Last Updated: Tuesday, 06 June 2023, 11:08 GMT

Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l'Homme, Rapport annuel 2007 - Égypte

Publisher International Federation for Human Rights
Author Organisation mondiale contre la torture; Fédération internationale des ligues des droits de l'Homme
Publication Date 19 June 2008
Cite as International Federation for Human Rights, Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l'Homme, Rapport annuel 2007 - Égypte, 19 June 2008, available at: https://www.refworld.org/docid/486e0537c.html [accessed 7 June 2023]
DisclaimerThis is not a UNHCR publication. UNHCR is not responsible for, nor does it necessarily endorse, its content. Any views expressed are solely those of the author or publisher and do not necessarily reflect those of UNHCR, the United Nations or its Member States.

Contexte politique

L'année 2007 a été marquée en Égypte par une importante réforme constitutionnelle, qui s'est traduite par l'adoption par référendum, le 26 mars 2007, de 34 amendements qui ont entériné de nouvelles atteintes aux droits individuels et aux libertés. Cette réforme a suscité de vives protestations de la société civile et des partis d'opposition, appelant notamment au boycott du référendum. Le nouvel article 179 de la Constitution est en ce sens particulièrement préoccupant. Tout en donnant des pouvoirs illimités aux forces de sécurité s'agissant de l'arrestation et de la détention de personnes soupçonnées de terrorisme, il les autorise également à surveiller les communications postales et téléphoniques, sans autorisation judiciaire. Cet article reconnaît en outre au chef de l'État le pouvoir de déférer toute personne suspectée de terrorisme devant des juridictions d'exception. Le risque d'abus que représentent ces dispositions est accru par le fait que l'article 86 du Code pénal, qui définit le terrorisme, en donne une définition tellement large que des actes relevant de l'exercice de droits fondamentaux peuvent être qualifiés de terroristes.

Par ailleurs, sous couvert de l'état d'urgence, sans cesse reconduit depuis 1981, les autorités égyptiennes maintiennent un régime répressif. Alors qu'une loi régissant la lutte contre le terrorisme devrait selon toute probabilité se substituer en 2008 à l'état d'urgence, il est à craindre qu'elle continue d'imposer d'importantes restrictions à l'exercice des libertés fondamentales, en particulier la liberté d'expression. Cette loi devrait en outre renforcer la mise sous tutelle du judiciaire, en donnant des pouvoirs étendus aux services de sécurité en matière d'écoutes, de perquisitions et d'arrestations extrajudiciaires. Cette limitation des prérogatives du pouvoir judiciaire apparaît alors que, depuis 2005 – année au cours de laquelle ont eu lieu un référendum, des élections législatives et, pour la première fois, une élection présidentielle "pluraliste" – la lutte pour l'indépendance du système judiciaire a connu en 2007 une mobilisation sans précédent à l'initiative des magistrats et de collectifs d'ONG, dont la Campagne nationale pour la supervision des élections et la Coalition de la société civile pour la supervision des élections.

Les violations des droits des défenseurs des droits de l'Homme restent également nombreuses et répétées. Ceux-ci sont notamment victimes de harcèlements administratifs et judiciaires, rendus possibles par une législation répressive. Les journalistes et blogueurs ont également été l'objet de cette répression. Neuf procès ont ainsi été intentés au cours de l'année contre M. Ibrahim Essa, rédacteur en chef du journal Al-Dustour, notamment après avoir publié un article sur la santé du Président de la République. Le bloggueur M. Kareem Amer a quant à lui été condamné, le 22 février 2007, à quatre ans d'emprisonnement pour "diffamation à l'encontre du Président Moubarak" et "insultes envers l'islam", après avoir dénoncé les dérives autoritaires du régime.

