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Burundi : information sur la situation des Tutsis, y compris les Tutsis provenant de l'élite; le traitement qui leur est réservé par les autorités et par la société; et la protection qui leur est offerte (décembre 2015-février 2017)

Publisher Canada: Immigration and Refugee Board of Canada
Publication Date 6 March 2017
Citation / Document Symbol BDI105750.F
Related Document(s) Burundi: The situation of the Tutsi, including the Tutsi elite; their treatment by the authorities and by society; and protection provided to them (December 2015-February 2017)
Cite as Canada: Immigration and Refugee Board of Canada, Burundi : information sur la situation des Tutsis, y compris les Tutsis provenant de l'élite; le traitement qui leur est réservé par les autorités et par la société; et la protection qui leur est offerte (décembre 2015-février 2017), 6 March 2017, BDI105750.F, available at: https://www.refworld.org/docid/58cfba804.html [accessed 19 May 2023]
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Direction des recherches, Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada, Ottawa

1. Survol de la situation

Des sources qualifient la crise actuelle au Burundi de « politique » (Nations Unies 9 sept. 2016, paragr. 18; FIDH et Ligue ITEKA nov. 2016, 106). Plusieurs sources affirment que les victimes de la crise au Burundi sont à la fois des Hutus et des Tutsis (African Arguments 22 janv. 2016; AI 15 févr. 2017; Human Rights Watch 25 févr. 2016). Des sources rapportent que le gouvernement cible tous ceux qui s'opposent à lui (ibid.; FIDH et Ligue ITEKA nov. 2016, 106; chercheur 23 févr. 2017). Dans une communication écrite envoyée à la Direction des recherches, un chercheur en résidence, membre du Centre Franco-Paix en résolution des conflits et missions de paix de la Chaire Raoul-Dandurand en études stratégiques et diplomatiques de l'Université du Québec à Montréal (UQAM), dont les champs d'intérêt comprennent notamment les missions de paix en Afrique et le système international et africain de protection des droits de l'homme, a expliqué ce qui suit :

La tension politique et militaire actuelle au Burundi trouve sa source dans une crise électorale qui a opposé d'une part, ceux qu'on surnomme les "opposants au troisième mandat", et d'autre part, le président Pierre Nkurunziza et ses partisans.

[…] Il ne s'agissait donc a priori et à l'origine que d'une tension politique, qui s'est par la suite déportée sur le plan ethnique, et cela, par le fait que certains leaders politiques qui croyaient pouvoir utiliser cet instrument comme facteur mobilisateur, pour réveiller les vieilles mobilisations antagonistes Tutsi-Hutu qui ont existé dans ce pays et dans la région, et qui a causé des milliers de victimes (chercheur 23 févr. 2017).

Dans un rapport publié en 2016 sur le Burundi, la Fédération internationale des ligues des droits de l'homme (FIDH) et la Ligue burundaise des droits de l'homme (Ligue ITEKA) affirment que le facteur ethnique, bien qu'il ne soit pas toujours la motivation première pour les crimes commis par les forces de sécurité, tend à devenir un « marqueur » de la violence exercée par les autorités burundaises contre ceux qui sont suspectés de s'opposer au troisième mandat du président (FIDH et Ligue ITEKA nov. 2016, 166). La même source précise que « les populations tutsi sont perçues comme étant "par nature" opposées au pouvoir en place et sont persécutées pour cette raison » (ibid.). De même, dans une communication écrite envoyée à la Direction des recherches, une professeure associée de l'Université Georgia State, dont les champs d'intérêt incluent notamment l'ethnicité, la violence, le génocide et le Burundi, a écrit ce qui suit en ce qui concerne la situation actuelle des Tutsis au Burundi : [traduction] « La crise politique en cours au Burundi ne s'est d'abord pas constituée sur des bases ethniques. Néanmoins, dans certains endroits du pays, la violence a pris des dimensions ethniques explicites. Dans la plupart des cas de violence à caractère ethnique, cette violence vise les Tutsis » (professeure associée 12 févr. 2017).

