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DCR: État de Crise et Perspectives Futures

Publisher WRITENET
Author Jean-Claude Williame
Publication Date 1 February 1997
Cite as WRITENET, DCR: État de Crise et Perspectives Futures, 1 February 1997, available at: https://www.refworld.org/docid/3ae6a6b710.html [accessed 8 June 2023]
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1. INTRODUCTION

Le récent déferlement des violences armées au Nord et au Sud Kivu ont pu faire croire qu'une dynamique d'implosion, pouvant aller jusqu'à la disparition du Zaïre en tant que tel, était enclenchée dans ce pays. Certes, il est vrai que deux ciments fondateurs d'un État – la monnaie et le maintien de l'ordre – paraissent ne plus avoir aucune consistance. Pour rappel, l'État zaïrois a perdu non seulement ses ressources et ses capacités redistributives, mais surtout la maîtrise des opérations monétaires qui s'effectuent désormais en dehors de lui.[1] "Les événements du Kivu" ont par ailleurs démontré que la perte de contrôle de Kinshasa sur ses territoires de l'Est du pays était liée, non pas tellement à une "guerre", mais bien à l'effondrement total d'une armée régulière qui a été incapable d'engager une simple "opération de police" contre une poignée seulement de "rebelles" et qui, non payée depuis plusieurs mois, s'est retirée en pillant tout sur son passage.

Tout ceci ne signifie pas pour autant que le Zaïre en tant qu'État-Nation peut être regardé comme une entité désormais "vide". Si tel était le cas, il faudrait alors expliquer pourquoi le discours sur la nationalité zaïroise est si passionné au Kivu comme ailleurs, pourquoi l'élite politique, commerciale ou celle qui émerge de la société civile, au delà de la dégénérescence des structures, continue à se réclamer d'une nation qu'elle ré-exalte aujourd'hui et qu'elle veut sortir des marécages d'une longue crise politique. Comme l'exprimait encore tout récemment le politologue C. Young, "it is perhaps the vital energies in the cultural realm, gravitating around a shared history and common contemporary experience of struggling for survival, which explains the absence of serious efforts to dismantle Zaire, even though the degeneration of the state meant that a determined separatist movement could have met no effective resistance". "Being Zairian", concluait-il, "encodes a unique set of historical memories, a common communication medium of cultural experiences, and for most a shared indignation at a deteriorated present, and the political leaders (and external forces) held responsible for it".[2]

Ceci dit, la crise politique au Zaïre, qui est à la fois crise d'autorité et de légitimité, n'en finit pas de durer. En fait, il faut déjà remonter loin dans le temps pour en percevoir les débuts. Nous avons pu démontrer ailleurs que ses racines se retrouvent dans le fameux discours sur le mal zaïrois prononcé en 1978 par le président zaïrois au lendemain des deux "guerres du Shaba", discours dans lequel il fustige durement le fonctionnement d'un système de pouvoir – qu'il a lui-même mis sur les rails.[3] Depuis lors, une monarchie splendide et isolée s'est mise en place et le divorce entre société politique et société civile s'est progressivement et dramatiquement accru.

Toutefois, l'état de délabrement actuel de cette "société civile" ne doit pas être jugé seulement à travers le prisme d'un appauvrissement continu et bien réel de ses membres. Depuis les premières années de son indépendance, on ne peut nier que le Zaïre ait commencé à se placer dans l'orbite d'une modernité sévèrement contenue pendant toute la durée de l'époque coloniale. Les ruptures ont été plurielles: rattrapage étonnamment rapide dans le domaine de l'enseignement supérieur; urbanisation galopante même si les millions d' "urbanisés" se sont entassés dans les villes dans des conditions de grande précarité; multiplication des échanges tant intérieurs que transfrontaliers, stimulés par une "seconde économie" particulièrement dynamique et qui ne reposait pas sur les nécessités de la simple survie; instauration d'un sentiment national, certes fragile et ambigu, mais bien réel, alors que, sous l'époque coloniale, le Congolais n'était vu que membre d'une tribu; intensification après 1965 d'une production culturelle dans le domaine de la musique, de la danse, de la mode vestimentaire, de la peinture, de la littérature ou de la philosophie.

2. LES SYMPTÔMES DU DÉCLIN D'UN RÉGIME

Nonobstant ces diverses ruptures, le Zaïre des années 90 est bel et bien confronté aux symptômes d'un régime politique en déliquescence: le "Père de la Nation", le "Guide et Fondateur du parti-État", le "Grand Timonier" a cessé d'être le garant de la paix civile et politique. Les repères qui faisaient sens depuis trente années se brouillent et s'estompent. A travers une prolifération d'églises et de sectes, le pullulement de "pharmacies" populaires, de devins et de prophètes locaux, c'est toute une recherche de sens et de nouvelles certitudes qui est collectivement mise en oeuvre. Cette recherche passe aussi par des relectures et des "revisitations" d'un passé interrompu par la longue expérience politique du Mobutisme.

D'une part, le pays reste toujours en quête – ou prêt à se mettre à l'écoute – de nouveaux "messies" politiques susceptibles d'être les Fondateurs d'une nouvelle "épopée", qu'ils s'appellent Mgr. Monsengwo, Etienne Tshisekedi, Antoine Gizenga, ou même le vieux rebelle Laurent-Désiré Kabila. D'autre part, il paraît aussi vouloir renouer (et rejouer?) avec un certain nombre d'épisodes de son histoire dont les plus manifestes sont (a) la rébellion des années 60 avec le surprenant retour de quelques uns de ses vieux dirigeants encore en vie, de ses rituels magiques et terrorisants (Maï-Maï) dont Mobutu était venu à bout avec sa propre "magie" en plus d'une poignée de mercenaires qui, eux aussi font un come back remarqué, et (b) la reconstitution d'une République Fédérale de "provincettes" dont le nombre est passé aujourd'hui à 26 et dont les contours territoriaux restent toujours ceux des vieux districts coloniaux des années 30.

