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Afghanistan : information sur l'acquisition du statut de veuve, tant social que juridique, quand le mari adisparu ou est présumé mort; répercussions de la réapparition du premier mari sur le statut d'une femme remariée; possibilité de divorcer d'un premier mari qui a disparu depuis des années (2003-2006)

Publisher Canada: Immigration and Refugee Board of Canada
Author Direction des recherches, Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada, Ottawa
Publication Date 2 March 2007
Citation / Document Symbol AFG101116.EF
Cite as Canada: Immigration and Refugee Board of Canada, Afghanistan : information sur l'acquisition du statut de veuve, tant social que juridique, quand le mari adisparu ou est présumé mort; répercussions de la réapparition du premier mari sur le statut d'une femme remariée; possibilité de divorcer d'un premier mari qui a disparu depuis des années (2003-2006), 2 March 2007, AFG101116.EF, available at: https://www.refworld.org/docid/469cda3f1e.html [accessed 29 May 2023]
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Veuvage en Afghanistan

L'Institut de reportage de guerre et de paix (Institute of War and Peace Reporting – IWPR), sans donner de détails, a signalé en 2003 que l'Afghanistan est le pays où le nombre de veuves est le plus élevé au monde (IWPR 8 oct. 2003). En mai 2006, le bureau de Kaboul de l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) a estimé le nombre des veuves en Afghanistan à plus d'un million (15 mai 2006). Au cours du mois précédent, le Fonds de développement des Nations Unies pour la femme (UNIFEM) a estimé à plus de deux millions le nombre de [traduction] « veuves de guerre » dans le pays (11 avr. 2006) et entre 30 000 à 50 000 le nombre de veuves vivant dans la capitale, Kaboul (Nations Unies s.d., 1). La plupart des femmes sont devenues veuves par suite des deux décennies de conflit armé en Afghanistan, au cours desquelles de nombreux hommes ont été tués ou ont disparu (ibid.; OIM 15 mai 2006, 1; IWPR 8 oct. 2003). Une faible espérance de vie et des mariages précoces en Afghanistan font que les femmes deviennent souvent veuves au cours de la vingtaine et de la trentaine (ibid.; Nations Unies 15 févr. 2006, paragr. 28).

Système judiciaire et statut de veuve

Le système de justice en Afghanistan comprend la Cour suprême, les hautes cours provinciales et les cours de district (ibid., paragr. 48). Cependant, dans certaines régions, il est pratiquement inexistant, à cause de la guerre civile (ibid.). Là où le système juridique fonctionne et quand les tribunaux ne peuvent trouver aucune disposition constitutionnelle visant une cause particulière, selon la constitution, ils doivent prendre des décisions en respectant le droit islamique (Afghanistan 3 janv. 2004, art. 130; voir aussi ibid. 13 juill. 2006). En ce qui concerne les membres de la secte musulmane chiite, quand il est impossible de régler une cause par application de la constitution ou d'autres lois, les tribunaux doivent la régler en vertu des lois de cette secte (Afghanistan 3 janv. 2004, art. 131). Aucune information sur la période d'attente exigée par les musulmans chiites avant que le conjoint d'une personne disparue ne puisse se remarier n'a été trouvée parmi les sources consultées par la Direction des recherches dans les délais prescrits pour cette réponse.

L'IWPR indique qu'en septembre 2003, après consultation auprès d'un groupe d'érudits religieux, la Cour suprême de l'Afghanistan a décidé qu'une femme pouvait se remarier si son mari avait été porté disparu depuis plus de quatre ans et qu'il était présumé mort (8 oct. 2003; voir aussi É.-U. 8 mars 2006, sect. 5). L'IWPR souligne que la décision de la Cour suprême s'éloigne des préceptes islamiques sunnites de l'école hanafite selon lesquels la femme d'un homme porté disparu ne peut se remarier qu'après une période d'attente de soixante-dix ans et se rapproche plutôt des préceptes de l'école islamique sunnite malékite pour laquelle la période d'attente est de quatre ans (8 oct. 2003).

Dans une entrevue accordée à la Direction des recherches, le sous-ministre de la Justice de l'Afghanistan a expliqué que la femme dont le mari est porté disparu peut obtenir un certificat de déclaration de décès en en faisant la demande au tribunal (Afghanistan 13 juill. 2006; Widows for Peace and Democracy 21 juin 2006). Ainsi, elle deviendrait officiellement veuve et aurait le droit de se remarier (IWPR 8 oct. 2003). Conformément à la décision de la Cour suprême, une preuve du décès du mari n'est pas nécessaire (ibid.).