Le Comité contre la torture des Nations Unies affirme dans un rapport publié en 2016 que la « dimension ethnique du conflit pourrait être aggravée par des actions de répression menées dans des quartiers majoritairement habités par des Tutsis » (Nations Unies 9 sept. 2016, paragr. 18). De même, un article publié en 2016 par African Arguments, un site Internet qui publie des analyses sur l'actualité et la politique africaine (African Arguments s.d.), signale que les signes de [traduction] « tension ethnique » sont immanquables, particulièrement dans les communes de la capitale où les [traduction] « éléments tutsis sont prédominants » (ibid. 22 janv. 2016). Jurist, un site Internet de recherche juridique dirigé par un professeur de droit de l'Université de Pittsburgh (Jurist s.d.), a publié en 2016 un commentaire académique sur la [traduction] « rhétorique du génocide » au Burundi (ibid. 19 janv. 2016). D'après ce commentaire, des manifestations pour contester le troisième mandat de Pierre Nkurunziza comme président ont été contenues par [traduction] « la répression féroce de la police » dans les [traduction] « banlieues à majorité tutsie de Ngagara, Nyakabiga, Musaga, Cibitoke, Mutakura et Jabe » (ibid.). Selon Léonce Ngendakumana, un des signataires hutus de l'Accord de paix d'Arusha et président du parti d'opposition Frodebu-Sawanya, le régime Nkurunziza « s'attaque avec violence aux quartiers tutsis et aux jeunes Tutsis qui, lorsqu'ils sont arrêtés, sont rapidement tués, tandis que les jeunes Hutus sont généralement arrêtés pour "redressement" » (La Libre Belgique 26 févr. 2016).

Toutefois, l'auteur du commentaire académique publié en janvier 2016 par Jurist affirme ce qui suit au sujet de la situation au Burundi :

[traduction]

Bien que le Burundi ait vécu des actes atroces au cours des huit derniers mois, surtout dans les banlieues à majorité tutsie de Bujumbura, les tueries ne sont pas des actes de génocide qui visent le groupe tutsi en tant que tel. Étant donné que les manifestations au printemps contre le troisième mandat du président Nkurunziza ont été menées par des personnes vivant principalement dans ces banlieues, le ciblage de ces zones est politiquement motivé et localisé. D'autres zones à majorité tutsie comme Rohero, Kiriri, Kinindo et la campagne ont été épargnées par les actes de représailles de la police […] En conclusion, une enquête fondée sur les faits suggère que les meurtres et autres actes dégradants et de mauvais traitement ciblent les personnes qui sont contre le troisième mandat de Nkurunziza. Ils ne correspondent en aucun cas à des attaques contre les Tutsis pour leur appartenance ethnique en tant que telle […] Cependant, d'un point de vue des droits de la personne, et pour le moment, même [si les analyses] ne permettent pas de trouver des allégations de génocide, la plupart des actes horribles ne sont pas justifiables, sous la loi […] Les burundais sont tous affectés par la crise actuelle, indépendamment de leur affiliation ethnique ou politique (Jurist 19 janv. 2016).

Selon un document complémentaire rédigé en mars 2015 et fourni à la Direction des recherches par la professeure associée de l'Université Georgia State, la crise actuelle n'a pas directement mené à une polarisation sur des bases ethniques puisque plusieurs membres importants du parti au pouvoir, largement composé de Hutus, se sont opposés au troisième mandat du président Nkurunziza (professeure associée 12 févr. 2017). De même, l'Armed Conflict Location & Event Dataset (ACLED), un site Internet qui répertorie les dates et les lieux des événements de violences et de manifestations politiques dans plus de 60 pays en Afrique et en Asie (ACLED s.d.), a publié en 2016 un rapport sur la crise au Burundi (ibid. mai 2016). On peut y lire que le conflit burundais oppose les partisans du régime aux opposants au régime (ibid., 12). Selon le chercheur de l'UQAM, « les personnes s'opposant au troisième mandat, qu'elles soient Hutu ou Tutsi ont toutes été visées par les répressions qui s'abattent sur différentes forces politiques et sociales, pourvu qu'elles soient soupçonnées d'appartenir à la partie contestataire » (23 févr. 2017).

