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Burkina Faso : information sur la pratique du lévirat, y compris la fréquence et le délai à respecter après le décès pour la demande de lévirat; la possibilité de refus par le frère de l'homme décédé, y compris les voies de droit qui lui sont ouvertes (2013-juillet 2014)

Publisher Canada: Immigration and Refugee Board of Canada
Publication Date 10 July 2014
Citation / Document Symbol BFA104914.F
Related Document(s) Burkina Faso: The practice of levirate, including frequency and how long to wait after the death before levirate can be practised; the possibility of refusal by the deceased man's brother, including legal avenues available to him (2013-July 2014)
Cite as Canada: Immigration and Refugee Board of Canada, Burkina Faso : information sur la pratique du lévirat, y compris la fréquence et le délai à respecter après le décès pour la demande de lévirat; la possibilité de refus par le frère de l'homme décédé, y compris les voies de droit qui lui sont ouvertes (2013-juillet 2014), 10 July 2014, BFA104914.F, available at: https://www.refworld.org/docid/556420704.html [accessed 19 May 2023]
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1. Survol

Selon des sources, la pratique du lévirat au Burkina Faso consiste en un mariage entre une veuve et un parent du mari décédé (Voix des femmes 8 juill. 2014; AI 31 déc. 2009, 13; Nations Unies sept. 2008, 23). Certaines sources parlent toutefois du lévirat comme d'un mariage entre une veuve et un frère du défunt uniquement (Centre for Democracy Development in West Africa févr. 2010; Nations Unies s.d.). De son côté, Amnesty International (AI) affirme que le mariage se fait « généralement » entre une veuve et un frère du disparu (AI 31 déc. 2009, 13).

2. Statut juridique

Selon Amnesty International, « [l]a religion et la coutume n'ont [...] officiellement aucune valeur légale en matière de relations familiales depuis l'adoption, en 1990, du Code des personnes et de la famille » (AI 31 déc. 2009, 8). Des sources signalent que le lévirat est spécifiquement interdit par le Code (WiLDAF/FeDDAF-Burkina Faso janv. 2013; AI 31 déc. 2009, 13; MBDHP 5-22 juill. 2005, 4). L'article 234 du Code interdit « les mariages forcés, particulièrement les mariages imposés par les familles et ceux résultant des règles coutumières qui font obligation au conjoint survivant d'épouser l'un des parents du défunt » (Burkina Faso 1990).

Dans une communication écrite envoyée à la Direction des recherches, la présidente de l'ONG Voix des femmes, une association qui se consacre à la défense des droits des femmes au Burkina Faso [1], a également déclaré que « [l]e lévirat en tant que mariage forcé est puni par la loi au Burkina Faso » (Voix des femmes 8 juill. 2014). Selon elle, « [l]es victimes peuvent [avoir] recours aux services administratifs, aux organisations de la société civile pour les assister et aux juridictions pour sanctionner les auteurs et les complices » (ibid.). L'article 376 du Code pénal prévoit des peines d'emprisonnement allant de six mois à deux ans pour « quiconque contraint une personne au mariage » (Burkina Faso 1996, art. 376). Parmi les sources qu'elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n'a pas trouvé d'information sur l'application de ces dispositions dans des cas de lévirat.

