Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l'Homme, Rapport annuel 2007 - Vietnam
Publisher | International Federation for Human Rights |
Author | Organisation mondiale contre la torture; Fédération internationale des ligues des droits de l'Homme |
Publication Date | 19 June 2008 |
Cite as | International Federation for Human Rights, Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l'Homme, Rapport annuel 2007 - Vietnam, 19 June 2008, available at: https://www.refworld.org/docid/486e052f59.html [accessed 7 June 2023] |
Disclaimer | This is not a UNHCR publication. UNHCR is not responsible for, nor does it necessarily endorse, its content. Any views expressed are solely those of the author or publisher and do not necessarily reflect those of UNHCR, the United Nations or its Member States. |
Contexte politique
Bien qu'ayant obtenu plusieurs gages d'une reconnaissance internationale, notamment par son entrée au sein de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), son élection au sein du Conseil de sécurité des Nations unies, son retrait de la liste américaine des "pays particulièrement préoccupants" en matière de liberté religieuse, et après avoir accueilli le Sommet de la Coopération économique des pays d'Asie-Pacifique (Asia-Pacific Economic Cooperation – APEC) en novembre 2006, le Gouvernement vietnamien n'en a pas moins poursuivi en 2007 sa politique de répression de toute voix dissidente. Sont tout particulièrement ciblés les activistes réclamant des réformes politiques qui permettraient une véritable protection des droits de l'Homme et l'instauration de la démocratie, les dirigeants religieux, les syndicalistes, les journalistes indépendants, les paysans protestant contre les expropriations forcées, ou encore les universitaires qui, par leur action, tentent de remettre en cause le monopole du Parti communiste vietnamien.
Un environnement législatif particulièrement restrictif et hostile à toute activité de défense des droits de l'Homme
Criminalisation des activités de défense des droits de l'Homme
En dépit des recommandations du Comité des droits de l'Homme de l'ONU (2002), du Rapporteur spécial sur l'intolérance religieuse (1998) et du Groupe de travail sur la détention arbitraire (1994), le Vietnam continue de criminaliser les activités de défense des droits de l'Homme sur la base des articles du Code pénal qui comprennent des incriminations particulièrement vagues, telles que "entraver la mise en oeuvre des politiques de solidarité" (article 87 du Code pénal), "profiter des libertés démocratiques pour porter atteinte aux intérêts de l'État" (article 258), "espionnage" (article 80), ou encore "propagande contre la République socialiste du Vietnam" (article 88), et qui prévoient de très lourdes peines d'emprisonnement. Cette année encore, les autorités vietnamiennes ont arrêté plusieurs défenseurs, à l'instar de M. Nguyen Van Dai, avocat, militant pro-démocratie et fondateur du Comité pour les droits de l'Homme au Vietnam, condamné le 11 mai 2007 à cinq ans de prison pour "propagande contre la République socialiste du Vietnam", ou encore du père Nguyen Van Ly, condamné pour les mêmes charges à huit ans de prison le 30 mars 2007.1
En outre, si, fin mars 2007, le Vietnam a abrogé avec force publicité le Décret 31/CP sur la "détention administrative", les autorités continuent d'arrêter et d'assigner à résidence sans procès des défenseurs, notamment sur la base de l'Ordonnance 44 sur "le règlement des violations administratives", qui, entrée en vigueur le 1er octobre 2002, remplit les mêmes fonctions que ce décret et permet en outre l'internement psychiatrique de dissidents.
Obstacles à la liberté d'association
Au Vietnam, il n'existe pas d'ONG ou d'associations véritablement indépendantes, ni de syndicats libres. Il n'existe ainsi qu'un seul syndicat, la Confédération générale du travail du Vietnam, qui est le syndicat officiel, contrôlé par le parti, et qui contribue principalement à réprimer tout mouvement de grève.
Quant aux ONG internationales, elles peuvent opérer au Vietnam à condition d'avoir l'agrément du Gouvernement et travaillent sous son contrôle. Par exemple, en 2006, l'Observatoire s'est vu refuser de mener une mission internationale d'enquête et a été contraint d'envoyer ses chargés de mission de façon non officielle.2
La liberté d'expression menacée : répression des cyberdissidents
Si le cyberdissident Nguyen Vu Binh, qui avait été condamné à sept ans d'emprisonnement en 2003 pour avoir diffusé des articles "de nature réactionnaire", dont un témoignage sur les violations des droits de l'Homme envoyé au Congrès américain, a été libéré en juin 2007, les autorités vietnamiennes n'en ont pas moins continué de contrôler étroitement Internet et de réprimer sévèrement les défenseurs qui utilisent Internet pour promouvoir les droits de l'Homme et la démocratie. Ainsi, six cyberdissidents prônant la démocratie et les libertés fondamentales ont été condamnés à des peines de prison en mai 2007 après avoir été arrêtés sur la base de l'article 88 du Code pénal vietnamien, qui interdit la diffusion de toute "propagande hostile à l'encontre de la République socialiste du Vietnam".
