 28 mars 2014). Parmi les sources qu'elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n'a trouvé aucun renseignement sur la peine infligée au meurtrier.

L'article 113 du code criminel de la Serbie prévoit une peine allant de cinq à quinze ans de prison dans le cas d'un meurtre (Serbie 2009, art. 113). L'article 114 du code criminel vise notamment les meurtres commis dans le but d'assouvir une [traduction] « vengeance implacable », ce qui constitue une circonstance « aggravante », et prévoit une peine minimale de 10 ans d'emprisonnement et une peine maximale de 30 à 40 ans d'emprisonnement (ibid., art. 114).

Cette réponse a été préparée par la Direction des recherches à l'aide de renseignements puisés dans les sources qui sont à la disposition du public, et auxquelles la Direction des recherches a pu avoir accès dans les délais fixés. Cette réponse n'apporte pas, ni ne prétend apporter, de preuves concluantes quant au fondement d'une demande d'asile. Veuillez trouver ci-dessous les sources consultées pour la réponse à cette demande d'information.

Références

Agence France-Presse (AFP). 11 juillet 2011. Ismet Hajdari. « Blood Feud Cripples Lives in Kosovo ». (Factiva)

B92 [Belgrade]. 11 avril 2012. « Ethnic Albanians Involved in Suspected Blood Feud Murder ». [Date de consultation : 18 mars 2014]

Clark, Howard. 2000. Civil Resistance in Kosovo. London and Sterling, Virginie : Pluto Press.

Comité Helsinki pour les droits de l'homme. 31 mars 2014. Communication écrite envoyée à la Direction des recherches par la présidente.

_____. S.d. « The Helsinki Committee: Mission and Strategy ». [Date de consultation : 1er avr. 2014]

International Centre for Minority Studies and Intercultural Relations (IMIR). 2004. Tanya Mangalakova. The Kanun in Present-Day Albania, Kosovo, and Montenegro. [Date de consultation : 31 mars 2014]

_____. S.d. « Who We Are ». [Date de consultation : 1er avr. 2014]

Kosovar Center for Security Studies (KCSS). 28 mars 2014. Communication écrite envoyée à la Direction des recherches par un chercheur.

_____. S.d. « About Us ». [Date de consultation : 1er avr. 2014]

Kosovo. 13 septembre 2013. Communication écrite envoyée à la Direction des recherches par un représentant de l'Ombudsman Institution.

Malcolm, Noel. 1998. Kosovo: A Short History. New York : New York University Press.

Minority Rights Group International (MRG). Juillet 2008. « Albanians ». World Directory of Minorities and Indigenous Peoples. [Date de consultation : 19 mars 2014]

Partners Kosova. S.d. « Case Study: Alternative Dispute Resolution and Blood Feuds ». [Date de consultation : 31 mars 2014]

Partners for Democratic Change Serbia (Partners Serbia). 25 mars 2014. Communication écrite envoyée à la Direction des recherches par une représentante.

_____. S.d. « About the Organization ». [Date de consultation : 1er avr. 2014]

Serbie. 2009. Criminal Code. [Date de consultation : 18 mars 2014]

Vesti. 13 avril 2012. « Povratak Krvne Osvete u Bujanovcu ». [Date de consultation : 18 mars 2014]

Autres sources consultées

Sources orales : Les tentatives faites pour joindre les représentants suivants dans les délais voulus ont été infructueuses : Humanitarian Law Centre; Organization for Security and Co-operation in Europe (OSCE) Mission to Serbia; Serbie - ambassade de Serbie à Ottawa, Coordinating Body for the Municipalities of Presevo, Bujanovac and Medvedja, Ministry of Interior, Ombudsman, Vranje Police; Victimilogy Society of Serbia; Youth Initiative for Human Rights. Des représentants du YUCOM-Lawyers Committee for Human Rights, de la police de Presevo et de la police de Vranje, ainsi qu'un professeur n'ont pas pu fournir de renseignements.

Sites Internet, y compris : Amnesty International; Balkan Human Rights Network; ecoi.net; Factiva; Humanitarian Law Centre; legislationline.org; Nations Unies - Refworld; Radio Free Europe/Radio Liberty; Serbie - Embassy of the Republic of Serbia in Ottawa, Coordinating Body for the Municipalities of Presevo, Bujanovac and Medvedja, Ministry of Interior, Municipality of Bujanovac, Municipality of Mevedja, Municipality of Presevo Ombudsman; US Department of State Country Reports on Human Rights Practices; Victimology Society of SerbiaYouth Initiative for Human Rights; YUCOM-Lawyers Committee for Human Rights.

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