2. Traitement réservé aux Tutsis par les autorités

Parmi les conclusions du rapport publié en 2016 de l'enquête indépendante des Nations Unies sur le Burundi (EINUB), établie conformément à la résolution S-24/1 du Conseil des droits de l'homme, on peut lire que « les experts sont consternés du fait que […] des autorités de l'État, y compris aux plus hauts niveaux, recourent à un langage qui peut provoquer progressivement la division (antérieurement pansée) et la méfiance entre les groupes ethniques au Burundi […] (Nations Unies 20 sept. 2016, paragr. 136). Dans une communication écrite envoyée à la Direction des recherches, une représentante responsable du Rwanda et du Burundi au sein d'Amnesty International a écrit que [traduction] « le gouvernement actuel a cherché à renforcer la division Hutu-Tutsi à travers ses politiques et ses actions » (AI 15 févr. 2017). Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale des Nations Unies signale [traduction] « [l]'utilisation fréquente d'un discours de haine et d'incitation à la violence ethnique par les représentants gouvernementaux » (Nations Unies 21 nov.-9 déc. 2016). De même, la FIDH et la Ligue ITEKA, s'appuyant sur le témoignage d'un intellectuel burundais, affirment qu'à la fin de chaque mois, Gélase Ndabirabe, un porte-parole du parti au pouvoir, apparaît à la télévision nationale et déclare qu'il « faut être vigilant du fait que les Tutsi veulent revenir au pouvoir » (FIDH et Ligue ITEKA nov. 2016, 110). La même source écrit que Pascal Nyabenda, [anciennement] président du parti au pouvoir et président de l'assemblée nationale, est une « des personnalités motrices dans la conception et la propagation de mots d'ordre divisionnistes et anti-tutsi du régime » (ibid., 157). De même, un communiqué de presse des Nations Unies rapporte ce qui suit au sujet de « déclarations incendiaires de personnalités publiques » :

Dans une déclaration datée du 16 août 2016 et publiée sur le site du CNDD-FDD [Conseil national pour la défense de la démocratie - Forces de défense de la démocratie (parti au pouvoir)], Pascal Nyabenda, qui était à cette date Président du parti et Président de l'Assemblée nationale, a laissé entendre que le génocide au Rwanda était une invention de la communauté internationale (« montages génocidaires contre le Gouvernement dit hutu de Kigali ») qui avait servi à renverser le gouvernement hutu en place à l'époque […] (24 août 2016).

Au sujet du traitement réservé aux Tutsis par les autorités, le chercheur de l'UQAM a souligné qu' « [i]l n'existe pas un traitement spécial réservé exclusivement aux Tutsi au Burundi » (chercheur 23 févr. 2017). Selon la même source, il n'existe pas au Burundi, « une persécution visible dirigée exclusivement contre les Tutsi » (ibid.). Le chercheur de l'UQAM a résumé la situation comme suit :

Les Tutsi ne sont visés par la répression des autorités du Burundi que lorsque leurs membres sont issus ou sont soupçonnés d'appartenir à la "grande coalition" (société civile, partis d'opposition, journalistes, et défenseurs aux droits de l'homme) qui s'oppose au maintien au pouvoir du président Pierre Nkurunziza.

Il est clair que dans cette situation, la sanction qui leur est infligée prend un accent particulier […] Ceux-là, lorsqu'ils sont visés, font l'objet de restrictions à la liberté d'expression, d'arrestations et de détention arbitraires, d'exécutions extrajudiciaires, de violences sexuelles, d'actes de torture et d'autres traitement cruels, inhumains ou dégradants (ibid.).

