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Rwanda : information sur la législation concernant le divisionnisme et ses répercussions sur les partis politiques, les médias, la société civile et les particuliers (2004-juin 2007)

Publisher Canada: Immigration and Refugee Board of Canada
Author Direction des recherches, Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada, Ottawa
Publication Date 3 August 2007
Citation / Document Symbol RWA102565.EF
Cite as Canada: Immigration and Refugee Board of Canada, Rwanda : information sur la législation concernant le divisionnisme et ses répercussions sur les partis politiques, les médias, la société civile et les particuliers (2004-juin 2007), 3 August 2007, RWA102565.EF, available at: https://www.refworld.org/docid/474eacac1e.html [accessed 1 June 2023]
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La législation concernant le divisionnisme et son interprétation

La Loi nº 47/2001 du 18 décembre 2001 portant répression des crimes de discrimination et pratique du sectarisme prévoit les peines à imposer aux personnes reconnues coupables de divisionnisme, terme piètrement défini, souvent utilisé pour sectarisme et qui signifie :

[version du Journal officiel de la République rwandaise]

toute expression orale, écrite ou tout acte de division, pouvant générer des conflits au sein de la population, ou susciter des querelles fondées sur la discrimination (CRDI s.d.; voir aussi AI août 2004, 11; Rwanda 25 mai 2006, 89).

Amnesty International (AI) souligne qu'on parle alors [traduction] " d'allégation "divisionniste" " (août 2004, 11). L'article 8 de la loi présente les peines prévues pour le divisionnisme :

[version du Journal officiel de la République rwandaise]

Est punie d'une peine d'emprisonnement d'un an à cinq ans et d'une amende de cinq cent mille (500 000) [1 000 USD] à deux millions (2 000 000) [4 000 USD] de francs rwandais ou de l'une de ces peines seulement, toute personne qui, par le biais d'une déclaration, des écrits, images ou des signaux de quelque nature que ce soit, faits à la radio, à la télévision, dans une réunion ou dans un lieu public et qui sont mis à la portée du public, agit dans l'intention de faire la discrimination ou de semer la pratique du sectarisme [divisionnisme] dans la population (CRDI s.d.).

Diverses organisations de surveillance du respect des droits de la personne affirment que la définition juridique du divisionnisme est vague et qu'elle se prête à la manipulation et aux abus (AI août 2004, 11; Freedom House 2006b). AI souligne qu'en 2004, alors que le gouvernement a souvent avancé des allégations de divisionnisme, peu ont donné lieu à des procédures devant les tribunaux (août 2004, 11). Dans une communication écrite en date du 24 mai 2007 envoyée à la Direction des recherches, un conseiller principal, également expert sur le Rwanda, de la Division Afrique de Human Rights Watch (HRW) a fourni l'information suivante :

[traduction]

Le divisionnisme est un concept difficile à saisir pour les étrangers. Même s'il est criminalisé, la définition juridique de " divisionnisme " est excessivement vague. Plusieurs juges, qui ont reconnu coupables des personnes accusées de " divisionnisme " et qui les ont condamnées à des peines d'emprisonnement, n'ont pas été en mesure de fournir une définition de ce crime à nos chercheurs. D'ordinaire, le gouvernement actuel interprète le divisionnisme comme étant toute forme d'opposition à sa politique. À l'occasion, toutefois, au moment des élections de 2003 par exemple, le gouvernement a utilisé ce même terme pour parler du Parti libéral, parti politique étroitement associé aux groupes de survivants, parce qu'il a appelé les survivants à voter pour lui au lieu du FPR [Front patriotique rwandais], au pouvoir (24 mai 2007).

