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Cameroun : information sur la pratique du lévirat, y compris les régions du Cameroun où cette tradition est répandue et les groupes ethniques qui la pratiquent; information sur les conséquences du refus pour une veuve de prendre part à cette pratique, les recours qui sont à sa disposition et la protection qui lui est offerte, y compris l'intervention de la police dans les villes de Douala et de Yaoundé (juin 2013-décembre 2014)

Publisher Canada: Immigration and Refugee Board of Canada
Publication Date 23 December 2014
Citation / Document Symbol CMR105020.F
Related Document(s) Cameroon: The practice of levirate marriage, including the regions of Cameroon where this tradition is widespread and the ethnic groups that practice it; the consequences if a widow refuses to take part in this practice, recourse and protection available, including police intervention in the cities of Douala and Yaoundé (June 2013-December 2014)
Cite as Canada: Immigration and Refugee Board of Canada, Cameroun : information sur la pratique du lévirat, y compris les régions du Cameroun où cette tradition est répandue et les groupes ethniques qui la pratiquent; information sur les conséquences du refus pour une veuve de prendre part à cette pratique, les recours qui sont à sa disposition et la protection qui lui est offerte, y compris l'intervention de la police dans les villes de Douala et de Yaoundé (juin 2013-décembre 2014), 23 December 2014, CMR105020.F, available at: https://www.refworld.org/docid/551e5f454.html [accessed 19 May 2023]
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1. Pratique du lévirat au Cameroun

Le lévirat est une pratique voulant qu'à la mort de son mari, une veuve épouse le frère du défunt (Cameroun 11 mai 2009, paragr. 54; ALVF mai 2010; vice-présidente adjointe 8 déc. 2014). Des sources précisent que, dans certains cas, un autre membre de la famille du défunt mari peut épouser la veuve (ibid.; CDJP 16 déc. 2014), par exemple le fils que celui-ci a eu avec une autre femme (ibid.).

Dans une communication écrite envoyée à la Direction des recherches, le coordonnateur du bureau de Garoua [capitale de la région du Nord] de la Commission diocésaine Justice et Paix (CDJP), ONG oeuvrant pour les droits de la personne, a expliqué que,

[c]hez les peuples de l'Ouest, le fils héritier (du chef) prend comme épouses toutes les veuves de son défunt père. Chez certains peuples, le fils aîné peut valablement prendre comme épouse l'une des jeunes femmes de son défunt père, alors que chez d'autres, cette possibilité n'est offerte qu'aux frères du défunt (ibid.).

Parmi les sources qu'elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n'a pas trouvé d'autres renseignements allant dans le même sens.

Des sources affirment que la pratique du lévirat au Cameroun découle de la perception selon laquelle les femmes sont [traduction] « la propriété » de leur mari (directrice administrative 7 déc. 2014; vice-présidente adjointe 8 déc. 2014). Des sources précisent que les femmes font partie de l'héritage de leur mari et qu'elles peuvent ainsi être léguées à d'autres membres de la famille (ibid.; ALVF mai 2010). Dans un rapport présenté au Comité des droits de l'homme des Nations Unies pour montrer l'état d'avancement de ses obligations dans le cadre du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, le gouvernement du Cameroun a expliqué que la pratique du lévirat

repose sur l'idée que la dot de la future mariée est versée par la famille de l'époux. Une fois la dot acquittée, la femme devient non seulement l'épouse de son mari mais aussi la propriété de sa belle-famille et c'est pourquoi, au décès de son conjoint, elle est tenue d'épouser l'un des frères du défunt (Cameroun 11 mai 2009, paragr. 54).

Pour plus de renseignements sur les dots au Cameroun, veuillez consulter la réponse à la demande d'information CMR105000.

2. Régions et groupes ethniques

Dans son rapport présenté au Comité des droits de l'homme des Nations Unies, le gouvernement du Cameroun a déclaré que « la pratique du lévirat se rencontre surtout dans les [régions] du Nord[-]Ouest et de l'Ouest du pays » (ibid.). La directrice administrative de Reach Out Cameroon (REO), une ONG dont le siège se trouve près de Buea [capitale de la région du Sud-Ouest du Cameroun] et qui se consacre aux droits des femmes (REO s.d.), a déclaré, dans une communication écrite envoyée à la Direction des recherches, que la pratique du lévirat était [traduction] « omniprésente » dans la région de l'Ouest (directrice administrative 7 déc. 2014).