Le sous-ministre de la Justice de l'Afghanistan a expliqué que, lorsque le mari disparaît, l'épouse doit s'en remettre au témoignage de témoins, comme des voisins, des amis ou des membres de la famille du mari, pour convaincre le tribunal de sa disparition (Afghanistan 13 juill. 2006). Une fois un avis officiel de décès obtenu au tribunal, la veuve peut toucher son héritage, qui représente un quart de la succession du mari si le couple n'a pas d'enfant et un huitième de la succession si le couple en a (ibid.).

La coordonnatrice de Veuves pour la paix et la démocratie (Widows for Peace and Democracy), réseau Internet d'organisations de défense des droits des veuves (WRI s.d.) établi en Angleterre et travaillant en collaboration avec des organismes partenaires travaillant sur les droits des veuves en Afghanistan, a indiqué dans une communication écrite envoyée à la Direction des recherches qu'en règle générale, la société afghane considère [traduction] « honteux » le fait de demander au tribunal un avis de décès d'un mari (Widows for Peace and Democracy 21 juin 2006). Selon cette coordonnatrice, très peu de femmes essaient d'obtenir un avis de décès, car ce geste est perçu comme un affront à la mémoire du mari disparu et des tiers pourraient l'interpréter comme le désir par la femme que son mari soit mort (ibid.).

Après une mission d'enquête de 2005, l'Institut Max Planck de droit privé international (Max Planck Institute for Foreign Private Law and Private International Law), établi à Hambourg, a estimé que 90 p. 100 des Afghans connaissaient ou comprenaient peu la loi (2005, 10). L'Institut citait l'exemple d'une femme ayant violé la loi et les principes islamiques car elle s'était remariée à la suite des quatre ans d'absence de son mari, sans avoir au préalable demandé au tribunal un avis officiel de décès (Max Planck Institute 2005, 10).

Selon la Rapporteuse spéciale des Nations Unies sur la violence contre les femmes, la prédominance des systèmes de justice parallèles informels en Afghanistan, dont la charia et le droit coutumier, sape la mise en ouvre cohérente des règles établies par le système juridique officiel et mine la protection offerte aux femmes (Nations Unies 15 févr. 2006, paragr. 33, 34, 37).

Perceptions et conséquences du remariage des veuves

Dans une communication écrite envoyée à la Direction des recherches, le directeur du projet à l'intention des veuves de CARE Canada en Afghanistan a expliqué que les obstacles culturels empêchent grandement les femmes de faire valoir leurs droits (CARE International Canada 22 juin 2006; IWPR 1 déc. 2005, 2). Ainsi, dans la société afghane, le divorce est rare, parce qu'il est considéré [traduction] « comme une pratique honteuse » (RFE/RL 27 janv. 2004; CARE International Canada 22 juin 2006). En outre, il est culturellement inacceptable pour un homme d'épouser une veuve (Nations Unies s.d., 1) ou pour une veuve de se remarier (CARE International Canada 22 juin 2006). Selon le directeur du projet à l'intention des veuves de CARE Canada, le harcèlement et [traduction] « le harcèlement » que subissent les veuves qui se remarient sont le fait non seulement de la société en général mais également de la famille du premier mari (ibid.).

Les familles empêcheraient leur belle-fille de se remarier après la disparition de leur fils, parce qu'elles devraient alors accepter sa mort (IWPR 8 oct. 2003). De même, les femmes qui se remarient perdent habituellement la garde de leurs enfants issus du premier mariage, même si CARE indique que, selon la constitution afghanne, les enfants doivent demeurer avec leur mère jusqu'à l'âge de sept ans (CARE International Canada 22 juin 2006).

Relations des femmes et des veuves avec la famille du mari

Dans une communication écrite envoyée à la Direction des recherches, le sous-directeur de CARE International pour l'Afghanistan a déclaré que le bien-être d'une veuve dépend en grande partie de la bonne volonté de la famille de son mari disparu ou décédé (29 juin 2006). Cependant, le nombre de veuves en Afghanistan aurait dépassé les capacités de l'infrastructure familiale, laquelle normalement prend soin d'elles, en l'absence du mari (EurasiaNet 11 avr. 2003; Nations Unies s.d., 1), tout particulièrement en milieu urbain (ibid., 2).

