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Jamshid Farhadi c. Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration

Publisher Canada: Federal Court
Author Federal Court of Canada
Publication Date 20 March 1998
Type of Decision IMM-3846-96
Cite as Jamshid Farhadi c. Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, Canada: Federal Court, 20 March 1998, available at: https://www.refworld.org/cases,CAN_FC,3ae6b6e4c.html [accessed 31 May 2023]
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Répertorié: Farhadi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1re inst.)

Section de première instance, juge Gibson—Toronto, 16 décembre 1997; Ottawa, 20 mars 1998.

Citoyenneté et Immigration — Exclusion et renvoi — Processus d'enquête en matière d'immigration — Étant donné que le requérant a obtenu le droit d'établissement dans le cadre du «programme d'élimination de l'arriéré», le risque auquel son renvoi en Iran l'exposerait n'a pas été évalué — Par la suite, il a été statué que le requérant constituait un danger pour le public au Canada, et une mesure d'expulsion en Iran, où il craint d'être torturé, a été prise contre lui — L'avis de danger n'évalue pas un tel risque, ou ne réunit pas suffisamment d'attributs des principes de justice naturelle ou de justice fondamentale — Le régime législatif n'exige pas qu'un avis de danger aille au-delà de la détermination du risque que présente le requérant pour le public au Canada — La décision relative au renvoi n'est pas une évaluation du risque — Les obligations internationales du Canada en tant que signataire de la Convention contre la torture l'obligent à évaluer le risque avant de renvoyer le requérant dans son pays — Ces obligations éclairent l'interprétation de la Charte — Les protections procédurales applicables à la procédure relative à l'avis de danger sont peut-être insuffisantes pour respecter les exigences de la Charte — Le requérant avait droit à ce qu'une évaluation du risque soit effectuée conformément aux principes de justice naturelle et de justice fondamentale, et à ce qu'une décision à cet égard soit prise par une autorité compétente — Question certifiée: lorsqu'une personne a obtenu le droit d'établissement du fait que sa revendication du statut de réfugié au sens de la Convention avait un minimum de fondement, faut-il au préalable qu'une évaluation du risque ait été effectuée et qu'une décision ait été prise à cet égard conformément aux principes de justice naturelle et de justice fondamentale pour que la décision de renvoyer cette personne soit valide; dans l'affirmative, la procédure utilisée par l'intimé comportait-elle une telle évaluation?

 Droit constitutionnel — Charte des droits — Contrôle judiciaire d'une décision de renvoyer le requérant en Iran où il craint d'être torturé — Le requérant a obtenu le droit d'établissement en vertu du programme d'élimination de l'arriéré sans que le risque auquel son retour en Iran l'expose soit évalué — Ni l'avis indiquant qu'il constitue un danger pour le public au Canada ni la décision de le renvoyer ne s'accompagnait d'une évaluation du risque — Le requérant allègue que la décision de le renvoyer sans évaluer un tel risque constitue une violation de ses droits garantis par les art. 7 et 12 de la Charte — Les obligations internationales du Canada en matière de droits de la personne éclairent l'interprétation de la Charte — Le Canada est signataire de la Convention internationale interdisant à un État d'expulser une personne lorsqu'il y a des «motifs sérieux» de croire qu'elle risque d'être soumise à la torture — Le niveau de preuve nécessaire pour appuyer les arguments fondés sur la Charte est élevé — D'après les documents au dossier, il n'y a pas de «motifs sérieux» de croire que le requérant risque d'être soumis à la torture s'il est renvoyé en Iran — La décision quant à savoir s'il existe des motifs pour lesquels le requérant craint d'être soumis à la torture doit être prise d'une manière équitable et raisonnable pour respecter les obligations internationales du Canada en matière de droits de la personne — L'évaluation du risque et la possibilité d'apprécier l'équité de cette évaluation sont implicitement garanties aux art. 7 et 12 — Le requérant avait droit à une évaluation du risque conforme aux principes de justice naturelle et de justice fondamentale — La demande est accueillie concernant la mesure de renvoi.

Droit international — Contrôle judiciaire de la décision de renvoyer le requérant en Iran où il craint d'être soumis à la torture — Le requérant a obtenu le droit d'établisse­ment en vertu du programme d'élimination de l'arriéré sans que le risque auquel son renvoi en Iran l'expose ait été évalué — Ni l'avis qu'il constitue un danger pour le public au Canada ni la mesure d'expulsion ne s'accompagnait d'une évaluation du risque — Le Canada est signataire de la Convention internationale qui interdit à un État d'expulser une personne lorsqu'il y a des «motifs sérieux» de croire qu'elle risque d'être soumise à la torture — Cette Convention n'est pas incorporée au droit canadien, mais elle éclaire l'interprétation de la Charte — La décision quant à savoir s'il existe des motifs pour lesquels le requérant craint d'être soumis à la torture doit être prise d'une manière équitable et raisonnable pour respecter les obligations internationales du Canada — Pour justifier le renvoi en Iran, l'évaluation du risque doit être effectuée conformément aux principes de justice naturelle et de justice fondamentale et la décision à cet égard doit être prise par une autorité compétente.

Droit administratif — Contrôle judiciaire — Certiorari — Décision de renvoyer le requérant, un réfugié faisant l'objet d'un avis de danger, vers l'Iran où il craint d'être soumis à la torture — Une preuve par affidavit, dont n'étaient pas saisis les premiers décideurs, a été déposée concernant le risque de torture — Le risque n'a été évalué ni à l'étape de l'avis de danger ni à celle de la mesure de renvoi — Une question est certifiée quant à savoir si, dans les circonstances, la Cour, dans une procédure de contrôle judiciaire, peut tenir compte d'une preuve dont n'étaient pas saisis les décideurs.

Il s'agit de demandes de contrôle judiciaire de décisions (1) indiquant que le requérant constitue un danger pour le public au Canada; et (2) renvoyant le requérant en Iran. Le requérant, un citoyen d'Iran, a été arrêté, battu et torturé à cause de ses activités syndicales avant de s'enfuir au Canada où sa revendication du statut de réfugié a été examinée dans le cadre du «programme d'élimination de l'arriéré». Il a été conclu que sa revendication avait un minimum de fondement, et il a obtenu le droit d'établissement sans que le risque auquel il serait exposé s'il retournait en Iran soit examiné. En 1996, il a été reconnu coupable de complot en vue de faire le trafic de stupéfiants et condamné à cinq ans de prison. Le délégué du ministre, qui était chargé de se prononcer sur l'opportunité d'exprimer un avis de danger, a examiné un résumé intitulé «Demande d'avis adressée au ministre» dans lequel il était indiqué qu'il y avait des raisons de croire que, s'il était expulsé en Iran, il pourrait être exposé à une certaine forme de persécution pour les gestes qu'il avait posés, mais que la gravité de cette persécution n'était pas connue. Le document concluait que la mesure de renvoi était justifiée, malgré les possibilités de sanctions qui pourraient être prises contre lui à son retour en Iran. L'avis de danger a été émis en vertu du sous-alinéa 46.01(1)e)(iv) et du paragraphe 70(5) de la Loi sur l'immigration. En raison du sous-alinéa 46.01(1)e)(iv), le requérant ne pouvait présenter une nouvelle revendication du statut de réfugié au sens de la Convention à la section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. En raison du paragraphe 70(5), le requérant ne pouvait plus exercer aucun recours devant la section d'appel quand la mesure d'expulsion a par la suite été prise contre lui. Le requérant a finalement fait l'objet d'une mesure d'expulsion sans avoir eu la possibilité de présenter des observations écrites ou verbales concernant sa crainte d'être persécuté s'il était forcé de retourner en Iran.

Le Canada est signataire de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants qui, à l'article 3, interdit à un État d'expulser une personne vers un autre État où il y a des motifs sérieux de croire qu'elle risque d'être soumise à la torture. Bien que le Canada ait ratifié la Convention, celle-ci n'est pas encore incorporée dans son droit interne.

À l'appui de sa demande, le requérant a déposé une preuve par affidavit concernant le risque de torture auquel il serait exposé s'il devait retourner en Iran. Cette preuve n'avait pas été soumise au délégué qui a formulé l'avis de danger ni à l'agent d'immigration qui a pris la mesure de renvoi.

Les questions en litige étaient les suivantes: (1) la Cour pouvait-elle examiner une preuve par affidavit dont n'était pas saisi le décideur? (2) la mesure de renvoi portait-elle atteinte aux droits qui sont garantis au requérant par les articles 7 et 12 de la Charte? (3) pour que la mesure de renvoi soit valide, fallait-il effectuer une évaluation du risque auquel un tel renvoi exposerait le requérant et prendre une décision à cet égard conformément aux principes de justice naturelle et de justice fondamentale; et (4) dans l'affirmative, une telle décision a-t-elle été prise dans le cas du requérant?

Jugement: la demande de contrôle judiciaire concernant l'avis de danger est rejetée; la demande concernant la mesure de renvoi est accueillie.

(1) De nouveaux éléments de preuve ne sont pas admissibles dans une instance en contrôle judiciaire, sauf lorsqu'il y a une question portant sur une erreur de compétence des tribunaux. Les questions en l'espèce se rapportent à la Charte et au caractère approprié des protections procédurales applicables à la procédure d'évaluation du risque. Par conséquent, cette affaire a été décidée sans tenir compte de la nouvelle preuve.

(2) Le droit international et la jurisprudence canadienne établissent une exigence liminaire très élevée au niveau de la preuve visant à étayer les arguments fondés sur la Charte. D'après les documents versés aux dossiers certifiés, il n'y a pas de «motifs sérieux» de croire que le requérant risque d'être soumis à la torture. Le requérant n'a pas fourni les éléments de preuve voulus pour appuyer un moyen fondé sur la Charte.