2.1 Événements impliquant les forces de sécurité

Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale des Nations Unies se dit préoccupé par les meurtres, exécutions sommaires, disparitions et cas de torture [traduction] « dont plusieurs semblent avoir un caractère ethnique » (Nations Unies 21 nov.-9 déc. 2016). Le conseiller spécial des Nations Unies pour la prévention du génocide s'est inquiété du fait que la section des jeunes du parti CNDD-FDD (les Imbonerakure) était « associée à des violations des droits de l'homme et faisait planer des menaces de violences ethniques […] [alors que] le ministre burundais de l'intérieur avait confirmé que les Imbonerakure faisaient partie intégrante de la stratégie nationale de sécurité […] » (Nations Unies 24 août 2016). D'après un article publié en 2017 par African Arguments, les forces de sécurité et les Imbonerakure ont de plus en plus ciblé les Tutsis après décembre 2015 (20 janv. 2017). De même, la FIDH et la Ligue ITEKA écrivent que plusieurs victimes leur ont dit avoir été arrêtées et/ou torturées après avoir été identifiées comme Tutsi (FIDH et Ligue ITEKA nov. 2016, 11). La même source signale qu'entre avril 2015 et avril 2016, plus de 8 000 personnes ont été détenues pour des raisons politiques et des milliers d'autres ont été arrêtées, parmi lesquelles les membres de la minorité tutsie sont les principales cibles (ibid., 30). Human Rights Watch signale que [traduction] « dans certains cas, les membres des forces de sécurité, des services de renseignements ou les Imbonerakure ont lancé des insultes ethniques à des Tutsis lorsqu'ils les ont arrêtés ou maltraités » (25 févr. 2016).

S'appuyant sur des témoignages, Human Rights Watch rapporte les incidents suivants : le 25 juin 2015, des policiers et le Service national de renseignement (SNR) ont torturé un policier en alléguant que ce dernier avait une grenade et qu'il allait la [traduction] « donner aux Tutsis pour tuer des Hutus »; la police et des agents de renseignement ont battu une vingtaine de personnes dans une cour et l'un des assaillants leur a crié [traduction] « Vous êtes des terroristes Tutsis » (ibid. 7 juill. 2016); et des Imbonerakure ont torturé un chauffeur de taxi dans la forêt et l'un d'eux a dit à celui-ci qu'il [traduction] « devrait attendre au moins 200 ans avant qu'il y ait un président Tutsi » (ibid.). Dans un bulletin hebdomadaire publié en 2016, la Ligue ITEKA signale que les Imbonerakure ont torturé le 29 janvier 2017 « un policier de la composante sociale tutsi et l'[on]t gardé pendant plus de 4 heures avant de le libérer l'accusant de collaborer avec des rebelles » (Ligue ITEKA 30 janv.-5 févr. 2017, 4). S'appuyant sur des témoignages, la même source rapporte que les Imbonerakure menacent « de mort la population de la composante sociale Tutsi » (ibid.).

Le rapport de l'EINUB affirme qu'une femme tutsie de Nyakabika a été « sévèrement battue, poignardée […] et violée » par quatre hommes en uniforme de police et que l'un d'eux lui aurait dit : « Je fais cela parce que je veux que tu portes mes enfants hutus » (Nations Unies 20 sept. 2016, paragr. 77). De même, s'appuyant sur des témoignages, un observateur international a déclaré à la FIDH et la Ligue ITEKA que les Imbonerakure étaient encouragés à violer les femmes tutsies (nov. 2016, 92).