Selon la représentante de Veuves pour la paix et la démocratie, les femmes dont le mari est disparu sont très vulnérables, parce qu'on ne les considère ni comme des épouses ni comme des veuves (21 juin 2006). Ainsi, étant donné que les maris ont disparu mais non officiellement morts, ces femmes ne peuvent réclamer leur héritage à la famille de leur mari et elles n'ont pas le droit de demeurer au foyer conjugal (Widows for Peace and Democracy 21 juin 2006). Les jeunes épouses de maris disparus, parce qu'elles n'ont plus de protecteur masculin, sont aussi susceptibles d'être victimes de violences sexuelles, de viols, de grossesses forcées par des membres de la famille du mari ou par d'autres ou elles peuvent être forcées au concubinage avec ces personnes (ibid.).

Puisqu'une veuve est considérée comme la propriété de la famille de son mari, elle peut être forcée à contracter mariage par lévirat, pratique l'obligeant à épouser un parent proche de son défunt mari (Nations Unies 15 févr. 2006, paragr. 28). La Fondation juridique internationale (International Legal Foundation – ILF), organisme à but non lucratif établi à New York qui défend les droits des citoyens, et un article de journal indiquent que les communautés pachtounes pratiquent le mariage par lévirat (ILF sept. 2004, 16; RFE/RL 27 janv. 2004). Le document de l'ILF explique, à propos du droit coutumier d'Afghanistan, que même s'il n'y a pas de proche parent masculin, le remariage de la veuve demeure interdit hors de la tribu du mari (ILF sept. 2004, 16). Si un tel mariage hors tribu se produit, la tribu pourrait accuser le nouveau mari de rapt et lui imposer une amende (ibid.).

Retour du mari disparu

Au cours d'une entrevue avec la Direction des recherches, le sous-ministre de la Justice de l'Afghanistan a expliqué qu'au retour d'un mari disparu, la veuve qui a réussi à obtenir son héritage doit le rembourser (13 juill. 2006). Une femme ayant obtenu du tribunal un certificat de de décès et qui s'est remariée par la suite n'aurait pas à obtenir un divorce de son premier mari s'il revenait, et serait en mesure de poursuivre son mariage avec son deuxième mari (Afghanistan 13 juill. 2006). Une veuve désirant mettre un terme à son mariage avec son deuxième mari doit divorcer si elle veut revenir à son premier mari (ibid.). Cependant, les femmes qui réussissent à déposer au tribunal une demande de divorce s'exposent aux diatribes violentes et dissuasives des juges (Nations Unies 15 févr. 2006, paragr. 50).

Selon un article de l'Agence France-Presse (AFP) écrit par l'organisme Femmes selon la loi musulmane (WLUML), un coopérant en Afghanistan a affirmé que des femmes déclarées veuves sont emprisonnées pour avoir cherché à se remarier (21 sept. 2004). Le Département d'État (Department of State) des États-Unis indique que dans certains cas des maris disparus ont refait surface et, trouvant leur femme remariée à un autre, l'avaient fait emprisonner, parfois en les accusant de bigamie (8 mars 2006, sect. 5). Dans les faits, les comités religieux locaux règlent ce genre de situation souvent en permettant à la femme de demeurer avec son deuxième mari tout en offrant une compensation au premier mari, par exemple une autre épouse (CARE International Canada 22 juin 2006).

Cette réponse a été préparée par la Direction des recherches à l'aide de renseignements puisés dans les sources qui sont à la disposition du public, et auxquelles la Direction des recherches a pu avoir accès dans les délais prescrits. Cette réponse n'apporte pas, ni ne prétend apporter, de preuves concluantes quant au fondement d'une demande d'asile. Veuillez trouver ci-dessous la liste des autres sources consultées pour la réponse à cette demande d'information.

Références

Afghanistan. 3 janvier 2004. Ministère de la Justice. The Constitution of Afghanistan. [Date de consultation : 14 juill. 2006]
_____ . .13 juillet 2006. Entrevue avec le sous-ministre de la Justice.

Agence France-Presse (AFP). 21 septembre 2004. « Afghanistan: Women Rights Debate Kicks Up a Political Storm Ahead of Afghan Election ». (site Internet de Femmes selon la loi musulmane, WLUML) [Date de consultation : 14 juin 2006]

CARE International. 29 juin 2006. Communication écrite envoyée par le sous-directeur pour l'Afghanistan à Kaboul.