En outre, il ne sied pas à une cour saisie d'un contrôle judiciaire d'effectuer une évaluation du risque et de prendre une décision à cet égard.

(3) En raison de la manière dont il a obtenu le droit d'établissement et de l'avis de danger qui a été délivré, le requérant n'a pu se prévaloir d'aucun des recours prévus pour l'évaluation du risque et le contrôle de la décision à cet égard. Il semble que, sur l'ensemble des rapports entre le requérant et les fonctionnaires du ministère intimé, la seule évaluation du risque auquel il serait exposé à son retour en Iran était celle qui se trouvait dans le résumé qui a été examiné par le délégué de l'intimé qui a exprimé l'avis de danger. Dans la décision du délégué du ministre, il n'y a pas de conclusion finale sur la question du risque auquel serait exposé le requérant. La décision indique simplement que, de l'avis du ministre, le requérant constitue un danger pour le public au Canada. Compte tenu du régime législatif concernant les avis de danger, il n'était pas non plus nécessaire que cette décision soit plus explicite. L'avis de danger n'est pas une mesure d'expulsion, et encore moins une décision d'expulser le requérant en Iran. Le délégué de l'intimé n'a commis aucune erreur susceptible de contrôle en exprimant l'avis de danger qui est à l'étude, sans prendre de décision ou tirer de conclusion sur la question du risque, d'après les faits dont il était saisi à ce moment.

Manifestement, en droit international, la décision quant à savoir si la crainte d'un requérant d'être torturé est justifiée doit être prise d'une manière juste et raisonnable pour que soient respectées les obligations internationales du Canada en matière de droits de la personne. La Convention contre la torture ordonne d'effectuer une évaluation du risque, notamment du risque d'être soumis à la torture, avant de procéder au renvoi. Bien qu'elle ne soit pas incorporée dans le droit canadien, la Convention contre la torture, qui fait partie des obligations internationales du Canada en matière de droits de la personne, éclaire l'interprétation de la Charte. Une évaluation du risque, et la possibilité de vérifier l'équité de cette évaluation, de même que son résultat, au regard des normes figurant aux articles 7 et 12 de la Charte, sont implicitement prévues dans ces dispositions. La procédure ayant mené à la formulation de l'avis de danger ne constituait pas une évaluation du risque et, si tel était le cas, cette procédure ne comportait pas suffisamment d'attributs des principes de justice naturelle et de justice fondamentale, compte tenu des conséquences potentielles d'une décision sur l'évaluation du risque défavorable au requérant. La procédure ayant mené à la mesure de renvoi ne s'est accompagnée d'aucune évaluation du risque.

Les protections procédurales applicables à une affaire relative à un avis de danger sont peut-être insuffisantes pour respecter les exigences de la Charte, étant donné que les obligations internationales du Canada en matière de droits de la personne éclairent le contenu des droits garantis par la Charte. Le requérant avait droit à une évaluation du risque et à une décision à cet égard en plus de la procédure déjà suivie pour décider du danger qu'il constituait pour le public au Canada, et cette évaluation devait être faite conformément aux principes de justice naturelle et de justice fonda­mentale, et la décision devait être prise par une autorité compétente.

Les questions suivantes ont été certifiées: (1) Lorsqu'une personne a obtenu le droit d'établissement au Canada du fait que sa revendication du statut de réfugié au sens de la Convention avait un «minimum de fondement», et que cette personne est susceptible d'être renvoyée sans que le risque auquel ce renvoi l'expose ait été évalué d'une manière conforme aux principes de justice naturelle et de justice fondamentale, la cour qui effectue le contrôle judiciaire de la mesure de renvoi visant cette personne peut-elle tenir compte d'une preuve concernant ce risque dont n'était pas saisi l'office fédéral qui a pris la mesure de renvoi? et (2) Lorsqu'une personne a obtenu le droit d'établissement au Canada du fait que sa revendication du statut de réfugié au sens de la Convention avait un «minimum de fondement», faut-il au préalable qu'une évaluation du risque ait été effectuée et qu'une décision ait été prise à cet égard conformément aux principes de justice naturelle et de justice fondamentale pour que la décision de renvoyer la personne dans ce pays soit valide? Dans l'affirmative, d'après les faits de l'espèce, y a-t-il eu dans la procédure utilisée par l'intimé pour exprimer l'avis que le requérant constitue un danger pour le public au Canada une telle évaluation du risque et une telle décision?

lois et règlements

Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44], art. 7, 12.

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, 10 décembre 1984, [1987] R.T. Can. no 36.

Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, art. 27(1)d) (mod. par L.C. 1992, ch. 47, art. 78; ch. 49, art. 16), 46.01(1)e)(iv) (édicté par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 28, art. 14; L.C. 1992, ch. 49, art. 36; 1995, ch. 15, art. 9), 52(1) (mod. par L.C. 1992, ch. 49, art. 42), (2),(3), 70(5) (mod. par L.C. 1995, ch. 15, art. 13), 83(1) (mod. par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 28, art. 19).

Règlement sur l'immigration de 1978, DORS/78-172, art. 2(1) (mod. par DORS/93-44, art. 1), 11.4 (édicté, idem, art. 10; DORS/93-412, art. 6).

 jurisprudence

décisions appliquées:

Renvoi relatif à la Public Service Employee Relations Act (Alb.), [1987] 1 R.C.S. 313; (1987), 78 A.R. 1; 38 D.L.R. (4th) 161; [1987] 3 W.W.R. 577; 51 Alta. L.R. (2d) 97; 87 CLLC 14,021; [1987] D.L.Q. 225; 74 N.R. 99; Slaight Communications Inc. c. Davidson, [1989] 1 R.C.S. 1038; (1989), 59 D.L.R. (4th) 416; 26 C.C.E.L. 85; 89 CLLC 14,031; 40 C.R.R. 100; 93 N.R. 183; Arduengo c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1997] 3 C.F. 468 (1re inst.); Sinnappu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1997] 2 C.F. 791 (1re inst.) (sur la question de savoir s'il sied à un tribunal siégeant en contrôle judiciaire d'effectuer une évaluation du risque); Suresh v. Canada, [1988] O.J. no 296 (Div. gén.) (QL); Williams c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1997] 2 C.F. 646 (C.A.); MacKay c. Manitoba, [1989] 2 R.C.S. 357; [1989] 6 W.W.R. 351; (1989), 61 Man. R. (2d) 270.

distinction faite avec:

Sinnappu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1997] 2 C.F. 791 (1re inst.) (sur la question de savoir si la mesure de renvoi contrevient aux obligations internationales du Canada en matière de droits de la personne).

décisions examinées:

Nguyen c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1993] 1 C.F. 696; (1993), 100 D.L.R. (4th) 151; 14 C.R.R. (2d) 146; 18 Imm. L.R. (2d) 165; 151 N.R. 69 (C.A.); Ismail Alan v. Switzerland, Communication no 21/1995, U.N. Doc. Cat/C/16/D/21/1995 (1996); Kaveh Yaragh Tala v. Sweden, Communication no 43/1996, U.N. Doc. CAT/C/17/D/43/1996; Tahir Hussain Khan c. Canada, Communication no 15/1994, U.N. Doc. A/50/44 (1995); Kenbrent Holdings Ltd. et al. c. Atkey (1995), 94 F.T.R. 103 (C.F. 1re inst.); Sovereign Life Insurance Co. (The) c. Canada (Ministre des Finances), T-3105-92, ordonnance en date du 11-12-96; Kaberuka c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1995] 3 C.F. 252 (1re­ inst.).

décisions citées:

Rahi c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration, 90-A-1343, le juge MacGuigan, J.C.A., décision en date du 28-5-90, non publiée; Lemiecha et al. c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration (1993), 72 F.T.R. 49; 24 Imm. L.R. (2d) 95 (C.F. 1re inst.); Danson c. Ontario (Procureur général), [1990] 2 R.C.S. 1086; (1990), 73 D.L.R. (4th) 686; 43 C.P.C. (2d) 165; 112 N.R. 362; Asafov c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immi­gration), [1994] F.C.J. no 713 (1re inst.) (QL); Renvoi: Motor Vehicle Act de la C.-B., [1985] 2 R.C.S. 486; (1985), 24 D.L.R. (4th) 536; [1986] 1 W.W.R. 481; 69 B.C.L.R. 145; 23 C.C.C. (3d) 289; 48 C.R. (3d) 289; 18 C.R.R. 30; 36 M.V.R. 240; 63 N.R. 266; Chiarelli c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1992] 1 R.C.S. 711; (1992), 90 D.L.R. (4th) 289; 2 Admin. L.R. (2d) 125; 72 C.C.C. (3d) 214; 8 C.R.R. (2d) 234; 16 Imm. L.R. (2d) 1; 135 N.R. 161; Singh et autres c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration, [1985] 1 R.C.S. 177; (1985), 17 D.L.R. (4th) 422; 12 Admin. L.R. 137; 14 C.R.R. 13; 58 N.R. 1; Bhatti c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigra­tion) (1996), 120 F.T.R. 123 (C.F. 1re inst.); Shah c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration (1994), 170 N.R. 238 (C.A.F.).

DEMANDES de contrôle judiciaire de décisions (1) indiquant que le requérant constitue un danger pour le public au Canada et (2) renvoyant le requérant en Iran. La demande concernant la première décision est rejetée, la demande concernant la deuxième décision est accueillie.

avocats:

Lorne Waldman pour le requérant.

Kevin Lunney pour l'intimé.

procureurs:

Waldman and Associates, Toronto, pour le requérant.

Le sous-procureur général du Canada pour l'intimé.