3. Le lévirat en pratique

3.1 Fréquence de la pratique

Des sources signalent que le lévirat est néanmoins toujours pratiqué au Burkina Faso (Nations Unies 2 janv. 2014, 8; Burkina Faso 9 févr. 2004, 51; AI 31 déc. 2009, 13), et ce, malgré les interdictions dont il fait l'objet (ibid.; Burkina Faso 9 févr. 2004, 51). Dans un survol de la situation des femmes au pays présenté par le bureau du Burkina Faso de Women in Law and Development in Africa/Femmes droit et développement en Afrique (WiLDAF/FeDDAF), un réseau panafricain de personnes et d'ONG oeuvrant dans le domaine des droits des femmes (WiLDAF/FeDDAF s.d.), on peut lire que, « [m]algré les principes édictés dans le Code des personnes et de la famille, le monde rural dans son ensemble continue les pratiques coutumières du don de femmes, de la dot [et] du lévirat » (WiLDAF/FeDDAF-Burkina janv. 2013). La même source ajoute que « [m]ême en milieu urbain, les mariages célébrés selon le [C]ode des personnes et de la famille sont l'apanage de quelques intellectuels et de couples chrétiens » (ibid.). Selon des sources, la pratique du lévirat est « assez répandue » (AI 31 déc. 2009, 13), « très répandue » (Nations Unies s.d.) et est « subi[e] par un grand nombre de femmes » (MBDHP 5-22 juill. 2005, 4).

Cependant, un article de West Africa Insight, un bulletin publié par le Centre for Democracy Development in West Africa qui traite de divers sujets liés au développement en Afrique de l'Ouest (Centre for Democracy Development in West Africa s.d.), affirme plutôt que le lévirat n'est pratiqué que par [traduction] « une petite minorité de personnes » (ibid. févr. 2010). La présidente de Voix des femmes déclare que « la pratique connaît maintenant une baisse sensible dans certaines régions du Burkina Faso » (Voix des femmes 8 juill. 2014). Selon elle,

[a]vec l'évolution de la promotion des droits des femmes, le lévirat est de moins en moins pratiqué par les communautés; outre cette évolution significative de la situation des droits des femmes, la grande sensibilisation sur la pandémie du VIH/sida a également éveillé les consciences et freiné tant soit peu la pratique du lévirat. Par ailleurs, la logique du don et du contre-don ainsi que la dot qui ont longtemps alimenté le système matrimonial dans ces sociétés, lequel système est au fondement de la pratique du lévirat, sont de moins en moins acceptés (ibid.).

3.2 Différences régionales et ethniques

D'après la présidente de Voix des femmes, « [e]n général, la pratique varie d'une région à l'autre, d'une ethnie à l'autre » (Voix des femmes 8 juill. 2014). Selon le rapport du Réseau interinstitutions des Nations Unies pour les femmes et l'égalité des sexes, [traduction] « le lévirat est communément pratiqué parmi plusieurs groupes ethniques, incluant les Mossi, les Gourmantché, les Lobi, les Dagara, les Samo et les Gourounsi » (Nations Unies sept. 2008, 23). La présidente de Voix des femmes note également que le lévirat est « une pratique assez courante chez les Mossi », expliquant que, « dans la société mossi, la femme est considérée comme faisant partie du patrimoine familial et donc devait être donnée comme héritage après le décès du mari à un membre de la famille » (Voix des femmes 8 juill. 2014). La présidente a ajouté que « les Mossi constituent un groupe ethnique ayant à quelques nuances près, les mêmes pratiques coutumières et traditionnelles, ce qui fait que la pratique du lévirat est la même dans [la région géographique du] plateau mossi » (ibid.).

3.3 Délai à respecter

D'après l'article 246 du Code des personnes et de la famille, « [l]a femme divorcée, veuve ou dont le mariage a été annulé, ne peut contracter un second mariage avant l'expiration d'un délai de trois cents jours » (Burkina Faso 1990). De plus, l'article 684 du même code prévoit que « [l]a succession du mari prédécédé doit à la veuve la nourriture et le logement pendant le délai de trois cents jours suivant le décès. Cette obligation cesse si la veuve se remarie avant l'expiration du délai » (ibid.).

Selon la présidente de Voix des femmes,

En général, le lévirat intervient à la fin de toutes les cérémonies coutumières et religieuses. En fonction des familles, des zones et du statut du défunt, la période de veuvage peut varier d'un an à trois ans. C'est à l'issue de cette période que le lévirat est pratiqué.

[...]

Pour les personnes plus jeunes, les cérémonies coutumières et religieuses peuvent être organisées un an après le décès et donner lieu au lévirat. [...] Pour les personnes plus âgées ou les chefs coutumiers, les cérémonies coutumières et religieuses peuvent être organisées trois ans après le décès et donner lieu au lévirat (Voix des femmes 8 juill. 2014).