Poursuite de la répression des défenseurs de la liberté de religion
En 2007, la répression à l'encontre des dirigeants de l'Église bouddhiste unifiée du Vietnam (Unified Buddhist Church of Vietnam – UBCV), mouvement interdit qui promeut pacifiquement la liberté de religion, la démocratie et les droits de l'Homme, s'est poursuivie, voire intensifiée. Ces derniers, parmi lesquels Thich Huyen Quang et Thich Quang Do, font ainsi l'objet de plus en plus régulièrement de mises en résidence surveillée, de convocations aux postes de police, d'arrestations arbitraires, de restrictions à leur liberté de mouvement, etc. En particulier, les membres des 20 comités provinciaux, instaurés dans les provinces pauvres afin d'apporter une aide aux populations démunies, sont régulièrement harcelés, interrogés, arrêtés et menacés pour qu'ils démissionnent de ces comités, notamment dans les provinces de Binh Dinh, Thua Thien-Hue, Dong Nai et Bac Lieu.
De même, les autorités vietnamiennes voient les activités des moines khmers kroms comme une menace à l'intégrité nationale, dans la mesure où ils informent régulièrement la communauté internationale des violations de la liberté de religion par le régime vietnamien. A titre d'exemple, le 8 novembre 2007, M. Tim Sa Khorn, bonze khmer krom et membre de l'Organisation des nations et populations non représentées (Unrepresented Nations and Peoples' Organization – UNPO), a été déféré devant la Cour populaire de justice de la province de An Giang, au sud du Vietnam, afin d'y être jugé pour "sabotage de la politique d'unification" (article 87 du Code pénal). Alors que son procès aeu lieu après quatre mois de détention au secret, M. Tim Sa Khorn a été condamné à un an d'emprisonnement et n'a pas eu le droit de faire appel.
Obstacles à l'encontre des défenseurs des droits des paysans et des ouvriers
La répression des autorités s'est également exercée à l'encontre des paysans qui protestent contre les confiscations de terres par l'État et contre la corruption. En effet, suite à l'interdiction des manifestations devant les bâtiments publics (Décret 38/2005), les autorités ont systématiquement eu recours à la violence afin de circonscrire les protestations grandissantes des "Victimes d'injustices", ces centaines de milliers de paysans, expropriés par l'État sans indemnité ou avec des compensations dérisoires, qui viennent régulièrement des régions rurales pour déposer leurs plaintes et manifester devant les bâtiments gouvernementaux de Hanoi et Ho Chi Minh Ville.
Par ailleurs, depuis sa création en 2006, l'Organisation des ouvriers et paysans unis (United Workers-Farmers Organization – UWFO) et ses membres font régulièrement l'objet d'actes de harcèlement, obligeant certains à mener leurs activités clandestinement.3 Ainsi, M. Tran Quoc Hien a été arrêté en janvier 2007, deux jours après avoir été nommé porte-parole de l'UWFO. Quatre autres dirigeants de l'UWFO avaient été arrêtés en novembre 2006, et ont été condamnés en décembre 2007 à plusieurs années de prison. Le 15 mai 2007, M. Tran Quoc Hien a à son tour été condamné à une peine de cinq ans d'emprisonnement pour "diffusion de propagande anti-gouvernementale" et "mise en danger de la sécurité nationale".
L'Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l'Homme est un programme conjoint de l'Organisation mondiale contre la torture (OMCT) et de la Fédération internationale des ligues des droits de l'Homme (FIDH).
1 A cet égard, la présidence de l'Union européenne s'est inquiétée "que plusieurs défenseurs pacifiques des droits de l'homme [le père Nguyen Van Ly, et MM. Nguyen Phong, Nguyen Binh Thanh, Nguyen Bac Truyen, Huynh Nguyen Dao, Le Nguyen Sang, Nguyen Van Dai, Le Thi Cong Nhan, Tran Quoc Hien] ont été arrêtés et condamnés à de longues peines de prison pour 'propagande contre la République socialiste du Viêt Nam'" et a demandé "au gouvernement du Viêt Nam [...] qu'il libère tous les militants politiques non violents qui n'ont fait qu'exercer leurs droits à la liberté d'expression et d'association [...]" (Cf. déclaration de la présidence au nom de l'Union européenne, Condamnation de défenseurs des droits de l'homme au Viêt Nam, 15 mai 2007).
De même, dans sa résolution P6_TA(2007)0359, adoptée le 12 juillet 2007, le Parlement européen a exigé "la libération immédiate et inconditionnelle de toutes les personnes détenues au seul motif qu'elles ont usé pacifiquement et légitimement de leurs droits à la liberté d'opinion, à la liberté d'expression, à la liberté de la presse et à la liberté de religion [...]" et demandé "au gouvernement de mettre fin à toutes les formes de répression contre [ces] personnes [...]".
2 Cf. rapport de mission internationale d'enquête de l'Observatoire, Vietnam: Twelve human rights defenders have the floor, avril 2007.
3 Dans un pays où les syndicats ne sont pas autorisés, l'UWFO, qui n'est pas reconnue par le Gouvernement, oeuvre à la protection et à la promotion des droits des travailleurs, dont le droit de constituer un syndicat, ou d'y adhérer, en dehors de toute ingérence gouvernementale. L'organisation demande aussi que la justice soit rendue pour les personnes dont les terres ou les biens ont été illégalement confisqués par des responsables du Gouvernement, et qu'il soit mis fin à l'exploitation de la main-d'oeuvre bon marché et aux conditions de travail dangereuses.