2.1.1 Événements des 11 et 12 décembre 2015

Un article publié en 2016 par le Centre d'actualité de l'ONU signale qu'une « opération de fouille » a été menée par la police et les forces armées les 11 et 12 décembre 2015, dans les quartiers de Musaga, Nyakabiga, Ngagara, Citiboke et Mutakure à Bujumbura, à la suite d'attaques perpétrées contre trois camps militaires :

Selon des informations recueillies auprès d'habitants de divers quartiers, certaines des victimes de violations des droits de l'homme lors des opérations de perquisition ayant fait suite aux événements du 11 décembre ont été visées parce qu'ils étaient Tutsis […]

Dans le quartier de Nyakabiga à Bujumbura, un autre témoin a affirmé que les Tutsis étaient systématiquement tués, tandis que les Hutus étaient épargnés. Et dans le quartier de Muramvya, la décision d'arrêter certaines personnes aurait également été basée dans une large mesure sur l'appartenance ethnique, la plupart des Hutus étant relâchés, selon plusieurs témoignages distincts (Nations Unies 15 janv. 2016).

Dans son rapport mondial de 2017 sur le Burundi, Human Rights Watch affirme que le 11 décembre 2015, parmi les policiers, militaires et Imbonerakure qui ont « pénétré de force dans des maisons […] [c]ertains criaient des insultes à caractère ethnique à l'intention des habitants Tutsis. Ils ont alors abattu des dizaines de personnes à Nyakabiga et Musaga, et commis des arrestations arbitraires à grande échelle » (janv. 2017, 2). De même, la FIDH et la Ligue ITEKA affirment que le 11 décembre 2015, des membres de l'armée, de la police et des Imbonerakure demandaient aux gens de « préciser leur ethnie et ont proféré des insultes à caractère ethnique à l'attention des Tutsi […] (FIDH et Ligue ITEKA nov. 2016, 32). Selon la même source, la majorité des victimes étaient des Tutsis (ibid.). Amnesty International précise que « [l]a plupart des personnes qui ont été tuées le 11 décembre habitaient dans les quartiers de Musaga, Mutakura, Nyakabiga, Ngagara, Cibitoke et Jabe, dont la population est majoritairement composée de membres de la minorité tutsi » (AI 22 déc. 2015). La même source explique que pour les autorités, ces quartiers sont considérés « comme des fiefs de l'opposition » puisque « les mouvements de protestations contre la décision du président Nkurunziza de briguer un troisième mandat [y ont commencé] » (ibid.).

2.2 Traitement réservé aux Tutsis au sein des forces de sécurité

Le rapport de l'EINUB signale que des « divisions [entre les groupes ethniques au Burundi] commencent à se manifester d'elles-mêmes au sein des forces de sécurité » (Nations Unies 20 sept. 2016, paragr. 136). La FIDH et la Ligue ITEKA rapportent ceci :

Des mesures anti-putsch, visant de façon privilégiée les ex-FAB [Forces armées burundaises (FIDH et Ligue ITEKA nov. 2016, 17), l'ancienne armée à majorité tutsie des régimes militaires du passé (ibid., 11)], sont rapidement mises en place et de nombreux militaires tutsi sont retirés de leur poste de commandement, mutés et « dispersés » dans des lieux reculés en province. Différents interlocuteurs ont évoqué le fait que de nombreux officiers tutsi de la Brigade spéciale de protection des institutions (BSPI) ont été remplacés par des anciens combattants du CNDD-FDD et que les officiers ex-FAB sont moins bien équipés que leurs collègues issus du CNDD-FDD. De même, les unités spéciales de la police et de l'armée en pointe dans la répression sont « à plus de 95 % des Hutu », d'après une source proche des services de sécurité (ibid., 36).

De même, la représentante d'Amnesty International a affirmé que des arrestations des membres, en service ou retraités, de l'ex-FAB, ainsi que des fouilles de leurs maisons, continuent d'être rapportées (AI 15 févr. 2017). Selon Natacha Songore, une réfugiée burundaise aussi journaliste et membre du Mouvement des femmes et des filles pour la paix et la sécurité au Burundi, « le régime a marginalisé et éliminé » des membres de l'ex-FAB (International Crisis Group 31 oct. 2016). Selon Vital Nshimirimana, un réfugié burundais, délégué général du Forum pour le renforcement de la société civile au Burundi et président du mouvement citoyen Halte au troisième mandat, le conflit « prend une allure ethnique contre les Tutsi [et] vise davantage l'armée » (ibid. 19 oct. 2016). En septembre 2016, le président de l'Association pour la protection des droits humains et des personnes détenues (APRODH), une association burundaise apolitique et sans but lucratif (APRODH 28 nov. 2011), a déclaré que « des militaires appartenant à l'ancienne armée burundaise d'avant 2002, les ex-FAB étaient menacés par le pouvoir (All Africa 6 févr. 2017).