Ce qui suit est la version française des motifs des ordonnances rendus par

Le juge Gibson:

INTRODUCTION

Les présents motifs se rapportent à des demandes de contrôle judiciaire de deux décisions mettant en cause les mêmes parties. La première décision, qui a été prise au nom de l'intimé, indique que, de l'avis de celui-ci, le requérant constitue un danger pour le public au Canada (l'avis de danger). Cette décision est datée du 31 mai 1996 et a été communiquée au requérant le 9 juillet 1996 ou vers cette date. La deuxième décision ordonnait au requérant de se présenter aux autorités pour être renvoyé du Canada et constitue une décision d'expulser le requérant en Iran (la mesure de renvoi). Cette décision, prise par un agent d'expulsion du ministère de l'intimé, est datée du 30 janvier 1997.

CONTEXTE

Le requérant est un citoyen d'Iran né le 6 juillet 1956. En 1985, ses activités syndicales ont attiré l'attention du gouvernement iranien. Il a été arrêté à deux reprises. La première fois, il a été détenu pendant quatre jours et battu tous les jours. À sa libération, on l'a menacé des pires représailles s'il poursuivait ses activités syndicales. La deuxième fois, il a été détenu pendant deux mois et «brutalement» torturé, tant physiquement que mentalement. Il a été accusé de se livrer à des activités liées au syndicalisme et il a été libéré sous caution, moyennant certaines conditions. En 1986, alors que les conditions de sa mise en liberté sous caution étaient toujours en vigueur, le requérant s'est enfui au Pakistan et ensuite au Canada où il a réclamé le statut de réfugié au sens de la Convention. Le requérant a appris qu'après son départ de l'Iran, son père avait été arrêté parce que son fils s'était enfui et qu'il était mort des suites des traitements qui lui ont été infligés pendant sa détention.

La revendication du statut de réfugié au sens de la Convention du requérant a été examinée dans le cadre du «programme d'élimination de l'arriéré». On a conclu qu'elle avait un minimum de fondement. Le requérant a obtenu le droit d'établissement le 22 avril 1991 sans que sa revendication fasse l'objet d'un examen complémentaire et, en particulier, sans que le risque auquel il serait exposé s'il retournait en Iran soit examiné de façon officielle.

Le 20 janvier 1995, le requérant a été reconnu coupable de complot en vue de faire le trafic d'un stupéfiant. Il a été condamné à cinq ans de prison. Il a fait l'objet d'un rapport en vertu de l'alinéa 27(1)d) de la Loi sur l'immigration[1] (la Loi) et une enquête a été ordonnée. Le 2 novembre 1995, le requérant a été informé que l'intimé envisageait la possibilité d'exprimer l'avis que le requérant constituait un danger pour le public au Canada. Le requérant a été invité à fournir des observations et il s'est prévalu de cette possibilité. Malgré ses observations, il a fait l'objet d'un avis de danger. Le 9 juillet 1996, à l'issue d'une enquête, une mesure d'expulsion a été prise contre lui.

Par suite d'une décision datée du 16 septembre 1996, prise à l'issue d'un examen expéditif, le requérant a été libéré sous condition le 17 octobre de la même année après avoir purgé le tiers de sa peine. Depuis, à l'exception d'une brève période au cours de laquelle il a été détenu par les autorités de l'immigration, il vit librement dans la collectivité. Il a été libéré par les autorités de l'immigration après une audience au cours de laquelle, malgré l'avis de danger, l'arbitre n'a pas jugé probable que le requérant constitue un danger pour le public.

Aucune des décisions à l'étude n'est motivée.

LES QUESTIONS EN LITIGE

Malgré le volumineux dossier dont la Cour a été saisie, deux questions seulement ont été débattues devant moi. Elles peuvent être résumées de la façon suivante:

1.   La décision de renvoyer le requérant en Iran porte-t-elle atteinte aux droits qui lui sont garantis par les articles 7 et 12 de la Charte canadienne des droits et libertés[2] (la Charte) du fait qu'il sera soumis à la torture à son retour en Iran?

2.   Pour que la mesure de renvoi en Iran soit valide, a-t-on effectué une évaluation du risque auquel un tel renvoi exposerait le requérant conformément aux principes de justice naturelle et de justice fondamentale? Dans l'affirmative, une telle détermination du risque a-t-elle eu lieu dans le cas du requérant?

ANALYSE

(1)       Interprétation de la Charte

Dans l'arrêt Slaight Communications Inc. c. Davidson[3], le juge en chef Dickson, s'exprimant au nom de la majorité, déclare ce qui suit aux pages 1056 et 1057:

Étant donné la double fonction de l'article premier que l'on a identifiée dans l'arrêt Oakes, les obligations internationales du Canada en matière de droits de la personne devraient renseigner non seulement sur l'interprétation du contenu des droits garantis par la Charte, mais aussi sur l'interprétation de ce qui peut constituer des objectifs urgents et réels au sens de l'article premier qui peuvent justifier la restriction de ces droits.

J'estime donc qu'il est clair que les «obligations internationales du Canada en matière de droits de la personne» devraient renseigner sur l'interprétation du contenu des droits garantis par les articles 7 et 12 de la Charte.

(2)       Les obligations internationales du Canada en matière de droits de la personne

Au nombre des obligations internationales du Canada en matière de droits de la personne, celle qui est la plus pertinente dans le cadre des présentes demandes de contrôle est la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (la Convention contre la torture)[4]. Le Canada est un signataire de cette Convention qui, bien que ratifiée par ce dernier, n'a pas encore été incorporée dans le droit interne qui s'applique aux faits de l'espèce. L'article premier et l'article 3 disposent:

Article 1

1.   Aux fins de la présente Convention, le terme «torture» désigne tout acte par lequel une douleur ou des souffrances aiguës, physiques ou mentales, sont intentionnellement infligées à une personne aux fins notamment d'obtenir d'elle ou d'une tierce personne des renseignements ou des aveux, de la punir d'un acte qu'elle ou une tierce personne a commis ou est soupçonnée d'avoir commis, de l'intimider ou de faire pression sur elle ou d'intimider ou de faire pression sur une tierce personne, ou pour tout autre motif fondé sur une forme de discrimination quelle qu'elle soit, lorsqu'une telle douleur ou de telles souffrances sont infligées par un agent de la fonction publique ou toute autre personne agissant à titre officiel ou à son instigation ou avec son consentement exprès ou tacite. Ce terme ne s'étend pas à la douleur ou aux souffrances résultant uniquement de sanctions légitimes, inhérentes à ces sanctions ou occasionnées par elles.

2.   Cet article est sans préjudice de tout instrument international ou de toute loi nationale qui contient ou peut contenir des dispositions de portée plus large.

. . .

Article 3

1.   Aucun État partie n'expulsera, ne refoulera, ni n'extradera une personne vers un autre État où il y a des motifs sérieux de croire qu'elle risque d'être soumise à la torture.

2.   Pour déterminer s'il y a de tels motifs, les autorités compétentes tiendront compte de toutes les considérations pertinentes, y compris, le cas échéant, de l'existence, dans l'État intéressé, d'un ensemble de violations systématiques des droits de l'homme, graves, flagrantes ou massives.

Ces dispositions ont été examinées à plusieurs reprises par le Comité sur la torture des Nations Unies (le Comité) au regard de la conduite des États, y compris le Canada, qui décident de renvoyer vers certains pays des personnes qui craignent avec raison d'y être soumises à la torture. Trois des affaires les plus pertinentes qui ont été étudiées par le Comité sont résumées brièvement ci-dessous.

Dans l'affaire Ismail Alan v. Switzerland[5], M. Alan, citoyen turc, prétendait avoir été torturé en raison de son affiliation à une organisation politique. Sa demande d'asile en Suisse ayant été refusée, M. Alan risquait donc d'être renvoyé en Turquie. Le Comité devait décider si le retour forcé de M. Alan en Turquie violerait les obligations contractées par la Suisse en vertu de l'article 3 de la Convention contre la torture. Le Comité a déclaré qu'il doit exister des motifs précis indiquant que la personne concernée serait exposée à un risque personnel. Le Comité a ensuite examiné la preuve dont il était saisi, y compris l'origine ethnique de M. Alan, son affiliation politique présumée et ses antécédents de détention et d'exil à l'intérieur de son pays. Le Comité a noté que M. Alan n'avait pas de possibilité de refuge dans une autre partie de la Turquie. Il a conclu que M. Alan risquait d'être soumis à la torture s'il retournait en Turquie et que, par conséquent, son renvoi dans ce pays violerait l'article 3 de la Convention contre la torture. Le Comité a donc statué que la Suisse avait l'obligation de s'abstenir de renvoyer M. Alan en Turquie.

Une approche semblable a été suivie dans l'affaire Kaveh Yaragh Tala v. Sweden[6] dans laquelle M. Tala, citoyen iranien, alléguait qu'il serait torturé s'il retournait en Iran. M. Tala avait été torturé en Iran à cause de ses activités politiques. Il réclamait l'asile en Suède. Sa revendication a été refusée à cause de contradictions dans ses déclarations. Après avoir épuisé toutes les voies de recours en Suède, M. Tala a déposé sa plainte devant le Comité. Il a fait valoir qu'il y avait un risque réel qu'il soit soumis à la torture à son retour en Iran, pays où les violations des droits de la personne demeuraient graves et très largement répandues. La preuve médicale produite pour le compte de M. Tala était compatible avec les allégations indiquant qu'il avait déjà été torturé.

