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Maroc : information sur l'application des lois sur l'adultère, en particulier de l'article 490 du Code pénal ainsi que des articles qui suivent; information sur le traitement réservé aux personnes qui commettent l'adultère par les membres de leur famille et de leur belle-famille (2010-août 2013)

Publisher Canada: Immigration and Refugee Board of Canada
Publication Date 9 September 2013
Citation / Document Symbol MAR104565.F
Related Document(s) Morocco: Application of adultery laws, in particular, of Article 490 of the Penal Code and of the articles that follow it; treatment by family members and in-laws of people who commit adultery (2010-August 2013)
Cite as Canada: Immigration and Refugee Board of Canada, Maroc : information sur l'application des lois sur l'adultère, en particulier de l'article 490 du Code pénal ainsi que des articles qui suivent; information sur le traitement réservé aux personnes qui commettent l'adultère par les membres de leur famille et de leur belle-famille (2010-août 2013), 9 September 2013, MAR104565.F , available at: https://www.refworld.org/docid/53732a674.html [accessed 20 May 2023]
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1. Lois sur l'adultère

1.1 Dispositions du Code pénal

Le Code pénal du Maroc contient les dispositions suivantes en ce qui concerne l'adultère :

Article 490

Sont punies de l'emprisonnement d'un mois à un an, toutes personnes de sexe différent qui, n'étant pas unies par les liens du mariage, ont entre elles des relations sexuelles.

Article 491

Est puni de l'emprisonnement d'un à deux ans toute personne mariée convaincue d'adultère. La poursuite n'est exercée que sur plainte du conjoint offensé.

Toutefois, lorsque l'un des époux est éloigné du territoire du Royaume, l'autre époux qui, de notoriété publique, entretient des relations adultères, peut être poursuivi d'office à la diligence du ministère public.

Article 492

Le retrait de la plainte par le conjoint offensé met fin aux poursuites exercées contre son conjoint pour adultère.

Le retrait survenu postérieurement à une condamnation devenue irrévocable arrête les effets de cette condamnation à l'égard du conjoint condamné.

Le retrait de la plainte ne profite jamais à la personne complice du conjoint adultère.

Article 493

La preuve des infractions réprimées par les articles 490 et 491 s'établit soit par procès-verbal de constat de flagrant délit dressé par un officier de police judiciaire, soit par l'aveu relaté dans des lettres ou documents émanés du prévenu ou par l'aveu judiciaire (Maroc 1963).

1.2 Application des dispositions du Code pénal concernant l'adultère

Des sources consultées par la Direction des recherches font mention de l'article 490 du Code pénal et soulignent qu'il érige en infraction les relations sexuelles hors mariage (AI 1er mars 2013; Freedom House 2010).

Selon Freedom House, les affaires de relations sexuelles hors mariage sont [traduction] « rarement » portées devant les tribunaux, car une condamnation ne peut s'appuyer que sur le témoignage fourni par un témoin oculaire ou sur une confession de la part d'un des accusés (2010). Cependant, dans un article publié par la revue marocaine MarocHebdo, une représentante de la Ligue démocratique pour les droits de la femme (LDDF), une ONG marocaine (LDDF s.d.), affirme ce qui suit :

« En l'absence de preuves formelles ou de flagrant délit, on croit toujours davantage la parole de l'homme que celle de la femme. [...] Beaucoup de femmes sont ainsi accusées d'adultère juste pour s'être trouvées en tête à tête chez elles avec un homme autre que leur époux, et même dans un lieu public. Faute de témoins, et si elles n'arrivent pas à démontrer que leur relation avec cet homme est purement professionnelle et dénuée de toute connotation sexuelle, elles n'échappent pas à la justice. [...] » (MarocHebdo 16 mars 2011).

Parmi les sources qu'elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n'a pas trouvé d'information plus précise sur la fréquence des condamnations aux termes des articles susmentionnés du Code pénal.

