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Liban : information sur le traitement réservé par la société aux époux qui ont contracté un mariage interreligieux, y compris lorsqu'une femme musulmane se marie avec un non-musulman; information sur la possibilité de réinstallation dans une région majoritairement chrétienne (2014-mars 2015)

Publisher Canada: Immigration and Refugee Board of Canada
Publication Date 27 March 2015
Citation / Document Symbol LBN105122.F
Related Document(s) Lebanon: Treatment by society of couples who enter into an interreligious marriage, including when a Muslim woman marries a nonMuslim man; the possibility of resettling in a predominantly Christian region (2014March 2015)
Cite as Canada: Immigration and Refugee Board of Canada, Liban : information sur le traitement réservé par la société aux époux qui ont contracté un mariage interreligieux, y compris lorsqu'une femme musulmane se marie avec un non-musulman; information sur la possibilité de réinstallation dans une région majoritairement chrétienne (2014-mars 2015), 27 March 2015, LBN105122.F, available at: https://www.refworld.org/docid/5649a1514.html [accessed 21 May 2023]
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1. Contexte social et traitement réservé aux époux qui ont contracté un mariage interreligieux

Dans un article publié par l'édition française du magazine d'information en ligne Slate, qui est détenu en partie par le groupe Washington Post (Slate.fr s.d.), on peut lire que la société libanaise est organisée selon un système politique et social fondé sur le confessionnalisme (Slate 3 nov. 2012). Des sources précisent que le partage du pouvoir entre les communautés s'effectue proportionnellement à la taille de chacune des dix-huit communautés religieuses du pays (ibid.; Moniovitch nov. 2013, 64). Dans son mémoire de maîtrise en sociologie de l'Université du Québec à Montréal, Anass Moniovitch écrit que le rapport de chaque citoyen du Liban avec l'État se fait par l'intermédiaire de sa communauté d'appartenance, déterminée selon sa naissance ou, plus rarement, par mariage (ibid., 71). De plus, chaque communauté définit ses propres règles pour encadrer les engagements entre ses membres, y compris celui du mariage (ibid.; Weber 2008, sect. 8).

Plusieurs sources affirment qu'au Liban, les mariages interreligieux sont mal vus (Al Jazeera 2 mai 2013; Moniovitch nov. 2013, 64; KAFA 12 mars 2015; professeure d'anthropologie 13 mars 2015). Dans une communication écrite envoyée à la Direction des recherches, une professeure en anthropologie interculturelle à l'Université Saint-Joseph de Beyrouth qui s'intéresse à la diversité culturelle et au multiconfessionnalisme au Liban a expliqué que les mariages interreligieux continuent d'être considérés comme une « transgression » (professeure d'anthropologie 13 mars 2015). Des auteurs affirment que, le partage du pouvoir politique entre les communautés étant proportionnel à la taille de chacune d'entre elles, tout mariage interreligieux est perçu comme un affaiblissement de la communauté d'origine des époux, puisqu'il peut concrétiser le départ d'un membre au profit d'une autre communauté (Weber 2008, sect. 13; Moniovitch nov. 2013, 64), le plus souvent, l'épouse rejoignant la communauté de son époux et, le moins souvent, l'époux rejoignant celle de son épouse (ibid.). Dans un article sur les couples islamo-chrétiens au Liban publié par les Presses de l'Institut français du Proche-Orient (IFPO), lesquelles « assurent la diffusion et la valorisation des recherches menées au sein des territoires scientifiques investis par l'Institut dans les sociétés du Proche-Orient » (Presses de l'IFPO s.d.), la sociologue Anne Françoise Weber précise que les mariages entre les membres de la communauté musulmane et ceux de la communauté chrétienne « sont perçus comme une exception contraire aux normes de la société libanaise » (Weber 2008, sect. 4). Cependant, la professeure d'anthropologie de l'Université Saint-Joseph a affirmé que les mariages interreligieux sont aujourd'hui plus nombreux dans « la génération des 20-30 ans » que « chez les deux générations précédentes » (professeure d'anthropologie 13 mars 2015). De même, au cours d'un entretien téléphonique avec la Direction des recherches, une représentante de l'ONG libanaise KAFA (Enough) Violence & Exploitation (KAFA), organisation qui oeuvre pour [traduction] « ériger une société débarrassée des structures sociales, économiques et juridiques patriarcales qui sont sources de discriminations envers les femmes » (KAFA s.d.), a affirmé qu'il y aurait eu une augmentation du nombre de mariages interreligieux après « la fin de la guerre civile » (ibid. 12 mars 2015). Aucune de ces deux précédentes sources n'a fourni de statistiques démontrant cette augmentation. Dans sa thèse de doctorat sur les mariages islamo-chrétiens au Liban, soumise à la Faculté de théologie de l'Université Saint-Paul, à Ottawa, Marie-Rose Tannous souligne que le système communautaire libanais est fondé sur un modèle patriarcal qui entretient une inégalité de droits entre les femmes et les hommes (Tannous 31 juill. 2014, 111). De même, dans un article publié dans la revue internationale Droit et Cultures, la juriste et spécialiste du droit de la famille libanais Alexa Moukarzel Héchaime écrit qu'au Liban, « la femme subit une pression importante dans une société qui reste largement patriarcale et ceci, toutes communautés confondues », y compris des « pressions pour [contracter un] mariage dans sa propre communauté » (Moukarzel Héchaime 1er juin 2010, sect. 47).

