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Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l'Homme, Rapport annuel 2007 - Pakistan

Publisher International Federation for Human Rights
Author Organisation mondiale contre la torture; Fédération internationale des ligues des droits de l'Homme
Publication Date 19 June 2008
Cite as International Federation for Human Rights, Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l'Homme, Rapport annuel 2007 - Pakistan, 19 June 2008, available at: https://www.refworld.org/docid/486e052da.html [accessed 6 June 2023]
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Contexte politique

L'année 2007 a été le point d'orgue de la détérioration de la situation des droits de l'Homme au Pakistan : systématisation des disparitions forcées ; généralisation des attaques contre la population civile au cours d'opérations militaires, notamment dans le cadre de la lutte contre le terrorisme menée dans la province du nord-ouest ; répression des mouvements revendiquant la reconnaissance de leur identité minoritaire, en particulier au Baloutchistan ; restrictions à la liberté de la presse ; arrestations arbitraires de défenseurs des droits de l'Homme, etc. Par ailleurs, les femmes ainsi que les minorités religieuses (notamment la communauté religieuse ahmadi) ont continué d'être discriminées par la loi. De surcroît, les femmes n'ont cessé d'être victimes de violences en tous genres (crimes d'honneur, viols, violence domestique, mariages forcés).

Le point culminant de cette dégradation a été la proclamation, le 3 novembre 2007, d'un état d'urgence par le Président Musharraf, suivie par une vague d'arrestation visant notamment des journalistes, des avocats, des magistrats et des militants politiques, dans les diverses provinces du pays.1

Dans un nouvel élan visant à renforcer le contrôle de l'armée sur le pays, le 10 novembre 2007, le Général-Président Pervez Musharraf a promulgué une ordonnance amendant la Loi sur l'armée du Pakistan de 1952 et a donné le pouvoir aux tribunaux militaires de juger les civils pour un grand nombre d'infractions prévues notamment par la Loi de prévention des activités anti-nationales de 1974 (Prevention of Anti-national Activities Act) et la Loi anti-terroriste de 1997 (Anti-Terrorism Act). Plus grave encore, ces amendements ont pris effet de manière rétroactive à partir du 1er janvier 2003.

En outre, les autorités pakistanaises ont pris des mesures extrêmement sévères à l'encontre des médias suite à l'instauration de l'état d'urgence : des réglementations très restrictives pour la presse écrite et les médias audiovisuels ont ainsi été adoptées, qui interdisent les reportages sur un certain nombre de questions dites sensibles, telles que les attentats suicides, des procédures judiciaires en cours ou encore des questions "préjudiciables à l'idéologie, la sécurité, la souveraineté ou l'intégrité du Pakistan" ou "portant atteinte au chef de l'État, l'armée ou les institutions" avec comme sanctions l'imposition de lourdes amendes, de peines de prison et de la confiscation de matériel en cas d'infraction.

Enfin, si l'état d'urgence a été levé le 15 décembre 2007, les violations des droits de l'Homme ne s'en sont pas moins poursuivies. Le 27 décembre 2007 a ainsi vu la mort, lors d'un attentat, de l'ex-Premier ministre et opposante Mme Benazir Bhutto, alors qu'elle quittait une réunion publique de son parti. Cet attentat a également coûté la vie à plus de quinze personnes.

Atteintes à l'indépendance des juges et des avocats

En 2007, les juges et les avocats ont été en première ligne de la répression à l'encontre des défenseurs des droits de l'Homme, notamment pour avoir réclamé le respect de l'indépendance de la magistrature, garante des libertés individuelles et des droits fondamentaux.

Cette vague de répression a débuté le 9 mars 2007, lorsque le président de la Cour suprême, M. Iftikhar Mohammad Chaudhry, a été démis de ses fonctions par le Président Musharraf, notamment pour avoir demandé au pouvoir exécutif de déférer des personnes disparues et de produire les éléments à charge les concernant. La suspension arbitraire et contraire à la Constitution du haut magistrat a suscité un large mouvement de protestation mené par les juges, les avocats et la société civile.2 Sous la pression de la rue, le chef de la plus haute juridiction du pays a été restauré dans ses fonctions en juillet 2007. Mais, le 3 novembre 2007, refusant de prêter serment sur l'Ordonnance provisoire constitutionnelle (Provisional Constitutional Order – PCO) décrétée le jour même par le Président Musharraf et modifiant la Constitution, M. Chaudhry a été arrêté et assigné à résidence. Fin 2007, le juge Chaudhry ainsi que sa famille restaient maintenus illégalement en résidence surveillée. Cinquante-neuf autres magistrats ont été démis de leurs fonctions pour avoir également refusé de prêter allégeance au PCO.

Par ailleurs, de nombreux avocats ont été arrêtés après la proclamation de l'état d'urgence, et certains d'entre eux auraient alors été torturés, détenus dans des lieux secrets et privés de contact avec leur famille. Si la majorité d'entre eux a depuis été libérée, M. Aitzaz Ahsan, président du barreau de la Cour suprême, M. Muneer Malik et M. Tariq Mahmood, deux anciens présidents du même barreau, et M. Ali Ahmed, ancien vice-président du Conseil du barreau pakistanais, étaient toujours détenus fin 2007.

