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Mauritanie : information sur la fréquence des mariages forcés et sur leur statut juridique; information sur la protection offerte par l'État; information indiquant s'il est possible pour une femme de refuser un mariage forcé (2015-juillet 2017)

Publisher Canada: Immigration and Refugee Board of Canada
Publication Date 13 July 2017
Citation / Document Symbol MRT105825.F
Related Document(s) Mauritania: Prevalence of forced marriage and its legal status; state protection; whether a woman can refuse a forced marriage (2015-July 2017)
Cite as Canada: Immigration and Refugee Board of Canada, Mauritanie : information sur la fréquence des mariages forcés et sur leur statut juridique; information sur la protection offerte par l'État; information indiquant s'il est possible pour une femme de refuser un mariage forcé (2015-juillet 2017), 13 July 2017, MRT105825.F, available at: https://www.refworld.org/docid/598c6ac64.html [accessed 20 May 2023]
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Direction des recherches, Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada, Ottawa

1. Fréquence des mariages précoces et forcés

Des sources signalent qu'en Mauritanie, le mariage précoce est répandu (É.-U. 3 mars 2017, 22) ou « largement répandu » (Dune Voices 29 nov. 2015). Selon les Country Reports on Human Rights Practices for 2016 du Département d'État des États-Unis, le mariage précoce et le mariage forcé sont parmi les violations des droits de la personne qui sont signalées en Mauritanie (É.-U. 3 mars 2017, 1). Dans un Examen périodique universel du Conseil des droits de l'homme des Nations Unies, le Comité des droits de l'homme signale la persistance des mariages précoces en Mauritanie (Nations Unies 24 août 2015, paragr. 47).

Un communiqué de presse publié en 2013 par PR Newswire, un distributeur américain de communiqués de presse, rapporte les propos de la délégation mauritanienne, devant le Comité des droits de l'homme des Nations Unies qui examinait le rapport initial de la Mauritanie sur la mise en oeuvre des dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, selon lesquels, le mariage précoce continue d'être pratiqué dans ce pays « en raison de l'héritage culturel traditionnel et plus particulièrement [de] la croyance erronée selon laquelle l'islam autoriserait le mariage précoce, qui ne saurait donc être interdit » (PR Newswire 25 oct. 2013). Un article de février 2014 publié par Radio France internationale (RFI) rapporte les propos de la présidente de l'Association des femmes chefs de famille (AFCF), qui dénonce « les discours islamistes qui encouragent le mariage avec des mineurs et […] l'augmentation des cas de viols qui conduit les pères à marier leur fille - le plus vite possible - pour sauver leur honneur » (RFI 19 févr. 2014). Minority Rights Groups International (MRG) invoque également la réaction culturelle au viol de parents haratines qui offrent en mariage leur fille qui en a été victime pour préserver leur honneur (MRG juill. 2015, 21).

1.1.Statistiques

Un rapport de l'UNICEF, intitulé La Situation des enfants dans le monde 2016, dont les tableaux statistiques incluent des données tirées des banques de données mondiales de cette organisation disponibles au mois de janvier 2016 et qui s'appuient sur des « estimations interorganisations et des enquêtes menées auprès de ménages représentatifs » (Nations Unies juin 2016, 108), fait état d'un taux de mariage précoce (avant l'âge de 18 ans) de l'ordre de 34 p. 100 pour les Mauritaniennes âgées de 20 à 24 ans, dont 14 p. 100 avant l'âge de 15 ans (Nations Unies juin 2016, 151). Selon le même rapport, 25 p. 100 des filles mauritaniennes âgées de 15 à 19 ans étaient mariées au moment de l'enquête (Nations Unies juin 2016, 159).

