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Géorgie : information sur les vendettas, y compris leur fréquence, la protection offerte par l'État, la médiation et la réinstallation (juin 2012-mai 2015)

Publisher Canada: Immigration and Refugee Board of Canada
Publication Date 3 June 2015
Citation / Document Symbol GEO105168.EF
Related Document(s) Georgia: Blood feuds, including prevalence, state protection, mediation and relocation (June 2012-May 2015)
Cite as Canada: Immigration and Refugee Board of Canada, Géorgie : information sur les vendettas, y compris leur fréquence, la protection offerte par l'État, la médiation et la réinstallation (juin 2012-mai 2015), 3 June 2015, GEO105168.EF, available at: https://www.refworld.org/docid/5587baf14.html [accessed 19 May 2023]
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1. Tradition historique des vendettas

Des sources font état du fait que certaines régions de la Géorgie sont depuis longtemps le théâtre de vendettas, une ancienne coutume qui veut que la famille d'une personne assassinée exerce sa vengeance sur la famille de l'assassin (Jalabadze 30 sept. 2012, 7-8; Voell et al. 2014, 13-14; GDI 8 mai 2015). Selon des sources, la tradition des vendettas est répandue dans les régions montagneuses suivantes, situées dans le Nord de la Géorgie :

Svanétie (ibid.; HRIDC 7 mai 2015; National Geographic oct. 2014);

Khevsourétie (Jalabadze 30 sept. 2012, 7; professeur agrégé 10 mai 2015);

Touchétie (ibid.);

Douchéti (GDI 8 mai 2015).

On peut lire dans un article de 2012 sur les vendettas dans les basses terres de la Géorgie écrit par Natia Jalabadze, chercheuse principale attachée à l'Institut d'histoire et d'ethnologie (Institute of History and Ethnology) de l'Université d'État de Tbilissi, et publié dans le Caucasus Analytical Digest [1], que des changements s'observent dans la manière dont sont exécutées les vendettas depuis le régime soviétique (Jalabadze 30 sept. 2012, 9). La chercheuse explique que [traduction] « le cercle des personnes visées par la vendetta s'est restreint, passant des membres du clan de sexe masculin aux parents proches de sexe masculin du coupable », et que, « si la personne ayant subi l'outrage n'a aucun parent proche de sexe masculin, il n'y aura pas de vendetta » (ibid.).

Pour des renseignements supplémentaires sur l'histoire et la définition de la tradition des vendettas en Géorgie, consulter la Réponse à la demande d'information GEO103668.

2. Fréquence et statistiques

D'après le National Geographic, en Svanétie, les vendettas ont refait surface après l'éclatement de l'Union soviétique, mais elles ont [traduction] « pratiquement disparu » depuis 2004 (oct. 2014). De même, dans une communication écrite envoyée à la Direction des recherches, un avocat de la Georgian Democracy Initiative (GDI), ONG indépendante dont l'objectif est de faire avancer [traduction] « le développement démocratique et l'intégration euro-atlantique » de la Géorgie (GDI s.d.), a souligné que les vendettas sont une ancienne tradition qui s'est poursuivie jusqu'à la fin du 20e siècle, mais qu'aucune nouvelle vendetta n'a été signalée au cours des [traduction] « dernières années » (ibid. 8 mai 2015).

Dans une communication écrite envoyée à la Direction des recherches, un professeur agrégé de l'École de droit (School of Law) de l'Université d'État Ilia à Tbilissi, en Géorgie, dont les travaux portent sur les droits de la personne, a affirmé que les vendettas n'existent plus en Géorgie de nos jours et que, à sa connaissance, aucune n'a été signalée pendant la période de 2010 à 2015 (professeur agrégé 10 mai 2015). Dans une communication écrite envoyée à la Direction des recherches, un représentant du Human Rights Centre (HRIDC), ONG de la Géorgie ayant pour mission la protection et la promotion des droits de la personne (HRIDC s.d.), a déclaré que l'organisation n'a pas entendu parler de vendettas qui seraient survenues [traduction] « à notre époque » (ibid. 7 mai 2015).