Attaques contre les membres de la Commission des droits de l'Homme du Pakistan (HRCP) dans le cadre de l'état d'urgence

Au Pakistan, la Commission des droits de l'Homme au Pakistan (Human Rights Commission of Pakistan – HRCP) constitue l'une des ONG les plus virulentes dans sa dénonciation des violations des droits de l'Homme dans le pays, et c'est la raison pour laquelle elle se retrouve généralement en première ligne de la répression des autorités.

Ainsi, au lendemain de l'instauration de l'état d'urgence, la police a investi le bureau de la HRCP à Lahore et a procédé à l'arrestation de 55 personnes, dont MM. Syed Igbal Haider et I. A. Rehman, respectivement secrétaire général et directeur exécutif de la HRCP. Ces personnes ont été libérées sous caution deux jours plus tard, mais les charges retenues contre elles ont été maintenues.

Le 3 novembre 2007, Mme Asma Jahangir, présidente de la HRCP et Rapporteur spéciale des Nations unies sur la liberté de religion ou de conviction, a par ailleurs été assignée à résidence, alors que Mme Hina Jilani, vice-présidente de la HRCP et Représentante spéciale du Secrétaire général des Nations unies sur la situation des défenseurs des droits de l'Homme, a fait l'objet d'un ordre de détention. Ces ordres ont été levés le 16 novembre 2007, à la suite de l'importante mobilisation internationale en leur faveur.

L'Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l'Homme est un programme conjoint de l'Organisation mondiale contre la torture (OMCT) et de la Fédération internationale des ligues des droits de l'Homme (FIDH).


1 A cet égard, le 5 novembre 2007, la Haut commissaire aux droits de l'Homme, Mme Louise Arbour, s'est dite "alarmée par la suspension des droits fondamentaux et l'instauration d'un état d'urgence au Pakistan", ainsi que par le fait que "des juges, des avocats, des activistes politiques et des défenseurs des droits de l'Homme ont été arrêtés ou placés en résidence surveillée, dont la Rapporteure spéciale des Nations unies sur la liberté de religion et de conviction, Asma Jahangir" (Cf. communiqué des Nations unies, 5 novembre 2007. Traduction non officielle). De même, le 6 novembre 2007, M. Ban Ki-Moon, Secrétaire général des Nations unies, a appelé au "retour de la démocratie au Pakistan et à la libération de tous les dirigeants politiques et avocats détenus, ainsi que [...] Mme Asma Jahangir" (Cf. communiqué des Nations unies, 6 novembre 2007. Traduction non officielle).

Par ailleurs, la présidence de l'Union européenne s'est dite "vivement préoccupée par le fait que, le 3 novembre, l'état d'urgence ait été décrété au Pakistan par le président Musharraf et que la constitution et les libertés fondamentales aient été suspendues", " [...] en particulier des informations faisant état de nombreuses arrestations de dirigeants de partis politiques, de juristes, de journalistes, de défenseurs des droits de l'homme et de représentants de la société civile". L'UE a alors "appel[é] le gouvernement pakistanais à prendre sans attendre des mesures visant [...] à libérer l'ensemble des prisonniers politiques, et notamment les membres de l'ordre judiciaire, ainsi que Mme Asma Jahangir [...]" (Cf. communiqué de presse 14670/1/07 REV 1 (Presse 254), P 97/07, 8 novembre 2007).

Le 8 novembre 2007, Mme Gay J. Mc Dougall, Présidente du Comité de coordination des procédures spéciales, s'est à son tour inquiétée des détentions et des mises en résidence surveillés de juges, d'avocats et de défenseurs des droits de l'Homme, dont Mme Asma Jahangir, le président de la Cour suprême et d'autres membres de la Cour suprême, qui ont été placés en résidence surveillés après avoir refusé de prêter allégeance à l'Ordonnance provisoire constitutionnelle (PCO). La Présidente s'est en outre dite "alarmée par le fait que Mme Hina Jilani, Représentante spéciale du Secrétaire général des Nations unies sur la situation des défenseurs des droits de l'Homme, fasse l'objet d'un ordre de détention" (Traduction non officielle).

2 Le 21 mars 2007, M. Leandro Despouy, Rapporteur spécial sur l'indépendance des juges et des avocats, et Mme Hina Jilani ont exprimé "leur désarroi eu égard aux événements récents au Pakistan" après que, "le 9 mars 2007, le Président Pervez Musharraf eut suspendu le président de la Cour suprême, Iftikhar Chaudhry [...]". Les deux experts ont également exprimé leur "inquiétude suite à l'utilisation de la force excessive à l'encontre des manifestations pacifiques [qui ont eu lieu afin de dénoncer cette attaque à l'encontre de l'indépendance du judiciaire]" (Cf. communiqué de presse des Nations unies HR/07/42, 21 mars 2007. Traduction non officielle).

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