Last Updated: Friday, 19 May 2023, 07:24 GMT

Tunisie : information sur la violence conjugale, y compris sur les lois, la protection offerte par l'État et les services de soutien (2012-novembre 2015)

Publisher Canada: Immigration and Refugee Board of Canada
Publication Date 8 January 2016
Citation / Document Symbol TUN105307.F
Related Document(s) Tunisia: Domestic violence, including legislation, state protection, and support services (2012-November 2015)
Cite as Canada: Immigration and Refugee Board of Canada, Tunisie : information sur la violence conjugale, y compris sur les lois, la protection offerte par l'État et les services de soutien (2012-novembre 2015) , 8 January 2016, TUN105307.F, available at: https://www.refworld.org/docid/56a782be4.html [accessed 22 May 2023]
DisclaimerThis is not a UNHCR publication. UNHCR is not responsible for, nor does it necessarily endorse, its content. Any views expressed are solely those of the author or publisher and do not necessarily reflect those of UNHCR, the United Nations or its Member States.

Direction des recherches, Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada, Ottawa

1. Aperçu

Des sources signalent que la violence conjugale [ainsi que le viol conjugal (É.-U. 25 juin 2015, 15)] est un grave problème en Tunisie (Al Huffington Post Tunisie avec TAP 9 mai 2014; É.-U. 25 juin 2015, 15; African Manager 27 mars 2015). En 2010, l'Office national de la famille et de la population (ONFP), organe du gouvernement tunisien chargé des programmes de « santé sexuelle et procréative » et qui offre du soutien psychologique aux femmes victimes de violence (Nations Unies 30 mai 2013, paragr. 64), a effectué un sondage national, appelé Enquête nationale sur la violence à l'égard des femmes en Tunisie (ENVEFT) [1] (Tunisie juill. 2011, 9, 15, 20). Les répondantes ont déclaré avoir subi diverses formes de violence, selon la répartition suivante, notée en pourcentage :

Forme de violence Durant la vie Durant les 12 derniers mois

Physique 31,7 7,3

Psychologique 28,9 15,8

Sexuelle 15,7 7,4

Économique 7,1 3,8

(ibid., 46).

Les auteurs de l'étude signalent que les taux de violences subies par les répondantes au cours des douze mois ayant précédé la publication du sondage ne varient pas significativement selon l'âge des répondantes (ibid.). Globalement, 47,6 p. 100 des répondantes ont affirmé avoir subi au moins une de ces formes de violence au cours de leur vie; elles ont précisé que leur partenaire était l'auteur de la violence dans les proportions suivantes :

Forme de violence Pourcentage des incidents de violence commis par le partenaire

Physique 47,2

Psychologique 68,5

Sexuelle 78,2

Économique 77,9

(ibid., 44, 48).

Des sources affirment que l'ENVEFT est la seule étude nationale sur la violence envers les femmes en Tunisie (journaliste 31 août 2015; AI nov. 2015, 11).

Dans une entrevue qu'elle a accordée au blogue intitulé Tunisie libre, sur le site Internet Rue89, rattaché au magazine français L'Obs, Karima Brini, l'une des fondatrices de l'Association femme et citoyenneté (AFC), une association de la ville du Kef qui oeuvre « pour la défense et le développement des droits des femmes dans les domaines économique, social, culturel et politique » [et qui dirige le centre « El Manara », qui vient en aide aux femmes victimes de violence (DirectInfo 2 févr. 2014)] (AFC 5 août 2015), a déclaré que la violence conjugale atteignait « des proportions effarantes dans les quartiers populaires et les zones rurales » (Rue89 7 juin 2013). Toutefois, lors de l'ENVEFT, l'ONFP a constaté qu'il « n'exist[ait] pas de différence statistiquement significative entre le milieu urbain et le milieu rural » en matière de violence envers les femmes, y compris de violence conjugale (Tunisie juill. 2011, 44). Amnesty International (AI) affirme que la violence conjugale est « particulièrement présente […] dans le sud-est » du pays (AI nov. 2015, 74).