Cependant, dans une communication écrite envoyée à la Direction des recherches, une professeure de démographie sociale et d'anthropologie du Carleton College, au Minnesota, qui fait de la recherche sur le terrain sur des questions liées aux rôles des femmes au Cameroun, a affirmé que [traduction] « le lévirat est pratiqué partout au Cameroun, de différentes façons selon les groupes » (professeure 6 déc. 2014). Selon la professeure, [traduction] « la même pratique peut avoir des sens différents, selon les contextes culturel, politique et historique » (ibid.). De même, la vice-présidente adjointe de la Fédération internationale des femmes juristes pour le Cameroun (FIDA Cameroon) a déclaré, dans une communication écrite envoyée à la Direction des recherches, que le lévirat est pratiqué dans [traduction] « la plupart des régions du pays » (vice-présidente adjointe 8 déc. 2014).

Selon le coordonnateur du bureau de Garoua de la CDJP, « [l]e lévirat est une pratique courante chez la plupart des peuples du Cameroun, surtout celle d'obédience chrétienne ou animiste » (CDJP 16 déc. 2014). Le coordonnateur a toutefois noté que, « chez les musulmans, après le 40e jour du décès du mari, la veuve est libre de se remarier avec qui elle veut » (ibid.). Dans une communication écrite envoyée à la Direction des recherches, une chercheuse postdoctorale de l'Université libre d'Amsterdam (Free University of Amsterdam) qui fait de la recherche sur les droits des femmes au Cameroun a affirmé que [traduction] « le lévirat est plus courant dans les zones rurales, mais [que] sa pratique dépend aussi du niveau d'éducation et du statut social de la famille » (chercheuse postdoctorale 15 déc. 2014).

3. Conséquences d'un refus de prendre part au lévirat

Selon la directrice administrative de Reach Out Cameroon, [traduction] « toute veuve qui refuse de prendre part au lévirat perd le soutien de sa belle-famille, subira toutes sortes d'humiliations et sera privée de ses droits. [...] Elle sera traitée comme un paria et se fera maudire » (directrice administrative 7 déc. 2014). La directrice administrative a noté, par exemple, que la veuve et ses enfants pourraient se faire chasser de la maison familiale (ibid.). De même, la chercheuse postdoctorale a déclaré qu'une veuve qui refuse de prendre part à la pratique du lévirat [traduction] « se retrouverait dans une situation économique très précaire, ne pouvant plus compter sur le soutien familial, et qu'elle subirait des pressions sociales et de la stigmatisation pour s'être opposée à cette décision familiale » (chercheuse postdoctorale 15 déc. 2014). De même, le coordonnateur du bureau de Garoua de la CDJP a affirmé qu'une veuve qui refuse de prendre part à la pratique du lévirat

enfreint dans ce cas une règle sociale, ce qui peut conduire jusqu'à son bannissement; en tout état de cause, elle est considérée comme maudite et n'aura plus la protection du clan; elle est généralement contrainte de se réfugier ailleurs (CDJP 16 déc. 2014).

La professeure signale que des femmes ont été enlevées ou emprisonnées par la famille de leur mari ou qu'elles ont été violées pour avoir refusé de prendre part au lévirat (professeure 6 déc. 2014). De plus, certaines femmes se seraient fait confisquer leur commerce (ibid.). La professeure a ajouté que ces conséquences [traduction] « peuvent se produire même dans des groupes ethniques où certaines familles n'insistent plus sur la pratique du lévirat » (ibid.). Selon la professeure, [traduction] « les conséquences les plus graves d'un refus du lévirat [...] se produiraient surtout dans les familles les plus puissantes, c'est-à-dire celles des chefs et des nobles » (ibid.).

