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Rwanda : information sur le processus de réclamation des propriétés par des personnes ayant perdu leurs parents pendant le génocide de 1994 et les lois qui y sont reliées; informations indiquant s'il existe des obstacles aux réclamations des propriétés, y compris les mauvais traitements infligés à ceux qui tentent de réclamer leurs propriétés; protection offerte aux victimes; information indiquant si le fait de prendre possession d'une terre abandonnée pendant le génocide est considéré comme un crime

Publisher Canada: Immigration and Refugee Board of Canada
Publication Date 10 May 2010
Citation / Document Symbol RWA103432.F
Cite as Canada: Immigration and Refugee Board of Canada, Rwanda : information sur le processus de réclamation des propriétés par des personnes ayant perdu leurs parents pendant le génocide de 1994 et les lois qui y sont reliées; informations indiquant s'il existe des obstacles aux réclamations des propriétés, y compris les mauvais traitements infligés à ceux qui tentent de réclamer leurs propriétés; protection offerte aux victimes; information indiquant si le fait de prendre possession d'une terre abandonnée pendant le génocide est considéré comme un crime, 10 May 2010, RWA103432.F, available at: https://www.refworld.org/docid/4e439adf2.html [accessed 25 May 2023]
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Aperçu de la problématique foncière impliquant les orphelins

Plusieurs sources consultées par la Direction des recherches ont signalé qu'à la suite de la mort de leurs parents pendant le génocide de 1994, des orphelins de partout au pays auraient vu la propriété dont ils devaient hériter être prise par leurs proches, leurs tuteurs, leurs voisins ou les autorités (The New Times 19 déc. 2009; LDGL 19 avr. 2010; Rose 2005, 916). D'après un article publié par The New Times de Kigali, un rapport rédigé par différents organismes, dont les ministères de la Justice et du Gouvernement local, le procureur national, le bureau de l'ombudsman, IBUKA, une association sans but lucratif d'aide aux rescapés du génocide (IBUKA s.d.), et la Commission nationale de lutte contre le génocide (CNLG), aurait signalé que des autorités de districts auraient fait construire des Imudugudu, [ou villages, (Nations Unies 2009, 7)]sur des terres appartenant aux orphelins sans toutefois les dédommager (The New Times 19 déc. 2009). Par exemple, selon un article publié le 30 juillet 2006 par la Ligue des droits de l'homme dans la région des Grands Lacs (LDGL), en 1998, lors de l'aménagement du secteur de Masaka, lequel est situé dans le district de Kicukiro, dans la ville de Kigali, les autorités auraient exproprié quelques orphelins du génocide de 1994 sans les indemniser. Selon le rapport officiel cité par The New Times, en décembre 2009, on aurait dénombré 543 cas d'orphelins du génocide qui auraient été spoliés par des individus ou des autorités (19 déc. 2009). Parmi les sources qu'elle a consultées, la Direction des recherches n'a pas trouvé d'autres statistiques sur les conflits fonciers impliquant des orphelins au Rwanda.

Les lois

Les droits des enfants à la terre et aux propriétés sont établis par la loi coutumière et plusieurs instruments juridiques, dont la loi n° 2/99 relative aux régimes matrimoniaux, aux libéralités et aux successions, la loi n° 27/2001 relative aux droits et à la protection de l'enfant contre les violences (Rose 2005, 920) et la loi organique portant régime foncier au Rwanda (Rwanda 2005). L'article 50 de la loi no 2/99 prévoit que « tous les enfants légitimes du de cujus en vertu des lois civiles succèdent par parts égales sans discrimination aucune entre les enfants de sexe masculin et ceux de sexe féminin » (Rwanda 1999). D'après un article publié par une chercheuse en anthropologie et basé sur des recherches ayant été effectuées sur le terrain entre 1995 et 2004, la loi prévoit que les mineurs doivent être représentés par un tuteur adulte; cependant, elle ne prévoit pas d'autres possibilités dans le cas où le tuteur ne protège pas les droits de propriété du mineur en question (Rose 2005, 923). De plus, la chercheuse souligne que les enfants légitimes ont plus de droits que les enfants nés hors mariage (ibid., 922). La chercheuse affirme que les lois et les règlements en place [traduction] « n'offrent pas une protection suffisante pour défendre les droits à la terre des orphelins ou ne sont pas appliqués » (ibid., 914). Cependant, d'après un article publié par Afrik.com en 2008, des orphelins du génocide de 1994 auraient pu obtenir des terres grâce à la loi sur l'héritage adoptée par le gouvernement du Rwanda en 1999.

Aux niveaux régional et international, le Rwanda a signé quelques ententes, dont la Convention relative aux droits de l'enfant et la Charte africaine sur les droits et le bien-être de l'enfant (Rose 2005, 920).