En ce qui a trait à la violence envers les femmes, l'ENVEFT révèle que 55 p. 100 des femmes sondées considéraient « que la violence [était] un fait ordinaire qui ne mérit[ait] pas qu'on en parle » (Tunisie juill. 2011, 67-68). On peut lire dans le chapitre sur la Tunisie de l'édition de 2010 du livre Women's Rights in the Middle East and North Africa, publié par Freedom House, que [traduction] « le problème de la violence conjugale est rarement reconnu dans la société » tunisienne et que « de nombreuses situations de violence » envers les femmes, y compris de violence conjugale, ne sont pas signalées par les victimes et leur famille (Freedom House 2010, 10). De même, des sources notent que la violence conjugale est banalisée dans la société tunisienne et que les proches des victimes dissuadent celles-ci de porter plainte (présidente de la commission parlementaire 1er sept. 2015; Business News 12 août 2015). Au cours d'un entretien téléphonique avec la Direction des recherches, une journaliste du quotidien tunisien de langue arabe Attounissia, qui est également diplômée en droit civil et en droit familial, a expliqué que, [traduction] « [d]ans la société tunisienne, la violence conjugale [était] étroitement associée à la honte »; les femmes victimes de violence conjugale « éprouvent de la honte pour elles et leurs proches […], ce qui explique que la grande majorité des femmes taisent leur situation de violence conjugale » (journaliste 31 août 2015).

2. Lois

La Fédération internationale des ligues des droits de l'homme (FIDH) signale que les lois tunisiennes qui traitent de violence « ne reposent [pas] sur une approche législative globale visant à combattre la violence basée sur le genre » (FIDH 2 juin 2014). Des sources notent qu'une loi-cadre contre la violence envers les femmes, présentée au conseil des ministres le 25 novembre 2014 (EuroMed Droits 6 mars 2015, 2), en est encore au stade de projet (ibid.; AI 25 févr. 2015; présidente de la commission parlementaire 1er sept. 2015).

2.1 Violence conjugale

Dans l'ouvrage de Freedom House Women's Rights in the Middle East and North Africa, il est écrit que les modifications apportées au Code pénal en 1993 ont criminalisé la violence conjugale (Freedom House 2010, 5). Des sources notent que le Code pénal prévoit des peines plus lourdes si la victime est le conjoint ou la conjointe (ibid.; É.-U. 25 juin 2015, 15; FIDH 2 juin 2014). L'article 218 de la version consolidée du Code pénal est ainsi libellé :

Art. 218 (nouveau) - Modifié par la loi n° 93-72 du 12 juillet 1993 - Tout individu qui, volontairement, fait des blessures, porte des coups, ou commet toute autre violence ou voie de fait ne rentrant pas dans les prévisions de l'article 319 [2], est puni d'un emprisonnement d'un an et d'une amende de mille dinars (1000d [environ 683 $CAN]).

Si l'auteur de l'agression est un descendant ou conjoint de la victime, la peine est de deux ans d'emprisonnement et de deux mille dinars (2000d) d'amende.

S'il y a eu préméditation, la peine est de trois ans d'emprisonnement et de trois mille dinars (3000d) d'amende.

Le désistement de l'ascendant ou du conjoint victime arrête les poursuites, le procès, ou l'exécution de la peine (Tunisie 1913, art. 218).

Amnesty International affirme que « [l]es plaintes pour violence [familiale, y compris pour violence conjugale] sont souvent retirées à cause des pressions de l'auteur ou de membres de la famille » (AI nov. 2015, 5). Le Groupe de travail sur l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes dans la législation et dans la pratique, dans le rapport qu'il a soumis au Conseil des droits de l'homme des Nations Unies en 2013, se dit « préoccupé par le fait que l'article 218 prévoit la possibilité de mettre fin à une procédure ou à l'exécution de la peine si la victime d'une agression retire sa plainte » (Nations Unies 30 mai 2013, paragr. 36). Cette source signale que « le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes a recensé un nombre très élevé de retraits de plaintes » en 2010 (ibid.). Toutefois, la journaliste a affirmé [traduction] « [qu']en cas de blessure grave, le procureur [pouvait] décider de poursuivre la procédure […] même en cas de retrait de la plainte » (journaliste 31 août 2015). Parmi les sources qu'elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n'a pas trouvé d'autres renseignements allant dans le même sens.

