Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l'Homme, Rapport annuel 2007 - Ouzbékistan
Publisher | International Federation for Human Rights |
Author | Organisation mondiale contre la torture; Fédération internationale des ligues des droits de l'Homme |
Publication Date | 19 June 2008 |
Cite as | International Federation for Human Rights, Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l'Homme, Rapport annuel 2007 - Ouzbékistan, 19 June 2008, available at: https://www.refworld.org/docid/486e053355.html [accessed 6 June 2023] |
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Contexte politique
En 2007, alors que les autorités ouzbèkes ont continué de mener une politique extrêmement répressive, l'Union européenne (UE) a partiellement levé en novembre 2007 les sanctions contre les responsable souzbeks, prises en 2005 au lendemain du massacre d'Andijan (au cours duquel des centaines de personnes avaient été tuées), et ce bien que les autorités n'aient toujours pas procédé à une enquête impartiale sur l'usage de la force durant ces événements et malgré l'absence de progrès notable de la situation des droits de l'Homme dans le pays. L'UE a également ouvert un dialogue avec les autorités ouzbèkes sur les droits de l'Homme, dont le premier volet a eu lieu en mai 2007. L'année 2007 s'est en outre achevée en Ouzbékistan par la réélection de M. Islam Karimov, au pouvoir depuis 1989, pour un troisième mandat présidentiel – alors que la Constitution impose la limite de deux mandats présidentiels – lors d'un scrutin qualifié par les observateurs d'"ouvertement non concurrentiel" et dont les résultats n'ont pas été reconnus par l'OSCE.1
Même si l'abolition de la peine de mort, entrée en vigueur le 1er janvier 2008, constitue une avancée importante, il existe très peu d'informations sur le sort des anciens condamnés à mort dont la peine a été commuée en réclusion à perpétuité. En outre, les conditions de détention dans le centre pénitentiaire de Jaslyk destiné à accueillir les anciens condamnés à la peine capitale sont telles que la détention dans ce centre s'apparente à un traitement inhumain et dégradant. A cet égard, le Comité des Nations unies contre la torture a exprimé en novembre 2007 son inquiétude quant à de nombreuses allégations sur l'usage routinier de la torture dans les prisons ouzbèkes et dont les auteurs bénéficient de l'impunité la plus totale.2
De surcroît, les défenseurs qui dénoncent les violations des droits de l'Homme et critiquent publiquement le régime autoritaire du Président n'ont eu de cesse de faire l'objet d'actes de harcèlement psychologiques et de violences physiques de la part des policiers, des agents du Service de la sécurité nationale (SNB) ou des groupes de civils violents agissant avec l'accord, ou à l'initiative, des autorités.
Répression de la liberté de rassemblement pacifique
Chaque manifestation en faveur des droits de l'Homme a donné lieu à des arrestations massives, musclées, suivies d'interrogatoires accompagnés de menaces et de violences physiques, comme par exemple les arrestations à répétition en janvier et février 2007 des membres de l'Alliance ouzbèke de défense des droits de l'Homme.
Une société civile muselée dans une grande violence
En Ouzbékistan, la répression a touché avant tout celles et ceux qui osent critiquer la politique du Gouvernement ou enquêter sur les violations des droits de l'Homme commises par le régime ouzbek, notamment sur les événements d'Andijan, ce qui a contraint de nombreux défenseurs ouzbeks à l'exil. M. Kamil Ashurov, journaliste et défenseur des droits de l'Homme, a été agressé par un inconnu le 18 mai 2007, parce qu'il avait osé "critiquer le Président". Cette agression aurait été filmée par des agents du SNB. En octobre 2007, M. Alisher Saïpov, journaliste très critique envers le Gouvernement ouzbek qui suivait en particulier le dossier sur la répression d'Andijan, a été assassiné en pleine rue à Och (Kirghizistan), où il vivait. Cet acte de représailles aurait été commis par les services de sécurité ouzbeks. D'autre part, le 8 décembre 2007, le jour de la Constitution, M. Yusuf Juma, poète et dissident ouzbek, qui a notamment dénoncé le massacre d'Andijan et l'assassinat de M. Saïpov, est sorti dans la rue avec une banderole qui réclamait le démission du Président Karimov. La nuit suivante, la maison de M. Juma a été mitraillée par l'unité de police d'intervention spéciale. M. Juma et sa famille ont dû prendre la fuite, mais le 13 décembre M. Juma et son fils Bobur ont été arrêtés par la police et placés en centre de détention provisoire de Tachkent, où ils auraient subi des mauvais traitements.