Le Comité devait décider si, compte tenu de l'article 3 de la Convention contre la torture, il y avait des motifs sérieux de croire que M. Tala risquait d'être soumis à la torture à son retour en Iran. Le Comité a statué que la violation généralisée des droits de la personne ne constituait pas un motif suffisant permettant de conclure que la personne risquait personnellement d'être torturée. Le Comité a déclaré ceci:

[traduction] En l'espèce, le Comité estime que l'affiliation politique de l'auteur avec l'Organisation populaire des Moudjahiddin et ses activités, ses antécédents de détention et de torture, doivent être pris en compte pour déterminer s'il risque d'être de nouveau soumis à la torture à son retour. L'État a signalé certaines contradictions et incompatibilités dans le récit de l'auteur, mais le Comité estime qu'on peut difficilement exiger des faits totalement exacts des victimes de torture et que des irrégularités ou des incompatibilités comme celles qui existent dans la présentation des faits par l'auteur ne mettent pas en doute la véracité générale de ses déclarations, compte tenu du fait qu'il a été démontré que l'auteur souffre de troubles dus à une névrose post-traumatique. En outre, le Comité a noté, d'après la preuve médicale, que les cicatrices sur les cuisses de l'auteur ne peuvent avoir été causées que par des brûlures et que ces brûlures ne peuvent qu'avoir été infligées intentionnellement par une personne autre que l'auteur lui-même.

En fin de compte, le Comité a jugé qu'il y avait des motifs sérieux de croire que M. Tala risquait d'être soumis à la torture s'il retournait en Iran. Par conséquent, il a conclu que la Suède avait l'obligation de s'abstenir de retourner M. Tala en Iran ou dans tout autre pays où celui-ci risquait véritablement d'être expulsé ou refoulé vers l'Iran.

Finalement, dans l'affaire Tahir Hussain Khan v. Canada[7], le Comité en est venu à la même conclusion. Dans cette affaire, M. Khan revendiquait le statut de réfugié au Canada, alléguant avoir été persécuté au Pakistan du fait de ses opinions politiques. La Commission de l'immigration et du statut de réfugié a rejeté la revendication et un contrôle judiciaire de cette décision a subséquemment été rejeté par la Cour. Une fois de plus, après avoir examiné la preuve, le Comité a conclu qu'il y avait des motifs sérieux de croire que M. Khan risquait d'être soumis à la torture. Il a donc statué que son expulsion ou son renvoi au Pakistan par le Canada violerait l'article 3 de la Convention contre la torture. Par conséquent, le Canada avait l'obligation de s'abstenir de forcer M. Khan à retourner au Pakistan.

(3)       Question no 1

L'avocat du requérant fait valoir que le renvoi de son client en Iran, où il sera soumis à la torture et où les voies de droit régulières ne sont pas suivies, porterait atteinte aux articles 7 et 12 de la Charte.

Dans l'arrêt Nguyen c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration)[8], le juge Marceau, J.C.A., écrit ceci:

Je serais toutefois d'avis que le ministre violerait carrément la Charte s'il prétendait exécuter une mesure d'expulsion en forçant l'intéressé à retourner dans un pays où, selon la preuve, il sera torturé et peut-être mis à mort. Il me semble que ce serait participer à un traitement cruel et inusité au sens de l'article 12 de la Charte ou, à tout le moins, commettre un outrage aux normes publiques de la décence, en violation des principes de justice fondamentale visés à l'article 7 de la Charte.

La citation qui précède, bien qu'elle constitue manifestement une opinion incidente, n'en est pas moins une déclaration péremptoire de la part de la Cour d'appel fédérale.

Pour évaluer les éléments de preuve nécessaires pour étayer les arguments fondés sur la Charte en l'espèce, il me paraît opportun de me laisser guider par la jurisprudence internationale évoquée ci-dessus, de même que par la jurisprudence canadienne. Dans l'arrêt Nguyen, le juge Marceau s'est reporté à des éléments de preuve établissant que le requérant «sera» torturé. En droit international, les renvois aux décisions précitées du Comité suggèrent l'existence d'une norme fondée sur des «motifs sérieux de croire [qu'une personne] risque d'être soumise à la torture». À mon avis, ces deux sources établissent une exigence liminaire très élevée au niveau de la preuve. En fait, l'établissement d'une exigence liminaire élevée est compatible avec la jurisprudence de la Cour suprême sur la nécessité d'établir un contexte factuel à l'appui d'une demande fondée sur la Charte. Dans l'arrêt MacKay c. Manitoba[9], la Cour a déclaré:

Les décisions relatives à la Charte ne doivent pas être rendues dans un vide factuel. Essayer de le faire banaliserait la Charte et produirait inévitablement des opinions mal motivées. La présentation des faits n'est pas, comme l'a dit l'intimé, une simple formalité; au contraire, elle est essentielle à un bon examen des questions relatives à la Charte. . . . Les décisions relatives à la Charte ne peuvent pas être fondées sur des hypothèses non étayées qui ont été formulées par des avocats enthousiastes.

. . .

Un contexte factuel est d'une importance fondamentale dans le présent pourvoi. On ne prétend pas que c'est l'objet visé par la loi qui viole la Charte, mais ses conséquences. Si les conséquences préjudiciables ne sont pas établies, il ne peut y avoir de violation de la Charte ni même de cause. Le fondement factuel n'est donc pas une simple formalité qui peut être ignorée et, bien au contraire, son absence est fatale à la thèse présentée par les appelants. [Soulignements ajoutés.]

À l'appui de la présente demande, le requérant a déposé une preuve par affidavit concernant le risque de torture auquel il serait exposé s'il devait retourner en Iran. Cette preuve n'avait pas été soumise au délégué de l'intimé qui a formulé l'avis de danger ni à l'agent d'immigration qui a pris la mesure de renvoi.

 Il est bien établi en droit qu'une cour de révision est liée par le dossier qui a été déposé devant l'office fédéral dont la décision fait l'objet de l'appel[10]. La jurisprudence des cours de révision a suivi cette règle, faisant observer que si des éléments de preuve qui n'ont pas été déposés devant le tribunal initial étaient présentés dans une instance en contrôle judiciaire, la demande de contrôle serait en fait convertie en un appel ou un procès de novo[11]. Bien que je sois convaincu qu'il existe une exception juridictionnelle à la règle selon laquelle de nouveaux éléments de preuve ne sont pas admissibles dans une instance en contrôle judiciaire[12], je suis également convaincu qu'il n'y a pas en l'espèce de question portant sur une erreur de compétence des tribunaux. Les questions dont je suis saisi se rapportent à la Charte et au caractère approprié des protections procédurales applicables à la procédure d'évaluation du risque suivie en l'espèce.

Pour ces motifs, donc, je statuerai sur l'affaire sans tenir compte de la nouvelle preuve qui a été déposée devant moi.

D'après les documents versés aux dossiers certifiés dont je suis saisi, il n'y a pas de «motifs sérieux de croire que [le requérant] risque d'être soumis à la torture». Autrement dit, le requérant n'a pas fourni les éléments de preuve voulus pour appuyer un moyen fondé sur la Charte.

En outre, même si j'avais été disposé à examiner la nouvelle preuve, je suis convaincu qu'il ne sied pas à une cour saisie d'un contrôle judiciaire d'effectuer une évaluation du risque et de prendre une décision à cet égard. J'accepte les conclusions de mon collègue le juge Cullen dans l'affaire Arduengo[13] et, en particulier, celles de Mme le juge McGillis dans l'affaire Sinnappu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration)[14] à ce sujet. Aux pages 820 et 821 de la décision Sinnappu, le juge McGillis a répondu à l'argument, prétendument fondé sur l'opinion du juge Marceau dans l'arrêt Nguyen[15], selon lequel il incombait à la Cour de déterminer l'état de la situation au Sri Lanka:

. . . aucun élément des motifs du juge Marceau, J.C.A., n'indique à mon sens que la Cour doit déterminer l'état de la situation du pays au cours de son analyse des questions liées à l'application de l'article 7 de la Charte. J'estime même qu'il n'appartient tout simplement pas au juge, dans le cadre d'une demande de contrôle judiciaire de cette nature, de déterminer l'état de la situation du pays. J'ajoute qu'il serait peu souhaitable qu'un juge entreprenne ce type d'exercice, compte tenu, notamment, du fait que le régime législatif oblige les agents d'immigration, qui possèdent une formation et une compétence spécialisées à ce sujet, à prendre des décisions de cette nature. [Non souligné dans l'original.]

Je suis convaincu que ces propos peuvent s'appliquer en l'espèce.

Il s'ensuit donc que l'argument du requérant selon lequel les droits qui lui sont garantis par la Charte seront violés parce qu'il sera soumis à la torture s'il retourne en Iran doit être rejeté. La Cour ne peut se prononcer sur des questions relatives à la Charte en l'absence d'éléments de preuve s'y rapportant.

Vu la conclusion à laquelle je suis parvenu, je reviens brièvement à l'extrait de l'arrêt Nguyen[16] déjà reproduit dans les présents motifs et que je reprends ici par souci de commodité:

Je serais toutefois d'avis que le ministre violerait carrément la Charte s'il prétendait exécuter une mesure d'expulsion en forçant l'intéressé à retourner dans un pays où, selon la preuve, il sera torturé et peut-être mis à mort. Il me semble que ce serait participer à un traitement cruel et inusité au sens de l'article 12 de la Charte ou, à tout le moins, commettre un outrage aux normes publiques de la décence, en violation des principes de justice fondamentale visés à l'article 7 de la Charte.

D'après les faits de l'espèce, l'opinion du juge Marceau semble refléter la proposition selon laquelle l'intimé en l'espèce «violerait carrément la Charte s'il prétendait exécuter une mesure d'expulsion en forçant [le requérant] à retourner dans un pays où, selon la preuve, il sera torturé et peut-être mis à mort». Le juge Marceau a indiqué que pareille mesure équivaudrait à «participer à un traitement cruel et inusité au sens de l'article 12 de la Charte ou, à tout le moins, commettre un outrage aux normes publiques de la décence, en violation des principes de justice fondamentale visés à l'article 7 de la Charte». Ne pourrait-on pas dire qu'il en est de même lorsque l'intimé ordonne l'expulsion du requérant en Iran sans évaluer, d'une manière juste et équitable, la preuve relative au risque de torture et peut-être d'exécution auquel il serait exposé? Je pense que oui. Pour paraphraser le juge Lane de la Cour de justice de l'Ontario (Division générale)[17] qui s'exprimait dans un contexte différent mais analogue, dans ces circonstances très particulières, je suis d'avis que le fait d'offrir au requérant un recours en vue de l'examen de ses droits constitutionnels pour ensuite le renvoyer sans lui donner la possibilité d'obtenir une décision sur la constitutionnalité de son renvoi serait un affront à l'idée que les Canadiens se font de la justice.