Le Réseau euro-méditerranéen des droits de l'homme (EuroMed Droits), un réseau d'environ 80 organisations (EuroMed Droits s.d.), affirme « [qu']il n'existe pas de mesures législatives ou autres permettant aux autorités d'émettre des ordonnances d'injonction ou de protection appropriées pour protéger de leur agresseur les femmes victimes de violence » (ibid. 6 mars 2015, 3). Selon Amnesty International,

[l]a loi ne prévoit pas une protection efficace empêchant les victimes de faire l'objet de pressions ou d'être contraintes de retirer leur plainte. C'est ainsi qu'une plaignante ne peut solliciter une ordonnance de protection qui pourrait empêcher l'auteur de violences de prendre contact avec sa victime (AI nov. 2015, 5).

Parmi les sources qu'elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n'a pas trouvé d'autres renseignements sur les ordonnances de protection.

Des sources affirment que les lois ne criminalisent pas la violence économique (EuroMed Droits 6 mars 2015, 1; FIDH 2 juin 2014) ni la violence non physique (ibid.).

2.2 Viol conjugal

D'après des sources, le viol conjugal n'est pas reconnu par les lois tunisiennes (présidente de la commission parlementaire 1er sept. 2015; journaliste 31 août 2015; Business News 12 août 2015). D'autres sources notent qu'il n'est pas reconnu par le Code pénal (É.-U. 25 juin 2015, 15; Nations Unies 30 mai 2013, paragr. 36). L'ouvrage de Freedom House signale que l'article 227 du Code pénal punit [traduction] « sévèrement » le viol, mais qu'il ne criminalise pas le viol conjugal (Freedom House 2010, 10). Des sources signalent qu'au titre de l'article 227 bis, l'auteur d'un viol peut échapper aux poursuites pénales s'il consent à épouser la victime (Nations Unies 30 mai 2013, paragr. 36; AI 25 févr. 2015; FIDH 2 juin 2014), lorsqu'elle est « mineure » et que le viol a été commis sans violence (ibid.). L'article 227 bis du Code pénal est ainsi libellé :

Est puni d'emprisonnement pendant six ans, celui qui fait subir sans violence, l'acte sexuel à un enfant de sexe féminin âgé de moins de quinze ans accomplis.

La peine est de cinq ans d'emprisonnement si l'âge de la victime est supérieur à quinze ans et inférieur à vingt ans accomplis.

La tentative est punissable.

Le mariage du coupable avec la victime dans les deux cas prévus par le présent article arrête les poursuites ou les effets de la condamnation.

Les poursuites ou les effets de la condamnation seront repris si, avant l'expiration de deux ans à dater de la consommation du mariage, ce dernier prend fin par le divorce prononcé à la demande du mari, conformément à l'article 31 [qui traite du divorce] 3e paragraphe du Code de statut personnel (Tunisie 1913, art. 227 bis).

Il est écrit à l'article 13 du Code du statut personnel que « [l]e mari ne peut, s'il n'a pas acquitté la dot, contraindre la femme à la consommation du mariage » (Tunisie 1957, art. 13). Des sources notent que cet article semble cautionner le viol conjugal (FIDH 2 juin 2014; AI nov. 2015, 26).

3. Protection offerte par l'État

3.1 Programmes de sensibilisation

Selon EuroMed Droits, des campagnes de sensibilisation du public à la violence envers les femmes « ont été mises en place depuis 2012 » (EuroMed Droits 6 mars 2015, 2). Toutefois, d'après les Country Reports on Human Rights Practices for 2014, publiés par le Département d'État des États-Unis, il n'y avait [traduction] « pas de programmes gouvernementaux de sensibilisation du public à la violence conjugale, y compris au viol conjugal » en 2014 (É.-U. 25 juin 2015, 15).

3.2 Police

En novembre 2013, DirectInfo, un site Internet tunisien d'actualités, a rapporté les propos d'une directrice de la police judiciaire selon lesquels « la question de la violence fondée sur le genre figur[ait], depuis deux ans, dans le programme de formation de base des agents de la sécurité et de la garde nationales » (DirectInfo avec TAP 29 nov. 2013). Cependant, EuroMed Droits a précisé en mars 2015 que la formation initiale des policiers ne comportait pas de formation sur « la violence contre les femmes, sous toutes ses formes », mais que « certains […] aspects » étaient couverts dans la formation continue qu'ils recevaient (EuroMed Droits 6 mars 2015, 2). Au cours d'un entretien téléphonique avec la Direction des recherches, la présidente de la Commission parlementaire des affaires de la femme, de la famille, de l'enfance, de la jeunesse et des personnes âgées a affirmé que le ministère de la Femme, de la Famille et de l'Enfance donnait de la formation sur la violence conjugale aux policiers de Tunis (présidente de la commission parlementaire 1er sept. 2015). En novembre 2015, Amnesty International a affirmé que « [l]es policiers ne [recevaient] pas la formation nécessaire pour intervenir dans des affaires de violences familiales » et qu'il « n'exist[ait] pas de service de police spécialisé pour traiter les cas de violences familiales » (AI nov. 2015, 5).

