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Éthiopie : information sur les groupes [traduction] « 1 pour 5 » en Éthiopie, y compris leur origine et leur raison d'être; information indiquant si les citoyens sont tenus d'en faire partie; conséquences d'un refus (2014-juin 2016)

Publisher Canada: Immigration and Refugee Board of Canada
Publication Date 24 June 2016
Citation / Document Symbol ETH105559.EF
Related Document(s) Ethiopia: Information on "1 to 5" groups in Ethiopia, including origin and purpose; whether citizens are required to participate in them; consequences for refusal (2014-June 2016)
Cite as Canada: Immigration and Refugee Board of Canada, Éthiopie : information sur les groupes [traduction] « 1 pour 5 » en Éthiopie, y compris leur origine et leur raison d'être; information indiquant si les citoyens sont tenus d'en faire partie; conséquences d'un refus (2014-juin 2016), 24 June 2016, ETH105559.EF, available at: https://www.refworld.org/docid/5a84054d7.html [accessed 3 June 2023]
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Direction des recherches, Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada, Ottawa

1. Origine

Des sources décrivent les groupes de l'Éthiopie appelés [traduction] « 1 pour 5 » [1/5, 1-pour-5, 1:5, un-pour-cinq, cinq-pour-un] comme une « structure gouvernementale » (ODI sept. 2015, 5), un [traduction] « modèle » (The Reporter 30 mai 2015) ou un [traduction] « réseau » (The Guardian 22 mai 2015). D'après un article paru dans le Guardian, [traduction] « le réseau "un pour cinq" », dans lequel chaque membre en recrute cinq autres, était à l'origine de l'« expansion massive » du nombre de membres du parti au pouvoir, le Front démocratique révolutionnaire des peuples éthiopiens (FDRPE) (The Guardian 22 mai 2015). Parmi les sources qu'elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n'a pas trouvé d'autre renseignement allant dans le même sens.

2. Structure, raison d'être et participation

Dans une communication écrite envoyée à la Direction des recherches, un chercheur pour Human Rights Watch a signalé que la structure des groupes 1 pour 5 peut prendre [traduction] « diverses formes »; par exemple, dans certains cas, une personne peut surveiller, mobiliser et/ou former cinq autres personnes, tandis que dans d'autres situations, une personne peut être chargée de surveiller cinq ménages (chercheur 30 mai 2016). De même, d'après le Service de télévision satellitaire d'Éthiopie (Ethiopian Satellite Television Service - ESAT), [traduction] une « source d'information indépendante et non partisane ayant pour mission de promouvoir la liberté de presse, la démocratie, le respect des droits de la personne et la primauté du droit en Éthiopie » (ESAT s.d.), le système prévoit que chaque personne a la responsabilité de [traduction] « surveiller les activités de cinq ménages » (ESAT 16 juin 2015). Dans l'article du Guardian, on peut lire que le réseau a été [traduction] « adapté », de sorte que « chaque fonctionnaire est maintenant chargé de surveiller les "activités de développement" d'un groupe » (The Guardian 22 mai 2015).

Dans une communication écrite envoyée à la Direction des recherches, un chargé de cours en sciences politiques à l'Université de Paris 1 Panthéon-Sorbonne, qui a mené d'importantes recherches ethnographiques en Éthiopie, a décrit en ces termes la nature et les pratiques des groupes 1 pour 5 :

[traduction]

une tentative de la part du gouvernement d'institutionnaliser les groupes de travail « traditionnels » qui sont en place dans certaines régions rurales du pays; dans ces groupes traditionnels, les paysans se réunissent en groupes de cinq chefs de famille ou à peu près, en vue de travailler aux champs ensemble, ou de bâtir ou de réparer leurs maisons, clôtures, etc. Le travail se fait selon un système de rotation [par exemple, à la ferme de chaque membre du groupe à tour de rôle] (chargé de cours 20 juin 2016).

La même source a expliqué que, dans de nombreuses régions rurales, le [traduction] « système a été présenté aux paysans comme étant l'institutionnalisation de ces groupes de travail, mais avec l'ajout d'une dimension politique ». La source signale que, en plus d'organiser ces travaux agricoles,

[traduction]

le coordonnateur du groupe 1/5 fait des discours sur les politiques gouvernementales, convoque des réunions et pose des questions aux membres sur leurs activités personnelles. Il pose des questions en vue d'évaluer dans quelle mesure les paysans sont réceptifs aux politiques gouvernementales. […] Autrement dit, le système 1/5 est un des moyens mis en place pour surveiller la vie quotidienne et discipliner les individus (chargé de cours 20 juin 2016).

