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Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l'Homme, Rapport annuel 2007 - Bangladesh

Publisher International Federation for Human Rights
Author Organisation mondiale contre la torture; Fédération internationale des ligues des droits de l'Homme
Publication Date 19 June 2008
Cite as International Federation for Human Rights, Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l'Homme, Rapport annuel 2007 - Bangladesh, 19 June 2008, available at: https://www.refworld.org/docid/486e05272.html [accessed 26 May 2023]
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Contexte politique

Suite à la proclamation, le 11 janvier 2007, de l'état d'urgence par le Président Iajuddin Ahmed, après plusieurs semaines d'affrontements violents liés aux élections entre les sympathisants de l'ancienne coalition au pouvoir et ceux des partis opposés à celle-ci, les élections qui devaient avoir lieu le 22 janvier ont été reportées sine die, et un nouveau gouvernement intérimaire, soutenu par l'armée, a été investi. De nombreuses personnes ont depuis été arrêtées, notamment au nom de la lutte contre la corruption, parmi lesquelles les plus hauts responsables des deux principaux partis politiques, le Parti national du Bangladesh (Bangladesh Nationalist Party – BNP) et la Ligue Awami. Selon l'organisation Odhikar, 395 personnes – parmi lesquelles principalement des activistes politiques – arrêtées depuis l'état d'urgence sur la base de la Loi sur les pouvoirs spéciaux (Special Powers Acts – SPA) de 1974 étaient toujours détenues en janvier 2008. En outre, au moins 35 journalistes auraient été victimes d'agressions en 2007, et 13 auraient été arrêtés. En conséquent, un climat d'autocensure prévaut actuellement dans la plupart des médias.

Les 12 et 25 janvier 2007, le Président a émis deux décrets, l'Ordonnance relative aux pouvoirs d'exception (Emergency Powers Ordinance) et les Réglementations relatives aux pouvoirs d'exception (Emergency Power Rules – EPR), en vertu desquels les libertés de mouvement, de réunion, d'association et d'expression font l'objet d'importantes restrictions. Ces deux textes confèrent en outre des pouvoirs très étendus aux organes responsables de l'application des lois, notamment celui d'arrêter sans mandat toute personne soupçonnée de vouloir participer à un "acte préjudiciable", une infraction aux Réglementations relatives aux pouvoirs d'exception, ou un autre délit passible de poursuites pénales. D'autre part, la SPA de 1974, déjà à l'origine de nombreuses détentions préventives sans charge, s'applique désormais aux crimes et délits définis dans les EPR. De plus, les personnes arrêtées pour des crimes contre la sécurité nationale, qui incluent le crime de corruption, ne peuvent demander de libération sous caution.

Actes de représailles à l'encontre des défenseurs dénonçant les exactions du Gouvernement et des forces de l'ordre

En 2007, les multiples exactions (détentions arbitraires, torture, exécutions extrajudiciaires, etc.) commises par les forces de l'ordre – à commencer par l'armée, la police et le bataillon d'action rapide (Rapid Action Battalion – RAB) – se sont poursuivies en toute impunité, ce d'autant plus que les dispositions relatives aux pouvoirs d'exception sont formulées de manière tellement imprécise qu'elles ouvrent la porte à de telles violations. D'autre part, le Gouvernement a à plusieurs reprises invoqué les lois d'urgence pour arrêter des défenseurs des droits de l'Homme, parfois sur la base d'allégations d'activités "antiétatiques" afin de décrédibiliser leurs activités.

Ainsi, dans la nuit du 10 mai 2007, M. Tasneem Khalil a été arrêté à son domicile puis détenu pendant près de 24 heures après avoir abordé largement la situation des droits de l'Homme et le rôle de l'armée sur son blog et participé en tant que consultant à la rédaction de plusieurs rapports de "Human Rights Watch" sur les exécutions extrajudiciaires commises par les forces de sécurité. De même, le 24 octobre 2007, M. Jahangir Alam Akash, journaliste et coordinateur régional de l'Institut bangladais des droits de l'Homme (Bangladesh Institute of Human Rights – BIHR) et du Groupe d'intervention contre la torture (Task Force Against Torture – TFT), a été arrêté au milieu de la nuit dans la ville de Rajshahi par des membres du RAB. Le 3 mai 2007, un reportage qu'il avait réalisé avait été diffusé à la télévision, dans lequel des membres du RAB étaient accusés d'avoir tiré sur un homme n'opposant aucune résistance, à son domicile et sous les yeux de sa famille. Libéré sous caution fin novembre 2007, un nouveau mandat d'arrêt a été délivré à son encontre le 7 janvier 2008. Le directeur exécutif d'Odhikar, M. Nasiruddin Elan, a quant à lui été conduit le 3 mai 2007 au quartier général de la marine, à la suite d'une enquête menée par l'organisation concernant des morts suspectes en garde à vue. Il a été intimidé et menacé, puis relâché. Enfin, le 4 décembre 2007, M. Hasan Ali, un membre d'Odhikar, a été emmené au poste de police de Kushtia, après avoir mené plusieurs enquêtes sur des exécutions extrajudiciaires. Libéré quelques heures plus tard, aucune explication ne lui a été fournie sur les raisons de son arrestation.

