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Ouzbékistan : rôle de la « mahalla » dans la société ouzbèke; information indiquant si les mahallas sont impliquées dans des activités liées à l'extorsion; protection offerte par l'État

Publisher Canada: Immigration and Refugee Board of Canada
Author Direction des recherches, Commission de l'immigration et du statut de réfugié, Canada
Publication Date 7 April 2004
Citation / Document Symbol UZB42472.EF
Reference 2
Cite as Canada: Immigration and Refugee Board of Canada, Ouzbékistan : rôle de la « mahalla » dans la société ouzbèke; information indiquant si les mahallas sont impliquées dans des activités liées à l'extorsion; protection offerte par l'État, 7 April 2004, UZB42472.EF, available at: https://www.refworld.org/docid/41501c6f15.html [accessed 2 June 2023]
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Le terme mahalla désigne grosso modo un quartier ou une communauté locale (JICL printemps 2002, 96; HRW sept. 2003, 5). La mahalla – terme ouzbek dérivé de l'arabe qui signifie [traduction] « local » – est une association communautaire de résidants qui, déjà, était répandue dans l'ensemble du monde islamique, mais qui tend désormais à disparaître à l'extérieur de l'Ouzbékistan (JICL printemps 2002, 94 n. 5, 95).

Le gouvernement de l'Ouzbékistan, qui présente la mahalla comme une [traduction] « institution traditionnelle », la soutient en tant [traduction] « [qu'] unité fondamentale » de la société (HRW sept. 2003, 5). Les mahallas ont été légitimées en 1993 en vertu de la loi sur les institutions d'autonomie gouvernementale des citoyens, aussi connue sous le nom de loi sur les mahallas (ibid., 6). L'Ouzbékistan est divisé en quelque 10 000 mahallas dont la taille des populations varie; en moyenne, les mahallas comptent environ 2 000 personnes (JICL printemps 2002, 95; RFE/RL 24 févr. 2003). Human Rights Watch (HRW), qui cite une source de 2001, fait état de 12 000 mahallas en Ouzbékistan, comprenant chacune de 150 à 1 500 ménages (sept. 2003, 6). Selon Eric W. Sievers, expert juridique du Centre d'études russes et eurasiennes Davis de Harvard (Harvard Davis Center for Russian and Eurasian Studies), les communautés se présentent sous les trois formes suivantes : les anciennes fermes d'État et les anciennes coopératives de production agricole, les immeubles à logement modernes ainsi que les blocs urbains composés de logements familiaux (JICL printemps 2002, 96). Chaque zone résidentielle de l'Ouzbékistan [traduction] « appartient à une seule et unique [mahalla] » et les mahallas sont habituellement séparées les unes des autres par des murs ou de larges rues (ibid., 96, 97).

Appartenance à une mahalla

En principe, tous les Ouzbeks appartiennent à une mahalla (ibid., 96) et, de façon générale, personne n'est exclu en raison de sa classe sociale, de sa profession ou de sa religion (RFE/RL 24 févr. 2003). Même si les non-Ouzbeks peuvent vivre dans une mahalla, participer aux activités locales et bénéficier des services sociaux fournis par la communauté, [traduction] « le plus souvent, on ne s'attend pas à ce qu'ils contribuent aux travaux et aux services » bien qu'ils soient censés [traduction] « reconnaître que la mahalla constitue une force sociale essentielle » (JICL printemps 2002, 98). Eric Sievers soutient que l'exil volontaire est une possibilité que rejettent la plupart des Ouzbeks (ibid.). Une personne a le droit de quitter sa communauté; cependant, lorsqu'elle élit domicile dans un nouveau quartier, on s'attend à ce qu'elle adopte les normes de sa nouvelle communauté (ibid.). De la même façon, on s'attend à ce qu'une femme qui se marie aille vivre dans la mahalla de son époux et à ce qu'elle tranche ses liens avec son ancienne communauté (ibid., 98-99).