Sans fournir plus de précisions, le chercheur a déclaré que la forme des groupes 1 pour 5 peut varier selon les régions du pays où ils sont présents (chercheur 31 mai 2016). De même, le chargé de cours a signalé qu'il y a différents types de groupes 1 pour 5 et que leur fonctionnement varie grandement d'un endroit à l'autre, ou même d'un qebelé [division administrative] à l'autre (chargé de cours 20 juin 2016). Le chercheur a expliqué que les fonctions des groupes 1 pour 5 varient, et qu'ils peuvent servir à [traduction] « des fins louables » ou à des fins néfastes (chercheur 31 mai 2016). Selon des sources, les groupes 1 pour 5 peuvent avoir une variété de formes et d'objectifs, dont les suivants :

  • communiquer de l'information sur la santé et le développement jusqu'au niveau communautaire et, [traduction] « en théorie », communiquer « les préoccupations locales au sujet de la mise en œuvre des programmes ou des politiques » aux responsables publics (ODI sept. 2015, 4);
  • servir de [traduction] « groupes de soutien » pour les agriculteurs, les jeunes et les femmes dans les régions rurales « en vue de régler des questions sociales, économiques ou administratives » (The Ethiopian Herald 23 sept. 2015);
  • offrir des formations à de petits groupes de quartier et sensibiliser la communauté à des questions de santé et de développement telles que le mariage d'enfants, l'hygiène et les pratiques traditionnelles néfastes (ODI sept. 2015, 5, 7);
  • la mobilisation électorale (chercheur 30 mai 2016), ou la [traduction] « mobilisation » du public pour appuyer le FDRPE, le parti au pouvoir (The Reporter 30 mai 2015; The Guardian 22 mai 2016);
  • la surveillance gouvernementale (chercheur 30 mai 2016; ESAT 16 juin 2015) au niveau communautaire (ESAT 16 juin 2015), ou la surveillance des [traduction] « activités antigouvernementales » (chercheur 30 mai 2016), ou le [traduction] « contrôle social » visant à « ancrer » le pouvoir du FDRPE (The Guardian 22 mai 2016).

En ce qui a trait à l'utilisation des groupes 1 pour 5 pour mener des activités de développement, dans son rapport sur l'Éthiopie intitulé National Human Development Report for 2014, le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) a déclaré qu'une [traduction] « armée de développement de la santé » [ou « armée de développement des femmes »], qui compte plus de deux millions de réseaux de pairs 1 pour 5 à l'échelle nationale, a été créée afin de respecter les priorités énoncées dans les plans nationaux en matière de santé et de développement [1] (Nations Unies 2015, 41). D'après son rapport sur la sensibilisation de la communauté en vue de mettre fin aux mariages d'enfants en Éthiopie, l'Institut de développement outre-mer (Overseas Development Institute - ODI), un groupe de réflexion indépendant du Royaume-Uni qui se penche sur des questions humanitaires et de développement international (ODI s.d.), estime que [traduction] « toutes les femmes à l'échelle du pays » appartiennent à des groupes 1 pour 5 liés à l'Armée de développement des femmes (ODI sept. 2015, 4-5).

Selon le chargé de cours, [traduction] « tout le monde est censé se joindre » à des groupes 1 pour 5, mais « l'efficacité du système dépend fortement de l'aptitude des administrateurs locaux (présidents de qebelé) à mettre en œuvre les programmes. Plus ils sont zélés, plus les gens seront contraints de s'y joindre » (chargé de cours 20 juin 2016).

D'après Human Rights Watch, le système 1 pour 5 [traduction] « alimente les craintes de parler de questions délicates à des gens autres que les plus proches », dans un contexte que l'organisation décrit comme étant une situation de « surveillance gouvernementale omniprésente » accompagnée d'une « crainte de représailles » (Human Rights Watch 15 juin 2016, 52). Dans un communiqué de presse sur les élections générales de 2015, publié sur le site Internet du Parti Semayawi (Parti bleu) [un parti d'opposition en Éthiopie (Amnesty International 2016, 155)], on peut lire que le système 1 pour 5 est [traduction] « un système de contrôle […] visant à miner la liberté des citoyens et conçu de manière à les contraindre à voter pour le régime, sans quoi ils seront menacés [de sanctions] » (Semayawi Party 29 mai 2015). Dans les Country Reports on Human Rights Practices for 2015, le Département d'État des États-Unis fait état de cas où le gouvernement a exercé de l'intimidation à l'endroit de candidats et de partisans de l'opposition durant les élections de 2015 (É.-U. 15 avr. 2016, 1).

3. Conséquences du refus

Le chercheur a expliqué que les conséquences d'un refus de se joindre à un groupe 1 pour 5 dépendraient du type de groupe qui est en cause (chercheur 30 mai 2016). Il a affirmé que, si une personne fait partie d'un groupe 1 pour 5 qui a été formé à des fins de surveillance, cette personne ne sait peut-être pas qu'elle en fait partie; toutefois, si la personne a été choisie pour être celle qui surveille les autres, son refus lui vaudrait vraisemblablement d'être [traduction] « étiquetée comme étant un partisan de l'opposition, ce qui entraînerait une série de tests visant à démontrer sa loyauté, de mises en garde, d'actes de harcèlement, d'arrestations possibles, etc. » (chercheur 30 mai 2016).