Selon un article publié par la revue marocaine MarocHebdo, qui souligne que, selon la loi, les poursuites judiciaires contre une personne qui a commis l'adultère ne peuvent être engagées que sur demande du « conjoint "offensé" »,

même si le conjoint "offensé" retire sa plainte, [...] l'auteur de l'infidélité demeure passible de poursuite par le Parquet pour débauche, prostitution ou autre atteinte aux bonnes moeurs (16 mars 2011).

Divers médias ont signalé des cas où les dispositions du Code pénal concernant l'adultère ont été appliquées (La Nouvelle Tribune 26 janv. 2012; ibid. 7 mars 2013; Mediapart 4 janv. 2013; Le Matin 19 avr. 2013).

En janvier 2012, un article du quotidien béninois La Nouvelle Tribune signalait qu'une femme aurait été arrêtée pour adultère, après qu'une enquête ait été menée par un détective privé engagé par son mari (26 janv. 2012). L'article ne précise pas la date de l'arrestation.

Dans un article publié par le journal français en ligne Mediapart en janvier 2013, l'auteure mentionne qu'en menant un reportage dans l'aile pour femmes de la prison d'Oukacha, elle a constaté que des femmes y étaient emprisonnées pour « adultère » ou pour avoir eu « des relations sexuelles en dehors des liens du mariage » (4 janv. 2013).

En mars 2013, la Nouvelle Tribune signalait qu'entre le 1er janvier et le 27 février 2013, les services de police de la ville de Kenitra avaient arrêté 14 personnes pour adultère (7 mars 2013). Parmi les sources qu'elle a consultées, la Direction des recherches n'a pas trouvé d'information sur la suite donnée à ces arrestations.

En 2013, deux présumés « amants » accusés d'avoir commis l'adultère ont été condamnés par un tribunal de première instance à six mois de prison, en plus d'avoir à verser 15 000 dirhams [environ 1 840 $ CAN (XE 6 sept. 2013)] au mari qui aurait été trompé (Le Matin 19 avr. 2013). La condamnation aurait cependant été annulée en cour d'appel, les accusés n'ayant « pas été pris en flagrant délit d'adultère » (ibid.).

Parmi les sources qu'elle a consultées, la Direction des recherches n'a pas trouvé d'autres exemples d'application de la loi à des affaires d'adultères.

1.3 Militants pour l'abolition des dispositions du Code pénal qui concernent les relations sexuelles hors mariage

Des articles de médias parus en juin et juillet 2012 signalent que l'Association marocaine des droits humains (AMDH) milite pour l'abolition des dispositions du Code pénal qui criminalisent les relations sexuelles hors mariage entre adultes (Jeune Afrique 28 juin 2012; Ajib 13 juill. 2012; aufait 19 juin 2012). Selon deux de ces sources, le gouvernement du parti au pouvoir, le Parti de la justice et du développement (PJD), aurait affirmé qu'il ne souhaitait pas abolir ces dispositions, considérant que les actes sexuels hors mariage constituent « un crime » (ibid.; Ajib 13 juill. 2012). En juillet 2013, un article de L'Observateur du Maroc signalait qu'Adala, une association marocaine qui milite pour le droit à un procès équitable pour tous (Adala s.d.), réclame aussi la « dépénalisation des relations [sexuelles] hors mariage » (L'Observateur du Maroc 11 juill. 2013). Selon L'Observateur du Maroc, il s'agirait d'un « combat qui est loin d'être gagné d'avance » (ibid.). Parmi les sources qu'elle a consultées, la Direction des recherches n'a pas trouvé d'autre information allant en ce sens.

2. Traitement réservé par la société et la famille aux personnes accusées d'adultère

Des sources affirment que l'adultère est un sujet « tabou » au Maroc (chercheur 4 sept. 2013a; MarocHebdo 16 mars 2011). Selon un article publié par Jeune Afrique, les relations sexuelles hors mariage y sont vécues de manière « caché[e] » (28 juin 2012).