Alors que leur répression a fait plusieurs centaines de milliers de morts entre 1963 et 1965 et que leur souvenir a longtemps freiné toute velléité de résistance active contre le pouvoir central, les rébellions congolaises et leurs anciens rituels sont réactivés au travers de bandes de "cadets sociaux", souvent détribalisés – ou "supra-tribalisés", pour reprendre une expression du sociologue I. Wallerstein – et en tout cas totalement exclus du système de redistribution patrimonial qui a toujours cours au Zaïre.

Les rituels magiques – en particulier la croyance dans les balles de fusil se transformant en eau – ont naguère représenté une arme absolue des rebelles contre une armée congolaise qui était déjà en débandade dans le années de la post-indépendance. Or aujourd'hui, on les voit réapparaître ici et là en différents lieux du Zaïre.

Au Kivu, des récits circulent à propos des bandes de jeunes guerriers Maï-Maï qui se regroupent non pas au sein d'une ethnie particulière mais proviennent de différents groupes ethniques de la région du Nord-Kivu (Nande, Hunde, Nyanga) et ont pris le nom mystérieux de Bangilima.[4]

Selon un rapport récent du Département des Affaires Humanitaires de l'ONU, "the Bangilima are believed to be small in number .... They are said to be in the pay of the local populations and tend to portray themselves as freedom fighters making common cause to defend the interests of Zairean people and halt the territorial expansion of the Bahutu".[5]

Considérés comme des sorciers "venus de la forêt équatoriale proche",[6] leur réputation d'invincibilité provient d'un recours à la magie "muléliste" qui paralyse et démotive d'une manière efficace tant leurs adversaires que les forces de l'ordre toujours hantées par le spectre des rébellions de 1964-1965. Selon un témoignage d'un témoin direct, ces Bangilima, vêtus seulement d'une tunique de raphia et qui se croient invulnérables aux balles de fusils qui se transforment en eau (maï-maï), cherchent surtout à en découdre avec l'armée de pillards que sont devenues les FAZ et accessoirement seulement avec les Banyarwanda: "le maître (?), disent-ils, nous a envoyés combattre les militaires et l'État, pas les gens; on ne peut pas voler, et prendre de l'argent ou autre chose, même sans être vu .... Si jamais on volait, les balles ne se changeraient pas en eau; elles resteraient de vraies balles".[7]

Le second référent historique du Zaïre des années 90 est sans conteste le retour, sous une forme plus ou moins atténuée des "nationalismes" et des "irrédentismes" ethniques et/ou régionaux qui avaient cours au début de la décolonisation dans un certain nombre de régions au Zaïre et sur lequel le régime Mobutu a simplement posé un couvercle autocratique sans jamais chercher à les gérer.

Au Shaba, ex-Katanga, on a vu resurgir depuis le début des année 90 le ralliement aux anciennes thèses sécessionnistes du Katanga indépendant (1960-1963). En 1993, l'ancien gouverneur du Shaba, Gabriel Kyungu, a pu ainsi remobiliser, dans des rassemblements populaires importants, des "jeunesses" ainsi que des politiciens et des syndicalistes locaux autour de ce thème. Avant d'être finalement démis de ces fonctions en 1994, il a largement été responsable des expulsions du Shaba de dizaine de milliers de travailleurs kasaïens attachés à la société minière Gécamines, de dizaines d'intellectuels et de commerçants considérés comme "non-katangais". S'il a été mis fin aux évictions des Kasaïens par la suspension du flamboyant gouverneur du Shaba et si les relations commerciales ont repris entre le Kasaï et le Shaba, les élites locales n'ont pas abandonné leur idée de recréer un Katanga indépendant: dans un document qui a circulé à la Conférence sur le Zaïre à Washington (16 janvier 1997) et qui est contresigné par une vingtaine d'originaires du Shaba, les auteurs réclament à nouveau cette indépendance en arguant du fait que les "empires et royaumes du Katanga" n'auraient jamais été attachés à une entité "Congo" avant la colonisation belge et en appuyant l'action du "katangais" Laurent-Désiré Kabila à la tête des rebelles du Kivu.

Le paradoxe de cet irrédentisme "katangais" tient dans le fait que le Shaba n'a plus les moyens de son indépendance depuis l'effondrement de toute l'industrie minière (Gécamines) après juin 1991. La production de cuivre en particulier, dont le Zaïre était un des principaux producteurs, est tombée de quelques 470.000 tonnes en 1989 à un peu moins de 40.000 tonnes en 1995. Sans doute, le Shaba reste encore le lieu de très riches gisements dont l'exploitation serait tout à fait rentable, mais l'absence de stabilité politique de l'ensemble de pays n'attire guère que des groupes économiques se livrant à de simples opérations de spéculations foncières.

Un second foyer centrifuge se situe dans les zones diamantifères du Kasaï Oriental qui se constituèrent en État autonome du Sud-Kasaï au lendemain des pogroms contre les Baluba-Kasaï dans la région de Luluabourg (actuellement Kananga) puis et au Katanga qu'ils furent obligés de fuir à l'époque de l'indépendance (1960-1961). Le sentiment d'ostracisme ressenti par les élites Baluba, considérées comme ayant été l' "ethnie privilégiée" du colonisateur, a traversé et continue à traverser toute la vie politique zaïroise. Depuis la fin des années 70, ce sont principalement des Baluba qui ont mené la lutte contre le régime Mobutu, d'abord sous la forme d'un combat parlementaire puis sous le label d'un parti interdit dès sa formation en 1982, l'Union pour la Démocratie et le Progrès Social (UDPS). A partir du début de la "transition démocratique", ils ont été suspectés de noyauter la Conférence Nationale Souveraine (CNS) en créant de multiples petites formations politiques regardées comme autant de "créations tribales" des Baluba.

