Last Updated: Tuesday, 06 June 2023, 11:08 GMT

Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l'Homme, Rapport annuel 2007 - Cameroun

Publisher International Federation for Human Rights
Author Organisation mondiale contre la torture; Fédération internationale des ligues des droits de l'Homme
Publication Date 19 June 2008
Cite as International Federation for Human Rights, Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l'Homme, Rapport annuel 2007 - Cameroun, 19 June 2008, available at: https://www.refworld.org/docid/486e050f2.html [accessed 7 June 2023]
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Contexte politique

Alors que les élections législatives et municipales des 22 juillet et 30 septembre 2007 ont conféré au Président Paul Biya, au pouvoir depuis 1982, une très large majorité à l'Assemblée, l'opposition et les ONG ont dénoncé les fraudes électorales et introduit plusieurs recours contre ces résultats. En outre, dans son discours de fin d'année, le Président s'est montré favorable à la modification de l'article 6.2 de la Constitution qui limite les mandats présidentiels à deux mandats consécutifs de sept ans, lui permettant de briguer un ou plusieurs autres mandats.

D'après les Nations unies,1 le pays, en terme de développement, n'avait pas encore réussi, fin 2006, à améliorer de façon significative les conditions de vie des citoyens malgré des performances économiques généralement bonnes. Cette situation a continué de prévaloir en 2007.

Le Cameroun demeure par ailleurs confronté à de graves problèmes de déficit démocratique et de gouvernance en raison notamment de la déficience dans la gestion des affaires publiques, la corruption, l'impunité, les entraves posées à la participation de la société civile à la vie publique ainsi que les violations récurrentes des droits de l'Homme et en particulier des droits économiques et sociaux (accès aux ressources, aux services publics, au travail, à la santé, à l'éducation, au logement, etc.).

Menaces à l'encontre des défenseurs qui dénoncent la corruption massive

Au Cameroun, la lutte contre la corruption massive, qui affecte tous les secteurs de la vie publique, n'a pas connu d'avancées significatives en 2007 et ce malgré la ratification de la Convention des Nations unies sur la lutte contre la corruption, l'adoption de dispositions spécifiques à l'occasion de la révision du Code pénal en janvier 2007 et la création de la Commission nationale anti-corruption (CONAC), en mars 2006.

En effet, les défenseurs des droits de l'Homme qui dénoncent la corruption sont actuellement exposés à des représailles avec la complicité de l'appareil d'État. Ainsi, la Maison des droits de l'Homme du Cameroun (MDHC) et sa présidente, Mme Madeleine Afité, ont été harcelées après avoir dénoncé les dérives et manipulations de la police, notamment dans les nombreuses affaires de corruption les impliquant. Des filatures, des menaces verbales et téléphoniques ainsi que des écoutes téléphoniques ont par exemple été menées afin de tenter d'empêcher la MDHC de mener à terme ses investigations sur le suivi de l'enquête indépendante sur l'assassinat de Mme Laurence Vergne, en janvier 2007. La MDHC avait affirmé qu'un haut fonctionnaire du système judiciaire protégeait l'un des suspects arrêté par la police, un chef de gang impliqué dans le grand banditisme. Par ailleurs, Mme Afité a été la cible d'actes de harcèlement policier : convocation devant le juge d'instruction militaire, interrogatoire sur les méthodes de l'association, ses sources d'informations et notamment son droit légitime à mener des enquêtes, ainsi que ses motivations pour mener des activités "détruisant l'image du Cameroun à l'extérieur". En parallèle, les autorités ont mené une campagne de stigmatisation de l'ONG dans les médias nationaux et ont proféré à son encontre des menaces de poursuites judiciaires.

Poursuite du harcèlement judiciaire et méthodes d'intimidation à l'encontre des défenseurs

La menace de poursuites judiciaires est une arme utilisée contre les défenseurs dans le but de les dissuader de mener leurs actions. Elle est particulièrement utilisée à l'encontre de celles et ceux qui sont considérés comme des chefs de file, afin d'intimider les autres défenseurs. Ainsi, en septembre 2007, une manifestation contre l'insécurité judiciaire a été interdite au dernier moment par le procureur général de Maroua. Ce dernier a menacé de poursuites M. Abdoulaye Math, président du Mouvement de défense des droits de l'Homme et des libertés (MDDHL), le rendant responsable de ne pas avoir empêché que certaines associations, n'ayant pas reçu l'information sur l'interdiction, aient malgré tout manifesté. D'autre part, le procès devant la Cour d'appel de l'Extrême nord de l'un des membres de cette association, M. Adama Mal-Sali, pour "diffamation et dénonciation calomnieuse" à l'encontre d'un chef de village (qui avait refusé qu'il recueille des témoignages sur des violations des droits de l'Homme), est toujours en cours depuis 2006. En 2007, quatre reports d'audience ont eu lieu en raison de la non-comparution du chef de village ou de témoins. Cette pratique illustre le mauvais fonctionnement de la justice et les entraves à la liberté d'action des défenseurs, ce qui est de nature à les décourager dans la poursuite de leurs missions.

Par ailleurs, les défenseurs, généralement assimilés à des opposants politiques, se heurtent régulièrement aux abus de la part d'agents de l'État et à des obstacles récurrents pour accéder à l'information, notamment dans les lieux de privation de liberté. L'intimidation par le biais d'arrestations a parfois été utilisée : MM. Jean Marc Bikoko, Hervé Yao André Benang et Jules Patrick Mvondo Essiga et Mme Brigitte Tamo, membres de la Centrale syndicale du secteur public, ont ainsi été arrêtés le 28 novembre 2007 après avoir organisé une mobilisation syndicale autour de la question de la revalorisation des salaires des fonctionnaires. Ils ont tous été libérés quelques heures plus tard. Signe de la méfiance à leur égard, les organisations de défense des droits de l'Homme font parfois l'objet d'infiltrations des agents des renseignements et indicateurs dans leurs locaux, et au cours des activités qu'ils organisent (conférences-débats, forum, etc.).

L'Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l'Homme est un programme conjoint de l'Organisation mondiale contre la torture (OMCT) et de la Fédération internationale des ligues des droits de l'Homme (FIDH).


1 Cf. bilan commun du système des Nations unies fondé sur le Document de stratégie de réduction de la pauvreté du Gouvernement du Cameroun, décembre 2006.

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