Parmi les sources qu'elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n'a pas trouvé d'autres renseignements allant dans ce même sens.

4. Obligation et refus

Certaines sources présentent le lévirat comme étant une obligation pour les veuves (Burkina Faso 9 févr. 2004, 51; MBDHP 5-22 juill. 2005, 4). D'après un rapport sur la violence faite aux femmes au Burkina Faso préparé par le Réseau interinstitutions des Nations Unies pour les femmes et l'égalité des sexes, le lévirat est [traduction] « posé comme condition pour qu'une veuve et ses enfants continuent à être acceptés par la famille [du défunt] » (Nations Unies sept. 2008, 23). L'article de West Africa Insight souligne également que les femmes doivent se soumettre au lévirat afin de conserver la garde de leurs enfants, sinon celle-ci [traduction] « revient automatiquement à la famille du défunt » (Centre for Democracy Development in West Africa févr. 2010).

Cependant, dans une fiche-pays sur le Burkina Faso concernant les droits liés au genre et à la terre de l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), on peut lire que «[l]e degré de liberté des femmes dans les choix du lévirat varie, allant du mariage quasi obligatoire dans certains groupes, à une liberté de choix considérable dans d'autres » (Nations Unies s.d.). Cette même source précise que, selon les cas,

[u]ne veuve peut revenir dans sa famille d'origine et s'y voir attribuer de la terre; épouser un frère plus jeune de son mari décédé, selon le lévirat, ou rester dans sa belle-famille en tant que veuve. Dans ces deux derniers cas, la veuve conserve son accès aux terres de la famille de son mari (ibid.).

La fiche-pays précise toutefois que « [s]i la femme se refuse au lévirat, elle peut retourner chez sa famille d'origine, mais elle est censée laisser ses fils avec la famille du mari décédé et elle perd tout[e] sorte de droit au foncier » (ibid.).

Selon la présidente de Voix des femmes, un homme peut refuser d'épouser la veuve de son frère ou demi-frère « en cas de décès par suite de soupçon de VIH/sida » (Voix des femmes 8 juill 2014).

Parmi les sources qu'elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n'a pas trouvé d'autres renseignements au sujet de l'obligation pour un frère ou un autre membre de la famille d'un défunt de prendre part au lévirat ni sur les voies de droit qui lui sont ouvertes.

4.1 Conséquences d'un refus

En réponse à une question de la Direction des recherches, la présidente de Voix des femmes a affirmé que si plus de quatre ans s'étaient écoulés depuis le décès du mari et qu'une femme ou un homme refuse le lévirat, cela pourrait avoir les conséquences suivantes :

Des pressions venant des deux familles continueront d'être exercées sur la femme ou l'homme dans certaines communautés afin de les obliger à céder;

Les parents abdiquent et laissent la liberté à la femme de choisir celui qu'elle veut épouser;

La femme [est] bannie par la famille de son [défunt] mari et ses enfants [lui sont] retirés. Elle peut aussi ne pas être acceptée par sa propre famille en refusant le lévirat; cependant, elle conserve le droit de voir ses enfants (Voix des femmes 8 juill. 2014).

Parmi les sources qu'elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n'a pas trouvé d'autres renseignements allant dans ce sens.

Cette réponse a été préparée par la Direction des recherches à l'aide de renseignements puisés dans les sources qui sont à la disposition du public, et auxquelles la Direction des recherches a pu avoir accès dans les délais fixés. Cette réponse n'apporte pas, ni ne prétend apporter, de preuves concluantes quant au fondement d'une demande d'asile. Veuillez trouver ci-dessous les sources consultées pour la réponse à cette demande d'information.

Note:

[1] La présidente de Voix des femmes est également présidente du Comité InterAfricain sur les pratiques traditionnelles ayant effet sur la santé des femmes et des enfants, et elle a déjà occupé le poste de ministre de l'Action sociale au Burkina Faso.

