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Afghanistan : information indiquant si le seigha (mariage temporaire) est une pratique qui a cours en Afghanistan et information sur les groupes qui l'ont adoptée

Publisher Canada: Immigration and Refugee Board of Canada
Publication Date 24 October 2012
Citation / Document Symbol AFG104238.EF
Related Document(s) Afghanistan: Whether seigha (temporary marriage) is practiced in Afghanistan and by which groups
Cite as Canada: Immigration and Refugee Board of Canada, Afghanistan : information indiquant si le seigha (mariage temporaire) est une pratique qui a cours en Afghanistan et information sur les groupes qui l'ont adoptée, 24 October 2012, AFG104238.EF, available at: https://www.refworld.org/docid/5121ebef2.html [accessed 29 May 2023]
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1. Aperçu

Le seigha (aussi orthographié seegha, sigha, sighe; et aussi connu sous le nom de fegha, mutah, nikah muta, nekah-e-mata, etc.) est une forme de mariage temporaire (Reuters 15 févr. 2006; AIHRC 22 oct. 2012; professeure 22 oct. 2012). Diverses sources signalent qu'en Afghanistan, les musulmans chiites ont recours à cette pratique (AIHRC 22 oct. 2012; Women for Afghan Women 20 oct. 2012; professeure 20 oct. 2012). Dans une communication écrite envoyée à la Direction des recherches, une représentante de Women for Afghan Women, une organisation de défense des droits des femmes établie à Kaboul et à New York (s.d.), a déclaré que le seigha était contracté particulièrement par les musulmans chiites de la secte Jafari, mais que cette pratique n'est généralement pas très courante en Afghanistan (20 oct. 2012). De plus, un représentant de la Commission indépendante des droits de la personne en Afghanistan (Afghanistan Independent Human Rights Commission - AIHRC), institution nationale de défense des droits de la personne constitutionnellement établie en Afghanistan(s.d.), a souligné dans une communication écrite envoyée à la Direction des recherches que le seigha ne constitue pas le type de mariage [traduction] « habituel », mais que les musulmans chiites ont le droit d'y recourir (22 oct. 2012). Par contre, une professeure d'étude des conflits à l'Université Saint-Paul à Ottawa qui mène des recherches sur les questions d'égalité entre les sexes en Afghanistan a affirmé au cours d'un entretien téléphonique avec la Direction des recherches que le seigha était une [traduction] « pratique très répandue » parmi les musulmans chiites en Afghanistan (professeure 23 oct. 2012).

Selon certaines sources, l'islam sunnite interdit le seigha (Norvège 19 mai 2011, 8; chargé de cours 19 oct. 2012; Reuters 15 févr. 2006). Cependant, un chargé de cours de sociologie et d'anthropologie à l'Université Carleton à Ottawa qui a effectué des recherches sur les mariages temporaires dans les pays arabes a précisé dans une communication écrite envoyée à la Direction des recherches que les musulmans sunnites pratiquaient également le seigha en Afghanistan (23 oct. 2012). Parmi les sources qu'elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n'a trouvé aucun renseignement allant dans le même sens que ceux présentés ci-dessus.

2. Lois

D'après le représentant de l'AIHRC, le seigha n'est pas prévu ni sanctionné par la loi, mais il est [traduction] « implicitement autorisé » par la loi chiite sur le droit personnel de l'Afghanistan (Shia Personal Law of Afghanistan) (22 oct. 2012). Cette loi, aussi connue sous le nom de loi chiite sur la situation personnelle (Shiite Personal Status Law), a été adoptée en 2009 pour officialiser le droit de la famille auquel sont assujettis les 15 p. 100 de la population afghane qui pratiquent l'islam chiite (The Australian 18 août 2009; Toronto Star 5 sept. 2009). Une première version de la loi contenait un chapitre sur le mariage temporaire, qui énonçait les conditions à respecter pour contracter, conclure et dissoudre un tel mariage; toutefois, le chapitre en entier a été omis de la version finale (Afghanistan 2009, 3, 48-50).