Mbujimayi, fief des Baluba et haut lieu de l'exploitation et du commerce du diamant, est devenue la capitale économique virtuelle du Zaïre depuis l'effondrement de l'industrie minière au Shaba. En 1993, le nouvel exode des Baluba demeurés depuis plusieurs générations au Shaba a renforcé chez eux le sentiment d'être les "juifs du Zaïre" et donc le particularisme régional. Un des porte-paroles de ce particularisme est le PDG de la puissante Minière de Bakwanga (MIBA), Jonas Mukamba, qui, considéré comme proche du président Mobutu et du MPR, n'en a pas moins lancé de vibrants appels à la diaspora luba pour qu'elle regagne son terroir et y consacre son énergie au développement intellectuel et économique de la région.[8]

Mais ce projet de regroupement de la diaspora luba autour de ses terroirs d'origine se heurte à deux difficultés majeures. D'une part, les Baluba ont depuis longtemps "investi" de nombreuses autres régions du Zaïre, soit comme agents de l'État ou du parti unique, soit comme commerçants ou entrepreneurs, et on les voit mal opérer un repli purement "ethnique" sur une région aussi exigüe que le Kasaï Oriental. D'autre part, l'homogénéité politique des Baluba du Kasaï Oriental a toujours été relative. A l'ancien clivage politico-clanique entre "gens du haut" (Bena Mutu wa Mukuna) et "gens du bas" (Bena Tshibanda) qui agita la vie politique dans la "provincette" du Sud-Kasaï entre 1963 et 1965,[9] répondent aujourd'hui comme en écho les querelles entre de nouveaux clans (les Bena Mwembia, les Bena Kapuya et les Bena Nshimba) qui s'accusent réciproquement de vendetta à propos de conflits de terre que les uns disent posséder de plein droit et dont les autres affirment avoir été spoliés.[10]

Un autre foyer de repli identitaire potentiel est constitué de la région habitée par les membres du groupe kongo dont certaines élites affectionnent de rappeler le passé précolonial prestigieux et le fait que leur ethnie se trouve à cheval sur au moins trois pays: l'Angola, le Congo-Brazzaville et le Zaïre. Les troubles, dont on a fait état plus haut, démontrent que le mythe de l'ancien royaume du Kongo est encore présent dans la mémoire populaire. Depuis le début de la "transition démocratique", un certain nombre d'entrepreneurs, d'hommes politiques et d'intellectuels de la région se sont attelés à créer une "université des Kongo" destinée à dispenser un enseignement supérieur à vocation régionale à des jeunes venus de la diaspora kongo d'Afrique centrale. Au moment de la tenue de la Conférence Nationale Souveraine, des protestations se sont fait entendre au sein de l'élite locale contre la présence trop importante de "non-kongolais" (et surtout contre les Baluba) dans l'administration locale et dans les entreprises parapubliques.[11]

Dans l'ensemble, et à l'exception peut-être du Shaba, ces mouvements centrifuges n'ont jamais réellement mis en danger l'unité du pays: dans certains cas, ils expriment davantage le mécontentement de certaines forces sociales et politiques locales face à un système de gouvernance centralisateur qui n'a plus les moyens de s'imposer politiquement; dans d'autres, ils peuvent être utilisés par des baronnies régionales pour remobiliser les populations dans le cadre d'élections dont l'échéance est reportée d'année en année. Par ailleurs, même si le factionalisme politique est une réalité durable au Zaïre comme ailleurs en Afrique, le dernier projet de constitution approuvé par le Haut Conseil de la République en septembre 1996 constitue sans doute un modus operandi institutionnel permettant de satisfaire les aspirations régionalistes: au terme de cette nouvelle constitution, le Zaïre politique cesse d'être un régime présidentiel centralisé pour devenir un État fédéral regroupant 26 provinces (et non pas des "États"), qui s'appuie sur un régime parlementaire (et non plus présidentiel) et où des "domaines de collaboration" sont organisés entre le président de la République et le gouvernement.[12]

3. L'IMPACT DE LA CRISE DU KIVU

D'une toute autre gravité est la crise qui secoue les deux provinces du Kivu depuis 1993. Son origine tient en fait non pas à de simples antagonismes inter-ethniques ordinaires mais à une question de nationalité posée en fait depuis le début des années 60 et dramatiquement aggravée par le génocide rwandais qui refoule près de deux millions de Rwandais dans des camps de réfugiés au Nord et au Sud-Kivu après la victoire du FPR en juin 1994.

La question de savoir qui est Zaïrois et qui ne l'est pas (et implicitement la question de l'apatridie) est posée dans le Kivu montagneux dès les premières années de l'indépendance lorsque plusieurs dizaines de milliers de Tutsi, dont la plupart s'identifient aujourd'hui à l'appellation Banyamulenge,[13] fuient les pogroms ethniques au Rwanda en 1959-1961, en 1963-1964 et en 1973, tandis qu'un nombre indéterminé de Hutu se réfugient au Zaïre suite au génocide de 1972 dans le Burundi voisin.

