Note sur l'effet extraterritorial de la determination du statut de réfugié en vertu de la Convention de 1951 et du Protocole de 1967 relatifs au statut des réfugiés
Publisher | UN High Commissioner for Refugees (UNHCR) |
Publication Date | 21 August 1978 |
Citation / Document Symbol | EC/SCP/9 |
Related Document(s) | Note sur l'effet extraterritorial de la determination du statut de réfugié en vertu de la Convention de 1951 et du Protocole de 1967 relatifs au statut des réfugiés |
Cite as | UN High Commissioner for Refugees (UNHCR), Note sur l'effet extraterritorial de la determination du statut de réfugié en vertu de la Convention de 1951 et du Protocole de 1967 relatifs au statut des réfugiés, 21 August 1978, EC/SCP/9, available at: https://www.refworld.org/docid/3ae68ccb10.html [accessed 24 May 2023] |
Introduction
1. La nécessité de déterminer le statut de réfugié d'une personne donnée au regard de la Convention de 1951 et du Protocole de 1967 se présente normalement sur le territoire de l'Etat contractant où la personne en cause a demandé et reçu l'asile. Le principe admis est qu'il appartient aux Etats parties à là Convention de 1951, et/ou Protocole de 1967 de prendre les dispositions voulues pour déterminer le statut de réfugié sur leur territoire.
2. Cette reconnaissance du statut de réfugié est suffisante pour permettre à l'intéressé de jouir des divers droits définis dans la Convention de 1951 sur le territoire de l'Etat contractant en cause. Mais la question se pose de savoir si le statut de réfugié ainsi reconnu est valable uniquement dans ledit Etat contractant ou s'il peut également produire des effets sur le territoire d'un autre Etat contractant.
3. A sa vingt-huitième session, le Comité exécutif "a prié le Haut Commissariat de préparer - après avoir dûment pris en considération les vues des Etats parties à la Convention de 1951 et au Protocole de 1967 - une étude détaillée de l'effet extraterritorial de la reconnaissance du statut de réfugié". Cette étude aurait pour objet de "permettre au Comité de se prononcer en connaissance de cause sur la question lors d'une session ultérieure, en tenant compte des vues exprimées par les représentants selon lesquelles il serait généralement souhaitable qu'un Etat contractant accepte la reconnaissance du statut de réfugié pratiquée par d'autres Etats parties à ces instruments" [1].
4. La présente note a été établie pour répondre à la demande ainsi faite par le Comité à sa vingt-huitième session. Elle se fonde sur une analyse des instruments internationaux pertinents qui définissent le statut juridique des réfugiés, ainsi que sur les renseignements dont dispose le Haut Commissariat sur la pratique des Etats concernant l'effet extraterritorial de la détermination du statut de réfugié. Le Haut Commissariat estime que pareille analyse des éléments que l'on possède déjà pourrait utilement servir de base au Sous-Comité plénier sur la protection internationale pour un examen plus approfondi du problème à sa troisième session. Au stade préliminaire actuel, le Haut Commissaire n'a pas pris l'avis des Etats parties à la Convention et/ou au Protocole, étant entendu qu'il le fera lorsque le problème aura été examiné plus avant par le Comité.
Situations dans lesquelles la question de l'effet extraterritorial de la détermination eu statut de réfugié peut se poser
5. Dans la Convention de 1951, la définition du terme "réfugié" comprend deux parties. Outre la définition générale de ce terme (article premier, A. 20), il est dit que les personnes qui ont été considérées comme réfugiées en application de divers instruments internationaux conclus avant la guerre sont également des réfugiés au sens de la Convention de 1951. Si une personne s'est vu reconnaître précédemment la qualité de réfugié par un Etat contractant en vertu d'un desdits instruments d'avant la guerre, la question peut donc se poser de savoir si elle doit aussi être considérée comme réfugiée par les autres Etats parties à la Convention de 1951 et/ou au Protocole de 1967.
6. La Convention de 1951 et le Protocole de 1967 établissent au profit des réfugiés un certain nombre de droits civils, économiques, sociaux et culturels dont ils jouissent, normalement, sur le territoire de l'Etat contractant où ils ont leur résidence habituelle. Un réfugié peut toutefois se trouver dans la nécessité d'invoquer ces droits dans un autre Etat contractant. Il peut en être de même en ce qui concerne ceux des droits définis dans la Convention dont l'exercice n'est pas nécessairement lié au fait que le réfugié "réside régulièrement" sur le territoire d'un Etat contractant, dans le cas par exemple de questions relevant du statut personnel (article 12) ou de la défense d'expulsion et de refoulement sur les frontières de territoires où le réfugié a des raisons de craindre des persécutions (article 33).
7. La Convention de 1951 prévoit aussi expressément la possibilité pour un réfugié d'exercer certains droits dans un Etat contractant autre que celui où il a sa résidence habituelle, par exemple en matière de propriété intellectuelle et industrielle (article 14) et en ce qui concerne le droit d'ester en justice, l'assistance judiciaire et l'exemption de la caution judicatum solvi (article 16).
8. Un réfugié peut se rendre sur le territoire d'un autre Etat contractant à titre purement temporaire, par exemple pour rendre visite à des parents ou à des amis ou pour ses affaires. Son séjour sur le territoire du deuxième Etat contractant peut être à l'origine de situations où il doit être tenu compté de son statut de réfugié et dans lesquelles, par conséquent, peut se poser la question de l'effet extraterritorial de la détermination du statut de réfugié par le premier Etat contractant.
9. Enfin, il arrive qu'un réfugié reconnu comme tel par un Etat contractant et résidant sur le territoire de cet Etat change de résidence et aille s'établir dans un autre Etat contractant avec l'autorisation de ce dernier. En pareil cas, il importe de savoir si son statut de réfugié tel qu'il a été déterminé précédemment est affecté par le changement de résidence.