Références

Amnesty International (AI). 31 décembre 2009. Donner la vie, risquer la mort : la mortalité maternelle au Burkina Faso. (AFR 60/001/2009) [Date de consultation : 3 juill. 2014]

Burkina Faso. 9 février 2004. Examen des rapports présentés par les États parties en application de l'article 18 de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes : Quatrième et cinquième rapports périodiques combinés des États parties : Burkina Faso. (CEDAW /C/BFA/4-5) [Date de consultation : 30 juin 2014]

_____. 1996. Loi no 043/96/ADP du 13 novembre 1996 portant Code pénal. [Date de consultation : 30 juin 2014]

_____. 1990. Zatu an VII 13 du 16 novembre 1989 portant institution et application d'un code des personnes et de la famille au Burkina Faso. [Date de consultation : 30 juin 2014]

Centre for Democracy Development in West Africa. Février 2010. « Gender Equality, Culture, and SocialInstitutions in Burkina Faso ». [Date de consultation : 30 juin 2014]

_____. S.d. « Overview of the West Africa Insight Project ». [Date de consultation : 4 juill. 2014]

Mouvement burkinabé des droits de l'homme et des peuples (MBDHP). 5-22 juillet 2005. Rapport alternatif du MBDHP aux quatrième et cinquième rapports périodiques combinés présentés par le Burkina Faso au Comité sur l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes. [Date de consultation : 3 juill. 2014]

Nations Unies. 2 janvier 2014. Comité contre la torture. Observations finales concernant le rapport initial du Burkina Faso. (CAT/C/BFA/CO/1) [Date de consultation : 3 juill. 2014]

_____. Septembre 2008. Réseau interinstitutions des Nations Unies pour les femmes et l'égalité des sexes (IANWGE). Wendyam Kaboré et Dan-Koma M. Ibrahim. Background Study of the Inter-Agency Joint Programme on Violence Against Women : Burkina Faso. [Date de consultation : 30 juin 2014]

_____. S.d. Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) - Gender and Land Rights Database. « Burkina Faso ». [Date de consultation : 3 juill. 2014]

Voix des femmes. 8 juillet 2014. Communication écrite envoyée à la Direction des recherches par la présidente.

Women in Law and Development in Africa/Femmes droit et développement en Afrique (WiLDAF/FeDDAF). S.d. « Welcome to Our Website ». [Date de consultation : 8 juill. 2014]

Women in Law and Development in Africa/ Femmes droit et développement en Afrique (WiLDAF/FeDDAF) Burkina Faso. Janvier 2013. « Situation des femmes ». [Date de consultation : 30 juin 2014]

Autres sources consultées

Sources orales : Un représentant de l'Association burkinabè pour le bien-être familial n'a pas pu fournir d'information dans les délais voulus. Les tentatives faites pour joindre les personnes et organisations suivantes ont été infructueuses : Association burkinabè pour le mieux-être de la femme et de l'enfant; Association d'appui et d'éveil Pugsada; Association des femmes juristes du Burkina Faso; Association des veuves et orphelins du Burkina; Association VENEGBA; chercheure, Institut des sciences des sociétés; Coalition burkinabé pour les droits de la femme; Fonds des Nations Unies pour la population; Mouvement burkinabè des droits de l'homme et des peuples; Promotion femmes/développement et solidarité; Récif.

Sites Internet, y compris : Afribone; L'Afrique pour les droits des femmes; Burkina Faso - ministère des Droits humains et de la Promotion civique, ministère de la Promotion de la femme; Cadre de concertation genre au Burkina Faso; ecoi; États-Unis - USAID; L'Express du Faso; Factiva; LeFaso.net; Femmes sous lois musulmanes; Forum Social Burkina Faso; Kabissa.org; Lexadin; Nations Unies - UNICEF, Refworld; NATLEX; L'Opinion; aOuaga.com; Oxfam Québec; Women Reclaiming and Redefining Culture.

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