Le chargé de cours a déclaré qu'en général, les gens ne [traduction] « "refusent" » pas de se joindre à un groupe 1 pour 5, mais vont plutôt délibérément manquer des réunions (chargé de cours 20 juin 2016). Si une personne cesse d'assister aux réunions du groupe, le risque de subir des conséquences néfastes dépend de la relation entre les participants et le coordonnateur du groupe (chargé de cours 20 juin 2016). Le chargé de cours a expliqué qu'il serait peut-être plus facile pour les habitants des régions rurales de se soustraire aux réunions, mais moins facile pour ceux des villes ou les fonctionnaires (chargé de cours 20 juin 2016). De plus, il a affirmé que les absences répétées ou [traduction] « le fait de critiquer ces réunions mènent presque inévitablement à des mesures disciplinaires », qui peuvent inclure « des actes de harcèlement par le qebelé, le refus de renouveler la carte d'identité [du membre] ou d'effectuer une démarche administrative », ou encore le blocage de l'accès à un emploi dans la fonction publique (chargé de cours 20 juin 2016).

Cette réponse a été préparée par la Direction des recherches à l'aide de renseignements puisés dans les sources qui sont à la disposition du public, et auxquelles la Direction des recherches a pu avoir accès dans les délais fixés. Cette réponse n'apporte pas, ni ne prétend apporter, de preuves concluantes quant au fondement d'une demande d'asile. Veuillez trouver ci-dessous les sources consultées pour la réponse à cette demande d'information.

Note

[1] Selon Voice of America (VOA), l'Armée de développement de la santé [ou Armée de développement des femmes] en Éthiopie a pour but d'améliorer les pratiques sanitaires dans les communautés rurales (VOA 20 nov. 2013). Les bénévoles qui composent cette [traduction] « armée » reçoivent « une formation de la part du vaste réseau d'agents de vulgarisation sanitaire du gouvernement en vue de changer les comportements à l'échelle communautaire et de gagner des appuis pour les programmes de santé gouvernementaux » (VOA 20 nov. 2013).

Références

Amnesty International. 2016. « Ethiopia ». Amnesty International Report 2015/16: The State of the World's Human Rights. [Date de consultation : 16 juin 2016]

Chargé de cours, Université de Paris 1 Panthéon-Sorbonne. 20 juin 2016. Communication écrite envoyée à la Direction des recherches.

Chercheur, Human Rights Watch. 30 mai 2016. Communication écrite envoyée à la Direction des recherches.

États-Unis (É.-U.). 15 avril 2016. Department of State. « Ethiopia ». Country Reports on Human Rights Practices for 2015. [Date de consultation : 16 juin 2016]

The Ethiopian Herald. 23 septembre 2015. Ayana Getnet Adella. « Ethiopia's Public Service and Its Role in Democratisation ». [Date de consultation : 19 mai 2016]

Ethiopian Satellite Television Service (ESAT). 16 juin 2015. « Ethiopian American Council Condemns Elections, American Government ». [Date de consultation : 19 mai 2016]

Ethiopian Satellite Television Service (ESAT). S.d. « About ESAT ». [Date de consultation : 21 juin 2016]

The Guardian. 22 mai 2015. Jason Mosley. « Ethiopia's Elections Are Just an Exercise in Controlled Political Participation ». [Date de consultation : 26 mai 2016]

Human Rights Watch. 15 juin 2016. "Such a Brutal Crackdown" - Killings and Arrests in Response to Ethiopia's Oromo Protests. [Date de consultation : 17 juin 2016]

Nations Unies. 2015. Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD). 2015. National Human Development Report 2014: Ethiopia. Accelerating Inclusive Growth for Sustainable Human Development in Ethiopia. [Date de consultation : 19 mai 2016]

Overseas Development Institute (ODI). Septembre 2015. Nicola Jones, Bekele Tefera, Elizabeth Presler-Marshall, Taveeshi Gupta, Guday Emirie, Bethelihem Gebre, Kiros Berhanu. The Power of Dialogue: The Role of Community Awareness Interventions in Ending Child Marriage in Amhara, Ethiopia. [Date de consultation : 17 juin 2016]

Overseas Development Institute (ODI). S.d. « About ODI ». [Date de consultation : 21 juin 2015]

The Reporter. 30 mai 2015. Zekarias Sintayehu. « Ethiopia: Landslide Victory Poses Threat on Multi-Party Democracy ». [Date de consultation : 19 mai 2016]

Semayawi Party. 29 mai 2015. « No Legitimacy in Denied Democracy! » [Date de consultation : 19 mai 2016]

Voice of America (VOA). 20 novembre 2013. Joana Mantey. « Rural Ethiopians Spread Good Health Habits over Coffee ». [Date de consultation : 23 juin 2015]

Autres sources consultées

Sources orales : chercheur diplômé, spécialiste de l'Éthiopie; professeur adjoint d'études africaines, University of Florida; professeur d'études africaines, Cambridge University; professeur de sciences politiques, Roskilde University.

Sites Internet, y compris : Africa Confidential; ecoi.net; Factiva; Human Rights Quarterly; Nations Unies – Refworld; Political Handbook of the World.

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