Les activités de défense des droits de l'Homme font plus généralement l'objet d'une véritable criminalisation. Ainsi, Mmes Umida Niazova et Gulbakhor Turaeva ont été arrêtées en janvier 2007 à la frontière avec le Kirghizistan alors qu'elles transportaient des documents sur les événements d'Andijan. Elles ont été accusées de "transport de publications interdites" (Mme Niazova a également été accusée de "franchissement illégal de la frontière") et condamnées respectivement à sept et six ans de prison. Grâce à la réaction de la communauté internationale, notamment de l'UE qui examinait à cette époque la reconduite des sanctions contre l'Ouzbékistan, leurs peines de prison ferme ont été remplacées en appel par des peines assorties de sursis, à la condition qu'elles plaident coupables. Il convient en outre de rappeler que Mme Mukhtabar Tojibaeva, présidente du "Club des coeurs ardents", une organisation de défense des droits de l'Homme basée à Margilan, reste détenue depuis octobre 2005, alors que sa santé ne cesse de se détériorer, notamment en raison des mauvaises conditions de sa détention.
Enfin, les proches des défenseurs sont également devenus une cible privilégiée des autorités, dans le but de neutraliser ces derniers, notamment en ayant recours à leur placement en détention arbitraire. Ainsi, en novembre 2007, M. Ikhtior Khamroev, fils de M. Bakhtior Khamroev, dirigeant de la section de Djizak de la Société ouzbèke des droits de l'Homme (Human Rights Society in Uzbekistan – HRSU), qui est détenu en colonie pénitentiaire depuis août 2006, a été victime de mauvais traitements après avoir refusé d'admettre qu'il avait commis une faute disciplinaire. Il a ensuite vu sa peine prolongée de sept mois supplémentaires.
Conséquences de la loi d'amnistie pour les défenseurs des droits de l'Homme
Le 30 novembre 2007, la Chambre haute du Parlement a adopté une loi d'amnistie, qui a été publiée le 1er décembre. Selon l'article 2, cette loi est censée s'appliquer aux personnes qui ont commis des infractions, involontaires ou volontaires, qui ne mettent pas en danger la sécurité publique. Selon l'article 5, doivent également être admis au bénéfice de cette loi les personnes condamnées pour la première fois, à une peine inférieure à dix ans d'emprisonnement pour avoir fait partie d'une organisation illégale et/ou développé des activités ayant mis en danger la sécurité publique, à la condition qu'ils aient exprimé l'intention de "corriger" leur comportement.
Suite à l'adoption de cette loi, de nombreux défenseurs détenus ont été accusés par l'administration pénitentiaire de "violations du règlement intérieur", de toute évidence afin de les exclure du champ d'application de l'amnistie qui, fin 2007, n'avait concerné que M. Karim Bozorboyev, membre de l'organisation de défense des droits de l'Homme "Ezgulik", arrêté en octobre 2007 et condamné à trois ans de prison pour "fraude financière". Vingt autres défenseurs des droits de l'Homme, dont 11 membres de la HRSU, n'avaient pas été amnistiés au 31 décembre 2007. Cependant, plusieurs défenseurs ont été libérés au début de l'année 2008.
L'Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l'Homme est un programme conjoint de l'Organisation mondiale contre la torture (OMCT) et de la Fédération internationale des ligues des droits de l'Homme (FIDH).
1 Cf. communiqué du BIDDH sur les élections présidentielles en Ouzbékistan du 23 décembre 2007.
2 Cf. conclusions et recommandations du Comité des Nations unies contre la torture, 39e session, 5-23 novembre 2007.