Selon l'Enquête par grappes à indicateurs multiples de la Mauritanie de 2015 (MICS 2015), une enquête nationale menée par l'Office national de la statistique (ONS) de ce pays auprès de ménages, de femmes de 15 à 49 ans et d'enfants de moins de 5 ans au moyen de questionnaires à remplir (IHSN 14 janv. 2016), le mariage avant l'âge de 15 ans a concerné 16 p. 100 des femmes de 15 à 49 ans, et le mariage avant 18 ans, 35 p. 100 des femmes de 20 à 49 ans (Mauritanie nov. 2016, 7). De plus, selon la même enquête, en 2015, 28 p. 100 des femmes âgées de 15 à 19 ans étaient mariées (Mauritanie nov. 2016, 213).

Dans un appel à soumissions de 2015 « pour la réalisation d'une étude socio-anthropologique sur les déterminants du mariage précoce et la non-scolarisation des filles en Mauritanie », le bureau de l'UNICEF en Mauritanie signale, en s'appuyant sur les données du MICS 2011, des « disparités […] ethniques importantes », dont les suivantes :

Les taux de mariage avant 15 ans les plus importants sont enregistrés au sein des communautés Arabe et Pulaar (15 % et 14 % respectivement) alors que le taux le plus faible est enregistré au sein de la communauté Wolof (6,1 %). La communauté Pulaar reste celle qui pratique le plus le mariage précoce qu'il soit avant 15 ans ou avant 18 ans (respectivement 14 % et 44 %). Notons aussi que le mariage avant l'âge légal de 18 ans est toutefois plus fréquent chez les Soninkés (39 %) qu'au sein de la communauté arabe (33 %) » (Nations Unies 8 juill. 2015).

Dans une communication écrite envoyée à la Direction des recherches, une représentante de l'Association mauritanienne pour la santé de la mère et de l'enfant (AMSME), une ONG reconnue par l'État et dont la mission fondamentale est « la prise en charge totale des abus liés aux droits des femmes et des enfants vulnérables ou en situation de détresse » (AMSME, s.d.), a affirmé que les filles soninkés et peules sont données en mariage très jeunes, entre l'âge de 13 et 14 ans, sans leur consentement et souvent à des cousins ou des proches parents plus âgés qu'elles (parfois de l'âge de leur père) (AMSME 23 juin 2017). Selon cette même source, certaines sont offertes sans leur consentement en mariage polygame à un ami de la famille ou à une personne en position d'autorité dans leur village (AMSME 23 juin 2017). La représentante de l'AMSME a affirmé qu'il arrive aussi qu'un homme épouse la femme de son frère après le décès de celui-ci pour protéger ses enfants et empêcher la femme de se remarier en dehors de la famille (AMSME 23 juin 2017). Parmi les sources qu'elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n'a pas trouvé d'autres renseignements allant dans le même sens.

Un rapport du MRG sur la lutte des femmes haratines en Mauritanie signale que le mariage précoce est « un problème important » chez les femmes haratines de Mauritanie [1] (MRG juill. 2015, 21). Selon le même rapport, au cours d'entretiens avec 20 femmes haratines, plusieurs d'entre elles « ont déclaré avoir été contraintes à des mariages précoces par leurs parents » (MRG juill. 2015, 21). Parmi les sources qu'elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n'a pas trouvé d'autres renseignements allant dans le même sens.