A ces mouvements forcés de populations, se superpose le problème de la présence d'une nombreuse population d'origine rwandaise que l'on appelle Banyarwanda et dont 85.000 à 90.000 personnes ont été installées entre les années 1937 et 1945 par le colonisateur dans un territoire déjà surpeuplé (plus de 100 hab/km2 dans certains territoires) pour servir de main d'oeuvre dans les plantations coloniales de la région du Nord-Kivu ou dans les sites miniers du Katanga.[14] En 1965, une première guerre tribale, dénommée "Kanyarwanda" oppose les notables d'ethnies "congolaises" (Hunde et Nyanga) à ceux des Banyarwanda à propos du refus des seconds d'accepter l'autorité des premiers qui se considèrent comme les vrais natifs et occupants fonciers des territoires méridionaux du Nord-Kivu (Masisi, Walikale, Goma). A cette époque, on considère les Banyarwanda comme des rebelles et on les associera même, ce qui se révélera inexact, à la grande jacquerie qui se déchaînera au Kivu-Maniéma.

En 1972, le président zaïrois calmera la tension larvée entre "Zaïrois" et "non-Zaïrois" en octroyant autoritairement la nationalité zaïroise à tous ceux qui résident dans la province du Kivu avant le 1er janvier 1950 (article 1 de la loi 72-002 du 5 janvier 1972). Il faut préciser que cette loi a été inspirée par le lobby tutsi qui, à cette époque, est très influent autour du président de la République lequel a toujours privilégié les membres des groupes ethniques conscients de la précarité de leur statut politique.[15] Les "Rwandais" vont ainsi acquérir la nationalité zaïroise de plein droit: mieux, leurs élites vont prospérer dans le commerce et dans la haute administration, tandis que, localement, les Banyarwanda vont accaparer les meilleurs terres en court-circuitant, par le recours à la législation "moderne", les règles coutumières d'attribution foncière des terres.[16]

A partir de 1978, date du renvoi du Tutsi rwandais B. Bisengimana du Bureau de la Présidence, une marche arrière est opérée quant à la question de la nationalité des ressortissants d'origine et de langue rwandaise. Une nouvelle loi est votée par le Conseil Législatif (parlement zaïrois) en 1981 et annule celle de 1972: désormais, ne bénéficient de la nationalité zaïroise que les personnes "dont un des ascendants est ou a été membre d'une tribu ou d'une partie de tribu, établie sur le territoire zaïrois avant le 18 octobre 1908", (article 4 de la loi 81/002), le législateur zaïrois ne donnant cependant aucune définition de ce que recouvre le terme "tribu". Aucune loi ou arrêté d'application ne viendra toutefois sanctionner la loi de 1981: si le gouvernement zaïrois fit effectivement imprimer de nouvelles cartes d'identité zaïroise dans la foulée de la loi de 1981 et d'une ordonnance relative aux "recensements d'identité" prise en mai 1982, celles-ci ne furent pas acheminées au Nord-Kivu, comme l'admirent des fonctionnaires de la région qui furent interviewés en juillet 1995.[17] Par ailleurs, une ordonnance présidentielle du 22 mai 1989 relative à l'identification de nationaux dans le Nord et le Sud-Kivu ne fut jamais appliquée et les élections de cette année-là ne purent avoir lieu.

Même si l'inquiétude gagnait les "Rwandais" du Zaïre et en particulier les "barons" tutsi du régime,[18] le système de protection dont ils bénéficiaient continua à fonctionner tant au niveau local (accaparement des terres) qu'au niveau de l'élite. Ce ne fut qu'au moment où la Conférence Nationale Souveraine fut établie en fin 1991 que le vent se mit à tourner radicalement contre les représentants des Banyarwanda qui, étant considérés comme "étrangers" par la commission de vérification de pouvoir des membres de cette assemblée, furent exclus du conclave. En mars 1993, suite à un mouvement de désobéissance civile dans le territoire de Masisi majoritairement peuplé par des ressortissants d'expression rwandaise, une nouveau "Kanyarwanda" fut enclenché. En quelques semaines, la "guerre" fit quelques 2.000 morts (dont les 3/4 furent des Banyarwanda) et surtout 130.000 populations déplacées (dont une majorité de "Rwandais") et 80 villages incendiés.[19]

Le conflit restait toutefois gérable. A la fin de l'année 1993 et au début 1994, plusieurs cycles de conciliation furent organisés dans la région du Masisi à l'initiative d'ONG locales et reçurent l'appui du président Mobutu qui séjourna plus d'un mois dans la région. Ces réunions, qui mirent en présence des officiers de la DSP (Division Spéciale Présidentielle), des pasteurs, des prêtres, des enseignants, des chefs coutumiers et des autorités locales, firent baisser la tension. Non seulement, tout le monde se mit d'accord pour dénoncer les manipulations politiques dont les populations étaient l'objet par des politiciens locaux et des "milices tribales", mais on assista à un début de retour chez elles des populations déplacées.[20]

Le déferlement des réfugiés rwandais dans le Nord et le Sud Kivu au lendemain du génocide allait mettre un terme à toute tentative de pacification. Désormais, il était clair pour les ressortissants du Kivu qu'un "plan" était à l'oeuvre, à savoir la constitution pour les uns d'un Hutuland, pour les autres d'un Tutsiland à l'Est du Zaïre. L'impossibilité et l'incapacité de la communauté internationale de gérer ce conflit régional à haute intensité par le retour volontaire des réfugiés allait contribuer à mettre le feu au poudre. Les chiffres parlent ici d'eux mêmes: aux 1.600.000 à 2.000.000 de Banyarwanda résidant au Kivu comme "transplantés" des années 30 et 40, ou comme "infiltrés" et "irréguliers" (c'est-à-dire entre 26 à 32% de la population du Kivu),[21] il fallait désormais ajouter les quelques 1.600.000 réfugiés rwandais refusant obstinément de quitter les camps où ils bénéficiaient par ailleurs de conditions meilleures que celles des autochtones zaïrois des agglomérations de Bukavu et Goma.[22]

L'insécurité induite par ces énormes entassements humains, particulièrement au Nord-Kivu, l'omniprésence d'une armée zaïroise non-payée et vivant de racket et de pillage, la prolifération du banditisme social et économique sur une grande échelle – près de 300.000 têtes de bétail disparurent du Masisi en 1995 -, la chasse aux Tutsi zaïrois qui s'est engagée depuis le milieu de l'année 1995 dans la région d'Uvira (contre les Banyamulenge) et dans le Masisi en janvier 1996 (contre les populations d'éleveurs), ainsi que les opérations de guérilla lancées par les milices et anciens éléments des Forces armées rwandaises servirent de détonateur à une crise majeure.