La Direction des recherches a communiqué avec un chercheur de l'Université de Nimègue, aux Pays-Bas, qui s'intéresse notamment aux crimes d'honneur et qui s'est rendu au Maroc en 2009 pour mener des recherches sur ce sujet (chercheur 4 sept. 2013b). Au cours d'un entretien téléphonique avec la Direction des recherches, ce chercheur a souligné qu'il est « difficile de généraliser » et « qu'on ne peut pas peindre un portrait général de la situation de l'adultère au Maroc », considérant qu'il y a « toujours des exceptions » et que « plusieurs variables » peuvent influencer la situation (ibid.). Décrivant, d'une manière générale, le traitement réservé aux personnes accusées d'avoir commis l'adultère, il a affirmé qu'avouer avoir commis un tel acte au Maroc « a de grandes conséquences autant chez l'homme que chez la femme », quoi que la femme soit généralement dans une position « "plus faible" » que celle de l'homme (ibid.). Le chercheur a expliqué que la femme « a beaucoup à perdre à rendre l'affaire publique », notamment l'honneur et l'estime (ibid.). Il a ajouté que non seulement elle, mais également des membres de sa famille, à savoir son père, ses frères et ses oncles, devront faire face à la réprobation sociale (ibid.). Le chercheur a souligné qu'il « vaut mieux cacher la méconduite de la personne en faute » (ibid.). Selon lui, la femme accusée d'adultère pourrait subir des violences « de la part de son conjoint, mais aussi des membres de sa propre famille », tels que son père, ses frères et ses oncles, ainsi que de la part de sa belle-famille (ibid.). Selon l'article de MarocHebdo, de « multiples faits divers rapportés quotidiennement dans la presse » montrent que l'humiliation associée à un acte d'adultère peut mener les hommes au « meurtre » ou au « suicide » (16 mars 2011). Le chercheur a, pour sa part, expliqué ce qui suit :

Un homme peut tuer sa femme s'il apprend qu'elle a commis l'adultère, mais cela ne sera pas fait dans le but de « récupérer son honneur ». Face à telle situation, un nouveau stigma sera attribué à cet homme, celui « d'avoir tué sa femme (d'être un tueur) » (4 sept. 2013b).

Parmi les sources qu'elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches a trouvé un article qui relate le cas d'un homme qui aurait tué la femme avec laquelle il entretenait une liaison sous prétexte qu'elle entretenait une relation adultère avec un autre homme (eMarrakech 31 juill. 2013).

Le chercheur affirme que « [s]i l'adultère est connu de la communauté, le couple n'a pas d'autres choix que de divorcer, et ce, même si le mari ne le veut pas (et qu'il pardonne à sa femme) » (4 sept. 2013b). Il a souligné que la « pression de la communauté est forte » (ibid.). Le chercheur a aussi expliqué que « [s]i l'adultère n'est pas connu de la communauté, le divorce n'est pas nécessaire », mais que « la femme adultère peut difficilement refuser que son mari ait une deuxième femme (la polygamie est légale au Maroc) » (ibid.). Le chercheur a poursuivi en disant que si c'est l'homme qui est accusé d'avoir commis l'adultère, la femme a le droit de se séparer, mais cela dépend plutôt de la position de sa famille (si sa famille est d'accord) ", ainsi que « du statut de l'homme » (ibid.). Il a ajouté que « l'homme qui commet l'adultère peut être pardonné plus facilement » que la femme (ibid.). De même, selon l'article de MarocHebdo, « l'opprobre social s'abat davantage sur la Marocaine adultère que sur le Marocain infidèle » (16 mars 2011).

Cette réponse a été préparée par la Direction des recherches à l'aide de renseignements puisés dans les sources qui sont à la disposition du public, et auxquelles la Direction des recherches a pu avoir accès dans les délais fixés. Cette réponse n'apporte pas, ni ne prétend apporter, de preuves concluantes quant au fondement d'une demande d'asile. Veuillez trouver ci-dessous les sources consultées pour la réponse à cette demande d'information.