CARE International Canada. 22 juin 2006. Communication écrite envoyée par le directeur du projet d'assistance humanitaire aux femmes d'Afghanistan à Kaboul.

Danemark. Novembre 2004. Udlændingestyrelsen. The Political Conditions, the Security and Human Rights Situation in Afghanistan: Report on Fact-Finding Mission to Kabul, Afghanistan, 20 March – 2 April 2004. [Date de consultation : 12 juin 2006]

États-Unis. 8 mars 2006. Department of State. « Afghanistan ». Country Reports on Human Rights Practices for 2005. [Date de consultation : 14 juin 2006]
_____ . 28 février 2005. Department of State. « Afghanistan ». Country Reports on Human Rights Practices for 2004. [Date de consultation : 7 juill. 2006]

EurasiaNet. 11 avril 2003. « Women's Ministry Treads Cautiously in Promoting Gender Equality in Afghanistan ». [Date de consultation : 7 juill. 2006]

Institute of War and Peace Reporting (IWPR). 1er décembre 2005. Gawyar Nikpai. « Afghanistan: See You in Court ». [Date de consultation : 14 juin 2006]
_____ . 8 octobre 2003. Wahidullah Amani. « Islamic Ruling to Help War Widows ». [Date de consultation : 7 juill. 2006]

The International Legal Foundation (ILF). Septembre 2004. « The Customary Laws of Afghanistan ». [Date de consultation : 12 juin 2006]

Max Planck Institute for Foreign Private Law and Private International Law. 2005. Family Structures and Family Law in Afghanistan: A Report of the Fact-Finding Mission to Afghanistan January – March 2005. [Date de consultation : 12 juin 2006]

Nations Unies. 11 avril 2006. Fonds de développement des Nations Unies pour la femme (UNIFEM). Gender Profile of the Conflict in Afghanistan. [Date de consultation : 7 juill. 2006]
_____ . 15 février 2006. Conseil économique et social (ECOSOC). Report of the Special Rapporteur on Violence Against Women, its Causes and Consequences, Yakin Ertürk. Addendum: Mission to Afghanistan 9 to 19 July 2005. Integration of the Human Rights of Women and a Gender Perspective: Violence Against Women. (E/CN.4/2006/61/Add.5) [Date de consultation : 12 juin 2006]
_____ . S.d. Vol. 5. Fonds de développement des Nations Unies pour la femme (UNIFEM). « Gender Advocacy in Afghanistan ». [Date de consultation : 7 juill. 2006]

Organisation internationale pour les migrations (OIM). 15 mai 2006. New Lease of Life for Afghan War Widows. (site Internet de la Mission d'assistance des Nations Unies en Afghanistan, UNAMA) [Date de consultation : 12 juin 2006]

Radio Free Europe/Radio Liberty (RFE/RL). 27 janvier 2004. Farangis Najibullah. « Afghanistan: "Bad Marriages" Likely to Continue, Despite Violations of Women's Rights ». [Date de consultation : 14 juin 2006]

Widows for Peace and Democracy. 21 juin 2006. Communication écrite envoyée par une représentante.

Widows Rights International (WRI). S.d. « Background History of WRI ». [Date de consultation : 27 sept. 2006]

Autres sources consultées

Sources orales : La Commission indépendante de défense des droits de la personne de l'Afghanistan (Afghan Independent Human Rights Commission – AIHR), le projet sur la primauté du droit en Afghanistan (Afghanistan Rule of Law Project), la section de l'Afghanistan de la Fondation juridique internationale (International Legal Foundation) et un professeur de la faculté d'études orientales et africaines (School of Oriental and African Studies – SOAS) de l'Université de Londres n'ont pas fourni de renseignements dans les délais prescrits pour cette réponse.

Sites Internet, y compris : Amnesty International (AI); Christian Science Monitor; Division de la promotion de la femme des Nations Unies; États-Unis – Library of Congress; Human Rights Watch (HRW); Organisation internationale pour les migrations (OIM); Réseaux d'information régionaux intégrés (IRIN) des Nations Unies; Revolutionary Association of the Women of Afghanistan (RAWA); Royaume-Uni – Home Office, Immigration and Nationality Directorate (IND); UN Assistance Mission in Afghanistan (UNAMA).

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