Rôle social de la mahalla

La mahalla est un instrument homogénéisant qui vise à garantir la solidarité sociale et qui demande à ses membres de se conformer aux normes communautaires (ibid., 136). De plus, elle défend ces normes qui font autorité et qui incitent les résidants à s'entraider ainsi qu'à améliorer et à entretenir le quartier dans son ensemble (ibid., 102-103). Les membres de la communauté fournissent des services sociaux et en reçoivent; entre autres choses, ils subviennent aux besoins des personnes âgées, interviennent dans les cas de violence conjugale afin d'éviter les divorces, règlent les conflits entre les résidants, offrent des emplois assurant la subsistance et font aussi pression sur les personnes relativement fortunées pour qu'elles partagent avec les démunis (ibid.,; HRW sept. 2003, 8). Depuis 1994, les mahallas fournissent une assistance sociale aux personnes dans le besoin; depuis 1999, les dirigeants communautaires locaux (kengash) désignent les personnes qui ont droit à cette aide (JICL printemps 2002, 142).

Structure du pouvoir d'une mahalla

Eric W. Sievers, expert juridique, décrit ainsi la structure du pouvoir d'une mahalla :

[traduction]

De nos jours, en Ouzbékistan, la direction d'une mahalla repose sur quatre sources distinctes d'autorité. En vertu de la loi, un président (rais) est à la tête du comité (kengash) de la mahalla. Depuis 1999, le rais est un employé de l'État choisi au cours d'un processus de nomination non uniformisé qui mêle gouvernement de district, votes internes et consensus. En deuxième place, investi d'un pouvoir informel, vient un aksaqal (barbe blanche), homme âgé d'une mahalla choisi d'un commun accord par des personnes de sa génération pour sa sagesse, son influence personnelle et sa finesse en tant que gestionnaire. Étant donné que la richesse engendre le respect, les personnes fortunées constituent une troisième autorité. Enfin, en vertu d'un pouvoir accordé aux femmes, une femme âgée de la mahalla tient un rôle de direction non officiel et exerce souvent en même temps des fonctions officielles au sein d'un comité de femmes de la mahalla (ibid., 100-101).

Le kengash est composé du rais, élu pour un mandat de trente mois, de ses conseillers, des présidents de commission et d'un secrétaire (ibid., 119; RFE/RL 24 févr. 2003). Selon Eric Sievers, il arrive souvent que [traduction] « quelques familles s'emparent de la majorité des postes de direction ou [qu'] elles modifient l'importance relative de ces postes afin d'obtenir un pouvoir de fait » (JICL printemps 2002, 101). De plus, dans la pratique, avant que les élus ne puissent assumer leurs fonctions au sein du kengash ou avant même que le kengash ne nomme le président du comité de la mahalla, il est nécessaire d'obtenir l'approbation des autorités du district ou des autorités municipales (hokimiat) (HRW sept. 2003, 7). Étant donné que l'hokimiat, de son côté, est rattaché au gouvernement central, l'État intervient directement dans la structure politique de la mahalla (ibid.).

Les modifications apportées en 1999 à la loi sur les mahallas de 1993 (JICL printemps 2002, 151) ont été adoptées, selon HRW, à la suite d'une série d'attentats à la bombe qui ont eu lieu à Tachkent en 1999 (HRW sept. 2003, 6). Eu égard à ces modifications, les représentants des mahallas sont désormais des employés de l'État (RFE/RL 24 févr. 2003; JICL printemps 2002, 151) et la non-conformité à toute décision des mahallas constitue un crime d'État (ibid., 152). De plus, le kengash est juridiquement chargé de veiller à l'ordre public et de réprimer l'opposition manifestée par des membres d'organisations religieuses non enregistrées, notamment de participer à leur surveillance et à leur arrestation (HRW sept. 2003, 9).

À cet égard, le Cabinet des ministres a rendu en 1999 un décret prévoyant la mise en place d'un service de police civil lié aux mahallas et dont les membres sont appelés posbons (ibid., 7) ou gardes de quartier (ibid.; JICL printemps 2002, 120). L'ensemble de la mahalla, en collaboration avec le chef de police, désigne les personnes qui agiront à titre de posbons dans la communauté (HRW sept. 2003, 11). HRW mentionne que les membres de ce service sont payés par l'État (ibid., 7), mais Eric Sievers les dépeint comme faisant partie d'une maind'œuvre non rémunérée, censée fournir une réponse localisée au crime dans la mahalla (JICL printemps 2002, 120). Dans un cas comme dans l'autre, on s'attend à ce que les membres de la communauté collaborent avec les posbons, et à ce que ceuxci informent la police des activités des membres de la communauté (HRW sept. 2003, 11). HRW signale que le nombre de posbons varie d'une communauté à l'autre; cependant, deux mahallas de Tachkent comptant plus de 3 000 habitants possèdent moins de dix gardes civils (HRW sept. 2003, 7). Un journaliste local interrogé par Radio Free Europe/Radio Liberty (RFE/RL) a déclaré que [traduction] « [s'] il y a 100 habitants dans une mahalla, 30 d'entres eux sont des "posbons" [personnes chargées de la sécurité] et 20 autres sont des "quloqs" [personnes qui collaborent avec les responsables de la sécurité] » (24 févr. 2003).