Freedom House explique que des accusations de divisionnisme ont été portées contre des organisations non gouvernementales (ONG), des partis politiques et des particuliers et affirme que de telles allégations sont [traduction] " parmi les tactiques les plus efficaces pour faire taire les critiques au Rwanda " (Freedom House 2006b). En ce qui concerne les allégations qui peuvent être soulevées parallèlement au divisionnisme, ou pour l'accompagner, le conseiller principal de HRW souligne que

[traduction]

Le négationnisme, le révisionnisme et minimiser le génocide, comme le divisionnisme, sont des termes utilisés de façon trop large et vague, sans précision juridique adéquate. D'ordinaire, ces termes ne renvoient pas au fait de nier que le génocide a eu lieu, mais ils réfèrent habituellement à toute remise en question de la position maintenant officielle du gouvernement concernant le génocide (HRW 25 mai 2007).

Un rapport de 2006 du Sénat du Rwanda reconnaît que certaines ONG internationales en particulier considèrent que le divisionnisme est interprété de façon ambiguë et qu'il peut [traduction] " servir à la répression " (Rwanda 25 mai 2006, 89).

Répercussions sur les partis politiques

HRW signale qu'en 2005, des représentants du gouvernement ont continué de faire campagne contre le [traduction] " divisionnisme " et [traduction] " l'idéologie du génocide ", et elle a donné lieu à des arrestations arbitraires (HRW janv. 2006; R.-U. 24 janv. 2007, sect. 3.6.3). HRW souligne que dans certains cas, [traduction] " l'idéologie du génocide " a été assimilée à une opposition ou à une critique du Front patriotique rwandais (FPR), parti au pouvoir (janv. 2006). Le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) souligne dans ses directives de 2004 sur le Rwanda que les partisans des partis politiques ethniques ou considérés comme tels [traduction] " en particulier risquent d'être persécutés " (Nations Unies janv. 2004, 9).

L'Assemblée nationale du Rwanda a autoritairement dissous le Mouvement démocratique républicain (MDR), ancien principal parti d'opposition du Rwanda, après qu'un rapport d'une commission parlementaire, créée en 2002, a déterminé que 46 membres du MDR sont des divisionnistes (AI août 2004, 11; voir aussi Freedom House 2006a). AI signale que ces membres du MDR ont fui le pays, ont disparu ou été détenus et mis en accusation (août 2004, 11). Deux autres partis politiques, le Parti libéral (PL) et le Parti social démocrate (PSD), qui avaient auparavant appuyé la campagne présidentielle victorieuse du président sortant Paul Kagame, ont également été accusés de divisionnisme après avoir présenté leurs propres candidats aux élections parlementaires (AI août 2004, 11, 12).

Répercussions sur les médias

Le Comité pour la protection des journalistes (CPJ), ONG, souligne que [traduction] " les accusations de divisionnisme et "d'idéologie du génocide" ont été utilisées pour intimider les journalistes " (CPJ 2006). Les accusations de divisionnisme, en particulier celles portées contre certains journaux indépendants, ne s'appuieraient [traduction] " sur aucune preuve pertinente " et viseraient à limiter les publications (ibid. 20 avr. 2007).

Reporters sans frontières (RSF) signale qu'en août 2006, les tribunaux ont condamné le rédacteur en chef d'un journal hebdomadaire du Rwanda, Umuseso, à un an de prison et à une amende d'un million de francs rwandais (RWF) [environ 1 950,79 CAD (XE.com 7 juin 2007)] pour [traduction] " insulte publique ", mais ils ont mis de côté les accusations de divisionnisme antérieurement portées contre lui (RSF 3 août 2006).

Répercussions sur la société civile

En 2004, le Parlement du Rwanda a publié un rapport qui accuse cinq organisations de la société civile et un certain nombre de congrégations religieuses d'avoir propagé [traduction] " l'idéologie du génocide " et qui a demandé qu'elles soient interdites (Freedom House 2006a). Par la suite, un certain nombre de ces organisations auraient [traduction] " mis en sourdine " leurs critiques du FPR (ibid.). Fait à souligner, en 2004, une commission parlementaire a porté des accusations de divisionnisme contre la Ligue rwandaise pour la promotion et la défense des droits de l'homme (LIPRODHOR) et a demandé sa dissolution; la LIPRODHOR est décrite comme étant [traduction] " une des toutes dernières ONG indépendantes de défense des droits de la personne en activité au Rwanda " (Observatoire 14 avr. 2005, 24, 86-88; voir aussi Agir AEDH 1er mars 2005). En conséquence, les dirigeants de l'organisation ont fui le pays, et la LIPRODHOR s'est dotée d'un nouveau conseil d'administration favorable au gouvernement, et qui a présenté des excuses publiques pour les [traduction] " erreurs " passées de l'organisation (Observatoire 14 avr. 2005, 24; voir aussi AEDH 1er mars 2005). Ensuite, les autorités ont assigné à résidence les accusés membres de l'organisation qui n'avaient pas fui le pays (Observatoire 14 avr. 2005, 88).