3. Conditions du mariage temporaire

Des sources signalent que les mariages temporaires peuvent être conclus en secret (chargé de cours 19 oct. 2012; Reuters 15 févr. 2006). Leur durée est préétablie au moyen d'un contrat de mariage (AIHRC 22 oct. 2012; chargé de cours 19 oct. 2012). Des sources précisent qu'un seigha peut durer [traduction] « d'une heure à 90 ans » (AIHRC 22 oct. 2012), « une journée ou aussi longtemps que le couple le souhaite » (PAN 31 août 2008) et « de quelques heures à des mois ou à des années » (chargé de cours 19 oct. 2012). Le mariage prend automatiquement fin une fois écoulée la période établie (ibid.; AIHRC 22 oct. 2012).

Selon le représentant de l'AIHRC, tout comme lors d'un mariage traditionnel, le marié peut verser une somme d'argent à la mariée au moment du mariage temporaire (AIHRC 22 oct. 2012). La professeure a déclaré que le marié remettait le paiement au père de la mariée ou, dans certains cas, aux membres de la famille du défunt mari de la femme s'ils ont organisé le mariage (23 oct. 2012).

Le représentant de l'AIHRC a expliqué que le mariage temporaire différait du mariage permanent dans la mesure où le mari ne verse aucune nafaqa (somme payée à titre d'entretien ou pension alimentaire) à sa femme, et les époux n'héritent pas des biens l'un de l'autre (23 oct. 2012). De même, la professeure a affirmé que lorsqu'un mariage temporaire prenait fin, le mari n'avait plus à subvenir aux besoins de sa femme et de ses enfants, et la femme cessait de bénéficier d'une protection juridique, ce qui n'est pas le cas quand il s'agit d'un mariage permanent (23 oct. 2012).

4. Fréquence

D'après diverses sources, le seigha est très fréquent en Iran (professeure 20 oct. 2012; Norvège 19 mai 2011, 8). La pratique se serait répandue dans certaines régions de l'Afghanistan (professeure 23 oct. 2012; Norvège 19 mai 2011, 8; chargé de cours 19 oct. 2012). Le chargé de cours a déclaré que le seigha avait maintenant cours [traduction] « notamment en Afghanistan, où sont retournées des personnes qui s'étaient réfugiées en Iran » (ibid.). Par ailleurs, on peut lire dans un article publié en 2008 par l'agence de presse indépendante Pajhwok Afghan News (PAN) (PAN s.d.) que les mariages temporaires sont devenus la [traduction] « coutume » parmi les musulmans chiites dans la province de Balkh en 2006, lorsque les réfugiés sont revenus d'Iran (ibid. 31 août 2008). Des sources font remarquer que la pratique s'est étendue au-delà de la communauté des réfugiés rapatriés pour se répandre au sein de la population chiite en général (professeure 23 oct. 2012; chargé de cours 23 oct. 2012).

Il est écrit dans l'article de PAN que, selon la directrice de la Condition féminine dans la province de Daikundi, les mariages temporaires sont devenus plus courants dans cette région que les mariages permanents (PAN 31 août 2008). Le Centre norvégien d'information sur les pays d'origine (Norway's Country of Origin Information Centre), Landinfo, fait état du fait que, d'après certaines sources, des mariages temporaires sont surtout contractés dans le centre et le nord du pays (Norvège 19 mai 2011, 8). De même, la professeure a affirmé que le seigha est une pratique adoptée par les Hazaras dans le centre et le nord de l'Afghanistan, ainsi que dans la province d'Herat (professeure 23 oct. 2012). Elle a ajouté que dans le nord de l'Afghanistan, [traduction] « les Hazaras de haut rang et un grand nombre de mullahs » recouraient à cette pratique, expliquant que celle-ci est appuyée par les mullahs plus conservateurs en raison de la forte influence de l'islam chiite traditionnel observé en Iran (ibid.). Elle a aussi fait observer que les Tadjiks pratiquaient le seigha (ibid.). Parmi les sources qu'elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n'a trouvé aucun renseignement allant dans le même sens que ceux présentés ci-dessus.