Selon la FIDH et la Ligue ITEKA, parmi les 48 membres de l'ex-FAB transférés de Bujumbura à l'intérieur du pays, 46 étaient Tutsis (FIDH et Ligue ITEKA nov. 2016, 36). S'appuyant sur une source militaire, la FIDH et la Ligue ITEKA affirment que « depuis la mi-avril 2016 les autorités ont aussi prévu de retirer 700 membres de l'ex-FAB, parmi lesquels seulement 3 sont Hutus » (ibid.). Toutefois, l'Agence Belga, s'appuyant sur ce qui a été rapporté par le radiodiffuseur allemand Deutsche Welle, signale que « [q]uelque 300 militaires burundais issus des ex-[FAB] », dont la plupart sont des Tutsis, « ont été mis d'office à la retraite en vertu d'un décret pris le 31 décembre [2016] » (Agence Belga 4 janv. 2017). D'après la FIDH et la Ligue ITEKA, « depuis le début de la crise plusieurs dizaines de membres de l'ex-FAB ont été victimes d'assassinats ciblés, d'enlèvements et de possibles disparitions forcées (FIDH et Ligue ITEKA nov. 2016, 36-37). La même source rapporte que « des listes noires » ont été préparées, avec les noms des « indésirables » au sein des Forces de la Défense Nationale, qui « sont presque tous des Tutsis » (ibid., 37).

Des sources rapportent l'arrestation de soldats à la suite d'un incident survenu près du camp militaire de Mukoni en janvier 2017 (RFI 27 janv. 2017; Ligue ITEKA janv. 2017, 12). Au sujet de cet événement, la Ligue ITEKA rapporte qu'au moins 12 militaires tutsis ont été arrêtés et torturés par les agents du SNR et les Imbonerakure (ibid.). Radio France Internationale (RFI) signale plutôt l'arrestation de 18 militaires (27 janv. 2017).

3. Traitement réservé aux Tutsis par la société

Parmi les sources qu'elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches a trouvé peu d'information au sujet du traitement réservé aux Tutsis par la société. Dans leur rapport sur le Burundi, la FIDH et la Ligue ITEKA signalent que le 1er avril 2016, le jour précédent les funérailles du lieutenant-colonel Darius Ikurakure, des messages circulaient sur les réseaux sociaux, notamment le message suivant : « Chers HUTU, réveillez-vous! Demain nous allons enterrer un héros de la lutte anti Tutsi […] » (nov. 2016, 108).

Selon Fulvio Beltrami, un journaliste et analyste basé en Ouganda, [traduction] « Nkurunziza n'est pas supporté par la majorité des Hutus dans le pays […] » (IBT 9 nov. 2015). De même, d'après un consultant de l'International Crisis Group, « la population [burundaise] ne semble pas retomber dans le piège des divisions ethniques : les affrontements n'ont pas pris une tournure communautaire et n'impliquent pour l'instant que les militants de l'opposition et les forces de sécurité » (Jeune Afrique 10 juin 2016).

4. Situation des Tutsis provenant de l'élite

Parmi les sources qu'elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches a trouvé peu d'information au sujet du traitement réservé aux Tutsis provenant de l'élite. D'après le consultant de l'International Crisis Group, « une bonne partie de l'élite économique et politique [a] quitté le pays » en raison du « poison de la division ethnique, [de] la peur et [de] la pauvreté grandissantes [qui] minent la cohésion sociale et la coexistence politique, déjà fragiles avant la crise » (ibid.). De même, la représentante d'Amnesty International a expliqué que les personnes qui font partie de l'élite sont susceptibles d'être plus visibles et sont donc plus à risque d'être ciblées si elles sont perçues comme [traduction] « s'opposant ou s'opposant potentiellement au gouvernement CNDD-FDD actuel » (AI 15 févr. 2017). Selon cette source, [traduction] « être un opposant réel, soupçonné ou potentiel (pacifique ou armé) au gouvernement » est la principale raison pour être ciblé (ibid.).