Dans son appel à soumissions de 2015, le bureau de l'UNICEF en Mauritanie signale que, parmi les femmes âgées de 15 à 49 ans, celles qui se sont mariées avant 15 ans et avant 18 ans représentent respectivement 21 p. 100 et 56 p. 100 dans [la wilaya (région administrative) du] Gorgol, et 8 p. 100 et 21 p. 100 dans celle du Tagant (Nations Unies 8 juill. 2015). L'enquête de 2015 de l'ONS signale que c'est dans le Guidimagha qu'on retrouve le plus grand pourcentage de femmes, c'est-à-dire entre 26 et 28 p. 100, qui se sont mariées avant 15 ans, tandis qu'à Nouadhibou, ce pourcentage est de 11 p. 100 (Mauritanie nov. 2016, 213). Les statistiques de l'enquête de 2015 de l'ONS montrent également que le pourcentage de femmes de 15 à 19 ans qui sont actuellement mariées passe de 19 p. 100 en milieu urbain à 36 p. 100 en zone rurale (Mauritanie nov. 2016, 213). Selon la même source, le pourcentage de femmes âgées de 15 à 19 ans qui sont actuellement mariées varie également selon le niveau d'instruction (41 p. 100 pour les femmes non-instruites et 15 p. 100 pour les femmes ayant un niveau secondaire ou supérieur) et le revenu (38,5 p. 100 chez les plus pauvres et 17 p. 100 chez les plus riches) (Mauritanie nov. 2016, 213-214). Un article de RFI publié en 2014 cite les propos d'Aminetou Mint El Moctar, présidente de l'AFCF [2], selon lesquels c'est « la pauvreté "qui augmente et qui incite des familles à vendre leur enfant" » (RFI 19 févr. 2014). De même, la représentante de l'AMSME a affirmé que le mariage des filles est une source de revenus pour leurs parents (AMSME 23 juin 2017).

2. Lois

Les articles 5, 6, 9 et 26 du Code du statut personnel (CSP) de la Mauritanie, adopté en 2001, prévoient ce qui suit :

Article 5 : Les éléments constitutifs du mariage sont: les deux époux, le tuteur « weli », la dot et le consentement.

Article 6 : La capacité de se marier est accomplie pour toute personne douée de raison et âgée de 18 ans révolus. L'incapable peut être marié par son tuteur « weli » s'il y voit un intérêt évident.

[…]

Article 9 : La tutelle (wilaya) est exercée dans l'intérêt de la femme. La femme majeure ne peut être mariée sans son propre consentement et la présence de son tuteur « weli ». Le silence de la jeune fille vaut consentement.

[…]

Article 26 : Le mariage est valablement conclu par le consentement des parties, exprimé en termes consacrés ou à l'aide de toute expression admise par l'usage. Pour toute personne se trouvant dans l'impossibilité de s'exprimer, le consentement résulte valablement d'un écrit ou de tout signe exprimant d'une façon certaine la volonté (Mauritanie 2001).

L'article 41 de l'Ordonnance no 2005-015 portant protection pénale de l'enfant prévoit ceci :

Article 41. - Le fait, par le père ou la mère de se soustraire à leurs obligations légales au point de compromettre gravement la santé, la sécurité, la moralité ou l'éducation de leur enfant est puni de six mois à un an d'emprisonnement et de 80.000 [environ 287 $CAN] à 120.000 ouguiyas [environ 430 $CAN] d'amende.

Sont punis de trois à six mois d'emprisonnement et d'une amende de 100.000 [358 $CAN] à 200.000 ouguiyas les parents et les personnes ayant autorité sur l'enfant qui demandent l'enregistrement de son mariage et les autorités qui procèdent à cet enregistrement sans respecter l'âge légal du mariage et du consentement.

Cette sanction est également applicable à toute personne ayant exercé sur l'enfant une contrainte physique ayant occasionné des séquelles, une mutilation ou une incapacité permanente en vue de l'amener à consentir au mariage.

Cette sanction est applicable aux parents, aux personnes ayant autorité sur l'enfant et les responsables de l'état civil qui refusent de l'enregistrer conformément aux dispositions de la loi n° 96.020 du 20 juillet 1996 portant code de l'état civil quelle que soit la nature de sa filiation (Mauritanie 2005).

Des sources rapportent qu'en août 2015, le parlement mauritanien a adopté une loi durcissant la répression de l'esclavage, qui est désormais considéré comme un crime contre l'humanité (RFI 15 août 2015; AFP 11 déc. 2015; Amnesty International 24 févr. 2016). Des sources signalent que de nouvelles pratiques y sont incriminées, dont le mariage forcé (MRG 5 oct. 2015, 6; RFI 15 août 2015; Freedom House 9 août 2016).