5. Buts du seigha

Selon le chargé de cours à l'Université Carleton,

[traduction]

de nombreuses femmes sont divorcées ou veuves en raison de la guerre et des conflits, et elles concluent des mariages temporaires, qui se veulent une forme d'économie politique, afin de survivre. C'est particulièrement le cas dans les pays comme l'Iran, l'Iraq et l'Afghanistan, où les femmes n'ont peut-être jamais travaillé et où les membres de sexe masculin [de leur famille] pourraient avoir été tués ou [se trouvent] en prison. Les femmes contractent un mariage temporaire pour payer leur maison, l'épicerie et les études de leurs enfants. Il y a souvent une grande honte associée à ce type de mariages (19 oct. 2012).

On peut également lire dans un article publié par Reuters en 2006 et rendant compte de l'augmentation des seighas en Afghanistan que, à Mazar-i-Sharif - ville située dans le nord du pays -, presque toutes les femmes qui contractent un mariage temporaire sont veuves ou divorcées (15 févr. 2006). D'après le représentant de l'AIHRC, les veuves n'ont pas besoin de l'autorisation d'un homme de leur famille pour conclure un mariage temporaire, mais toute femme vierge doit avoir le consentement de son père ou de son tuteur pour le faire (22 oct. 2012). Toutefois, au dire de la professeure, les mariages temporaires ne sont plus principalement contractés par les veuves et les divorcées; ils sont maintenant contractés par n'importe quelle femme chiite (23 oct. 2012).

Le chargé de cours à l'Université Carleton explique aussi que les jeunes concluent des mariages temporaires parce que, en raison de la pauvreté et du chômage, ils sont incapables de payer les dépenses liées à un mariage ordinaire (19 oct. 2012). Par ailleurs, la représentante de Women for Afghan Women a précisé que les hommes contractaient des mariages temporaires pour des raisons financières, car le fait [traduction] « d'avoir une épouse temporaire entraîne très peu de frais » (20 oct. 2012). Le représentant de l'AIHRC a également souligné que [traduction] « les conditions et les exigences » relatives aux mariages temporaires sont moins nombreuses que celles associées aux mariages traditionnels (22 oct. 2012). D'après l'article de PAN, les mariages temporaires peuvent devenir des mariages permanents (31 août 2008). Le représentant de l'AIHRC a aussi déclaré que certains mariages temporaires étaient devenus des mariages permanents, mais que cela ne constituait pas la norme (23 oct. 2012).

Selon la professeure, le mariage temporaire a [traduction] « de nombreuses conséquences morales et sociales qui désavantagent les femmes et peuvent en fait les mettre en danger » (20 oct. 2012). Par ailleurs, le chargé de cours à l'Université Carleton a affirmé que les femmes se retrouvent souvent dans une situation de [traduction] « vulnérabilité » lorsque les mariages temporaires contractés à des fins sexuelles prennent fin (19 oct. 2012). On peut lire dans l'article de PAN que la fréquence des mariages temporaires dans la province de Daikundi, y compris parmi les jeunes filles, causait des [traduction] « difficultés » aux femmes, qui n'ont personne pour subvenir à leurs besoins une fois le mariage dissous (31 août 2008). On peut aussi lire dans l'article que ces femmes ont peu de chances de contracter un mariage permanent, car la virginité peut constituer l'une des conditions à satisfaire aux fins d'un tel mariage (PAN 31 août 2008). La professeure a fourni des renseignements qui vont dans le même sens que ceux présentés ci-dessus, ajoutant que beaucoup de femmes contractaient des mariages temporaires successifs parce qu'elles étaient incapables de trouver un mari permanent (professeure 23 oct. 2012). Elle a également expliqué qu'il y a beaucoup de veuves et de femmes pauvres en Afghanistan et qu'un grand nombre de mariages temporaires étaient motivés par le désespoir et la pauvreté (ibid.). Elle a en outre affirmé que, puisque les femmes n'ont aucun contrôle sur la décision de se marier, elles peuvent aussi être forcées de contracter un mariage temporaire par leur père ou leur tuteur, qui recevra le paiement du marié (ibid.).