Les préoccupations précitées expriment ce que je perçois comme le lien entre les deux questions qui ont été débattues devant moi et que j'ai exposées brièvement ci-dessus.

(4)       Question no 2

Je me propose maintenant d'analyser le caractère approprié de la procédure de détermination du risque, si en fait on peut dire qu'une telle procédure a été suivie, dans la série d'événements qui ont mené à la décision d'expulser le requérant en Iran et si, dans l'affirmative, celle-ci était suffisante pour respecter les principes de justice naturelle et de justice fondamentale compte tenu de toutes les circonstances de l'espèce.

a)         Principes généraux et aperçu législatif

Les principes de justice fondamentale se trouvent dans les préceptes fondamentaux de notre système juridique et englobent l'équité procédurale et les principes de justice naturelle. Ils sont façonnés par diverses sources, notamment les obligations internatio­nales du Canada en matière de droits de la personne[18]. Les principes de justice fondamentale et de justice naturelle sont des normes variables. Leur contenu varie selon la nature du cas, les dispositions législatives applicables et la nature de l'affaire à décider[19]. Par exemple, lorsque les droits garantis par la Charte sont en cause, il peut être nécessaire d'accorder un degré de protection plus élevé[20]. L'analyse qui suit est fondée sur ces principes généraux.

Habituellement, les revendicateurs du statut de réfugié font l'objet d'une évaluation du risque dans le cadre de l'examen de leur revendication. Bien entendu, les revendications du statut de réfugié qui sont refusées font l'objet d'un contrôle judiciaire avec l'autorisation de la Cour. En général, les revendicateurs du statut de réfugié qui n'ont pas eu gain de cause sont réputés avoir demandé le droit d'établissement à titre de membres de la catégorie des demandeurs non reconnus du statut de réfugié au Canada (la catégorie DNRSRC)[21]. L'examen d'une personne en tant que membre de la catégorie DNRSRC n'est effectué qu'après épuisement de tous les autres recours qui peuvent être exercés à l'égard d'une décision défavorable relative à une revendication du statut de réfugié. Dans le cadre de cet examen, les demandeurs font l'objet d'une autre évaluation du risque. Une fois de plus, avec l'autorisation de la Cour, les décisions négatives à ce niveau font l'objet d'un contrôle judiciaire. Il peut également y avoir une enquête sur le risque par la section d'appel de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la section d'appel) dans le cadre d'un appel contre une mesure d'expulsion. Une fois de plus, avec l'autorisation de la Cour, une décision de la section d'appel fait l'objet d'un contrôle judiciaire.

En l'espèce, le requérant n'a pu se prévaloir d'aucun des recours prévus pour l'évaluation du risque et le contrôle de la décision à cet égard. Ainsi qu'il est indiqué plus haut, le requérant a obtenu le droit d'établissement dans le cadre du programme d'élimination de l'arriéré, selon lequel les revendications étaient acceptées si elles avaient un minimum de fondement sans aucune évaluation du risque. Comme il a obtenu le droit d'établissement, il ne pouvait exercer un recours devant la section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié ni avoir recours à la procédure applicable à la catégorie DNRSRC. L'avis de danger dont il a fait l'objet est fondé sur le sous-alinéa 46.01(1)e)(iv) [édicté par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 28, art. 14; L.C. 1992, ch. 49, art. 36; 1995, ch. 15, art. 9] et le paragraphe 70(5) [mod. par L.C. 1995, ch. 15, art. 13] de la Loi. En raison du sous-alinéa 46.01(1)e)(iv), le requérant ne pouvait, ultérieurement, présenter une nouvelle revendication du statut de réfugié au sens de la Convention à cause de sa condamnation criminelle et de la formulation de l'avis de danger. À cause de l'avis de danger fondé sur le paragraphe 70(5), le requérant ne pouvait plus exercer aucun recours devant la section d'appel quand la mesure d'expulsion a par la suite été prise contre lui.

b)        L'avis de danger

Les questions dont le délégué du ministre a été saisi en vertu du sous-alinéa 46.01(1)e)(iv) et du paragraphe 70(5) de la Loi étaient claires: il lui fallait déterminer si, de l'avis de l'intimé, le requérant constituait un danger pour le public au Canada. C'était la seule question dont il était saisi. Pour parvenir à une décision à cet égard, le délégué était autorisé à tenir compte, même si la loi ne l'y obligeait pas, d'autres documents que ceux qui avaient trait strictement au danger pour le public au Canada, notamment des documents ayant trait à une évaluation du risque. Le requérant a eu la possibilité de produire des observations écrites, y compris des observations invoquant des raisons d'ordre humanitaire, ayant pour but de dissuader le délégué d'exprimer cet avis. Comme il est indiqué plus haut dans les présents motifs, le requérant s'est prévalu de cette possibilité. Toutefois, ses observations, dans la mesure où elles se rapportaient au risque auquel il serait exposé en retournant en Iran, étaient loin d'être aussi exhaustives ou bien documentées que les observations qui ont été déposées devant la Cour dans la preuve que j'ai décidé de ne pas examiner.

Dans les documents dont a été saisi le délégué du ministre chargé de se prononcer sur l'opportunité d'exprimer un avis de danger, il y avait le résumé suivant intitulé [traduction] «Demande d'avis adressée au ministre et fondée sur le paragraphe 70(5) et le sous-alinéa 46.01(1)e)(iv)»:

[traduction] PROFIL DU DANGER—reconnu coupable le 20 janvier 1995 de complot en vue de faire le trafic de stupéfiants contrairement au paragraphe 4(1) de la LS [Loi sur les stupéfiants] et condamné à cinq ans de prison.

CONSIDÉRATIONS RELATIVES AU RISQUE QUE PRÉSENTE LE RENVOI

M. Farhadi a soumis des observations indiquant qu'il craint de retourner en Iran en raison de ses activités syndicales. Il déclare qu'il était membre d'un conseil syndical formé de quatre personnes et qu'il a contribué à organiser une grève. M. Farhadi croit qu'il sera exécuté par les autorités s'il retourne en Iran. Il n'a pas donné le nom de l'entreprise pour laquelle il travaillait ni le nom du syndicat dont il faisait partie. Les mesures prises contre M. Farhadi ont eu lieu en 1986. Rien n'indique que, 10 ans plus tard, le gouvernement le recherche toujours et continuera de le persécuter pour ses activités passées.

Les abus des droits de la personne en Iran sont bien documentés, les Country Reports on Human Rights Practices de 1995 indiquent que le gouvernement renforce son pouvoir en procédant à des arrestations, des procès sommaires et des exécutions, de même qu'en ayant recours à toutes sortes d'autres formes d'intimidation. Le gouvernement continue d'être l'un des principaux responsables des abus des droits de la personne. En 1995, il n'y avait pas de preuve que la situation s'était améliorée.

Les Country Reports on Human Rights Practices de 1994 indiquent que le gouvernement ne tolère aucune grève qu'il juge opposée à ses politiques touchant l'économie et la main-d'œuvre. En 1993, le Parlement a adopté une loi qui interdit aux fonctionnaires de faire la grève. Il n'y a aucune indication des mesures qui seront prises contre les personnes qui enfreignent ces lois. Le rapport d'Amnistie internationale pour 1995 déclare qu'on continue de signaler des arrestations politiques, des tortures, des procès inéquitables et des exécutions sommaires. Parmi les milliers de prisonniers politiques détenus au cours de l'année se trouvaient des objecteurs de conscience, dont certains étaient détenus sans avoir été accusés ou avoir subi de procès, alors que d'autres purgeaient de longues peines de prison qui leur ont été imposées à l'issue de procès inéquitables. Il y a des raisons de croire que si M. Farhadi était expulsé en Iran il pourrait être exposé à une certaine forme de persécution pour les gestes qu'il a posés, mais la gravité de ces persécutions n'est pas connue.

OBSERVATIONS ET RECOMMANDATION DE L'AGENT D'EXAMEN

M. Farhadi a obtenu le droit d'établissement à l'âge de 35 ans; il a maintenant 39 ans. M. Farhadi nie toute responsabilité ou participation relativement à des activités criminelles. Il a porté sa condamnation en appel et déclare qu'il est innocent. On pense qu'il était directement relié à un réseau international de trafiquants de drogues bien organisé. L'organisation se chargeait d'importer de l'héroïne, de l'opium et de la cocaïne en chargements de plusieurs kilogrammes dont la valeur marchande, selon des estimations modérées, pouvait atteindre 100 000 $. L'appât du gain a été le seul motif qui l'a poussé à participer à ces activités, et le fait qu'il nie complètement sa responsabilité m'amène à croire que, dans son cas, le risque de récidive est élevé.

Il n'a été immigrant reçu au Canada que pendant quatre ans et il purge maintenant une peine de prison de cinq ans dans un pénitencier fédéral. La durée de la peine imposée par les tribunaux pour une première infraction est un indice clair de son niveau de participation à ces activités. Les juges qui ont imposé la peine font observer ce qui suit: «sans des organisations perfectionnées comme celle-ci, la cocaïne et d'autres stupéfiants du genre ne seraient pas importés au Canada. Bien entendu, on sait que la cocaïne est une drogue qui crée une forte accoutumance et que c'est un fléau qui entraîne bien des malheurs dans nos collectivités».