Des sources affirment qu'une femme qui contracte un mariage interreligieux doit changer de nom et adopter la religion de son époux (professeure adjointe 12 mars 2015; KAFA 12 mars 2015). Selon la représentante de KAFA, à la suite du mariage, le nom de l'épouse est transféré du registre de sa communauté d'origine à celui de son époux, ce qui a pour conséquence de faire perdre un droit de vote à la communauté d'origine de l'épouse (ibid.). De même, au cours d'un entretien téléphonique avec la Direction des recherches, une professeure adjointe de la Lebanese American University (LAU), à Beyrouth, qui a mené plusieurs recherches sur les droits des femmes et les questions liées au genre dans le monde arabe, a affirmé qu'une femme musulmane qui épouse un homme d'une autre religion verra son nom changer de registre civil et qu'elle perdra le droit de voter en tant que membre de sa communauté d'origine (professeure adjointe 12 mars 2015). De plus, d'après la professeure adjointe, les enfants issus de mariages interreligieux ne pourront pas être considérés comme des membres de la communauté musulmane dont l'épouse était originaire (ibid.). Allant dans le même sens, Anne Françoise Weber ajoute que « les enfants sont automatiquement intégrés à la communauté religieuse du père », sauf si les parents entreprennent des démarches explicites pour qu'il en soit autrement (Weber 2008, sect. 13). Selon la professeure d'anthropologie, « [e]n principe, les enfants issus de tels mariages [interreligieux] risquent d'être considérés comme des enfants illégitimes » (13 mars 2015). Enfin, la représentante de KAFA note qu'une femme qui épouse un homme d'une autre religion ne pourra pas recevoir en héritage les biens qui appartenaient à sa famille d'origine (KAFA 12 mars 2015). De même, d'autres sources précisent qu'une femme musulmane qui épouse un homme non-musulman ne pourra pas hériter des biens laissés en héritage par sa famille musulmane (Moukarzel Héchaime 1er juin 2010, sect. 61; professeure adjointe 12 mars 2015).

Selon Anne Françoise Weber, les époux d'un mariage religieux doivent faire face à différentes « sanctions sociales » et au risque de « rejet de la part de leurs familles d'origine » (Weber 2008, sect. 37).

La professeure adjointe (12 mars 2015) et la représentante de KAFA (12 mars 2015) affirment qu'il n'existe aucune loi qui viserait à protéger les époux ayant contracté un mariage interreligieux au Liban.

2. Mariage civil au Liban

Anne Françoise Weber souligne l'absence « de code du statut personnel civil au Liban » (Weber 2008, sect. 8). La représentante de KAFA signale que l'absence de code civil empêche les couples libanais de contracter un mariage civil au pays (12 mars 2015). De même, d'autres sources affirment que seuls des mariages religieux peuvent être contractés au Liban (professeure adjointe 12 mars 2015; professeure d'anthropologie 13 mars 2015). Selon la professeure d'anthropologie, « [l]a constitution libanaise veut que l'état civil soit du ressort des communautés religieuses, [qui ont la] charge [...] d'en transmettre les données à l'État libanais. La conséquence en est qu'il n'y a [que] de[s] mariage[s] religieux au Liban, ce qui [constitue] une manière d'empêcher les mariages interreligieux » (professeure d'anthropologie 13 mars 2015).

Deux sources affirment que de nombreux futurs époux se rendent à l'étranger pour y contracter un mariage civil, qu'ils font ensuite reconnaître auprès du gouvernement du Liban (KAFA 12 mars 2015; professeure d'anthropologie 13 mars 2015). La professeure d'anthropologie précise « qu'il suffit au couple de déclarer son mariage auprès de l'ambassade du Liban » dans le pays où il a été célébré pour que le mariage soit reconnu par l'état civil du Liban (ibid.).