De son côté, la vice-présidente adjointe de FIDA Cameroon a déclaré qu'une veuve qui refuserait la pratique du lévirat serait obligée de rembourser sa dot [traduction] « et/ou perdrait sa part de l'héritage » (vice-présidente adjointe 8 déc. 2014). Selon elle, [traduction] « dans certains cas, si une veuve refuse l'une ou l'autre de ces options [le lévirat ou le remboursement de sa dot], [...] elle pourrait se faire tuer par la famille de son mari » (ibid.). Parmi les sources qu'elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n'a pas trouvé d'autres renseignements allant dans le même sens.

4. Recours et protection offerte aux veuves qui refusent de prendre part au lévirat

Dans son rapport au Comité des droits de l'homme des Nations Unies, le gouvernement du Cameroun a déclaré que « [l]'État du Cameroun considère que [des pratiques discriminatoires comme celle du lévirat] non seulement répugnent à la justice naturelle, à l'équité et à la conscience, mais [qu'elles] sont aussi contraires aux droits de l'homme », ajoutant que la pratique du lévirat est interdite par la loi et qu'elle a été dénoncée par les tribunaux du pays (Cameroun 11 mai 2009, paragr. 55-57).

Selon l'article 77 de l'Ordonnance n° 81/002 du 29 juin 1951 portant organisation de l'état civil et diverses dispositions relatives à l'état des personnes physiques, modifiée en 1981,

[e]n cas de décès du mari, ses héritiers ne peuvent prétendre à aucun droit sur la personne, la liberté ou la part de biens appartenant à la veuve qui, sous réserve du délai de viduité de 180 jours à compter du décès de son mari, peut se remarier librement sans que quiconque puisse prétendre à aucune indemnité ou avantage matériel à titre de dot ou autrement, soit à l'occasion de fiançailles, soit lors du mariage ou postérieurement. (Cameroun 1951).

Cependant, selon la vice-présidente adjointe de FIDA Cameroon, cette ordonnance n'est pas bien comprise ni appliquée (vice-présidente adjointe 8 déc. 2014).

Selon le rapport du gouvernement du Cameroun, « [l]orsque le lévirat est pratiqué contre la volonté de la veuve, il constitue une infraction qualifiée de mariage forcé par le droit pénal, sanctionnée par une peine maximale de dix ans de prison et une amende pouvant aller jusqu'à un million de francs CFA [environ 2175 $CAN] » (Cameroun 11 mai 2009, paragr. 59). Selon le coordonnateur du CDJP, malgré des dispositions du Code pénal du Cameroun « fortement dissuasi[ves] » en ce qui a trait au mariage forcé, « [la pratique du lévirat] semble malheureusement persister » (CDJP 16 déc. 2014).

Le coordonnateur a déclaré que, « [d]e plus en plus, des associations féministes mènent ce combat [contre la pratique du lévirat], à l'instar de l'Association de lutte contre les violences faites aux femmes (ALVF), qui fait de la sensibilisation et des dénonciations qui ont déjà des effets » (ibid.). Selon une fiche d'information publiée en mai 2010 par l'ALVF « contre les rites de veuvag[e] », l'ONG offre du soutien psychologique et de l'aide sur le plan économique aux veuves de Bafoussam, capitale de la région de l'Ouest, en plus de sensibiliser la population au sujet du lévirat (ALFV mai 2010). La directrice administrative a noté que la FIDA et la Commission nationale des droits de l'homme et des libertés interviennent lorsqu'on leur signale des cas de lévirat (directrice administrative 7 déc. 2014). La chercheuse postdoctorale a affirmé, sans fournir de détails, que des chefs locaux pourraient intervenir dans des cas de lévirat (chercheuse postdoctorale 15 déc. 2014).