Le chercheur de l'UQAM a pour sa part écrit ce qui suit :

Le groupe des élites Tutsi ne sont visés par la répression des autorités du Burundi que lorsque leurs membres sont issus ou sont soupçonnés d'appartenir à la "grande coalition" (société civile, partis d'opposition, journalistes, et défenseurs aux droits de l'homme) qui s'oppose au maintien au pouvoir du président Pierre Nkurunziza (23 févr. 2017).

Human Rights Watch affirme ce qui suit au sujet de la crise actuelle :

[traduction]

Bien qu'il y ait beaucoup de Tutsis dans le gouvernement, beaucoup des postes clés dans le parti au pouvoir et dans les forces de sécurité sont occupés par des Hutus. Le gouvernement cherche à décrire l'opposition comme étant majoritairement tutsie, même si elle comprend de nombreux Hutus.

Alors que la plupart des institutions nationales comprennent à la fois des Hutus et des Tutsis, la crise actuelle fait que certains membres de chaque groupe se méfient les uns des autres. Cela a été exacerbé par la rhétorique incendiaire de certains membres du parti au pouvoir et des personnalités de l'opposition (25 févr. 2016).

5. Protection offerte aux Tutsis

Parmi les sources qu'elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches a trouvé peu d'information au sujet de la protection offerte aux Tutsis. Selon la professeure associée de l'Université Georgia State, il n'existe pas de système de soutien spécifique pour les Tutsis, comme le gouvernement [traduction] « insiste [pour dire] qu'il est le gouvernement de tous les Burundais » (12 févr. 2017).

Toutefois, le chercheur de l'UQAM a écrit ce qui suit au sujet d'une protection ou de services de soutien pour les Tutsis :

Formellement, il existe une protection constitutionnelle des Burundais et de toute personne se trouvant sur le sol burundais, comme ailleurs […] Par ailleurs, l'État burundais est partie à de nombreux instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme, notamment le Pacte international relatif aux droits civils et politiques […] Les autorités de ce pays ont aussi ratifié le Statut de la Cour pénale internationale […] Sur cette base, on peut indiquer qu'il existe formellement une protection pour toute la population, y compris les Tutsis.

Mais dans la pratique, il n'existe pas de protection crédible ou des services de support pour les Tutsis émanant spécifiquement du gouvernement. Cette protection n'existe pas non plus pour tous ceux qui sont opposés au maintien du président. Le gouvernement n'assume pas la responsabilité qui lui incombe de protéger toute personne se trouvant sur son sol (chercheur 23 févr. 2017).

Cette réponse a été préparée par la Direction des recherches à l'aide de renseignements puisés dans les sources qui sont à la disposition du public, et auxquelles la Direction des recherches a pu avoir accès dans les délais fixés. Cette réponse n'apporte pas, ni ne prétend apporter, de preuves concluantes quant au fondement d'une demande d'asile. Veuillez trouver ci-dessous les sources consultées pour la réponse à cette demande d'information.

Références

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African Arguments. 22 janvier 2016. « In the Shadow of Genocides Past: Can Burundi be Pulled Back from the Brink? ». [Date de consultation : 13 févr. 2017]

African Arguments. S.d. « About African Arguments ». [Date de consultation : 14 févr. 2017]

Agence Belga. 4 janvier 2017. « Crise au Burundi - Trois cents militaires ex-FAB, principalement Tutsi, mis à la retraite (radio) » (Factiva)

All Africa. 6 février 2017. « "Il n'y a pas de purge au sein de l'armée burundaise" ». (Factiva)

Amnesty International (AI). 15 février 2017. Communication écrite envoyée à la Direction des recherches par une représentante.