Au cours de l'entrevue qu'elle a accordée à Rue89, Karima Brini, l'une des fondatrices de l'AFC, a déclaré que la prise en charge des victimes de violence conjugale dans les postes de police était « déplorable » (Rue89 7 juin 2013). Selon l'ouvrage de Freedom House, publié en 2010, [traduction] « en général, les policiers manquent de formation et de moyens pour mener des enquêtes de façon objective et protéger les victimes » de violence conjugale (Freedom House 2010, 10). La même source ajoute que [traduction] « de nombreux cas de violence [fondée sur le genre] ne sont pas signalés par les victimes ou leur famille, en partie parce que peu d'enquêtes entraînent des résultats » (ibid.). En septembre 2015, la présidente de la commission parlementaire a également souligné le manque de formation des policiers en matière de violence conjugale et leur manque de moyens, ce qui fait en sorte que « la police refuse parfois d'intervenir » (présidente de la commission parlementaire 1er sept. 2015). Des sources signalent que les policiers ont tendance à considérer les femmes victimes de violence conjugale comme responsables de ce qui leur arrive (ibid.; AI nov. 2015, 5). Selon Amnesty International,

[c]ertaines femmes interrogées par Amnesty International ont affirmé que les officiers de police rejetaient leur plainte ou leur reprochaient les violences subies. En général, la police tentait de les dissuader de porter plainte, en les convainquant de ne pas briser leur famille et de placer les intérêts de leurs enfants en premier. Plutôt que d'appliquer la loi et de protéger les femmes contre de nouvelles violences, la police considère que son rôle est de promouvoir la médiation et la réconciliation (AI nov. 2015, 21).

Des sources signalent l'existence de corruption policière (AI nov. 2015, 67; journaliste 31 août 2015). La journaliste a expliqué la situation ainsi : si le mari violent est policier ou qu'il travaille pour le ministère de l'Intérieur, il arrive que la plainte soit [traduction] « égarée », que des manoeuvres soient intentées pour la « bloquer » ou que le mari soit informé du dépôt de la plainte (ibid.). Des femmes interviewées par Amnesty International entre octobre 2013 et mars 2015 ont signalé que des policiers ont modifié la déposition qu'elles avaient faite ou n'ont pas transmis la plainte au tribunal (AI nov. 2015, 16, 67).

3.3 Système judiciaire

EuroMed Droits affirme « [qu']il n'est donné aucune formation aux professionnels de la justice sur la violence contre les femmes », y compris sur la violence conjugale (EuroMed Droits 6 mars 2015, 3). Parmi les sources qu'elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n'a pas trouvé d'autres renseignements allant dans le même sens.

La journaliste a signalé ce qui suit : [traduction] « Une fois la plainte transférée au procureur général […], généralement la justice se saisit de l'affaire et y donne suite en toute conformité avec la loi tunisienne » (journaliste 31 août 2015). Cependant, selon des sources, le milieu judiciaire est conservateur en ce qui a trait à la violence conjugale (Al Huffington Post Tunisie 13 août 2015; EuroMed Droits 6 mars 2015, 3). Ainsi, EuroMed Droits affirme que les juges « n'hésitent pas à banaliser ou [à] minimiser l'agression ou le préjudice par souci de "préserver" la famille ou l'ordre social » (ibid.). La présidente de la commission parlementaire a déclaré que le milieu judiciaire considérait la violence conjugale « d'abord [comme] une affaire privée » (présidente de la commission parlementaire 1er sept. 2015). Selon Amnesty International,

[d]e rares victimes de violences familiales exercent des voies de recours judiciaire, essentiellement parce qu'elles ne sont pas indépendantes financièrement ou que leur propre famille fait pression sur elles pour qu'elles pardonnent à leur époux. […] De nombreuses femmes qui déposent des plaintes pour violences familiales le font dans le cadre d'une demande de divorce pour préjudice subi […]. Les violences familiales sont acceptées comme motif de divorce, mais la charge de la preuve incombe aux victimes (AI nov. 2015, 5).