À l'article 3 de la Loi no 2015-031 portant incrimination de l'esclavage et réprimant les pratiques esclavagistes sont définis divers termes, dont le placement :

Placement : pratique en vertu de laquelle :

  • une femme est, sans qu'elle ait le droit de refuser, promise ou donnée en mariage moyennant une contrepartie en espèces ou en nature versée à ses parents, tuteur, famille ou à toute autre personne ou groupe de personnes;
  • le mari d'une femme ou la famille de celui-ci qui la cède ou tente, à titre onéreux ou autrement, de la céder à un tiers;
  • la transmission par succession d'une femme, à la mort de son mari, à une autre personne;
  • la remise d'un enfant, soit par ses parents ou par l'un d'eux, soit par son tuteur, à un tiers, contre paiement ou non, en vue de l'exploiter ou de le soumettre au travail (Mauritanie 2015, en italiques dans l'original).

L'article 8 de la Loi no 2015-031 portant incrimination de l'esclavage et réprimant les pratiques esclavagistes prévoit ce qui suit :

Article 8: Quiconque commet le placement prévu par l'article 3 de la présente loi est puni de réclusion de cinq (5) à sept (7) ans et d'une amende de deux cent cinquante mille (250.000) [environ 895 $CAN] à cinq millions (5.000.000) [environ 17 908 $CAN] d'ouguiyas […] (Mauritanie 2015).

Le Fonds des Nations Unies pour les populations (UNFPA) rapporte, dans un rapport de 2016 sur la Mauritanie, que l'adoption d'un article pénalisant le mariage des enfants avant 18 ans dans le CSP fait partie des projets auxquels il travaille avec le gouvernement mauritanien (Nations Unies oct. 2016, 24). Selon les Country Reports 2016, le gouvernement travaille aussi avec l'UNICEF à l'implantation d'un programme pour combattre le mariage précoce à travers des réformes judiciaires et politiques (É.-U. 3 mars 2017, 22). L'UNFPA souligne ce qui suit :

[L]a Mauritanie a, grâce à l'appui technique et financier de l'UNFPA et de l'UNICEF, lancé la campagne africaine de lutte contre le mariage des enfants. Un comité multisectoriel a été mis en place et une ébauche de plan d'action de lutte contre le [m]ariage des enfants a été élaborée. Des avancées significatives ont été enregistrées dans le cadre du renforcement du cadre légal et institutionnel à travers l'élaboration par le [m]inistère des Affaires [s]ociales, de l'Enfance et de la Famille et le [m]inistère de la Justice, de deux (2) projets de loi, l'un portant sur un avant-projet de loi cadre contre les [v]iolences [b]asées sur le [g]enre et l'autre sur le Code de [p]rotection de l'[e]nfant (Nations Unies oct. 2016, 40).

Parmi les sources qu'elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n'a pas trouvé d'autres renseignements sur ces réformes juridiques.

2.1 Application des lois

Le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes (CEDAW) des Nations Unies fait référence, dans un rapport de juillet 2014 sur la Mauritanie, à des « dispositions discriminatoires du Code du statut personnel concernant l'autorisation de mariage du tuteur pour les filles de moins de 18 ans » (Nations Unies 24 juill. 2014, paragr. 46).

Les Country Reports 2016 rapportent que les autorités appliquent rarement la loi sur l'âge légal du mariage (É.-U. 3 mars 2017, 22). Selon la même source, puisque les relations sexuelles consensuelles sont illégales en dehors du mariage, un tuteur peut demander aux autorités locales de permettre à une fille âgée de moins de 18 ans de se marier et les autorités accordent fréquemment cette autorisation (É.-U. 3 mars 2017, 22). À la question de savoir qui peut obliger une femme ou une jeune fille à se marier, la représentante de l'AMSME a répondu que son père, sa mère, ses oncles, ses tantes et sa famille élargie pouvaient le faire (AMSME 23 juin 2017). Parmi les sources qu'elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n'a pas trouvé d'autres renseignements allant dans le même sens.