Amnesty International (AI). 22 décembre 2015. « Burundi. Des enquêtes doivent être menées sur les exécutions extrajudiciaires et les homicides systématiques ». [Date de consultation : 6 févr. 2017]

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Association pour la protection des droits humains et des droits des personnes détenues (APRODH). 28 novembre 2011. « Bienvenue sur le site Web d'A.PRO.D.H ». [Date de consultation : 17 févr. 2017]

Chercheur, Université du Québec à Montréal (UQAM). 23 février 2017. Communication écrite encoyée à la Direction des recherches.

Fédération internationale des ligues des droits de l'homme (FIDH) et Ligue burundaise des droits de l'homme (Ligue ITEKA). Novembre 2016. « Repression and Genocidal Dynamics in Burundi ». [Date de consultation : 6 févr. 2017]

Human Rights Watch. Janvier 2017. Rapport mondial 2017 : Burundi. [Date de consultation : 13 févr. 2017]

Human Rights Watch. 7 juillet 2016. « Burundi : Intelligence Services Torture Suspected Opponents ». [Date de consultation : 13 févr. 2017]

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Jurist. S.d.. « FAQ ». [Date de consultation : 14 févr. 2017]

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Ligue burundaise des droits de l'homme (Ligue ITEKA). 30 janvier-5 février 2017. « Bulletin hendomadaire "ITEKA N'IJAMBO" n°44 ». [Date de consultation : 16 févr. 2017]

Ligue burundaise des droits de l'homme (Ligue ITEKA). Janvier 2017. « Rapport mensuel "ITEKA N'IJAMBO" ». [Date de consultation : 16 févr. 2017]

Nations Unies. 21 novembre-9 décembre 2016. « Prevention of Racial Discrimination, Including Early Warning and Urgent Action Procedures ». [Date de consultation : 13 févr. 2017]

Nations Unies. 20 septembre 2016. Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme. Rapport de l'enquête indépendante des Nations Unies sur le Burundi (EINUB) établie conformément à la résolution S-24/1 du Conseil des droits de l'homme. Traduction non-officielle. (A/HRC/33/37)

Nations Unies. 9 septembre 2016. Comité contre la torture. Observations finales du Comité concernant le rapport spécial du Burundi, demandé conformément au paragraphe 1, in fine, de l'article 19 de la Convention. CAT/C/BDI/CO/2/Add.1.

Nations Unies. 24 août 2016. « Déclaration du conseiller spécial pour la prévention du génocide, Adama Dieng, sur la situation au Burundi ». [Date de consultation : 13 févr. 2017]

Nations Unies. 15 janvier 2016. Centre d'actualités de l'ONU. « Nouvelle vague "alarmante" de violations des droits humains au Burundi (ONU) ». [Date de consultation : 14 févr. 2017]

Professeure associée, Georgia State University. 12 février 2017. Communication écrite envoyée à la Direction des recherches.

Radio France Internationale (RFI). 27 janvier 2017. « Burundi : multiplication des arrestations au sein de l'armée ». [Date de consultation : 17 févr. 2017]

Autres sources consultées

Sources orales : chercheur postdoctoral, Netherlands Institute for the Study of Crime and Law Enforcement; directeur, Centre de formation et de rencherche pour la paix (Université du Burundi); Ligue burundaise des droits de l'homme "ITEKA"; Ligue des droits de la personne dans la région des Grands Lacs; professeur, Université Concordia; professeur, Université d'Ottawa.

Sites Internet, y compris : Agence France-Presse; BBC; Burundi - portail du gouvernement; Conseil national pour la défense et la démocratie - Forces de défense de la Démocratie; La Croix; États-Unis - Département d'État; Freedom House; The Guardian; Mali Actu; Minority Rights Group International; Le Monde; Nations Unies - Refworld; Voice of America.

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