L'explosion débuta avec le retour dans les montagnes d'Uvira de 800 à 3.000 jeunes Banyamulenge armés qui avaient été recrutés par le FPR au début de son offensive contre le régime Habyarimana. L'offensive, encouragée si pas commanditée par le Rwanda, consista d'une part à chasser les réfugiés rwandais des camps du Sud-Kivu, d'autre part à venir à la rescousse des populations banyamulenge tutsi que les autorités locales voulaient exproprier de leurs biens et bouter hors du pays.

Au Nord comme au Sud-Kivu, le temps des warlords était venu. Car en plus de "guerres ethniques" et de nationalité, la crise, alimentée par un important trafic d'armes dans la sous-région des Grands Lacs, traduisait aussi la montée en phase de "cadets sociaux" sans terres et sans avenir, pour qui les armes étaient devenues le seul moyen de promotion sociale, comme au Liberia, en Somalie, en Angola, etc. Lorsque les vieux rebelles zaïrois des années 60, Laurent Kabila[23] et quelques autres, eurent décidé de prendre fort opportunément la tête du mouvement et s'installèrent à Bukavu et Goma, ils furent ovationnés par des populations jeunes lorsqu'ils déclarèrent qu'ils allaient "recruter". On peut penser que pour ces jeunes, la vieille guérilla de style maoïste, incarnée par les "seigneurs de la guerre" comme Paul Kagame ou Yoweri Museveni de même que par ces innombrables bandes armées qui sévissent le long d'une faille qui s'étend désormais du Sud-Soudan au Burundi[24]24, est porteuse d'un modèle guerrier qui fait appel à leur imagination.

L'avenir de ce modèle n'est cependant guère rassurant. Même s'il peut engendrer un climat de sécurité par rapport à l'arbitraire, au despotisme et à la brutalité aveugle des régimes précédents, l'idéal du "guerrier salvateur", qui peut être teinté de sentiments non déguisés de supériorité "ethnique", n'est pas toujours éloigné d'une "économie de guerre" reposant sur la prédation et le pillage rapide des ressources locales quand ce n'est pas sur le détournement d'une aide humanitaire qui permet d'assurer l'intendance des combattants.[25] Au Nord-Kivu, il est de notoriété publique que des mafia est-africaine et/ou rwandaise se sont introduites dans le circuit de revente des stocks de thé, de café et de papaïne appartenant à des sociétés zaïroises de la place. Les sièges locaux des banques zaïroises ont été pillés pour payer les arriérés et le premier mois des salaires de l'administration locale. Au Sud-Kivu, des vols de bétail ont été signalés dès le début de l'occupation des rebelles "Banyamulenge", tandis que, dans la riche région de Butembo, des combats pour la détention du butin de guerre mettent en présence les rebelles tutsi et les bandes armées Bangilima et Maï-Maï.

En devenant un mode de production du politique, la guerre a naturellement des conséquences qui pourraient à la longue se révéler désastreuses pour des populations qui, au Kivu, craignent par dessus tout les représailles qui seraient commises à l'occasion d'une opération de reconquête par l'armée zaïroise appuyée elle aussi par des mercenaires de diverses origines (soldats de fortune provenant de l'Europe de l'Est, éléments des anciennes Forces armées rwandaise, combattants de l'UNITA...). Si la sécurité est satisfaisante dans les grandes agglomérations comme Goma et Bukavu où les services de base (grandes entreprises, marchés, fourniture de courant électrique et de carburant et même administration des douanes) ont repris leur activité, la situation est tout autre dans l'arrière-pays. Dans le Masisi, certaines régions sont inaccessibles et ne sont d'ailleurs pas occupées par le pouvoir "rebelle". A Butembo et à Beni, certaines informations font état de ce que plus de la moitié de la population s'est réfugiée en brousse ou dans les forêts avoisinantes.

Mais la conséquence la plus évidente et la plus dramatique de la montée en phase du modèle des "seigneurs de la guerre" est naturellement les déplacements massifs de population que la guerre a induit dans toute la sous-région des Grands Lacs, avec son cortège de misères humaines et de désastres écologiques (notamment dans les lieux occupés par les réfugiés rwandais). Bien que les "experts" soient en désaccord sur la question du nombre de réfugiés rwandais restés au Zaïre et en Tanzanie (200.000, 400.000 ou 600.000 ?), l'ensemble de la région est en réalité secouée par un chassé-croisé de populations d'origines diverses vivant pour la plupart en forêt ou dans des camps de fortune: en plus des Rwandais et des Burundais venus des anciens camps proches d'Uvira, de Bukavu et de Goma, des milliers de personnes ont fui les zones réputées être occupées par les rebelles. Ces mouvements de population touchent désormais une vaste région s'étendant de Kalemie au Nord-Katanga à l'Ituri dans le Haut-Zaïre. A ces déplacés, il faut sans doute encore ajouter quelques milliers d'originaires des régions frontalières d'Ouganda, du Zaïre et du Sud-Soudan, fuyant les combats entre différentes forces armées et groupes de maquisards qui, depuis le début de la crise dans l'Est du Zaïre, ont redoublé d'activité et pénètrent régulièrement en territoire zaïrois qui pour y trouver un refuge qui pour y exercer un droit de poursuite.