Les raisons d'ordre humanitaire qui ont été présentées ont été examinées et évaluées au regard de tous les autres éléments de cette affaire. Je suis d'avis que la mesure de renvoi est justifiée, malgré les possibilités de sanctions qui peuvent être prises contre lui à son retour en Iran.

J'approuve la demande présentée pour que le ministre exprime l'avis que cette personne constitue un danger pour le public aux termes du paragraphe 70(5) et du sous-alinéa 46.01(1)e)(iv) de la Loi sur l'immigration. [Non souligné dans l'original.]

Le résumé a été soumis par un agent d'examen, il a été approuvé, sans observations, par un analyste principal, Examen des cas, Direction générale du règlement des cas, et par une autre personne non identifiée, et il a été endossé, sans observations non plus, par le délégué de l'intimé. Le requérant n'a pas eu d'audience, il n'a pas obtenu de copie du résumé avant la formulation de l'avis de danger et, par conséquent, il n'a pas eu la possibilité d'y répondre. En outre, cet avis n'était pas motivé.

Bien que le dossier du tribunal concernant l'avis de danger indique que d'autres documents importants ont également été communiqués au délégué du ministre, notamment les observations du requérant et certains «documents sur la situation qui règne dans le pays», je peux uniquement présumer que le résumé précité a été préparé pour une raison quelconque. Je suppose qu'il avait pour but d'aider le délégué de l'intimé à prendre une décision sur la seule question qui lui avait été soumise, soit celle de savoir s'il fallait exprimer l'avis demandé. Je suis conscient du fait que la Cour d'appel dans l'arrêt Williams c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration)[22] a déclaré, qu'en l'absence de preuve contraire, je dois présumer que le délégué de l'intimé a examiné la totalité des documents dont il a été saisi. J'accepte cette directive. Cela dit, je ne peux m'empêcher de penser que tous ces documents n'ont pas eu le même poids aux yeux du délégué de l'intimé. Le résumé précité aura vraisemblablement eu plus d'importance que la totalité ou une partie des autres documents. Sinon, pourquoi aurait-on préparé un tel résumé? Quoi qu'il en soit, je tiens à souligner que l'hypothèse que je viens de formuler n'est pas essentielle à ma décision en l'espèce.

Je considère que le résumé a une importance particulière d'après les faits de l'espèce, étant donné qu'il semble être le seul document, à l'exception des observations soumises par le requérant lui-même, qui prétend examiner le risque auquel le requérant serait exposé à son retour en Iran. En outre, la preuve dont je suis saisi indique clairement que, sur l'ensemble des rapports entre le requérant et les fonctionnaires du ministère intimé, la seule évaluation du risque auquel il serait exposé à son retour en Iran était celle qui vient d'être citée et commentée.

L'avocat du requérant fait valoir que cette procédure d'évaluation du risque n'est pas suffisante pour respecter les obligations du Canada sous le régime de la Convention contre la torture. Selon l'avocat, la procédure suivie est lacunaire parce que, en l'absence de motifs, il n'y a pas de fondement qui permette de justifier la conclusion du délégué de l'intimé concernant le risque auquel le requérant serait exposé s'il était forcé de retourner en Iran, où il craint d'être soumis à la torture. Il fait valoir que cette procédure est inéquitable parce qu'elle entraîne le renvoi du requérant sans qu'aucune conclusion n'ait été tirée au sujet du risque, pour ne rien dire du caractère juste et raisonnable d'une telle conclusion. Pour sa part, l'avocat de l'intimé fait valoir qu'il y a eu une évaluation du risque, qu'un certain risque a été reconnu et évalué au regard de la preuve quant à un danger pour le public et qu'une recommandation a été formulée à l'issue de cette évaluation contre le requérant, et que la pondération de ces préoccupations contradictoires a été acceptée par le délégué du ministre qui a exprimé l'avis demandé. L'intimé fait de plus valoir que la procédure respecte entièrement les principes de justice naturelle et de justice fondamentale, compte tenu de la nature de la procédure relative à l'avis de danger.

Je conclus que l'avocat du requérant a raison quand il prétend qu'il n'y a pas de décision ou de conclusion finale sur la question du risque auquel sera exposé le requérant dans la décision du délégué de l'intimé. La décision du délégué indique simplement que, de l'avis du ministre, le requérant constitue un danger pour le public au Canada, et rien de plus. Compte tenu de l'interprétation que je donne du régime législatif concernant les avis de danger, il n'est pas non plus nécessaire que cette décision soit plus explicite.

L'avis de danger n'est pas une mesure d'expulsion, et encore moins une décision d'expulser le requérant en Iran. Dans l'arrêt Williams[23], le juge Strayer écrit ceci:

Le juge des requêtes décrit en ces termes les conséquences de l'avis du ministre [à la page 448]:

Le requérant sera retiré de sa famille et renvoyé dans un pays où il n'a pas vécu depuis 20 ans, et qu'il a quitté âgé seulement de 9 ans.

En d'autres termes, le juge des requêtes traite cet avis comme une mesure d'expulsion. En toute confraternité, il me semble que cette qualification des effets de l'avis attribue une importance excessive à l'avis et fausse donc l'analyse des exigences de la justice fondamentale dans les circonstances.

. . .

L'avis donné par le ministre en application du paragraphe 70(5) a donc pour effet de substituer le droit de demander un contrôle judiciaire au droit d'interjeter appel de la mesure d'expulsion, de substituer l'exercice par le ministre du pouvoir discrétionnaire dont elle est investie de dispenser une personne d'une expulsion légale à l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire semblable conféré à la section d'appel par l'alinéa 70(1)b), et de substituer le droit de demander un sursis judiciaire au droit d'obtenir un sursis d'origine législative. Il me paraît donc difficile de considérer l'avis du ministre comme la cause véritable de l'expulsion de l'intimé. Il n'est même pas possible d'affirmer que l'avis du ministre est une cause sine qua non parce qu'on ne peut pas présumer qu'en son absence la section d'appel aurait relevé une erreur de fait qu'un contrôle judiciaire n'aurait pas permis de relever ou aurait exercé, en application de l'alinéa b), un pouvoir discrétionnaire plus favorable à l'intimé que celui qu'aurait exercé le ministre dans le cadre de son examen des raisons d'ordre humanitaire.

Bien entendu, le juge Strayer se référait uniquement à un avis de danger fondé sur le paragraphe 70(5) de la Loi. En l'espèce, l'avis se fonde à la fois sur le paragraphe 70(5) et sur le sous-alinéa 46.01(1)e)(iv). L'effet d'un avis exprimé en vertu de cette dernière disposition est très différent. Il prive le requérant en l'espèce, qui prétend être un réfugié au sens de la Convention et dont la revendication a été jugée comme ayant un minimum de fondement, de la possibilité de faire examiner sa revendication par la section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. Bien qu'il s'agisse là d'un effet très important pour une personne qui se trouve dans la situation du requérant, cet avis ne constitue pas, pas plus d'ailleurs qu'un avis fondé sur le paragraphe 70(5), une mesure d'expulsion, et encore moins une mesure de renvoi dans le pays où le requérant craint d'être persécuté.

Je conclus donc que le délégué de l'intimé n'a commis aucune erreur susceptible de contrôle en exprimant l'avis de danger qui est à l'étude, sans prendre de décision ou tirer de conclusion sur la question du risque, d'après les faits dont il était saisi à ce moment. On ne peut conclure qu'un principe de justice naturelle ou de justice fondamentale a été enfreint par l'application de la procédure limitée qui a alors été suivie pour examiner le risque auquel serait exposé le requérant s'il était expulsé vers l'Iran et pour évaluer ou pondérer ce risque au regard du danger que le requérant constitue pour le public canadien.

c)         La mesure de renvoi

Le paragraphe 52(1) [mod. par L.C. 1992, ch. 49, art. 42] de la Loi prévoit le départ volontaire d'une personne qui fait l'objet d'une mesure d'expulsion. Cette disposition n'est manifestement pas applicable aux faits de l'espèce. Les paragraphes 52(2) et (3) de la Loi sont ainsi libellés:

52. . . .

(2) Dans tous les autres cas, l'individu est, sous réserve du paragraphe (3), renvoyé:

a)   soit dans le pays d'où il est arrivé;

b)   soit dans le pays où il avait sa résidence permanente avant de venir au Canada;

c)   soit dans le pays dont il est le ressortissant;

d)   soit dans son pays natal.

(3) Si aucun de ces pays ne veut le recevoir, l'individu peut, avec l'agrément du ministre, choisir comme pays de destination tout autre pays disposé à le recevoir dans un délai raisonnable. Ce choix appartient également au ministre.

Toutes les solutions de remplacement prévues au paragraphe 52(2) à l'égard du renvoi du requérant semblent se limiter à l'Iran. Bien que le requérant n'ait jamais été informé que l'Iran n'était pas disposé à le recevoir, ce qui aurait entraîné l'application du paragraphe 52(3), il n'a pas non plus été informé au nom de l'intimé que l'Iran le recevrait et que l'intimé s'apprêtait à prendre des mesures pour le renvoyer dans ce pays. Ce n'est qu'une fois que la décision de le renvoyer en Iran et les arrangements connexes ont été pris que le requérant a été informé de cette décision. Et cela malgré le fait que l'intimé était parfaitement au courant que le requérant craint d'être persé­cuté s'il est forcé de retourner en Iran, que sa revendication a été jugée comme ayant un minimum de fondement et qu'il n'a pas eu la possibilité de présenter des observations écrites ou verbales concernant sa crainte devant la section du statut de réfugié ou devant un autre décideur qui avait pour mandat de se prononcer sur le risque auquel est exposé le requérant.