5. Intervention de la police dans les villes de Douala et de Yaoundé

Plusieurs sources ont déclaré que la police n'interviendrait généralement pas dans les cas de refus de pratiquer le lévirat (chercheuse postdoctorale 15 déc. 2014; directrice administrative 7 déc. 2014; professeure 6 déc. 2014). Selon la professeure, [traduction] « que ce soit dans les petites villes aussi bien qu'à Douala ou à Yaoundé, la police n'interviendra pas, ou bien elle donnera plutôt son appui à la famille du mari, surtout si celle-ci est puissante » (ibid.). La professeure a expliqué que la police dit surtout que ce sont des [traduction] « affaires qui ne concernent que la famille » (ibid.). La directrice administrative a aussi affirmé que [traduction] « les policiers n'interviendront généralement pas dans de telles "affaires de famille" » (directrice administrative 7 déc. 2014).

Cependant, selon le coordonnateur du bureau de Garoua de la CDJP,

[l]a police en général éprouve quelques difficultés dans les enquêtes, car les victimes ont généralement peur de se plaindre : la plupart des situations sont évoquées sur la base des dénonciations (quelques fois anonymes), les plaintes directes des victimes ne sont pas légion, mais lorsque celles-ci sont enregistrées, les enquêtes suivent normalement leur cours (CDJP 16 déc. 2014).

Le coordonnateur a ajouté ce qui suit :

[m]ais [puisque les enquêtes] conduisent généralement à l'arrestation puis à la condamnation de proches parents, les victimes n'osent pas franchir ce pas; c'est pour cette raison que ce sont généralement des associations de défense des droits de l'homme qui mènent ce combat (ibid.).

Cette réponse a été préparée par la Direction des recherches à l'aide de renseignements puisés dans les sources qui sont à la disposition du public, et auxquelles la Direction des recherches a pu avoir accès dans les délais fixés. Cette réponse n'apporte pas, ni ne prétend apporter, de preuves concluantes quant au fondement d'une demande d'asile. Veuillez trouver ci-dessous les sources consultées pour la réponse à cette demande d'information.

Références

Association de lutte contre les violences faites aux femmes (ALVF). Mai 2010. « Cameroun : actions contre les rites de veuvages ». [Date de consultation : 17 déc. 2014]

Cameroun. 11 mai 2009. Examen des rapports présentés par les États parties en vertu de l'article 40 du Pacte. Quatrième rapport périodique des États parties : Cameroun. (CCPR/C/CMR/4) [Date de consultation : 17 déc. 2014]

_____. 1951 [modifiée en 1981]. Ordonnance n° 81/002 du 29 juin 1951 portant organisation de l'état civil et diverses dispositions relatives à l'état des personnes physiques. [Date de consultation : 22 déc. 2014]

Chercheuse postdoctorale, Free University of Amsterdam. 15 décembre 2014. Communication écrite envoyée à la Direction des recherches.

Coordonnateur, Commission diocésaine Justice et Paix (CDJP), Garoua. 16 décembre 2014. Communication écrite envoyée à la Direction des recherches.

Directrice administrative, Reach Out Cameroon (REO). 7 décembre 2014. Communication écrite envoyée à la Direction des recherches.

Professeure de démographie sociale et d'anthropologie, Carleton College, Northfield, Minnesota. 6 décembre 2014. Communication écrite envoyée à la Direction des recherches.

Reach Out Cameroon (REO). S.d. « History - Home ». [Date de consultation : 17 déc. 2014]

Vice-présidente adjointe, Fédération internationale des femmes juristes - Cameroun (FIDA Cameroon). 8 décembre 2014. Communication écrite envoyée à la Direction des recherches.

Autres sources consultées

Sources orales : Les personnes et organisations suivantes n'ont pas pu fournir de renseignements dans les délais voulus : Association de lutte contre les violences faites aux femmes; Cameroun - ministère de la Promotion de la femme et de la Famille; professeure agrégée, Département d'histoire, Université d'Ottawa.

Sites Internet, y compris : Amnesty International; AllAfrica; Camer.be; Cameroon Daily Journal; Cameroon-Info.Net; Cameroon Online; CameroonWeb; Cameroun24; Cameroun Actu; Cameroun-Online; Camer Post; Camnews24; ecoi.net; États-Unis - Department of State; Factiva; Freedom House; Human Rights Watch; INTERPOL; Jeune Afrique; Journal du Cameroun; Nations Unies - Organisation internationale du travail, NATLEX, Refworld.

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