Dune Voices, une plateforme de Media Diversity Institute qui, à l'aide de partenaires et de journalistes locaux, donne la parole aux populations locales de la région du Sahara (Dune Voices s.d.), explique ce qui suit :

[Le] Code d[u] [s]tatut personnel […] interdit le mariage de la fille âgée de moins de 18 ans, sauf dans des cas exceptionnels, souvent exploités à tort par les familles. L'exception concerne la fille exprimant le désir de se marier et c'est à la justice de se prononcer là-dessus. Toutefois, ladite loi n'a pas été mise en application. Elle n'a pas été accompagnée de contrôle et de suivi par les autorités. Du coup, elle n'a pas mis fin au phénomène du mariage précoce (Dune Voices 29 nov. 2015).

MRG explique ceci : « Le Code du statut personnel de 2001 prévoit le libre consentement des deux parties à un mariage; cependant, tandis qu'une femme adulte doit donner son consentement, pour une jeune fille le silence peut être considéré comme un consentement » (MRG juill. 2015, 21). Parmi les sources qu'elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n'a pas trouvé d'autres renseignements allant dans le même sens.

Des sources affirment que la loi de 2015 sur l'esclavage prévoit la création de cours spéciales afin de traiter les cas d'esclavage (MRG 5 oct. 2015, 6; AFP 11 déc. 2015; É.-U. 30 juin 2016). Selon des sources, cette nouvelle loi permet aussi aux organisations des droits de la personne de représenter les victimes devant les tribunaux (MRG 5 oct. 2015, 6; Freedom House 9 août 2016). Cependant, selon un document de 2016 du Département d'État des États-Unis portant sur la traite des personnes en Mauritanie, ces cours ne sont pas financées adéquatement et les juges ne sont pas bien formés (É.-U. 30 juin 2016). Freedom House affirme que l'exigence selon laquelle les ONG doivent être enregistrées depuis cinq ans pour s'impliquer disqualifie celles que l'État a refusé d'enregistrer (Freedom House 9 août 2016). Selon la même source, [traduction] « [s]ouvent, les victimes ne sont pas au courant de leurs droits et autant les agences d'enquête que les cours sont considérées comme ayant un parti pris contre les victimes » (Freedom House 9 août 2016). Freedom House mentionne qu'aucune poursuite judiciaire pour esclavage n'avait abouti à la fin de 2015 (Freedom House 9 août 2016). De même, selon le Global Post, dont les correspondants par pays produisent des reportages sur des événements internationaux pour un public mondial en ligne (PRI s.d.), [traduction] « [b]ien qu'une nouvelle loi […] criminalise d'autres formes d'esclavage comme le mariage forcé, il est très rare que quiconque soit reconnu coupable » (Global Post 22 oct. 2015). Selon un article publié en 2015 par RFI, certaines organisations antiesclavagistes déplorent le fait que le gouvernement nie l'esclavage (RFI 15 août 2015). Selon des sources, certains activistes dénoncent le fait que les autorités n'appliquent pas la législation contre l'esclavage, mais poursuivent les activistes anti-esclavage (AFP 19 août 2015; ATS 20 août 2015).

Au sujet des législations protégeant les Mauritaniennes contre le mariage forcé, la représentante de l'AMSME a nommé les conventions ratifiées par la Mauritanie, soit la Convention pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes et la Convention relative aux droits de l'enfant, et a précisé que « la grande contrainte, est au niveau de l'application qui est souvent entravée par la lourdeur du poids social » (AMSME 23 juin 2017).

Un article, publié en 2016 par Secours populaire français (SPF), une association française à but non lucratif qui a « pour mission d'agir contre la pauvreté et l'exclusion en France et dans le monde » (SPF s.d.), rapporte les propos de la présidente de l'association El Karamat, qui oeuvre en Mauritanie pour faire respecter le droit des femmes, selon lesquels « "[m]algré quelques avancées législatives, l'application effective des lois relatives à la protection des droits de la femme se heurte au poids des traditions et à la conception patriarcale d'une société qui maintient encore la femme mauritanienne dans une position d'infériorité" » (SPF 8 mars 2016).