La même source ajoute ce qui suit :

Le taux de condamnation pour violence conjugale semble faible malgré le nombre élevé de plaintes, principalement car la plupart des plaintes sont retirées ou rejetées avant même d'être portées devant les tribunaux.

[…]

D'après le ministère de la Justice, au cours de l'année judiciaire 2012-2013, le parquet a reçu 5 575 plaintes de violence conjugale, dont 65,8 % (3 672) ont été retirées ou rejetées. Parmi les plaintes admises, seules 28 % (551) ont abouti à une condamnation. En comparaison, au cours de l'année 2011-2012, le parquet a reçu 5 248 plaintes, dont 68,3 % (3 583) ont été retirées ou rejetées, et une condamnation a été prononcée dans 38,9 % des cas admis (649). En 2010-2011, environ 72,5 % du nombre total de plaintes ayant été déposées (5 116) ont été retirées ou rejetées, et quelque 710 personnes ont été condamnées pour violence conjugale, soit environ 50,5 % des cas portés devant les tribunaux (ibid., 23).

Parmi les sources qu'elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n'a pas trouvé d'autres renseignements allant dans le même sens.

4. Services de soutien

4.1 Services publics

Les Country Reports 2014 signalent qu'une ligne d'assistance téléphonique gouvernementale a été créée en 2012 (É.-U. 25 juin 2015, 16). D'après EuroMed Droits, cette ligne a été mise en place par le Secrétariat d'État à la femme et à la famille (SEFF) [3] (EuroMed Droits 6 mars 2015, 3). Cependant, selon Amnesty International, « [l]e numéro d'appel national pour les femmes victimes de violences n'est pas opérationnel » (AI nov. 2015, 73).

On peut lire dans les Country Reports 2014 qu'il existe [traduction] « deux douzaines » de centres sociaux à travers le pays, qui offrent des services, dont la nature n'est pas précisée par cette source, aux femmes victimes de violence conjugale (É.-U. 25 juin 2015, 15). D'après le Groupe de travail sur l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes dans la législation et dans la pratique, les centres de l'ONFP, présents dans les 24 gouvernorats du pays, fournissent gratuitement de l'aide psychologique aux femmes victimes de violence (Nations Unies 30 mai 2013, paragr. 64). EuroMed Droits note que l'ONFP a créé un centre d'aide psychologique pour femmes victimes de violence (EuroMed Droits 6 mars 2015, 3). En novembre 2015, Amnesty International a affirmé que le centre de l'ONFP à Ben Arous était « le seul organe public spécialisé dans le soutien psychologique aux femmes victimes de violences » (AI nov. 2015, 69). Selon un document d'information de l'ONFP paru en 2010, le centre d'assistance psychologique de Ben Arous offre « une prise en charge intégrale » de la femme victime de violence, fournit des services de soutien social et d'aide juridique, fait de la sensibilisation et de la prévention et accueille les enfants et les adolescents victimes de violence ainsi que les jeunes qui sont auteurs d'actes de violence (Tunisie 2010, 12).

Des sources signalent que les femmes victimes de violence peuvent recevoir gratuitement des soins dans les établissements hospitaliers publics (DirectInfo avec TAP 13 août 2014; Kapitalis 18 nov. 2014), au titre d'un arrêté ministériel promulgué en mai 2014 (ibid.). Un article publié en novembre 2014 par Kapitalis, un site Internet tunisien d'actualités, rapporte les propos du ministre de la Santé selon lesquels des « services hospitaliers » destinés aux femmes victimes de violence ont été mis sur pied à l'hôpital Charles Nicolle, et des employés de la santé ont été formés, afin de mieux prendre en charge ces femmes (ibid.).