Un article publié par le service de presse Common Ground News Service (CGNews) [1] signale qu'en février 2013, une femme sunnite et un homme chiite ont tenté de célébrer un mariage civil à Beyrouth, ce qui a relancé le débat sur la question du mariage civil (CGNews 5 févr. 2013). De même, Al Jazeera fait état de ce mariage civil entre les deux époux libanais (2 mai 2013). Les deux sources expliquent qu'au moyen d'une procédure administrative [laquelle serait prévue dans un décret publié en 2007 (Al Jazeera 2 mai 2013)], les futurs époux ont d'abord fait supprimer la mention de leur religion du registre de l'État (CGNews 5 févr. 2013; Al Jazeera 2 mai 2013). Ensuite, après plusieurs mois de recherche, ils ont trouvé un notaire qui a accepté de les unir civilement (ibid.; CGNews 5 févr. 2013). Selon Al Jazeera, le mariage civil a pu être contracté en vertu d'un décret publié en 1963 qui prévoit que, [traduction] « pour ceux qui, sur le plan administratif, n'appartiennent à aucune communauté religieuse, c'est le droit civil qui s'applique pour ce qui est des questions touchant leur statut personnel » (2 mai 2013). Les sources signalent que le ministère de l'Intérieur a d'abord refusé de reconnaître et d'enregistrer le mariage du couple (CGNews 5 févr. 2013; Al Jazeera 2 mai 2013). Des autorités religieuses auraient condamné cette tentative de célébrer un mariage civil (ibid.; CGNews 5 févr. 2013; Le Monde avec AFP 26 avr. 2013), tout comme certains hommes politiques (ibid.). Cependant, le ministère de l'Intérieur aurait finalement accepté de reconnaître et d'enregistrer ce premier mariage civil (ibid.; Al Jazeera 2 mai 2013; Al-Monitor 28 avr. 2013) en avril 2013 (ibid.; Le Monde avec AFP 26 avr. 2013).

3. Perception des mariages interreligieux dans la ville de Jounieh

Selon la représentante de KAFA, Jounieh est une ville « très catholique, conservatrice et plus traditionnelle » que Beyrouth, et ses habitants sont « très attachés aux traditions chrétiennes » (12 mars 2015). De même, la professeure adjointe soutient que Jounieh est une ville « très conservatrice », contrairement à Beyrouth (12 mars 2015). Les deux sources affirment que, pour ces raisons, le mariage interreligieux serait moins bien accepté à Jounieh (KAFA 12 mars 2015; professeure adjointe 12 mars 2015). Elles ajoutent que l'épouse aurait probablement du mal à se faire accepter par la communauté de son époux (ibid.; KAFA 12 mars 2015). Selon la professeure d'anthropologie, le mariage entre une musulmane et un chrétien originaire de Jounieh entraînerait probablement la conversion de l'épouse au christianisme (professeure d'anthropologie 13 mars 2015).

4. Possibilité de réinstallation dans une autre région à majorité chrétienne

D'après la représentante de KAFA, un mariage interreligieux pourrait fonctionner « si le couple [...] construit son propre espace, parfois [à] l'écart de leurs communautés d'origine » (12 mars 2015). Par ailleurs, selon Marie-Rose Tannous, « la séparation des régions résidentielles [à la] suite [de] la guerre civile au Liban constitue un problème supplémentaire pour les couples islamo-chrétiens » (Tannous 31 juill. 2014, 175). La doctorante explique que les régions du Liban ont été divisées entre chrétiens et musulmans à l'issue de la guerre civile, chaque région s'étant retrouvée sous l'autorité d'une communauté précise (ibid., 174). Parmi les sources qu'elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n'a pas trouvé d'autres renseignements concernant la possibilité de réinstallation dans une autre région à majorité chrétienne.

Cette réponse a été préparée par la Direction des recherches à l'aide de renseignements puisés dans les sources qui sont à la disposition du public, et auxquelles la Direction des recherches a pu avoir accès dans les délais fixés. Cette réponse n'apporte pas, ni ne prétend apporter, de preuves concluantes quant au fondement d'une demande d'asile. Veuillez trouver ci-dessous les sources consultées pour la réponse à cette demande d'information.

Note

[1] CGNews est un site d'information qui « accueille les points de vue des différents acteurs intéressés aux questions de fond touchant aux relations musulmano-occidentales » (CGNews s.d.a). CGNews est géré depuis Washington par l'organisation internationale Search for Common Grounds, qui oeuvre dans le but de [traduction] « transformer la manière avec laquelle le monde gère les conflits, en substituant des solutions non-violentes à celles qui sont fondées sur la violence » (ibid. s.d.b).