Les conséquences du renvoi d'un nombre vraisemblablement limité de personnes qui se trouvent dans une situation semblable à celle du requérant sont reconnues dans les obligations internationales du Canada en matière de droits de la personne. Il suffit de lire l'article 3 de la Convention contre la torture, qui a été volontairement signée par le Canada, pour constater que cet article interdit à un pays d'expulser une personne dans un État où il y a des motifs sérieux de croire qu'elle risque d'être soumise à la torture. Manifestement, en droit international, que des procédures aient ou non été expressément adoptées dans le droit interne à l'égard de la catégorie de personnes dans laquelle se trouve le requérant, la décision quant à savoir si la crainte du requérant d'être torturé est justifiée doit être prise d'une manière juste et raison­nable pour que soient respectées les obligations internationales du Canada en matière de droits de la personne. Il en est de même des droits du requérant protégés par la Charte qui sont en jeu, si l'on veut que ces droits ne soient pas une simple parodie. Dans l'arrêt Renvoi relatif à la Public Service Employee Relations Act (Alb.)[24], le juge en chef Dickson déclare ce qui suit:

En outre, le Canada est partie à plusieurs conventions internationales sur les droits de la personne qui comportent des dispositions analogues ou identiques à celles de la Charte. Le Canada s'est donc obligé internationalement à assurer à l'intérieur de ses frontières la protection de certains droits et libertés fondamentaux qui figurent aussi dans la Charte. Les principes généraux d'interprétation constitutionnelle requièrent que ces obligations internationales soient considérées comme un facteur pertinent et persuasif quand il s'agit d'interpréter la Charte. Comme cette Cour l'a déclaré dans l'arrêt R. c. Big M Drug Mart Ltd., [1985] 1 R.C.S. 295, à la p. 344, l'interprétation de la Charte doit «viser à réaliser l'objet de la garantie et à assurer que les citoyens bénéficient pleinement de la protection accordée par la Charte». Le contenu des obligations internationales du Canada en matière de droits de la personne est, à mon avis, un indice important du sens de l'expression «bénéficient pleinement de la protection accordée par la Charte». Je crois qu'il faut présumer, en général, que la Charte accorde une protection à tout le moins aussi grande que celle qu'offrent les dispositions similaires des instruments internationaux que le Canada a ratifiés en matière de droits de la personne.

La Convention contre la torture qui, comme je le souligne encore une fois, a été signée volontairement par le Canada, ordonne d'effectuer une évaluation du risque, notamment du risque d'être soumis à la torture, avant de procéder au renvoi. Bien qu'elle ne soit pas incorporée dans le droit canadien applicable aux circonstances de l'espèce, la Convention contre la torture, qui fait partie des obligations internationales du Canada en matière de droits de la personne, éclaire l'interprétation de la Charte. Je suis convaincu qu'une évaluation du risque, et la possibilité de vérifier l'équité de cette évaluation, de même que son résultat, au regard des normes figurant aux articles 7 et 12 de la Charte, sont implicitement prévues dans ces dispositions du droit canadien.

Au cours des débats en l'espèce, l'avocat de l'intimé n'a pas contesté avec vigueur l'affirmation voulant qu'en présence d'une allégation crédible quant au risque d'être soumis à la torture, le renvoi soit obligatoirement assujetti à une évaluation du risque à l'issue de laquelle une décision doit être prise. Je suis convaincu que la procédure ayant mené à la formulation de l'avis de danger ne constituait tout simplement pas une évaluation et une décision relatives au risque et que, si tel était le cas, cette procédure ne comportait pas suffisamment d'attributs des principes de justice naturelle et de justice fondamentale, compte tenu des conséquences potentielles d'une décision sur l'évaluation du risque défavorable au requérant. En outre, je ne dispose pas de la moindre preuve que la procédure ayant mené à la mesure de renvoi s'est accompagnée d'une quelconque évaluation du risque et d'une décision à cet égard.

Des décisions antérieures de la Cour font état, du moins implicitement, de l'importance d'effectuer une évaluation du risque avant d'expulser une personne dans un pays où elle craint d'être persécutée[25]. Dans l'affaire Sinnappu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration)[26], Mme le juge McGillis a examiné, entre autres, un argument fondé sur la question de savoir si l'expulsion de personnes dont la revendication du statut de réfugié avait été refusée et qui faisaient partie de la catégorie DNRSRC au Sri Lanka, où sévissait une guerre civile, violait les obligations internationales du Canada en matière de droits de la personne sous le régime de la Convention contre la torture. Elle s'est exprimée en ces termes à la page 833:

Je ne puis souscrire à cet argument, parce que j'estime que les critères législatifs servant à évaluer le risque selon le paragraphe 2(1) du Règlement sont compatibles avec nos obligations internationales découlant de la Convention. De plus, selon les lignes directrices concernant la catégorie DNRSRC, les agents qui procèdent à des évaluations du risque sont tenus d'examiner les dispositions pertinentes de la Convention.

. . .

À mon avis, le régime législatif relatif à la révision postérieure des revendications rejetées respecte les obligations internationales du Canada en matière de droits de la personne.

On ne peut pas dire qu'un tel régime législatif ou réglementaire respectant les obligations internationales du Canada en matière de droits de la personne existe et est applicable aux faits de l'espèce. Cela est particulièrement vrai lorsqu'un examen fondé sur la Charte est interdit, ainsi que je l'ai conclu, non pas en droit, mais plutôt à cause de la façon dont le requérant est arrivé au Canada, a acquis son statut au Canada et a perdu le droit de demeurer dans ce pays.

Dans l'affaire Sinnappu, Mme le juge McGillis avait été saisie d'éléments de preuve indiquant que l'élément de risque n'avait pas été correctement évalué lors de l'examen de la demande relative à la catégorie DNRSRC qui lui avait été soumise. Elle a donc enjoint au ministre de ne pas renvoyer les requérants avant qu'une évaluation satisfaisante du risque ait été effectuée. Elle écrit ceci à la page 828:

Même si j'ai conclu que les requérants n'ont pas prouvé de transgression des droits que l'article 7 de la Charte leur garantit, il faut rappeler que, d'après le témoin de l'intimée, M. Troutet, l'élément de risque n'avait pas été bien évalué lors de l'examen de leur demande d'établissement à titre de DNRSRC. Étant donné que les requérants ont déposé la présente demande plutôt que de contester la décision relative à leur appartenance à la catégorie DNRSRC et qu'ils n'ont présenté que beaucoup plus tard leur demande d'admission pour des raisons d'ordre humanitaire, la question du risque n'a pas encore été évaluée en bonne et due forme. Au nom de la justice, la ministre ne devrait donc pas renvoyer les requérants au Sri Lanka avant que ses fonctionnaires se soient prononcés sur la demande en cours, soit la demande d'admission pour des raisons d'ordre humanitaire, qui est fondée, du moins en partie, sur les risques auxquels les requérants s'exposent à leur retour au Sri Lanka. [Non souligné dans l'original.]

Voir aussi la décision Arduengo c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration)[27] qui va dans le même sens. Je me demande si les protections procédurales applicables à une demande fondée sur des «raisons d'ordre humanitaire», ou même à une affaire relative à un «avis de danger», sont suffisantes pour respecter les exigences de la Charte, étant donné que les obligations internationales du Canada en matière de droits de la personne éclairent le contenu des droits garantis par la Charte, compte tenu des faits de l'espèce. Les conséquences d'une expulsion en Iran sont, pour le requérant, potentiellement très graves[28].

RÉSUMÉ

Pour récapituler, je conclus que le requérant a droit à une évaluation du risque et à une décision à cet égard en plus de la procédure déjà suivie pour décider du danger qu'il constitue pour le public au Canada. Une telle évaluation, visant à étayer la décision de renvoyer le requérant en Iran, devra être faite conformément aux principes de justice naturelle et de justice fondamentale, et la décision devra être prise par l'autorité compétente.

Je ne dis pas que la procédure d'évaluation du risque doit forcément comporter une audience. En fait, sur ce dernier point, l'avocat de l'intimé a invoqué la décision Kaberuka c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration)[29] à l'appui de l'affirmation qu'une audience n'est pas nécessaire s'il n'y avait pas de question de crédibilité dans l'évaluation et la décision concernant le risque, c'est-à-dire s'il n'y avait aucune possibilité que le fondement factuel de la crainte du requérant ne soit pas cru. Je souscris à cette affirmation.

Il ressort tout aussi clairement de la décision Kaberuka, toutefois, que lorsque la crédibilité d'un requérant est mise en doute, une audience sera nécessaire pour garantir une évaluation équitable du risque, compte tenu de la nature des intérêts en jeu et de l'effet de la procédure de renvoi sur la personne qui pourrait en faire l'objet. Le juge Heald, dans la décision Kaberuka, a examiné la protection procédurale accordée par un agent d'immigration à un requérant qui alléguait craindre d'être persécuté au Kenya, où le statut de réfugié au sens de la Convention lui avait été reconnu en raison d'une crainte d'être persécuté au Rwanda. Le requérant a eu le droit d'être représenté par avocat et de soumettre des observations écrites. Toutefois, il n'a pas eu droit à une audience ni à une décision motivée. Le juge Heald a examiné la preuve et les observations fournies à l'agent d'immigration et a conclu [à la page 275], compte tenu de l'arrêt Singh et autres c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration[30]:

En conséquence, l'agent principal doit avoir fondé en partie sa conclusion que le requérant n'a pas démontré l'existence d'un risque qu'il serait «le seul à courir» sur une opinion défavorable quant à sa crédibilité. J'en arrive à cette conclusion à partir des faits qui m'ont été soumis, en tenant compte de la preuve documentaire à l'appui. Dans les circonstances, une audience et une occasion plus complète de prendre connaissance des allégations à réfuter seraient normalement requises. [Non souligné dans l'original.]