Renforcement du contrôle de l'État des associations indépendantes et détournement de la procédure de fermeture administrative des ONG

L'existence légale des associations est régie par la Loi n° 84 adoptée par le Parlement en 2002, qui complète les dispositions déjà très contraignantes de la Loi n° 153 de 1999. La Loi de 2002 soumet en effet les organisations de défense des droits de l'Homme au contrôle du ministère de la Solidarité sociale et à celui des services de sécurité. Elle prévoit en outre des sanctions pénales à l'encontre des organisations qui ne se conforment pas strictement au processus d'enregistrement. Dans la pratique, cette loi impose des restrictions au droit d'association pourtant garanti par la Constitution et permet aux autorités d'avoir recours à la fermeture d'organisations qui dénoncent les atteintes aux libertés fondamentales, et ce de manière totalement arbitraire, puisque les autorités habilitées à prononcer de telles décisions ne fournissent pas de motifs et ce sont parfois des maires qui les prononcent, ce que la loi ne prévoit pas.

Ainsi, le ministère de la Solidarité sociale a demandé la fermeture de l'Association d'assistance juridique pour les droits de l'Homme (Association for Human Rights and Legal Aid – AHRLA), une ONG spécialisée dans l'assistance juridique et le soutien aux victimes de torture, qui a à de nombreuses reprises dénoncé le recours à la torture dans des commissariats. Officiellement accusée d'infractions financières en septembre 2007, l'association a vu son site Internet fermé et ses ressources matérielles et financières saisies. Les audiences ont été maintes fois reportées et le verdict n'avait pas encore été prononcé fin 2007. Pour pouvoir poursuive ses activités, AHRLA a dû changer de statut et se transformer en cabinet d'avocats, de même que le Centre juridique Hisham Mubarak (Hisham Mubarak Law Center), une ONG au mandat identique qui a été contrainte d'entreprendre les mêmes démarches.

Par ailleurs, le 29 mars 2007, la section de Naj-Hamadi du Centre des services des syndicats et des travailleurs (Centre for Trade Union and Workers Services – CTUWS), dans le gouvernorat de Qena (Haute Égypte), a été fermée par décision administrative du maire de la ville. Il était notamment reproché à cette section d'avoir organisé des manifestations et des grèves dans la région du Delta en décembre 2006 et janvier 2007, accusation niée par le CTUWS. En outre, le 10 avril 2007, le gouverneur d'El-Gharbiya a ordonné la fermeture de la section du CTUWS de Mahalla. Enfin, le 22 avril 2007, la police s'est rendue au siège du CTUWS à Helwan, au Caire, et a ordonné la fermeture de ses bureaux sur la base d'un ordre administratif du ministère des Affaires sociales, qui mentionnait, pour seule explication, un refus du ministère de la Sécurité.

Poursuites pour diffamation et campagne de dénigrement à l'encontre des défenseurs

Sur la base de l'article 303 du Code pénal, des défenseurs ont fait l'objet, cette année encore, de poursuites pour diffamation. Ainsi M. Kamal Abbas, coordinateur général du CTUWS, et son avocat M. Mohamed Helmy ont été condamnés en octobre 2007 à un an de prison pour "outrage" et "diffamation", après avoir dénoncé la gestion corrompue d'un centre de jeunesse par le président du comité directeur.

Par ailleurs, certaines organisations soutenues par les autorités ont entrepris de véritables campagnes de dénigrement à l'encontre d'associations indépendantes visant à entamer leur crédibilité. En avril 2007, la Fédération des syndicats égyptiens (Egyptian Trade Union Federation – ETUF), pro-gouvernementale, a ainsi mené une campagne de diffamation à l'encontre du CTUWS.

Enfin, le régime égyptien a pris des mesures visant à entraver les échanges et la coopération entre les défenseurs égyptiens et leurs collègues de la région. Par exemple, M. Mohamed Abdul Nabi Al Maskati, président de la Société des jeunes du Bahreïn pour les droits de l'Homme (Bahrain Youth Society for Human Rights – BYSHR), a été empêché d'assister à une conférence sur la jeunesse et les droits de l'Homme qui s'est tenue en Égypte en janvier 2007.

L'Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l'Homme est un programme conjoint de l'Organisation mondiale contre la torture (OMCT) et de la Fédération internationale des ligues des droits de l'Homme (FIDH).

Search Refworld

Countries