RFI rapporte en février 2014 que le mariage d'une jeune fille de 13 ans, qui avait été mariée par son père à l'âge de neuf ans contre de l'argent avec un homme cinquantenaire, a été cassé par une décision de justice et que l'AFCF « s'est occupée » de la jeune fille (RFI 19 févr. 2014). Dans le même article de RFI, on peut lire ce qui suit : « Il arrive que les procédures aboutissent surtout quand il y a aussi de la maltraitance. Raja Mint Abdelkader, qui a pu divorcer il y a quelques jours, avait le corps couvert de brûlures de cigarettes quand elle est arrivée à l'hôpital. C'est cela qui a joué contre le mari. » (RFI 19 févr. 2014). Selon l'AFCF, un ou deux mariages par année sont annulés mais des centaines sont conclus et ce nombre est en hausse (RFI 19 févr. 2014).

3. Refus d'un mariage forcé et protection de l'État

La représentante de l'AMSME a expliqué ce qui suit :

Une femme qui refuse de se marier peut bien se tourner vers les autorités pour faire respecter sa décision chez le Kadi [cadi/qadi, juriste religieux] ou le procureur de la République, mais c'est rare et difficile et [entraîne le] risque de marginalisation de cette femme par ses parents et par la société (AMSME 23 juin 2017).

Dans son article de 2014, RFI cite les propos de la présidente de l'AFCF selon lesquels « [m]ême si légalement ces mariages [forcés] sont interdits "peu de juges acceptent de les annuler" [parce que] "ce sont des juges traditionnels qui souvent ne voient pas le problème" » (RFI 19 févr. 2014).

Selon la représentante de l'AMSME, le ministère des Affaires sociales, de l'Enfance et de la Famille peut offrir des conseils aux parents dont la fille refuse un mariage forcé (AMSME 23 juin 2017). Selon la même source, une femme qui refuse de se marier peut communiquer avec les imams des mosquées, qui peuvent faire une médiation auprès des parents afin [de faire] annuler ce mariage (AMSME 23 juin 2017). Parmi les sources qu'elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n'a pas trouvé d'autres renseignements allant dans le même sens.

Le CEDAW fait état, dans son rapport de juillet 2014 sur la Mauritanie, de « la persistance des stéréotypes sexistes profondément ancrés dans la société, en plus des pratiques préjudiciables aux femmes, comme […] les mariages précoces et forcés » (Nations Unies 24 juill. 2014, paragr. 22). Des sources décrivent une pratique « fortement ancré[e] chez les populations » (ANI 18 févr. 2015; Agence de presse Xinhua 27 janv. 2017). Dune Voices mentionne que le mariage précoce « a même des racines profondes dans la culture populaire qui glorifie la famille et la fille se mariant à un âge précoce » (Dune Voices 29 nov. 2015). Les jeunes Haratines interviewées par MRG pour son étude de 2015 qui ont déclaré avoir été contraintes à des mariages précoces par leurs parents ont, dans la plupart des cas, « cité la tradition comme raison de leur mariage forcé ou précoce et leur incapacité à refuser » (MRG juill. 2015, 21).

4. Services de soutien

Selon la représentante de l'AMSME, une femme qui refuse de se marier peut se tourner vers des ONG de défense des droits de la personne comme l'AMSME, l'AFCF, l'Association de lutte contre la dépendance (ALCD) [3] et l'Association mauritanienne des droits de l'homme (AMDH) [4] pour obtenir de l'aide sous forme d'hébergement temporaire, de médiation sociale, de conseils et d'accompagnement juridique et d'appui psychologique et sanitaire (AMSME 23 juin 2017).