Références

Adala. S.d. « Association ADALA ». [Date de consultation : 6 sept. 2013]

Ajib. 13 juillet 2012. « Maroc : polémique autour de la dépénalisation des relations sexuelles hors mariage ». [Date de consultation : 5 sept. 2013]

Amnesty International (AI). 1er mars 2013. « La partialité du Code pénal marocain met les femmes et les jeunes filles en danger ». (PRE01/0999/2013) [Date de consultation : 5 sept. 2013]

aufait. 19 juin 2012. Kisito Ndour. « Peine de prison pour toute relation sexuelle hors mariage : liberté versus légalité ». [Date de consultation : 5 sept. 2013]

Chercheur, Université de Nimègue, Pays-Bas. 4 septembre 2013a. Communication écrite envoyée à la Direction des recherches.

_____. 4 septembre 2013b. Entretien téléphonique.

eMarrakech. 31 juillet 2013. « Ben Slimane : amoureux fou de sa tante, il la tue par jalousie et viole son cadavre ». (Factiva)

Freedom House. 2010. « Morocco ». Par Fatima Sadiqi, dans Women's Rights in the Middle East and North Africa: Progress Amid Resistance. Sous la direction de Sanja Kelly et Julia Breslin. [Date de consultation : 5 sept. 2013]

Jeune Afrique. 28 juin 2012. Youssef Aït Akdim. « Maroc : fini les peines d'amour? ». [Date de consultation : 5 sept. 2013]

Ligue démocratique pour les droits de la femme (LDDF). S.d. « Présentation ». [Date de consultation : 6 sept. 2013]

Maroc. 1963 (modifié en 2004). Dahir no 1-59-413 du 28 Joumada II 1382 (26 novembre 1962) portant approbation du texte du Code pénal. [Date de consultation : 5 sept. 2013]

MarocHebdo. 16 mars 2011. Mouna Izdinne. « Adultère : le dernier tabou ». [Date de consultation : 6 sept. 2013]

Le Matin. 19 avril 2013. Lamiaa Khalloufi. « Faits divers : imbroglio juridique autour d'une supposée affaire d'adultère ». [Date de consultation : 5 sept. 2013]

Mediapart. 4 janvier 2013. Ilhem Rachidi. « Au Maroc, des grèves de la faim contre les conditions de détention ». (Factiva)

La Nouvelle Tribune. 7 mars 2013. « Kenitra : plus de 600 arrestations en l'espace de deux mois ». (Factiva)

_____. 26 janvier 2012. Hassan Zaatit. « Salaheddine M'Daghri Alaoui : profession, détective privé... ! ». (Factiva)

L'Observateur du Maroc. 11 juillet 2013. Hayat Kamal Idrissi. « Le débat sur la liberté sexuelle refait surface ». [Date de consultation : 5 sept. 2013]

XE. 6 septembre 2013. « XE Currency Converter ». [Date de consultation : 6 sept. 2013]

Autres sources consultées

Sources orales : Les tentatives faites pour joindre les personnes et les organisations suivantes ont été infructueuses : Association démocratique des femmes du Maroc, Association des femmes arabes de la presse et de la communication, Association Hanna Massouda, Association marocaine des droits humains, Faculté des lettres et des sciences humaines Hay Inara Ain Chock, Femmes sous lois musulmanes, Initiatives pour la protection des droits de la femme, Institution nationale de solidarité avec les femmes en détresse, JOSSOUR Forum des femmes marocaines, Organisation marocaine des droits humains, Réseau espace de la citoyenneté, Réseau international de solidarité, Union des avocats arabes. Une représentante de Center for Women and Development n'a pas pu fournir de renseignement pour la présente réponse.

Sites Internet, y compris : Centre for Women and Development; Directmatin.fr; États-Unis - Department of State; Fédération internationale des ligues des droits de l'homme; Femmes sous lois musulmanes; Human Rights Watch; International Crisis Group; ecoi.net; Le Maroc au féminin; Nations Unies - Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes, ONU Femmes, ReliefWeb; Réseau euro-méditerranéen des droits de l'homme.

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