Toutefois, dans son article de 2012, Mme Jalabadze écrit que, bien qu'elles aient subi une [traduction] « transformation considérable », les vendettas « existent toujours dans les hautes terres, surtout en Svanétie et en Khevsourétie » (Jalabadze 30 sept. 2012, 7). Selon les conclusions de l'étude menée par la chercheuse, laquelle portait principalement sur les groupes de migrants vivant dans les basses terres de Kvemo Kartli, même si le recours aux vendettas n'est [traduction] « pas fréquent », les « Svanes [2] et les Khevsours [qui ont migré jusqu'à cette région] ont conservé » cette tradition (ibid., 8). L'auteure affirme ce qui suit :

[traduction]

On entend des histoires de vendettas dans chaque district où habitent des migrants svanes. La règle veut que les Svanes poursuivent des vendettas uniquement contre d'autres Svanes. Même si les Svanes n'habitent plus au même endroit, ils n'ont pas été libérés de la responsabilité des vendettas déclarées en Svanétie entre certaines familles svanes (clans), et celles-ci se poursuivent en Kvemo Kartli (ibid.).

Cela dit, Mme Jalabadze fait aussi observer que, malgré l'attitude [traduction] « positive » des Svanes de Kvemo Kartli à l'égard de la tradition des vendettas, le « nombre de vendettas a diminué considérablement » dans cette région (ibid.).

D'après une étude de 2014 sur l'identité et la loi traditionnelle dans les villages svanes de Kvemo Kartli, cosignée par Stéphane Voell, Natia Jalabadze, Lavrenti Janiashvili et Elke Kamm [3], il n'y a [traduction] « aucune donnée officielle sur les vendettas en Kvemo Kartli », et « [m]ême les renseignements non officiels sur des vendettas déclenchées de nos jours sont rares » (Voell et al. 2014, 13). Il est également écrit dans cette étude que certains participants svanes ont affirmé qu'il existe [traduction] « des incidents isolés de vendettas » lancées en Svanétie qui se sont poursuivies dans les basses terres, mais on précise qu'aucune « preuve tangible » de vendettas entre Svanes n'a été trouvée en Kvemo Kartli, région visée par la recherche des auteurs (ibid.).

Parmi les sources qu'elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n'a pas trouvé d'information sur des incidents précis liés à des vendettas survenus en Géorgie de 2012 à mai 2015.

3. Protection offerte par l'État

Le code criminel de la Géorgie prescrit que le meurtre prémédité est punissable d'un emprisonnement allant de sept à quinze ans (Géorgie 1999, art. 108-109).

Plusieurs sources font état du fait que l'État n'offre pas de protection particulière contre les vendettas en Géorgie (HRIDC 7 mai 2015; professeur agrégé 10 mai 2015; GDI 8 mai 2015). Au dire de l'avocat de la GDI, une version antérieure du code criminel de la Géorgie datant des années 1960 contenait une disposition spéciale contre les vendettas, qui a disparu dans la version actuelle de la loi (ibid.). Selon la même source, les vendettas sont [traduction] « traitées comme un crime ordinaire, par exemple un meurtre ou des blessures » (ibid.).

4. Médiation et réinstallation

Mme Jalabadze souligne que, en Svanétie, [traduction] « les vendettas étaient régies selon les normes juridiques traditionnelles, c'est-à-dire que des médiateurs (morval) assuraient l'entremise entre les parties, prenaient des dispositions en vue de leur réconciliation, prononçaient les sanctions, organisaient les combats et s'occupaient d'autres questions » (Jalabadze 30 sept. 2012, 9). La même source déclare que certaines situations, comme l'incendie de la maison d'un coupable ou l'homicide accidentel, qui n'étaient pas traditionnellement comptées parmi les facteurs atténuants, sont maintenant prises en considération par les médiateurs dans le règlement du conflit (ibid.).

D'après le National Geographic, il reste quelques médiateurs dans les villages en Svanétie; on fait appel à eux pour [traduction] « trancher des litiges allant de menus larcins à des vendettas de longue date » (National Geographic oct. 2014). L'article donne l'information suivante sur un médiateur de village : il a plus d'une fois négocié [traduction] « le prix du sang » - soit 20 vaches pour un meurtre, dans la plupart des cas - et « a fait venir des familles déchirées par une vendetta dans une église, leur a fait jurer sur des icônes et les a contraintes à se baptiser l'une l'autre », afin qu'elles renoncent à toute vendetta pour les 12 prochaines générations (ibid.). Mme Jalabadze explique que la réconciliation s'effectue habituellement par le versement d'une somme à la famille ayant subi l'outrage plutôt que par la remise de bétail et de terres, et que la cérémonie traditionnelle de réconciliation n'a plus lieu (Jalabadze 30 sept. 2012, 9). Parmi les sources qu'elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n'a pas trouvé d'autres renseignements allant dans le même sens.