Dans son rapport annuel pour l'année 2016, l'AMSME signale, au sujet de la lutte contre les violences basées sur le genre de son programme de protection, la prise en charge et l'assistance aux survivantes de mariages précoces (AMSME s.d.). Selon la même source, l'AMSME a traité 27 cas de mariages précoces en 2016 dont 12 avaient entre 11 et 15 ans, et 15 entre 16 et 18 ans (AMSME s.d.). Selon le rapport annuel de 2016 de l'AMSME, des 27 cas de mariages précoces, 23 entraient dans la typologie « mariages forcés » et 4 dans la catégorie « mariages précoces et maltraitances » (AMSME s.d.). Dans son rapport annuel, l'AMSME se décrit comme une ONG nationale dont le siège est à Nouakchott et qui a des antennes à Nouadhibou, Kaédi et Tintane, ainsi que des représentants au niveau du Hodh Elgarbi, Hodh Echargui, Brakna et Zouerate (AMSME s.d.). Selon la même source, l'AMSME dispose d'un centre appelé ELWAFA, qui offre des conseils et prend en charge des femmes et des enfants victimes de violences sexuelles (AMSME s.d.). Le rapport annuel de l'AMSME affirme que le centre ELWAFA « travaille en étroite collaboration avec les brigades chargées des mineurs, commissariats urbains de polices à Nouakchott, les [t]ribunaux des trois [w]illayas de la capitale, les principales structures de santé ainsi que les Systèmes de [p]rotection [c]ommunaux (SPC) » (AMSME s.d.). Selon la même source, ce centre est situé dans un quartier périphérique de Nouakchott et est ouvert 24 heures sur 24 (AMSME s.d.). Selon des sources, l'AMSME offre une ligne d'assistance téléphonique aux femmes et aux enfants appelée « Numéro vert » (AMSME s.d.; Journal Tahalil 17 mars 2016). Selon la représentante de l'AMSME, le Numéro vert peut être appelé à partir de n'importe où en Mauritanie, il est disponible 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 et il collabore avec des organisations qui peuvent venir en aide à une femme ou à un enfant violenté ou maltraité (AMSME 23 juin 2017).

Des sources mentionnent des associations qui mettent sur pied des projets de sensibilisation au mariage précoce, dont les suivantes :

  • l'Association des sages-femmes mauritaniennes avec une journée de formation destinée à des travailleuses sociales à Kiffa en septembre 2016 (AMI 1er sept. 2016);
  • l'AFCF avec un atelier régional de plaidoyer contre les « pratiques traditionnelles néfastes » ouvert à Kaédi en mai 2016 (AMI 4 mai 2016);
  • El Karamat avec un projet de sensibilisation dans les Adouabas du Hodh El Gharbi (SPF [2015]).

Cette réponse a été préparée par la Direction des recherches à l'aide de renseignements puisés dans les sources qui sont à la disposition du public, et auxquelles la Direction des recherches a pu avoir accès dans les délais fixés. Cette réponse n'apporte pas, ni ne prétend apporter, de preuves concluantes quant au fondement d'une demande d'asile. Veuillez trouver ci-dessous les sources consultées pour la réponse à cette demande d'information.

Notes

[1] Selon MRG, la minorité haratine, aussi appelée les « Maures [n]oirs », a jadis été réduite en esclavage par les « Maures blancs », ou Arabo-Berbères (MRG juill. 2015, 5).

[2] L'AFCF se décrit comme une organisation de promotion des droits de la personne et de défense des droits de la femme et de l'enfant (AFCF 20 juin 2012). Ses objectifs sont notamment d'encadrer les victimes de l'esclavage, d'encourager les organisations féminines pour forcer les pouvoirs publics à appliquer les lois, de mener des enquêtes sur les violations des droits des femmes et d'améliorer les conditions économiques des femmes (AFCF 20 juin 2012).

[3] Selon le site Internet Courants de femmes, l'Association de lutte contre la dépendance (ALCD) est une ONG qui vient en aide aux victimes de litiges familiaux à Nouakchott « et dans certains autres endroits de Mauritanie tels que M'bout », dans la région du Gorgol (Courants de femmes s.d.).