Abus de pouvoir et extorsion

Le rapport d'HRW présente de façon détaillée de nombreux exemples d'abus commis par les autorités des mahallas envers les citoyens ouzbeks, y compris envers des membres supposés de l'Hizb ut-Tahrir (Parti de la libération), organisation politicoreligieuse (HRW sept. 2003, 12-13). Parmi ces abus, on compte la surveillance des membres des mahallas et la collecte de renseignements relatifs à leurs activités (ibid., 13-16), les punitions extrajudiciaires et les dénonciations publiques (ibid., 17-20), la discrimination lorsqu'il s'agit de fournir l'assistance sociale (ibid., 21-22), la perpétuation de la violence conjugale par la suspension des procédures de divorce entreprises par les femmes (ibid., 24-25) et la réinstallation forcée (ibid., 30).

Parmi les sources consultées, la Direction des recherches n'a trouvé aucune mention d'activités liées à des pots-de-vin ou à l'extorsion exercées par les autorités des mahallas et n'a trouvé que quelques mentions de corruption. Eric Sievers mentionne que le pouvoir de distribuer les dons de charité que détient le comité de la mahalla peut l'inciter à se livrer à la corruption (JICL printemps 2002, 153-154). HRW a aussi fait état des pouvoirs discrétionnaires des mahallas dans le domaine des services sociaux ainsi que [traduction] « du peu de critères objectifs et de contrôle externe » qui régissent ces questions (sept. 2003, 21). La distribution de l'aide sociale a entraîné [traduction] « beaucoup de récriminations et des soupçons fréquents de corruption » parmi l'ensemble des citoyens ouzbeks (JICL printemps 2002, 147). À ce sujet, Eric Sievers mentionne que le rais s'est vu accorder le droit

[traduction]

[d']affermer des terres, de percevoir des loyers et de faire du commerce. Il n'est pas surprenant que les rais soient bien nantis et que les mahallas fassent de plus en plus l'objet de ressentiment au sein de la population [...] (ibid., 153).

[...]

[Selon la pratique] l'aide ne devrait pas être accordée tant qu'une famille n'a pas présenté une demande officielle faisant état des biens, des revenus et des emplois de ses membres ou tant que le comité de la mahalla n'a pas directement rassemblé des renseignements relatifs aux biens d'une famille. [...] Cependant, le fait de révéler des renseignements de ce genre peut aussi servir à augmenter l'influence des rais et d'autres membres des kengash dans la communauté (ibid., 154 n. 183).

Cette réponse a été préparée par la Direction des recherches à l'aide de renseignements puisés dans les sources qui sont à la disposition du public, et auxquelles la Direction des recherches a pu avoir accès dans les délais prescrits. Cette réponse n'apporte pas, ni ne prétend apporter, de preuves concluantes quant au fondement d'une demande d'asile. Veuillez trouver ci-dessous la liste des autres sources consultées pour la réponse à cette demande d'information.

Références

Human Rights Watch (HRW). Septembre 2003. Vol. 15, no 7. « Uzbekistan: From House to House: Abuses by Mahalla Committees ». [Date de consultation : 2 avr. 2004]

Journal of International and Comparative Law (JICL) [Chicago]. Printemps 2002. Eric W. Sievers. « Uzbekistan's Mahalla: From Soviet to Absolutist Residential Community Associations ». Mahalla%20final%20for%20publication.pdf> [Date de consultation : 2 avr. 2004]

Radio Free Europe/Radio Liberty (RFE/RL). 24 février 2003. Charles Carlson. « Uzbekistan: The Changing Role of the "Mahalla" ». [Date de consultation : 1er avr. 2004]

Autres sources consultées

Sites Internet, y compris : Amnesty International, Country Reports 2002, Country Reports 2003, Droits de l'homme sans frontières, Freedom House, Human Rights Watch World Report, Times of Central Asia.

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