Processus de réclamation des terres et problèmes rencontrés

Au cours d'un entretien téléphonique avec la Direction des recherches le 19 avril 2010, une représentante de la LDGL a expliqué que, pour réclamer les propriétés laissées par leurs parents, les orphelins peuvent s'adresser aux autorités locales, aux tribunaux ou aux comités traditionnels de réconciliation communément appelés abunzi. Ils ne doivent pas présenter leurs problèmes devant les Gacaca, lesquels sont des tribunaux spéciaux mis en place pour juger « les personnes impliquées dans le génocide » (LDGL 19 avr. 2010). La représentante de la LDGL a ajouté que son organisation n'a jamais eu connaissance d'un cas où une personne aurait été considérée comme un criminel du seul fait de prendre possession d'une terre abandonnée durant le génocide (ibid.).

D'après l'article publié par la chercheuse en anthropologie, les autorités locales ont quelquefois refusé de remettre des terres à des orphelins, car un trop grand nombre de rapatriés en avaient besoin (Rose 2005, 922). Dans un document non daté portant sur les droits fonciers des femmes au Rwanda et publié par une professeure associée du département d'anthropologie de l'Université de Louisville des États-Unis (University of Louisville s.d.) et l'organisation non gouvernementale (ONG) Initiative du Rwanda pour le développement durable (Rwanda Initiative for Sustainable Development ? RISD), on peut lire que traditionnellement, le Rwanda protège les groupes vulnérables, dont les orphelins, en prenant notamment des précautions pour leur assurer l'accès à une terre (Burnet et RISD s.d.). Cependant, le contexte de l'après-guerre aurait engendré des besoins énormes, faisant en sorte que [traduction] « dans certains cas, les veuves, les orphelins et d'autres personnes vulnérables sont privés de leurs droits culturels et légaux à la terre » (ibid.). La représentante de la LDGL a expliqué que parmi les problèmes auxquels font face les orphelins lorsqu'ils réclament leur propriété, on compte le fait que leur tuteur a parfois déjà vendu les propriétés de leurs parents et le fait que les propriétés peuvent avoir été prises par d'autres personnes, telles que des voisins, des dirigeants locaux ou des hauts dignitaires, « qui, refusant de restituer leurs terres, profèrent des menaces, intimidations, voire les agressent » (LDGL 19 avr. 2010). De son côté, la chercheuse en anthropologie a affirmé que leurs tuteurs, qui sont sensés défendre leurs droits devant les autorités locales et les tribunaux, n'assument pas cette responsabilité ou s'emparent eux-mêmes des terres (Rose 2005, 927). Ainsi, un article publié par Syfia Grands Lacs le 12 février 2010 a signalé le cas d'un orphelin de 19 ans, rescapé du génocide de 1994, en conflit avec son oncle parce que ce dernier aurait fait enregistrer toutes les terres de la famille en son nom après la mort des parents du garçon. D'après la chercheuse en anthropologie, beaucoup d'orphelins ne sont pas en mesure de défendre eux-mêmes leurs droits, et la plupart d'entre eux se voient refuser l'accès aux autorités locales et aux tribunaux lorsqu'ils ne sont pas accompagnés d'un tuteur (Rose 2005, 914, 924). De plus, plusieurs orphelins qui auraient obtenu gain de cause devant les tribunaux n'auraient pu, dans les faits, accéder à leurs terres, car ils manquaient de ressources financières et de soutien de la part des autorités locales (ibid., 929). Le coût des procédures légales constitue également un obstacle à la réclamation des terres; dans certains cas, des pots-de-vin auraient été demandés par des juges ou des représentants des autorités locales afin de traiter une affaire ou de rendre une décision favorable (ibid., 930).

La chercheuse en anthropologie souligne que les orphelins plus âgés obtiennent plus facilement gain de cause que les plus jeunes lorsqu'ils se présentent devant les instances administratives et judiciaires; les orphelins de père et de mère rencontreraient plus de difficultés que ceux qui ont perdu un seul parent (Rose 2005, 926). Toutefois, selon la chercheuse, les orphelins bénéficiant de l'assistance d'un avocat trouveraient généralement du succès (ibid.). La chercheuse conclut cependant que peu d'orphelins ont pu se prévaloir de leurs droits à la terre (ibid., 914).

En ce qui a trait à la dimension ethnique, selon la représentante de la LDGL, il n'y aurait pas de problème d'ethnicité dans les conflits fonciers impliquant les orphelins (LDGL 19 avr. 2010). Toutefois, d'après la chercheuse en anthropologie, certains orphelins hutus auraient été spoliés par des rapatriés tutsis (Rose 2005, 926). De plus, parlant des problèmes rencontrés par des orphelins dont les tuteurs étaient d'une autre origine ethnique, la chercheuse a mentionné un cas où des orphelins d'origine tutsie auraient été privés des terres qui appartenaient à leur mère par leur belle-mère d'origine hutue (ibid.). Parmi les sources qu'elle a consultées, la Direction des recherches n'a pas trouvé d'autre information allant en ce sens.