Entraves à la liberté de réunion

Alors que la SPA autorisait déjà les forces de l'ordre à disperser ou arrêter tout groupe de quatre personnes ou plus réunies à un même endroit, les EPR interdisent toute manifestation si elle n'est pas liée à des "programmes religieux, sociaux, étatiques ou gouvernementaux autorisés". Si ces restrictions ont été partiellement levées à Dhaka afin de permettre certains meetings politiques, elles restent en vigueur dans le reste du pays, le contexte n'étant par conséquent pas favorable à la préparation d'élections libres et équitables. Les EPR restreignent en outre les activités des partis politiques et des syndicats.

Ainsi, le 21 août 2007, au lendemain d'affrontements violents entre l'armée et les étudiants de l'université de Dhaka, une marche a été organisée sur le campus de l'université de Rajshahi. Le 22 août, les étudiants ont demandé, entre autres, la levée de l'état d'urgence, la sanction des agents des forces de l'ordre responsables des violences de la veille et le retrait du poste de police du campus. Cette manifestation a été réprimée dans la violence et a été à l'origine de l'instauration d'un couvre-feu du 22 au 27 août. Les forces de l'ordre ont notamment arrêté des professeurs des universités de Rajshahi et de Dhaka1 et, le 4 décembre 2007, quatre d'entre eux – MM. Moloy Kumar Bhoumik, Dulal Chandra Biswas, Sayed Selim Reza Newton et Abdullah Al Manun – ont été condamnés à deux ans de prison ferme pour avoir participé à la marche du 21 août, en violation des EPR. Par ailleurs, plusieurs journalistes ont été arrêtés et d'autres battus alors qu'ils tentaient de couvrir les manifestations et le Gouvernement a interdit à certains médias – dont les chaînes de télévision Ekushey Television (ETV) et CSB news – de diffuser des nouvelles "provocatrices" et critiques du Gouvernement, sur la base de l'article 5 des EPR. Les personnes qui violent les dispositions des EPR encourent de deux à cinq ans de prison.

D'autres manifestations ont également été réprimées et certains de leurs participants arrêtés pour violation de l'état d'urgence : le 3 septembre 2007, une plainte a ainsi été déposée contre 17 ouvriers d'une usine de vêtements qui avaient participé à une manifestation afin de protester contre leurs salaires mensuels et 12 d'entre eux ont été arrêtés. D'autre part, suite à une manifestation organisée le 2 décembre 2007 à Borguna, et qui a rassemblé près de 500 victimes du cyclone Sidr,2 afin de réclamer une aide suffisante aux victimes, 12 manifestants ont été arrêtés pour violation des EPR.

L'Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l'Homme est un programme conjoint de l'Organisation mondiale contre la torture (OMCT) et de la Fédération internationale des ligues des droits de l'Homme (FIDH).


1 A cet égard, le Parlement européen s'est dit "[...] profondément préoccupé par la réaction disproportionnée de l'armée et de la police contre les manifestations étudiantes qui ont éclaté à la fin du mois d'août 2007 à l'université de Dacca" et a "réclam[é] la libération immédiate des personnes qui ont été arrêtées à la suite des protestations des étudiants et des enseignants, notamment de membres de l'association d'enseignants Shikkhok Samity, c'est-à-dire Anwar Hossain, Harun Ur Rashid, Saidur Rahman Khan et Abdus Sobhan" (Cf. résolution du Parlement européen du 6 septembre 2007 sur le Bangladesh, P6_TA(2007)0385).

2 Ce cyclone a frappé le Bangladesh le 15 novembre 2007, faisant près de 4 000 morts et personnes disparues.

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