Selon des sources, le premier refuge dirigé par l'État, situé en banlieue de Tunis [à environ 12 miles de la capitale (WeNews 1er mars 2013)], a ouvert ses portes en 2012 (É.-U. 25 juin 2015, 15-16; WeNews 1er mars 2013). Dans un article publié par Women's eNews (WeNews), un service de presse à but non lucratif qui couvre des sujets d'intérêt pour les femmes (WeNews s.d.), on peut lire que le refuge [traduction] « peut accueillir 50 femmes et leurs enfants et [qu']il fournit une aide juridique et du soutien psychologique » (ibid. 1er mars 2013). Selon la même source, l'adresse du refuge était censée demeurer confidentielle, afin de protéger les femmes hébergées; cependant, l'extérieur du refuge a été filmé le jour de l'inauguration, puis ces images ont été diffusées par des réseaux de télévision (ibid.). Selon la présidente de la commission parlementaire, ce refuge, fondé par le ministère de la Femme, de la Famille et de l'Enfance, ne dispose pas de personnel possédant une « réelle formation », et les ONG « offrent une meilleure alternative pour l'hébergement des femmes qui vivent de la violence conjugale dans leur foyer » (présidente de la commission parlementaire 1er sept. 2015). EuroMed Droits affirme « [qu'i]l n'existe […] que deux refuges publics pour les femmes victimes de violences; un à Tunis et un à Sousse, tous deux avec une très petite capacité d'accueil » (EuroMed Droits 6 mars 2015, 3).

Amnesty International a signalé en novembre 2015 que le ministère des Affaires sociales dirigeait trois refuges, accueillant des femmes victimes de violence, de même que des sans-abri, des personnes âgées et des enfants de 10 ans et moins accompagnés de leurs parents (AI nov. 2015, 73). Ces refuges sont situés à Sfax, à Tunis et à Sousse et peuvent accueillir respectivement 48, 45 et 36 personnes (ibid.). Selon un représentant du Ministère interviewé par Amnesty International en octobre 2015, ces refuges fournissent une assistance qui est « généralement de courte durée et [qui] a pour objectif la réinsertion sociale » (ibid.).

Des sources affirment qu'il y a un manque de coordination entre les services publics qui sont chargés de la prise en charge des femmes victimes de violence (présidente de la commission parlementaire 1er sept. 2015; La Presse de Tunisie 19 mars 2014; AI nov. 2015, 70). Par exemple, Amnesty International note que les établissements de santé « n'orientent que rarement les victimes vers des professionnels de santé mentale, des services sociaux ou des organisations d'assistance juridique » et que la police « ne fournit aux victimes aucune information au sujet des services de soutien » (ibid.).

4.2 Services offerts par des ONG

D'après le site Internet de l'Association des femmes tunisiennes pour la recherche sur le développement (AFTURD), organisation qui regroupe des femmes qui font de la recherche sur la condition des femmes en Tunisie (AFTURD s.d.b), l'Espace Tanassof, situé à Tunis, est un centre pour femmes qui offre, du lundi au vendredi de 9 h à 16 h, des services d'aide juridique, de consultation psychologique et d'orientation professionnelle, assurés par des avocates, des médecins et des psychologues (ibid. s.d.a). La même source signale, sans préciser la nature des services qui y sont offerts, qu'elle dirige trois autres centres : l'Espace SAWA, au Kef, l'Espace TWIZA, à Kasserine, et le Centre Femme Solidarité, à Jendouba (ibid.).

Des sources signalent que le centre « El Manara », dirigé par l'AFC et destiné aux femmes victimes de violence dans les gouvernorats du nord-ouest du pays (La Presse de Tunisie 19 mars 2014; DirectInfo 2 févr. 2014), a été inauguré en février 2014 (ibid.). Citée par DirectInfo, Karima Brini, présidente de l'AFC, a signalé que ce centre offrait des services d'aide « matérielle » et psychologique pour la réinsertion sociale des femmes victimes de violence (ibid.).

Selon son site Internet, l'Union nationale de la femme tunisienne (UNFT), une ONG qui « milite pour l'amélioration du statut de la femme tunisienne » (UNFT s.d.b), dirige deux centres d'accueil et d'orientation, un à Tunis et l'autre à Sousse, qui offrent aux femmes victimes de violence conjugale un refuge temporaire, de l'aide psychologique, médicale et juridique ainsi que des services de réinsertion sociale et économique (ibid. s.d.a).

Amnesty International signale qu'il n'existe aucun refuge pour femmes victimes de violence conjugale dans le sud-est de la Tunisie et note que les services fournis par les organisations de la société civile « n'existent que dans les villes principales » (AI nov. 2015, 70, 74).