D'après l'étude de Mme Jalabadze, chaque groupe svane de la région de Kvemo Kartli comprend des aînés et s'en remet à eux pour tenter de régler ses problèmes selon [traduction] « "la plus pure tradition" », sans l'aide de la police (ibid., 8). La chercheuse fait observer que les aînés svanes de cette région connaissent les normes traditionnelles relatives aux vendettas et participent au processus de réconciliation (ibid.). Toutefois, on peut lire dans l'étude de Voell et al. que les aînés et les médiateurs dans les villages svanes en Kvemo Kartli [traduction] « ne sont pas suffisamment puissants pour imposer leurs décisions aux jeunes » (Voell et al. 2014, 14). Cette même étude attire l'attention sur le fait que la région de Kvemo Kartli [traduction] « est contrôlée par la force policière et le gouvernement, qui y imposent les lois et les règlements de l'État de manière efficace » (ibid., 17-18). Voell et al. font cependant observer que la loi traditionnelle est [traduction] « utilisée plus ouvertement comme mesure de rechange pour maintenir l'ordre » en Svanétie et qu'elle fait « directement concurrence aux lois de l'État et à la manière dont elles sont exécutées » en Haute-Svanétie (ibid., 18). Parmi les sources qu'elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n'a pas trouvé de renseignements allant dans le même sens.

Des sources signalent que ni l'État ni les ONG locales n'offrent de processus de médiation en cas de vendetta (HRIDC 7 mai 2015; professeur agrégé 10 mai 2015; GDI 8 mai 2015). Selon l'avocat de la GDI, l'État ne fournit aucun service particulier aux personnes menacées par des vendettas, mais si quelqu'un s'adressait à la police en raison d'une vendetta, il [traduction] « serait traité comme une personne exposée à une menace à sa vie ou au risque de blessures » (ibid.). Le professeur agrégé ajoute que l'État n'offre par de services de réinstallation aux personnes qui craignent de subir des représailles dans le contexte d'une vendetta, mais qu'il est possible de demander la protection de la police si l'on se sent menacé en raison d'une vendetta (10 mai 2015).

Cette réponse a été préparée par la Direction des recherches à l'aide de renseignements puisés dans les sources qui sont à la disposition du public, et auxquelles la Direction des recherches a pu avoir accès dans les délais fixés. Cette réponse n'apporte pas, ni ne prétend apporter, de preuves concluantes quant au fondement d'une demande d'asile. Veuillez trouver ci-dessous les sources consultées pour la réponse à cette demande d'information.

Notes

[1] L'article est paru dans le Caucasus Analytical Digest, publication dont les contributeurs analysent la situation politique, économique et sociale dans les trois États du Caucase du Sud, soit l'Arménie, l'Azerbaïdjan et la Géorgie, et en évaluent l'incidence à l'échelle régionale et internationale (ETH Zurich s.d.). La publication est produite par le Centre d'études sur la politique de sécurité (Centre for Security Studies - CSS) de l'École polytechnique fédérale (Swiss Federal Institute of Technology - ETH) de Zurich, le Centre d'études et de recherche sur l'Europe de l'Est (Research Centre for East European Studies) de l'Université de Brême, le Centre d'études sur l'Europe, la Russie et l'Eurasie (Institute for European, Russian and Eurasian Studies) de l'Université George Washington, et l'Association allemande des études sur l'Europe de l'Est (German Association for East European Studies - DGO) (ibid.).

[2] Selon une étude de 2014 sur l'identité et la loi traditionnelle dans les villages svanes en Kvemo Kartli, cosignée par Stéphane Voell, Natia Jalabadze, Lavrenti Janiashvili et Elke Kamm, les Svanes sont généralement présentés comme des [traduction] « Géorgiens de souche », mais ils se présentent aussi comme étant à la fois Svanes et Géorgiens (Voell et al. 2014, 7). On peut lire dans l'étude que les Svanes parlent géorgien et leur propre langue, qui n'a pas de forme écrite et qui fait partie de la même famille linguistique que le géorgien (ibid.). Les Svanes vivent le plus souvent en Svanétie, dans les hautes terres du Caucase, mais ils ont aussi commencé à migrer vers d'autres régions de la Géorgie à la fin des années 1980, notamment dans les basses terres (ibid., 1, 2).