4. CONCLUSIONS

Le régime des "seigneurs de la guerre" est-il indicatif d'une nouvelle forme d'État se substituant à un type de pouvoir patrimonial qui serait en voie d'épuisement du fait de son incapacité à redistribuer verticalement et horizontalement les ressources? Lors d'un récent colloque sur les mouvements de guérilla africains, la réponse à cette question posée aux participants n'a pas été évidente. Un spécialiste de la question, C. Clapham, déclarait:

***If insurgency can readily be related to the problems of African statehood, its relationship to any viable solutions to those problems is much less clear. In some cases, as for example in Uganda, Ethiopia and Eritrea, il does indeed appear to have provided, if not any readymade solution, then at any rate a structure of government, a political breathing space, and a set of ideas, through which a solution could be attempted. In others, it seems merely to have contributed immeasurably to the level of human suffering to which many parts of Africa have been prey, without offering any evident means through which the basic human needs of peace and welfare could be attained.[26]

Si un pays comme le Rwanda d'aujourd'hui, qui a produit depuis le génocide un style de gouvernance par "seigneurs de la guerre" interposé, offre l'exemple de la seconde alternative, on est loin du compte en ce qui concerne le "pouvoir rebelle" au Kivu.

Dans une bonne partie de la sous-région des Grands Lacs, il apparaît en tout cas que l'impératif de "démocratisation" par la voie de consultations électorales que les diplomaties et les agences de coopération et d'aide bilatérale ou multilatérale ont pu faire miroiter comme la recette miracle d'une solution politique aux crises n'est pas vraiment à l'ordre du jour. Il apparaît encore plus clairement que les grandes opérations humanitaires ont essuyé des échecs retentissants pour toutes sortes de raison: mauvaise appréhension initiale des crises, démesure et caractère tapageur des réalisations, carences dans la coordination, aggravation de l'extraversion économique locale, incapacité à sortir d'un prisme ciblant tout sur le "camp de réfugiés" sans tenir compte de l'environnement, bureaucratisation des comportements, messages contradictoires diffusés aux "bénéficiaires" de l'aide, etc.[27]

Il n'est que trop évident que ce sont au premier chef la sécurité et la paix civile et militaire, et non pas la "démocratisation" ou l' "aide humanitaire", qui est principalement en cause dans toute la sous-région. Ceci signifie que l'on ne peut faire l'économie des impératifs du chapitre VII de la Charte des Nations-Unies et de l'utilisation cohérente et logique des instruments qui ont été mis en place au sein du Secrétariat Général des Nations-Unies depuis l'approbation de l' "Agenda pour la Paix" en 1992 (peace enforcement, peace making, peace keeping...). Des initiatives diplomatiques d'envergure n'ont pas encore véritablement eu lieu dans le cadre de ce qui apparaît avec évidence comme une menace à la paix internationale dans une partie de l'Afrique qui s'étend bien au-delà des seuls Grands Lacs Africains. Tant la Tanzanie, le Kenya, l'Ouganda, le Soudan que les pays des Grands Lacs sont directement concernés par l'instabilité qui prend la forme soit de mouvements désordonnés de réfugiés franchissant les frontières, soit de bandes armées opérant à cheval sur plusieurs territoires et échappant à tout contrôle. Pour un certain nombre d'entre eux (Ouganda, Kenya) ces tensions entraînent un manque à gagner qui n'est pas négligeable (par exemple, arrêt de la taxation sur les axes commerciaux de l'Est-Africain par où transitent traditionnellement les exportations et les importations du et vers le Kivu).

Dans le cas précis du Zaïre, on peut considérer que la "sécurité internationale" dans la région est visiblement mise en danger, non seulement par le retour d'un système de mercenariat étranger inacceptable en droit international, mais aussi par la présence de moins en moins hypothétique de troupes et/ou de "conseillers" rwandais et probablement ougandais sur le territoire zaïrois, ainsi que les diplomaties américaine et belge l'ont désormais explicitement reconnu. Il existe donc suffisamment d'argumentations juridiques pour que le Conseil de Sécurité soit désormais saisi de l'affaire et mette à l'examen un processus de diplomatie préventive pour empêcher l'intensification des conflits: missions de reconnaissance, enquêtes sur le terrain, établissement de contacts avec les parties en conflit, etc. Logiquement et dans la mesure où cette diplomatie préventive aurait échoué, ce qui paraît être probable, les procédures de peace making doivent être rapidement enclenchées pour amener les parties autour de la table de négociation: à ce stade, l'imposition d'un cessez-le-feu, de check points et l'embargo sur les armes, toujours en vigueur en ce qui concerne le Zaïre mais prématurément levé pour le Rwanda,[28] etc. sont sans doute des conditions importantes pour la poursuite du processus devant amener la diminution de la tension. Si le peace making ne donne aucun résultat, il est loisible au Conseil de sécurité d'imposer la paix (peace enforcement) dans la mesure où l'une au moins des parties en conflit est formellement reconnue comme l'agresseur. Si par contre des résultats positifs sont acquis, on passe alors logiquement à une nouvelle phase qui est celle du peace building (déminage, démobilisation des factions, assistance à la reconstitution d'une armée, etc.).