Cette réponse a été préparée par la Direction des recherches à l'aide de renseignements puisés dans les sources qui sont à la disposition du public, et auxquelles la Direction des recherches a pu avoir accès dans les délais fixés. Cette réponse n'apporte pas, ni ne prétend apporter, de preuves concluantes quant au fondement d'une demande d'asile. Veuillez trouver ci-dessous les sources consultées pour la réponse à cette demande d'information.

Notes

[1] Selon l'ONFP, l'enquête a porté sur un échantillon de 3 873 femmes âgées de 18 à 64 ans, « assurant une représentativité » de la population (Tunisie juill. 2011, 15, 20).

[2] Au titre de l'article 319 du Code pénal, « [s]ont passibles des mêmes peines [que celles de l'article 315], les auteurs de rixes et ceux qui se livrent à des voies de fait ou à des violences n'entraînant pour la santé d'autrui aucune conséquence sérieuse ou durable.

Si la victime est un ascendant ou conjoint de l'auteur de l'agression, son désistement arrête les poursuites, le procès ou l'exécution de la sanction » (Tunisie 1913, art. 319).

[3] Amnesty International précise que « [l]e ministère des Affaires de la femme et de la famille a été créé en 1993 » et qu'il a été « brièvement remplacé en 2014 par le secrétariat d'État de la Femme et de la Famille […] avant de redevenir un ministère […] en 2015 » (AI nov. 2015, 16).

Références

African Manager. 27 mars 2015. Nadia Ben Tamansourt. « Violence conjugale en Tunisie : Le nombre de femmes violentées va crescendo! ». [Date de consultation : 31 déc. 2015]

Al Huffington Post Tunisie. 13 août 2015. Rihab Boukhayatia. « Tunisie - Entretien avec Monia Ben Jémia : En matière de droits des femmes, "c'est le statu quo qui prévaut" ». [Date de consultation : 19 août 2015]

Al Huffington Post Tunisie avec Tunis Afrique presse (TAP). 9 mai 2014. « Tunisie : La violence conjugale reste la première cause de décès des femmes âgées entre 16 et 44 ans (ministre de la Santé) ». [Date de consultation : 31 déc. 2015]

Amnesty International (AI). Novembre 2015. Les victimes accusées : violences sexuelles et violences liées au genre en Tunisie. (MDE 30/2814/2015) [Date de consultation : 31 déc. 2015]

_____. 25 février 2015. « Tunisie ». Amnesty International - Rapport 2014/15 : la situation des droits humains dans le monde. [Date de consultation : 13 août 2015]

Association des femmes tunisiennes pour la recherche sur le développement (AFTURD). S.d.a. « Espaces dans les régions ». [Date de consultation : 19 août 2015]

_____. S.d.b. « À propos ». [Date de consultation : 19 août 2015]

Association femme et citoyenneté (AFC). 5 août 2015. « À propos de l'association ». [Date de consultation : 14 oct. 2015]

Business News. 12 août 2015. Marouen Achouri. « Ce que les femmes veulent entendre ». [Date de consultation : 13 août 2015]

DirectInfo. 2 février 2014. « Tunisie : ouverture du centre "El Manara" d'orientation et d'aide aux femmes victimes de violence ». [Date de consultation : 12 août 2015]

DirectInfo avec Tunis Afrique presse (TAP). 13 août 2014. « Tunisie : la loi anti-violence à l'égard de la femme promulguée en novembre ». [Date de consultation : 12 août 2015]

_____. 29 novembre 2013. « Tunisie : 46 femmes tuées parmi 7861 agressées au cours des dix premiers mois de 2013 ». [Date de consultation : 13 nov. 2015]

États-Unis (É.-U.). 25 juin 2015. Department of State. « Tunisia ». Country Reports on Human Rights Practices for 2014. [Date de consultation : 13 août 2015]

EuroMed Droits, Réseau euro-méditerranéen des droits de l'homme. 6 mars 2015. Tunisie : état des lieux sur la violence à l'égard des femmes. [Date de consultation : 2 nov. 2015]

_____. S.d. « Qui nous sommes ». [Date de consultation : 2 nov. 2015]

Fédération internationale des ligues des droits de l'homme (FIDH). 2 juin 2014. « Les violences sexuelles en Tunisie : après le déni, un début de reconnaissance ». [Date de consultation : 14 août 2015]

Freedom House. 2010. « Tunisia ». Par Lilia Ben Salem, dans Women's Rights in the Middle East and North Africa: Progress Amid Resistance. Sous la direction de Sanja Kelly et de Julia Breslin. [Date de consultation : 25 nov. 2015]

Journaliste, Attounissia. 31 août 2015. Entretien téléphonique.