[3] Stéphane Voell est maître de conférences au Département d'anthropologie culturelle et sociale (Department of Cultural and Social Anthropology) à Marbourg, en Allemagne, et Elke Kamm est doctorante au même département; Natia Jalabadze est chercheuse universitaire et auteure de l'article de 2012 publié dans le Caucasus Analytical Digest et dont il est question dans la présente réponse; et Lavrenti Janiashvili est un chercheur attaché à l'Institut d'histoire et d'ethnologie de l'Université d'État de Tbilissi (Voell et al. 2014, 18-19).

Références

Georgian Democracy Initiative (GDI). 8 mai 2015. Communication écrite envoyée à la Direction des recherches par un représentant.

_____. S.d. « About ». [Date de consultation : 8 mai 2015]

Géorgie. 1999 (modifié en 2011). Criminal Code of Georgia. [Date de consultation : 7 mai 2015]

Human Rights Centre (HRIDC). 7 mai 2015. Communication écrite envoyée à la Direction des recherches par un représentant.

_____. S.d. « About Us ». [Date de consultation : 28 avr. 2015]

Jalabadze, Natia. Septembre 2012. « The Resurgence of Blood Feud in the Georgian Lowlands ». Caucasus Analytical Digest. No 42. [Date de consultation : 5 mai 2015]

National Geographic. Octobre 2014. Brook Larmer. « Svanetia ». [Date de consultation : 5 mai 2015]

Professeur agrégé, Ilia State University, School of Law. 10 mai 2015. Communication écrite envoyée à la Direction des recherches.

Swiss Federal Institute of Technology (ETH) Zurich. S.d. Center for Security Studies (CSS). « Caucasus Analytical Digest (CAD) ». [Date de consultation : 7 mai 2015]

Voell, Stéphane, Natia Jalabadze, Lavrenti Janiashvili et Elke Kamm. 2014. « Identity and Traditional Law: Local Legal Conceptions in Svan Villages, Georgia ». [Date de consultation : 8 mai 2015]

Autres sources consultées

Sources orales : Les personnes et les organisations suivantes n'ont pas répondu à une demande de renseignements : European Centre for Minority Issues Caucasus; HCR Géorgie; professeur de sociologie, State University of Tbilisi.

Les tentatives faites pour joindre les personnes et les organisations suivantes dans les délais voulus ont été infructueuses : chercheur principal, Javakhishvili Institute for History and Ethnography; Géorgie - ambassade à Ottawa, Ministry of Foreign Affairs, Ministry of Internal Affairs - Media Relations Division, Ministry of Internal Affairs - Security Police Department et Patrol Police Department, Parliament of Georgia, Prosecutor's Office, Tbilisi Patrol Police - Main Division; GYLA; Institute for War and Peace Reporting; Institute of Values; Liberty Institute; Open Society Georgia Foundation; People's Harmonious Development Society.

Sites Internet, y compris : AFP; Amnesty International; Australia Human Rights Commission; Austrian Centre for Country of Origin and Asylum Research; Caucasian Knot; Central Asia-Caucasus Analyst; Channel1.ge; Danish Institute for Human Rights; États-Unis - Central Intelligence Agency, USAID Georgia; Euractiv; EurasiaNet; Europa; European Centre for Minority Issues Caucasus; Factiva; Former Soviet Union Monitor; Friends House Moscow; Georgian Bar Association; The Georgian Times; Georgian Young Lawyer's Association; Géorgie - Public Defender's Office (Ombudsman); German Federal Office for Migration and Refugees; The Guardian; Human Rights Quarterly; Human Rights Watch; Humanrights.ge; The Huffington Post; Interfax; Institute for War and Peace Reporting; International Civil Society Centre; International Crisis Group; Irlande - Refugee Documentation Centre; The Jamestown Foundation; Jane's Intelligence Review; Jane's Terrorism Watch Report; Journal of Refugee Studies; Kyiv Post; The Moscow Times; Nations Unies - Haut Commissariat pour les réfugiés, Refworld; Norwegian Country of Origin Information Centre; Open Society Georgia Foundation; Organisation mondiale contre la torture; Organisation suisse d'aide aux réfugiés; Public Health Foundation of Georgia; Royaume-Uni - Home Office; Russia Today; SEESAC; South Caucasus Network of Human Rights Defenders; Transitions Online; Transparency International Georgia; Yandex.

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