CONCLUSION

Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire concernant l'avis de danger sera rejetée. La demande de contrôle judiciaire concernant la mesure de renvoi sera accueillie, la décision sera annulée et l'affaire sera renvoyée à l'intimé pour qu'il procède à un nouvel examen après avoir fait une évaluation du risque auquel un renvoi en Iran expose le requérant et pris une décision à cet égard conformément aux présents motifs. Dans son avis de requête introductif d'instance concernant la mesure de renvoi, le requérant demandait également une ordonnance interdisant à l'intimé de le renvoyer en Iran. Ce dernier redressement a été accordé de façon temporaire. Compte tenu du fait que la mesure de renvoi sera annulée, je n'estime pas nécessaire d'accorder une injonction.

CERTIFICATION

À la fin de l'audition des présentes demandes de contrôle judiciaire, j'ai promis de faire circuler une version préliminaire de mes motifs et de donner aux avocats la possibilité de soumettre des observations en vue de la certification d'une ou de plusieurs questions. Des motifs ont été distribués et j'ai proposé aux avocats deux questions formulées de la façon suivante:

1)   Lorsqu'une personne a obtenu le droit d'établissement au Canada du fait que sa revendication du statut de réfugié au sens de la Convention déposée contre un pays donné avait un «minimum de fondement», et que cette personne est susceptible d'être renvoyée dans ce pays sans que le risque auquel ce renvoi l'expose ait été évalué d'une manière conforme aux principes de justice naturelle et de justice fondamentale, la cour qui effectue le contrôle judiciaire de la mesure de renvoi visant cette personne peut-elle tenir compte d'une preuve concernant ce risque dont n'était pas saisi l'office fédéral qui a pris la mesure de renvoi?

2)   Lorsqu'une personne a obtenu le droit d'établissement au Canada du fait que sa revendication du statut de réfugié au sens de la Convention déposée contre un pays donné avait un «minimum de fondement», faut-il au préalable qu'une évaluation du risque ait été effectuée et qu'une décision ait été prise à cet égard conformément aux principes de justice naturelle et de justice fondamentale pour que la décision de renvoyer la personne dans ce pays soit valide? Dans l'affirmative, d'après les faits de l'espèce, y a-t-il eu dans la procédure utilisée par l'intimé pour exprimer l'avis que le requérant constitue un danger pour le public au Canada une telle évaluation du risque et une telle décision?

L'avocat du requérant a accepté que la deuxième question soit certifiée sous la forme proposée et a recommandé une modification à la première question qui serait ainsi formulée:

1)   Lorsqu'une personne a obtenu le droit d'établissement au Canada et qu'on lui a refusé de se prévaloir de la procédure de détermination du statut de réfugié par suite d'une «attestation» du ministre, et que cette personne fait face à une mesure de renvoi dans un pays où elle prétend craindre d'être persécutée pour un motif prévu dans la Convention, si le risque auquel elle est exposée n'a pas été autrement évalué d'une manière qui respecte les principes de justice naturelle et de justice fondamentale, la cour qui effectue le contrôle judiciaire de la mesure de renvoi touchant cette personne peut-elle tenir compte d'une preuve concernant cette crainte dont n'était pas saisi l'office fédéral qui a pris la mesure de renvoi?

L'avocat de l'intimé a recommandé la certification de la deuxième question proposée et s'est opposé à la certification sous quelque forme que ce soit de la première question étant donné qu'à son avis «il est bien établi en droit qu'une cour de révision est liée par le dossier qui a été déposé devant l'office fédéral dont la décision fait l'objet de l'appel».

Les deux questions seront certifiées sous la forme initialement proposée.

La modification de la première question qui a été proposée par l'avocat du requérant élargit la question au-delà de la portée des questions à l'étude compte tenu des faits de l'espèce, et aurait donc pour effet de transformer la procédure de certification en un renvoi. Je suis convaincu qu'étendre la portée de la question proposée serait incompatible avec les objectifs du paragraphe 83(1) [mod. par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 28, art. 19] de la Loi.

Bien que ma conclusion, d'après les faits de l'espèce, soit conforme à la position de l'avocat de l'intimé selon laquelle la Cour doit s'en tenir, dans une demande de contrôle judiciaire, à l'examen du dossier dont a été saisi l'office fédéral dont la décision est à l'étude, je ne suis pas convaincu que le droit est totalement établi à cet égard lorsque des questions relatives à la Charte sont soulevées.

Lorsque j'ai soumis les questions à l'examen des avocats, j'ai exprimé certains doutes quant à savoir si la deuxième question était véritablement une question grave de «portée générale» en raison du nombre limité de personnes qui sont susceptibles de se retrouver dans une situation semblable à celle du requérant en l'espèce. Les observations de l'avocat de l'intimé m'ont convaincu que la deuxième question peut être considérée comme une question grave de «portée générale».



[1] L.R.C. (1985), ch. I-2 [mod. par L.C. 1992, ch. 47, art. 78; ch. 49, art. 16].

[2] Qui constitue la Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44].

[3] [1989] 1 R.C.S. 1038. Voir aussi: Renvoi relatif à la Public Service Employee Relations Act (Alb.), infra, note 24.

[4] [1987] R.T. Can. no 36.

[5] Communication no 21/1995, U.N. Doc. CAT/C/16/D/21/1995 (1996).

[6] Communication no 43/1996, U.N. Doc. CAT/C/17/D/43/1996.

[7] Communication no 15/1994, U.N. Doc. A/50/44 (1995), à la p. 46.

[8] [1993] 1 C.F. 696 (C.A.), aux p. 708 et 709.

[9] [1989] 2 R.C.S. 357, aux p. 361, 362 et 366. Voir également Danson c. Ontario (Procureur général), [1990] 2 R.C.S. 1086, qui cite avec approbation MacKay.

[10] Rahi c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration (28 mai 1990), 90-A-1343 (C.A.F.), le juge MacGuigan, J.C.A.

[11] Dans l'affaire Arduengo c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1997] 3 C.F. 468 (1re inst.), à la p. 482, le juge Cullen, au cours du contrôle judiciaire d'une mesure de renvoi, a adopté l'opinion formulée par le juge Nadon dans l'affaire Asafov c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1994] F.C.J. no 713 (1re inst.) (QL), et a déclaré ceci:

. . . le fondement approprié de la preuve est néanmoins le dossier regroupant les éléments dont était saisi le tribunal, c'est-à-dire l'agente d'expulsion. Si la Cour devait entendre de nouveaux éléments de preuve dont n'était pas saisie l'agente d'expulsion, cela aurait pour effet de convertir la procédure de contrôle judiciaire en une procédure d'appel. Par conséquent, non seulement les affidavits précités déposés au nom des requérants sont-ils inadmissibles, mais il en est de même de l'affidavit de Janice Rodgers, concernant la situation qui existe au Chili, qui a été déposé au nom de l'intimé.

Voir également: Lemiecha et al. c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration (1993), 72 F.T.R. 49 (C.F. 1re inst.).

[12] Dans l'arrêt Kenbrent Holdings Ltd. et al. c. Atkey (1995), 94 F.T.R. 103 (C.F. 1re inst.), à la p. 106, j'ai dit ceci:

Une preuve par affidavit a été déposée devant la Cour pour le compte tant des requérantes que de l'intimée. . .  Les avocats des parties ont reconnu que bon nombre des nouveaux éléments de preuve se rapportaient à des questions qui n'avaient pas été débattues devant l'arbitre ou à des questions, si l'on s'en tient aux motifs, qu'il n'avait probablement pas examinées. En règle générale, le contrôle judiciaire vise à permettre de déterminer s'il était loisible à l'office qui est assujetti au contrôle de rendre la décision qu'il a rendue compte tenu de la preuve dont il disposait. Par conséquent, les nouveaux éléments de preuve ne sont pas pertinents dans le cadre du contrôle judiciaire. Je suis convaincu qu'il existe une exception à ce principe lorsque la question en litige se rapporte à la compétence de l'office dont la décision fait l'objet du contrôle. [Non souligné dans l'original; renvois omis.]

Voir également: The Sovereign Life Insurance Co. c. Canada (Ministre des Finances) (ordonnance en date du 11 décembre 1996), T-3105-92 (C.F. 1re inst.) dans laquelle, sans que des motifs soient rendus, deux affidavits concernant la question d'une erreur de compétence ont été ajoutés dans le cas d'un appel prévu par la loi malgré que, dans leur contexte, ces affidavits constituaient une preuve dont n'avait pas été saisi le décideur nommé par la loi.

[13] Précité, note 11.

[14] [1997] 2 C.F. 791 (1re inst.).

[15] Précité, note 8.

[16] Précité, note 8.

[17] Suresh v. Canada, [1998] O.J. no 296 (Div. gén.) (QL).

[18] Renvoi: Motor Vehicle Act de la C.-B., [1985] 2 R.C.S. 486.

[19] Chiarelli c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1992] 1 R.C.S. 711.

[20] Singh et autres c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration, [1985] 1 R.C.S. 177.

[21] Voir le Règlement sur l'immigration de 1978, DORS/78-172, art. 2(1) [mod. par DORS/93-44, art. 1] et 11.4 [édicté, idem, art. 10; DORS/93-44, art. 6].

[22] [1997] 2 C.F. 646 (C.A.).

[23] Précité, note 22, aux p. 659, 660 et 663.

[24] [1987] 1 R.C.S. 313, à la p. 349.

[25] Voir, par exemple, Bhatti c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1996), 120 F.T.R. 123 (C.F. 1re inst.).

[26] Précité, note 14.

[27] Précité, note 11.

[28] Voir, par exemple, Shah c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration (1994), 170 N.R. 238 (C.A.F.) et Williams, précité, note 22, à la p. 678.

[29] [1995] 3 C.F. 252 (1re inst.).

[30] Précité, note 20.

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