Références

Al Jazeera. 2 mai 2013. Dalal Mawad. « Lebanon Civil Marriage Raises Hope for Change ». [Date de consultation : 13 mars 2015]

Al-Monitor. 28 avril 2013. Jean Aziz. « Lebanon's First Civil Marriage a Sign of Change ». [Date de consultation : 18 mars 2015]

Common Ground News Service (CGNews). 5 février 2013. Nada Akl. « Interfaith Couple in Lebanon Relaunches Civil Marriage Debate ». [Date de consultation : 13 mars 2015]

_____. S.d.a. « Notre mission ». [Date de consultation : 19 mars 2015]

_____. S.d.b. « Our Resources ». [Date de consultation : 27 mars 2015]

KAFA (Enough) Violence & Exploitation. 12 mars 2015. Entretien téléphonique avec une représentante.

_____. S.d. « About KAFA ». [Date de consultation : 19 mars 2015]

Le Monde avec l'Agence France-Presse (AFP). 26 avril 2013. « Un premier mariage civil enregistré au Liban ». [Date de consultation : 18 mars 2015]

Moniovitch, Anass. Novembre 2013. Le mariage civil au Liban face au communautarisme religieux. Mémoire présenté comme exigence partielle de la maîtrise en sociologie, Université du Québec à Montréal. [Date de consultation : 17 mars 2015]

Moukarzel Héchaime, Alexa. 1er juin 2010. « Actualités du statut personnel des communautés musulmanes au Liban ». Droit et cultures, no 59. [Date de consultation : 19 mars 2015]

Presses de l'Institut français du Proche-Orient (IFPO). S.d. « Presses de l'Ifpo ». [Date de consultation : 20 mars 2015]

Professeure adjointe, Lebanese American University (LAU). 12 mars 2015. Entretien téléphonique.

Professeure d'anthropologie, Université Saint-Joseph, Beyrouth. 13 mars 2015. Communication écrite envoyée à la Direction des recherches.

Slate.fr. 3 novembre 2012. Florence Massena. « Au Liban, épouser quelqu'un d'un autre groupe c'est trahir sa famille ». [Date de consultation : 17 mars 2015]

_____. S.d. « Qui sommes-nous ? ». [Date de consultation : 17 mars 2015]

Tannous, Marie-Rose. 31 juillet 2014. Les mariages islamo-chrétiens au Liban : une étude empirique et théorique. Thèse soumise à la Faculté de théologie de l'Université Saint-Paul dans le cadre des exigences du programme de doctorat en théologie. [Date de consultation : 17 mars 2015]

Weber, Anne Françoise. 2008. « Briser et suivre les normes : les couples islamo-chrétiens au Liban », dans Les métamorphoses du mariage au Moyen-Orient. Sous la direction de Barbara Drieskens. Beyrouth : Presses de l'Institut français du Proche-Orient (IFPO). [Date de consultation : 10 mars 2015]

Autres sources consultées

Sources orales : Les personnes et les organisations suivantes n'ont pas pu fournir de renseignements pour cette réponse : directeur, Centre d'études pour le monde arabe moderne; doyen, Faculté des sciences religieuses, Université Saint-Joseph, Beyrouth; professeur, Department of Anthropology, Scripps College; professeur, Anthropology Department, University of California.

Les tentatives faites pour joindre dans les délais voulus les personnes et les organisations suivantes ont été infructueuses : Avocat spécialiste du droit de la famille; Centre de documentation et de recherches islamo-chrétiennes, Université Saint-Joseph, Beyrouth; Institute for Women's Studies in the Arab World; Ligue des droits de la femme libanaise; président, comité juridique du Conseil des patriarches et des évêques catholiques au Liban; professeur, Department of Women's and Gender Studies, Rutgers University, Nouveau-Brunswick.

Sites Internet, y compris : Al-Bab; Association des jeunes libanais musulmans; Comité des femmes des communautés culturelles de Montréal; Conseil canadien des femmes musulmanes; Department of Sociology, Anthropology and Media Studies, American University of Beirut; Femmes de la Méditerranée; France 24; La Gazette des femmes; Human Rights Watch; The Lebanese Women Democratic Gathering; Max Planck Institute for Comparative and International Private Law; The National [Abu Dhabi]; Nations Unies - Haut-Commissariat aux droits de l'homme, UN Women; L'Orient-le Jour; Pax Christi; Radio France internationale; Social Science Research Network; Women and Memory Forum.

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