Protection offerte aux victimes

La représentante de la LDGL a affirmé que plusieurs organisations gouvernementales et ONG viennent en aide aux orphelins (19 avr. 2010). L'une des principales ONG qui assistent les orphelins dans les conflits fonciers est IBUKA, dont le nom signifie « souvenir », qui a été créée par les rescapés du génocide et qui est composée de différentes catégories de membres dont des orphelins (LDGL 19 avr. 2010; GAERG s.d.). IBUKA offre des services variés, notamment « de l'aide psychologique, des soins médicaux, de la scolarisation des orphelins du génocide, de l'assistance judiciaire et un service de soutien à la recherche du logement » (LDGL 19 avr. 2010). Cette ONG organise également des campagnes de sensibilisation et des ateliers de formation sur divers sujets, y compris des problèmes ethniques et fonciers (ibid.). Par ailleurs, sur le site Internet du ministère de l'Administration locale, de la Bonne gouvernance, du Développement communautaire et des Affaires sociales (Ministry of Local Government, Good Governance, Community Development and Social Affairs - MINALOC) de la république du Rwanda, on peut lire que ce ministère dispose d'un département consacré aux survivants du génocide de 1994, entre autres aux orphelins (Rwanda s.d.). Ce département vise notamment à faciliter la réinsertion sociale des survivants du génocide (ibid.). Parmi les sources qu'elle a consultées, la Direction des recherches n'a pas trouvé d'autre information sur le rôle de ce département.

Cette réponse a été préparée par la Direction des recherches à l'aide de renseignements puisés dans les sources qui sont à la disposition du public, et auxquelles la Direction des recherches a pu avoir accès dans les délais fixés. Cette réponse n'apporte pas, ni ne prétend apporter, de preuves concluantes quant au fondement d'une demande d'asile. Veuillez trouver ci-dessous les sources consultées pour la réponse à cette demande d'information.

Références

Afrik.com. 5 juillet 2008. « Droits fonciers : le combat des femmes africaines ». (Emory University School of Law) [Date de consultation : 14 avr. 2010]

Burnet, Jennie E. et Rwanda Initiative for Sustainable Development (RISD). S.d. « Women's Land Rights in Rwanda ». [Date de consultation : 11 mars 2010]

Groupes des anciens étudiants rescapés du génocide (GAERG). S.d. « Ibuka ». [Date de consultation : 22 avr. 2010]

IBUKA. S.d. « Qui sommes-nous? ». [Date de consultation : 3 mai 2010]

Ligue des droits de la personne dans la région des Grands Lacs (LDGL). 19 avril 2010. Entretien téléphonique avec une représentante.

_____. 30 juillet 2006. B. Uzaramba. « Rwanda : les autorités de Masaka ignorent que des orphelins ont été dépouillés ». [Date de consultation : 15 mars 2010]

Nations Unies. 2009. Organisation mondiale de la santé (OMS). Laurent Musango, Ole Doetinchem et Guy Carrin. De la mutualisation du risque maladie à l'assurance maladie universelle : expérience du Rwanda. (HSS/HSF/DP.F.09.1) [Date de consultation : 19 avr. 2010]

The New Times [Kigali]. 19 décembre 2009. Edmund Kagire. « Rwanda: Ibuka Reclaims Orphans' Assets ». (AllAfrica.com) [Date de consultation : 24 févr. 2010]

Rose, Laurel L. 2005. « Orphans' Land Rights in Post-War Rwanda: The Problem of Guardianship ». Development and Change, vol. 36, n°5. (Wiley Interscience) [Date de consultation : 11 mars 2010]

Rwanda. 2005. Loi organique n°08/2005 portant rigime foncier au Rwanda. [Date de consultation : 4 mai 2010]

_____. 1999. Loi n°22/99 complétant le livre premier du code civil et instituant la cinquième partie relative aux régimes matrimoniaux, aux libéralités et aux successions. [Date de consultation : 4 mai 2010]

_____. S.d. Ministry of Local Governement, Good Governance, Community Development and Social Affairs (MINALOC). « Protection of Genocide Survivors ». [Date de consultation : 19 avr. 2010]

Syfia Grands Lacs. 12 février 2010. Albert -Baudoin Twizeyimana. « Rwanda : l'enregistrement des terres divise les Rwandais ». <<http://www.syfia-grands-lacs.info/index.php5?view=articles&action=voir&idArticle=1666> [Date de consultation : 8 avr. 2010]

University of Louisville. S.d. « Jennie E. Burnet, Assistant Professor ». [Date de consultation : 16 avr. 2010]

Autres sources consultées

Sources orales : Les tentatives faites pour joindre les représentants de l'organisation non gouvernementale (ONG) IBUKA, du ministère de l'Administration locale, de la Bonne Gouvernance, du Développement communautaire et des Affaires sociales (MINALOC) ainsi que de la ville de Kigali ont été infructueuses.

Sites Internet, y compris : Agence rwandaise d'information (ARI), États-Unis - Department of State, États-Unis - United States Agency for International Development (USAID), Fondation Hirondelle, Forest Peoples Programme (FPP), Global Development Network (GDN), International Displacement Monitoring Centre (IDMC), Japan International Cooperation Agency Research Institute (JICA?RI), Nations Unies - Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF), Nations Unies - Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), Nations Unies - Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), Nations Unies - Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), Orphans and other Vulnerable Children Organization (OVC), Overseas Development Institute (ODI), Rwanda - Office rwandais d'information (ORINFOR), Search for Common Ground (SFCG), Survivors Fund (SURF).

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