[4] Sur son site Internet, l'AMDH se décrit comme une organisation qui lutte contre les violations des droits de la personne en Mauritanie, dont les champs d'action comprennent les droits des femmes et des enfants, et dont la permanence est basée à Nouakchott (AMDH s.d.).

Références

Association des femmes chefs de famille (AFCF). 20 juin 2012. « Objectifs ». [Date de consultation : 27 juin 2017]

Agence de presse Xinhua. 27 janvier 2017. « Mauritanie : le taux de mortalité des enfants de moins de cinq ans est de 54 pour mille (UNICEF) ». (Factiva) [Date de consultation : 19 juin 2017]

Agence France-Presse (AFP). 11 décembre 2015. « Mauritania Creates New Courts to Try Slavery Cases ». (Factiva) [Date de consultation : 21 juin 2017]

Agence France-Presse (AFP). 19 août 2015. Hamedine Ould Sadi et Fran Blandy. « Mauritania's Tough Anti-Slavery Laws Face Tougher Resistance ». (Factiva) [Date de consultation : 21 juin 2017]

Association mauritanienne des droits de l'homme (AMDH). S.d. « Nos domaines d'action ». [Date de consultation : 27 juin 2017]

Agence mauritanienne d'information (AMI). 1er septembre 2016. « Journée de formation sur les pratiques nocives à la santé des filles ». (Factiva) [Date de consultation : 20 juin 2017]

Agence mauritanienne d'information (AMI). 4 mai 2016. « Gorgol : plaidoyer sur les MGF ». (Factiva) [Date de consultation : 20 juin 2017]

Amnesty International. 24 février 2016. « Mauritanie ». Amnesty International - Rapport 2015/16 : la situation des droits humains dans le monde. [Date de consultation : 20 juin 2017]

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Public Radio International (PRI). S.d. « Global Post ». [Date de consultation : 27 juin 2017]

Radio France internationale (RFI). 15 août 2015. « Loi contre l'esclavage au pays - Un double discours? ». (Factiva) [Date de consultation : 20 juin 2017]

Radio France internationale (RFI). 19 février 2014. « Mauritanie : le mariage forcé d'une jeune fille annulé en justice ». [Date de consultation : 19 juin 2017]

Secours populaire français (SPF). 8 mars 2016. Fabienne Chiche. « En Mauritanie, le combat contre les violences faites aux femmes ». [Date de consultation : 20 juin 2017]

Secours populaire français (SPF). [2015]. « Mauritanie : promotion des droits des femmes ». [Date de consultation : 11 juill. 2017]

Secours populaire français (SPF). S.d. « Qui sommes-nous? ». [Date de consultation : 12 juill. 2017]

Autres sources consultées

Sources orales : Association des femmes chefs de famille en Mauritanie; Association mauritanienne des droits de l'homme; Association mauritanienne des femmes juristes; Association pour la défense des droits des femmes en Mauritanie; Commission for the Defense of Human Rights in Mauritania; Forum des organisations nationales des droits de l'homme; Mauritanie - ministère des Affaires sociales, de l'Enfance et de la Famille; Nations Unies - ONU Femmes Mauritanie, PNUD, UNICEF Mauritanie; SOS Esclaves Mauritanie.

Sites Internet, y compris : L'Afrique pour le droit des femmes; ecoi.net; Fédération internationale des ligues des droits de l'homme; Ford Foundation; France - Office français de protection des réfugiés et apatrides; Human Rights Watch; Initiative de résurgence du mouvement abolitionniste; International Crisis Group; IRIN; Mauritanie - ministère des Affaires sociales, de l'Enfance et de la Famille; Nations Unies - ONU Femmes, PNUD, Refworld; Organisation de coopération et de développement économiques - Social Institutions & Gender Index; Radio Free Europe; ReliefWeb.

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