Le problème devant lequel l'ONU s'est trouvé confrontée dans maintes situations antérieures est, outre l'absence de consensus entre les puissances potentiellement médiatrices du conflit, le télescopage dans l'application des concepts stratégiques définis dans l' "Agenda pour la Paix": les décideurs, négligeant l'évolution de certains indicateurs (early warning signals), ont mis sur le métier des opérations relevant du peace keeping, alors que la situation exigeait davantage des techniques de type peace making ou peace enforcement. Ou bien à l'inverse, ils ont, comme en Somalie, opté pour des techniques musclées de peace enforcement alors que toutes les procédures de diplomatie préventive n'avaient pas été épuisées.[29]

Au delà des médiations extérieures indispensables, un domaine reste en friche: celui des médiations internes, et notamment celles qui devront de toute évidence porter sur la question de la nationalité qui divise le Kivu depuis près de trente années. En 1993-94, on a vu qu'un processus de négociation prometteur avait été mis en place dans le Nord Kivu. Ce type d'initiative, qui n'est pas unique dans la région,[30] démontre que, au niveau de la société civile surtout, des capacités de gestion horizontale des crises existent bel et bien. Le principale enjeu de demain résidera incontestablement dans la prise en compte de semblables initiatives et dans leur insertion dans une négociation internationale qui ne mette pas seulement en présence des acteurs étatiques souvent discrédités et des "seigneurs de guerre" qui ont le plus souvent des intérêts et des agendas particuliers coïncidant de moins en moins avec les exigences plus générales de la paix.[31]

 

The views expressed in the papers are those of the authors and are not necessarily those of UNHCR.

 



[1] "About 85 percent of the cash balances in Zaïre is in the hands of the informal popular economy. The remainder is held by the upper-income set (big traders in diamonds and gold), by those in the private modern sectors who need the banknotes for transactions (with workers or local suppliers) in the informal economy, and by the elite who have family links with the informal economy." Hughes Leclercq, "How Best to Provide International Economic Aid in Zaire", dans Jean-Claude Willame et al., Zaire: Predicament and Prospects, a Report to the Minority Rights Group (USA), Peaceworks, No. 11 (Washington: The United States Institute of Peace, January 1997), p. 27

[2] Crawford Young, "Reflections on State Decline and Societal Change in Zaire" (conference paper, United States Institute of Peace Studies, Washington, 16 January 1997), p. 5

[3] Jean-Claude Willame, L'automne d'un despotisme: pouvoir, argent et obéissance dans le Zaïre des années quatre-vingt (Paris: Karthala, 1992), pp. 15 sv.

[4] Le nom de Bangilima ne renvoie à aucun groupe ethnique connu. Selon certains informateurs zaïrois, il serait emprunté à un nom clanique nande du Nord-Kivu.

[5] United Nations. Integrated Regional Information Network (IRIN), Situation Report on Masisi and Rutshuru, North Kivu, Zaire, 10 mai 1996

[6] Batabuha Bushoki, "Confusion à Goma: les autochtones hunde et leurs sympathisants craignent pour leur vie", 30 avril 1996 (témoignage inédit)

[7] Témoignage intitulé "Nous avons vu les Mayi-Mayi" et cité dans Dialogue, no 192 (août-septembre 1996), p. 78

[8] Jonas Mukamba a été le promoteur de la création d'une université autonome pour les Luba et préside également une ONG locale disposant d'importants moyens destinés à mettre en oeuvre de projets ambitieux, voir somptuaires, le Conseil pour le Développement du Kasaï Oriental (CODEKOR).

[9] Benoît Verhaegen et Jean-Claude Willame, "La province du Sud-Kasaï", Cahiers Economiques et Sociaux: Collection d'Etudes Politiques [IRES, Kinshasa], no 2 (juillet 1964), p. 60

[10] Voir Théodore Kanyinda Lusanga, Violation des lois et réglements dans l'administration territoriale du Zaïre: le cas du conflit politique entre les Bena Kapuya, Bena Mwembia et Bena Nshimba de la Zone de Katanda au Kasaï Oriental (Kinshasa: Nouvelles Editions Sois Prêt, 1995).

[11] Voir par exemple Umoja [Kinshasa], M'Vuama Ngeti, Gouverneur de Région a.i., "Le gouverneur a.i. du Bas-Zaïre sur les traces de Kyungu et Lombeya", 22-24 septembre 1995; Le Potentiel [Kinshasa], E. Mukuna, "Le Bas-Zaïre à l'heure de l'épuration ethnique", 9 août 1995.

[12] Pour une analyse de cette constitution, voir Ntumba Luaba Lumu, "Le projet de constitution de la République fédérale du Zaïre", Zaïre Afrique, vol. 36, no 310 (décembre 1996), pp. 537-567.

[13] Les Banyamulenge (littéralement les gens de Mulenge, petite agglomération située près d'Uvira au pied des montagnes de l'Itombwe au Sud-Kivu) sont originairement des éleveurs tutsi arrivés au Zaïre il y a un ou deux siècles. Longtemps considérés comme des Zaïrois à part entière, ils auront cependant tendance à vivre en autarcie et auront des rapports parfois difficiles avec certaines ethnies locales. A partir de la fin des années 60, les réfugiés tutsi du Rwanda auront tendance à s'agglutiner autour de l'appellation Banyamulenge pour se faire enregistrer comme citoyens zaïrois à part entière. Pour une présentation synthétique de la problématique des Banyamulenge, voir l'article récent de Bob Kabamba, "Les Banyarwanda du Sud-Kivu: les Banyamulenge", La Revue Nouvelle, no 1 (janvier 1997).

[14] Sur la transplantation des populations rwandaises au Kivu, voir R. Spitaels, "Transplantation de Banyarwanda au Kivu", Problèmes d'Afrique Centrale, vol. 6, no 201, (1953), pp. 111-116 et Chambre des Représentants, Royaume de Belgique, Rapport sur l'administration de la Colonie du Congo Belge pendant l'année 1954 (Bruxelles, 1955), p. 67. Voir aussi R. Spitaels, chef de mission, "Instructions générales au personnel de la MIB (Mission d'Immigration des Banyarwanda)", District du Nord-Kivu, Goma, 1952.

[15] Rappelons que c'est un Tutsi rwandais, Barthélémy Bisengimana, qui est directeur du Bureau du Président de la République.