Kapitalis. 18 novembre 2014. « Santé : soins gratuits pour les femmes victimes de violence ». [Date de consultation : 13 août 2015]

Nations Unies. 30 mai 2013. Conseil des droits de l'homme. Rapport du Groupe de travail sur l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes dans la législation et dans la pratique. Additif : mission en Tunisie. (A/HRC/23/50/Add.2) [Date de consultation : 16 oct. 2015]

Présidente de la Commission parlementaire des affaires de la femme, de la famille, de l'enfance, de la jeunesse et des personnes âgées. 1er septembre 2015. Entretien téléphonique.

La Presse de Tunisie. 19 mars 2014. « Un nouveau projet en faveur des femmes du Nord-Ouest ». [Date de consultation : 17 août 2015]

Rue89. 7 juin 2013. Thierry Brésillon. « Femmes en Tunisie : "Les Femen vont nous porter préjudice" ». Blogue Tunisie libre. [Date de consultation : 17 août 2015]

Tunisie. Juillet 2011. Office national de la famille et de la population (ONFP). Enquête nationale sur la violence à l'égard des femmes en Tunisie. Rapport principal. [Date de consultation : 14 août 2015]

_____. 2010. Office national de la famille et de la population (ONFP) et Agence espagnole de coopération internationale pour le développement (AECID). Enquête nationale sur la violence à l'égard des femmes en Tunisie. [Date de consultation : 14 août 2015]

_____. 1957 (modifié en 2010). Code du statut personnel. Version consolidée de 2012. [Date de consultation : 14 août 2015]

_____. 1913 (modifié en 2011). Code pénal. [Date de consultation : 21 déc. 2015]

Union nationale de la femme tunisienne (UNFT). S.d.a. « Intégration sociale de la femme ». [Date de consultation : 14 août 2015]

_____. S.d.b. « Historique ». [Date de consultation : 3 nov. 2015]

Women's eNews (WeNews). Camille Lafrance. 1er mars 2013. « Tunisia Marks Belated First in Sheltering Women ». [Date de consultation : 3 nov. 2015]

_____. S.d. « Covering Women's Issues, Changing Women's Lives ». [Date de consultation : 3 nov. 2015]

Autres sources consultées

Sources orales : Association pour les droits de la femme et le développement; Association tunisienne des femmes démocrates; Association tunisienne de soutien à la famille; Avocat, Tunis; France - Office français de l'immigration et de l'intégration; Nations Unies - Fonds des Nations Unies pour la population; professeure d'histoire et d'études féminines, Université de La Manouba; Syfia International; Tunisie - ambassades au Canada et en France, ministère de la Femme, de la Famille et de l'Enfance, ministère de la Justice, ministère de l'Intérieur, Office national de la famille et de la population; Union nationale de la femme tunisienne.

Sites Internet, y compris : The Advocates for Human Rights; Afrik.com; Agence panafricaine de presse; Al Chourouk; Arab Regional Resource Center on Violence Against Women; Attounissia; Danish Centre for Gender, Equality and Ethnicity; L'Économiste maghrébin; Fédération nationale solidarité femmes; Front Line Defenders; Human Rights Watch; Jamaity; Jurisite Tunisie; Libération; Le Monde; Mosaïque FM; Nations Unies - ONU Femmes, Programme des Nations Unies pour le développement, ReliefWeb; Organisation de coopération pour le développement économique; PassBlue; Radio France internationale; Réalités; Le Temps; Tunisia Live; Tunisie - Institut national de la statistique, ministère de la Femme, de la Famille et de l'Enfance, ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, Portail national de la santé en Tunisie; Tunisie focus; Tunivisions.net; Union européenne.

Copyright notice: This document is published with the permission of the copyright holder and producer Immigration and Refugee Board of Canada (IRB). The original version of this document may be found on the offical website of the IRB at http://www.irb-cisr.gc.ca/en/. Documents earlier than 2003 may be found only on Refworld.

Search Refworld

Countries