Des sources soulignent que bon nombre de personnes considèrent les mariages temporaires comme une forme de prostitution légale (Norvège 19 mai 2011; professeure 23 oct. 2012; chargé de cours 19 oct. 2012) et que ces mariages suscitent donc une certaine réprobation (ibid.).

Cette réponse a été préparée par la Direction des recherches à l'aide de renseignements puisés dans les sources qui sont à la disposition du public, et auxquelles la Direction des recherches a pu avoir accès dans les délais fixés. Cette réponse n'apporte pas, ni ne prétend apporter, de preuves concluantes quant au fondement d'une demande d'asile. Veuillez trouver ci-dessous les sources consultées pour la réponse à cette demande d'information.

Références

Afghanistan. 2009. Shiite Personal Status Law. Traduction anglaise non officielle publiée par la United States Agency for International Development. [Date de consultation : 19 oct. 2012]

Afghanistan Independent Human Rights Commission (AIHRC). 22 octobre 2012. Communication écrite envoyée à la Direction des recherches par un représentant.

_____. 23 octobre 2012. Communication écrite envoyée à la Direction des recherches par un représentant.

_____. S.d. « About / Sections / Women Rights Support & Development ». [Date de consultation : 19 oct. 2012]

The Australian. 18 août 2009. Amanda Hodge. « Karzai Risks Wrath of West over Shia Law ». (Factiva)

Chargé de cours de sociologie et d'anthropologie, Université Carleton. 19 octobre 2012. Communication écrite envoyée à la Direction des recherches.

_____. 23 octobre 2012. Communication écrite envoyée à la Direction des recherches.

Norvège. 19 mai 2011. Country of Origin Information Centre (Landinfo). Report: Afghanistan: Marriage. [Date de consultation : 19 oct. 2012]

Pajhwok Afghan News (PAN). 31 août 2008. « Temporary Marriage (Seegha) Has Made Some Women Fate-Less in Daikundi ». Traduit vers l'anglais par la Revolutionary Association of the Women of Afghanistan (RAWA). [Date de consultation : 19 oct. 2012]

_____. S.d. « About Us ». [Date de consultation : 19 oct. 2012]

Professeure d'étude des conflits, Université Saint-Paul. 20 octobre 2012. Communication écrite envoyée à la Direction des recherches.

_____. 23 octobre 2012. Entretien téléphonique avec la Direction des recherches.

Reuters. 15 février 2006. Tahir Atmar. « "Temporary Marriage" Stirs Afghan Controversy ». (Factiva)

Toronto Star. 5 septembre 2009. Rosie Dimanno. « Formidable Fight for Rights; the Afghan War for Sexual Reform ». (Factiva)

Women for Afghan Women. 20 octobre 2012. Communication écrite envoyée à la Direction des recherches par une représentante.

_____. S.d. « Watch a Short Video About Our Work ». [Date de consultation : 19 oct. 2012]

Autres sources consultées

Sources orales : Les tentatives faites pour joindre une représentante du Afghanistan Women Council et un professeur de la Indiana University ont été infructueuses.

Sites Internet, y compris : Al Jazeera; Afghanistan Laws Database; Amnesty International; Association pour les droits de la femme et le développement; British Broadcasting Corporation; Daily Times Pakistan; ecoi.net; États-Unis — Department of State, Library of Congress; Factiva; Fédération internationale des ligues des droits de l'homme; The Guardian; Human Rights Watch; Institute for War and Peace Reporting; Journal of Divorce and Remarriage; PRWeb.

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