[16] Sur l'appropriation foncière par les Banyarwanda, voir Mafikiri Tsongo, "Foncier, mouvements des populations, questions de nationalités, luttes ethniques dans les régions des Grands Lacs africains" (mémoire inédit, Louvain-la-Neuve, 1996), p. 3.

[17] Kim Brice, p. 11

[18] Voir en particulier le témoignage du membre du Bureau politique du MPR, Rwakabuba Shinga qui est l'un des plus gros commercant "rwandais" établi au Zaïre, Souvenirs et témoignages (Kinshasa: Editions Isata, 1994)

[19] Source: Mafikiri Tsongo, p. 17

[20] Voir à ce sujet Diocèse de Goma et ACODRI, "Journée de reflexion et de sensibilisation à la réconciliation et à la cohabitation pacifique des ethnies tenues à ZTM Mweso du 25 au 28 novembre 1993: rapport final" (Goma, novembre 1993), et G.E.A.D., "Introduction aux journées de réflexion sur la cohabitation pacifique interethnique à Masisi" dans "Journées de réflexion sur la pacification des zones de Masisi et de Walikale, Masisi, 13 au 17 février 1994", p. XX.

[21] Sur les diverses estimations des populations d'origine rwandaise, voir C. André, P. Dupont, Lubanda Lunanga et al. sous la direction de F. Reyntjens et S. Marysse, "Conflit au Kivu: antécédents et enjeux" (mémoire inédit, Universiteit Antwerpen, Centre d'étude de la région des grands lacs d'Afrique, décembre 1996), p. 7

[22] Selon diverses estimations, la condition nutritionnelle des enfants de moins de 5 ans résidant dans les camps était de 2 à 4 fois meilleure que celle des populations locales. Voir D. Porignon, P. Devos et P. Hennart, Zaïre: problématique du secteur santé, (Bruxelles: Université Libre de Bruxelles, Administration générale de la Coopération au développement, janvier 1994) et John Borton et al., The International Response to Conflict and Genocide: Lessons from the Rwanda Experience, Humanitarian Aid and Effects, Study 3 (Copenhagen: Steering Committee of the Joint Evaluation of Emergency Assistance to Rwanda, March 1996)

[23] Laurent-Désiré Kabila est un ancien "chef de guerre" de la rébellion des années 64-65 au Kivu mais qui n'a en fait jamais exercé de commandement militaire sur le terrain. Reconverti en "hommes d'affaires" (exportation frauduleuse d'or et d'ivoire via la Tanzanie), il participe en 1975 à une prise d'otages de quatre chercheurs américains et hollandais en Tanzanie et est impliqué en 1985 dans une attaque des siens contre la ville de Moba au nord du Shaba. A la fin des années 80, il aurait été aperçu dans les maquis du Sud-Soudan et aurait été l'émissaire de John Garang lors de négociations à Gbadolite. Voir Libération [Paris], Claude Wauthier et Stephen Smith, "Le passé retrouvé de Laurent Kabila", 7 janvier 1997.

[24] Pour le Burundi, il s'agit des rebelles hutu des Forces de défense de la démocratie (FDD) de Léopold Nyangoma. Pour le Soudan, on citera les rebelles sudistes du S.P.L.A. (Sudan People's Liberation Army) qui se battent depuis 1983 contre le pouvoir nordiste et qui effectuent des incursions régulières dans des sanctuaires ougandais et zaïrois. Pour l'Ouganda, il s'agit de la LRA (Lord's Revolutionary Army) et des bandes armées de l'ADF (Ugandan Allied Democratic Front) opérant à la frontière ougando-zaïroise à partir du mont Ruhenzori.

[25] Sur les prédations et les pillages commis par les bandes armées, voir F. Jean et J.C. Rufin (eds), Economie des guerres civiles (Paris: Pluriel, 1996).

[26] C. Clapham, "African Guerillas: Introduction: Notes for the Analysis of African Insurgencies" (Conference on African Guerilla Movements, African Studies Centre, Leiden, 30 janvier, 1997), p. 11

[27] Pour une appréciation d'ensemble de l'aide humanitaire aux réfugiés rwandais après le génocide, voir la synthèse de différentes contributions que j'ai établie dans J.C. Willame, "Débacle humanitaire dans les Grands Lacs", La Revue Nouvelle, no 9 (novembre 1996).

[28] En août 1995, le Conseil de Sécurité a levé pour un an les restrictions en matière d'importation d'armements. Pour une critique de cette mesure prise prématurément, voir J.C. Willame, L'ONU au Rwanda: la "communauté internationale" à l'épreuve d'un génocide (Bruxelles/Paris, Editions Labor/Editions Maison-Neuve Larose, 1996), pp. 59-61.

[29] Sur la cohérence et la logique interne des concepts liés aux opérations de maintien de la paix, voir Col. BEM J.M. Leclercq, "Les interventions de l'ONU: un bilan des opérations menées sous le drapeau de l'ONU" (conférence donnée au CED-IRSD, Bruxelles, mai 1996).

[30] Voir par exemple le séminaire-atelier tenu à Bukavu par l'Association des Politologues du Sud-Kivu pour l'action et l'éducation à la démocraties (APOSKI-ADE) sur "Populations autochtones, Droits de l'homme et Société démocratique", Bukavu, juillet 1993. Aux séminaires-ateliers organisés par l'APOSKI-ADE, on doit ajouter les nombreuses rencontres et débats organisés par les ONG de développement du Sud-Kivu (GEAPO, IRED, PREFED, GRAPES etc.)

[31] Pour des propositions concrètes en ce domaine, voir J.C. Willame, "A Framework for Action to Arrest Further Violence in Zaïre", dans J.C. Willame et al., "Zaire: Predicament and Prospects...", pp. 24-26.

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