En novembre 2004, le ministre de la Justice a refusé d'accorder un statut juridique à la Communauté des autochtones rwandais (CAURWA) parce qu'elle a défendu la minorité batwa du Rwanda et que de ce fait, elle a encouragé le divisionnisme (ibid., 89; Observatoire 10 févr. 2005). L'Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l'homme (Observatoire) souligne que ces accusations sont probablement des mesures de représailles, car la CAURWA a présenté un contre-rapport à la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples (CADHP) qui a fait en sorte que le ministère de la Justice fasse l'objet d'un examen minutieux (14 avr. 2005, 89). L'Observatoire signale que pendant une séance de la CADHP, un représentant du gouvernement a proféré des menaces contre le directeur de la CAURWA et des membres de sa famille (Observatoire, 14 avr. 2005).

La Ligue des droits de la personne dans la région des Grands Lacs (LDGL), ONG locale, souligne qu'en octobre 2004, le ministère de l'Éducation, de la Science, de la Technologie et de la Recherche scientifique a publié un rapport sur le divisionnisme dans le système scolaire (LDGL 5 oct. 2004). Par la suite, 37 enseignants, un certain nombre de directeurs d'école et 27 élèves ont été suspendus (ibid.) et mis en détention (É.-U. 6 mars 2007, sect. 2.a). Le Département d'État (Department of State) des États-Unis signale qu'à la fin de 2006, tous les enseignants et les élèves détenus avaient été libérés (ibid.).

Particuliers

Le Département d'État des États-Unis signale que les particuliers qui expriment des opinions qui sont [traduction] " inacceptables " aux yeux du gouvernement, en particulier celles qui pourraient être interprétées comme divisant la société, risquent d'être [traduction] " emprisonnés, harcelés ou intimidés [...] par les autorités gouvernementales " (ibid., sect. 2.a). Le conseiller principal de la Division Afrique de HRW ajoute que les opposants, réels ou considérés comme tels, au gouvernement qui sont d'origine hutue sont susceptibles d'être accusés de négationnisme ou d'adhérer à l'idéologie du génocide (HRW 24 mai 2007). Le HCR souligne également que les opposants au gouvernement qui sont d'origine hutue risquent d'être accusés d'être des [traduction] " révisionnistes ", concernant le génocide ou des [traduction] " divisionnistes ", concernant les groupes ethniques du Rwanda (Nations Unies janv. 2004, 11). Le conseiller principal de HRW explique ce qui suit :

[traduction]

Le problème c'est que la personne peut effectivement être coupable. [...] Si une telle personne est accusée après avoir manifesté son opposition au gouvernement, il peut s'agir d'un cas de poursuite judiciaire sélective entreprise pour punir la personne parce qu'elle a une opinion politique divergente ou parce qu'elle a exprimé une telle opinion, plutôt que pour appliquer la loi.

La nature fabriquée des accusations devient évidente seulement plus tard (parfois des mois ou même des années plus tard) lorsque l'accusé est libéré sans procès et que les accusations sont tout simplement abadonnées (HWR 24 mai 2007).

Cette réponse a été préparée par la Direction des recherches à l'aide de renseignements puisés dans les sources qui sont à la disposition du public, et auxquelles la Direction des recherches a pu avoir accès dans les délais prescrits. Cette réponse n'apporte pas, ni ne prétend apporter, de preuves concluantes quant au fondement d'une demande d'asile. Veuillez trouver ci-dessous la liste des autres sources consultées pour la réponse à cette demande d'information.

Références

Agir ensemble pour les droits de l'homme (AEDH). 1er mars 2005. Civil and Political Rights. Written statement submitted by Agir Ensemble pour les droits de l'Homme, a non-governmental organization in special consultative status. (E/CN.4/2005/NGO/325) [Date de consultation : 4 juin 2007]

Amnesty International (AI). Août 2004. Rwanda: The Enduring Legacy of the Genocide and War. [Date de consultation : 4 juin 2007]

Centre de recherches pour le développement international (CRDI). S.d. Lars Waldorf. Censorship and Propaganda in Post-Genocide Rwanda. [Date de consultation : 5 juin 2007]

Comité pour la protection des journalistes (CPJ). 20 avril 2007. " In Rwanda, Publication of a Letter Draws a Prison Term ". [Date de consultation : 24 mai 2007]
_____. 2006. " Rwanda ". Attacks on the Press in 2005. [Date de consultation : 4 juin 2007]

États-Unis (É.-U.). 6 mars 2007. Department of State. " Rwanda ". Country Reports on Human Rights Practices 2006. [Date de consultation : 4 juin 2007]

Fédération internationale des ligues des droits de l'homme (FIDH) et l'Organisation mondiale contre la torture (OMCT). 10 février 2005. Promotion et Protection des Droits de l'Homme. Exposé écrit conjointe présenté par la Fédération Internationale des Ligues des Droits de l'Homme (FIDH) et l'Organisation Mondiale Contre la Torture (OMCT), organisations non gouvernementales avec statut consultatif spécial.(E/CN.4?2005/NGO/167) [Date de consultation : 4 juin 2007]

Freedom House. 2006a. " Rwanda ". Freedom in the World. [Date de consultation : 24 mai 2007]
_____. 2006b. " Country Report - Rwanda ". Countries at the Crossroads 2005. [Date de consultation : 24 mai 2007]

Human Rights Watch (HRW). 25 mai 2007. Communication écrite d'un conseiller principal.
_____. 24 mai 2007. Entretien téléphonique avec un conseiller principal.
_____. Janvier 2007. " Rwanda ". World Report 2006. [Date de consultation : 24 mai 2007]

Ligue des droits de la personne dans la région des Grands Lacs (LDGL). 5 octobre 2004. " Rwanda- Génocide : Suspension des enseignants et élèves accusés d'avoir une idéologie divisionniste et génocidaire ". [Date de consultation : 5 juin 2007]

Nations Unies. Janvier 2004. Haut Commissariat pour les réfugiés (HCR). International Protection Considerations in Respect of Rwandan Asylum-Seekers and Other Categories of Persons of Concern in Continued Need of International Protection. [Date de consultation : 24 mai 2007]

L'Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l'homme. 14 avril 2005. " Africa ". Annual Report. [Date de consultation : 4 juin 2007]

Reporters sans frontières (RSF). 3 août 2006. " High Court Upholds One-Year Suspended Sentence and Heavy Fine for Editor Who Published Political Analysis ". [Date de consultation : 4 juin 2007]

Royaume-Uni (R.-U.). 24 janvier 2007. Home Office. Immigration and Nationality Directorate (IND). " Operational Guidance Note: Rwanda ". [Date de consultation : 4 juin 2007]

Rwanda. 25 mai 2006. Sénat. Genocide Ideology and Strategies for its Eradication. (version électronique obtenue de Human Rights Watch le 25 mai 2007).

XE.com. 7 juin 2007. " Universal Currency Converter ". [Date de consultation : 7 juin 2007]

Autres sources consultées

Sites Internet, y compris : British Broadcasting Corporation (BBC); European Country of Origin Information Networks (ecoi.net); gouvernement du Rwanda; Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme (HCDH); Organisation internationale de la Francophonie; Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) au Rwanda; Reliefweb; Réseaux d'information régionaux intégrés (IRIN); Rwanda - Commission nationale des droits de l'homme; RwandaGateway.org; Rwanda News Agency (RNA).

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