Analyse des diverses situations dans lesquelles peut se poser la question de l'effet extraterritorial de la détermination du statut de réfugié
10. On examinera à présent en détail les diverses situations, énumérées ci-dessus, dans lesquelles peut se poser la question de l'effet extraterritorial de la détermination du statut de réfugié.
a) Le cas des "réfugiés statutaires"
11. Comme on l'a indiqué ci-dessus, la définition du terme "réfugié" qui figure dans la Convention de 1951, comprend toute personne "qui a été considérée comme réfugiée" en application de divers instruments conclus avant la deuxième guerre mondiale; les personnes visées par cette définition de l'article premier A.1° de la Convention sont connues sous l'appellation de "réfugiés statutaires" [2]. Eu égard à cette définition, si une personne peut fournir la preuve que les autorités d'un Etat quelconque - même d'un Etat non contractant - lui ont précédemment reconnu la qualité de réfugié en vertu d'un de ces anciens instruments internationaux, elle doit être considérée comme réfugiée par tous les Etats parties à la Convention de 1951 et au Protocole de 1967 [3]. Alors que l'effet extraterritorial de la détermination du statut de réfugié en vertu de l'article premier A.2° reste à analyser dans les paragraphes qui suivent, la disposition de l'article premier A.1° établit sans équivoque cet effet extraterritorial dans le cas des "réfugiés statutaires".
b) Exercice sur le territoire d'un autre Etat contractant de droits prévus par la Convention de 1951
12. Comme an l'a déjà fait observer, la Convention de 1951 définit à l'intention des réfugiée un certain nombre de droits dont l'exercice n'est pas nécessairement lié à leur résidence sur le territoire d'un Etat contractant. La Convention prévoit aussi expressément l'exercice de certains droits sur le territoire d'un Etat contractant autre que celui dans lequel le réfugié a sa résidence habituelle.
13. Ainsi, l'article 12 de la Convention dispose que "Le statut personnel de tout réfugié sera régi par la loi du pays de son domicile ou, à défaut de domicile, par la loi du pays de sa résidence". L'article 14 de la Convention, qui a trait à la propriété intellectuelle et industrielle, dispose que "tout réfugié bénéficiera dans le pays où il a sa résidence habituelle de la protection qui est accordée aux nationaux dudit pays". Sur le territoire de l'un quelconque des autres Etats contractants, "il bénéficiera de la protection qui est accordée dans ledit territoire aux nationaux du pays dans lequel il a sa résidence habituelle". De son côté, l'article 16 de la Convention contient les dispositions suivantes :
"1. Tout réfugié aura, sur le territoire des Etats contractants, libre et facile accès devant les tribunaux
2. Dans l'Etat contractant où il a sa résidence habituelle, tout réfugié jouira du même traitement qu'un ressortissant en ce qui concerne l'accès aux tribunaux, y compris l'assistance judiciaire et l'exemption de la caution judicatum solvi."
En ce qui concerne ces questions, tout réfugié jouit "dans des Etats contractants autres que celui où il a sa résidence habituelle[4] 4/, .... du même traitement qu'un national du paye dans lequel il a sa résidence habituelle".
14. Il est raisonnable d'admettre que le réfugié qui veut exercer ces divers droits dans un pays autre que celui où il a sa résidence normale peut le faire en vertu du statut de réfugié qui lui a été reconnu par l'Etat contractant dans lequel il réside normalement.
15. L'exigence préalable d'une nouvelle reconnaissance du statut de réfugié donnerait lieu à plusieurs difficultés techniques qui risqueraient d'entraver sérieusement l'exercice effectif de ces divers droits. Ainsi, lorsqu'un réfugié a - dans un autre Etat contractant - à invoquer un droit découlant de son statut personnel (article 12) à faire valoir un droit en matière le propriété intellectuelle au industrielle (article 14) ou à aller devant les tribunaux et obtenir une exemption de la caution judicatum solvi (article 16), on ne peut guère lui demander de justifier de sa qualité de réfugié en exposant en détail les raisons de fond pour lesquelles il n'est pas en mesure de se prévaloir de la protection de son pays d'origine. Peut-être convient-il d'ajouter que l'exercice de ces droits dans un autre Etat n'exige pas nécessairement la présence personnelle de l'intéressé. Si en revanche on exigeait de celui-ci qu'il prouve quant au fond sa qualité de réfugié, la procédure risquerait de soulever dans certains cas des difficultés considérables s'il ne se présentait pas en personne devant les autorités du second Etat contractant. Aussi, en l'absence de raisons sérieuses de décider du contraire, devrait-il suffire qua l'intéressé fasse la preuve qu'un autre Etat partie à la Convention de 1951 et/ou au Protocole de 1967 lui a reconnu la qualité de réfugié.
16. Ce point de vue est étayé par la pratique de plusieurs Etats ainsi que par les travaux préparatoires de la Convention de 1951. En ce qui concerne le droit d'ester en justice, la Conférence de plénipotentiaires s'est penchée sur la question de la nécessité éventuelle de reconnaître une seconde fois à l'intéressé le statut réfugié. Un amendement a été présenté qui tendait à ajouter après les mots "dans les Etats contractants autres que celui où il a sa résidence habituelle" le membre de phrase suivant : "et s'il est considéré comme réfugié par ces derniers; conformément à la présente Convention'' [5]. Cependant, après une brève discussion, cet amendement a été retiré. La Conférence n'a donc pas jugé nécessaire d'introduire dans le texte une disposition en ce sens et plusieurs représentants ont déclaré qu'il suffirait que le statut de réfugié ait été reconnu par le premier Etat contractant [6].
17. Des considérations analogues à celles dont on vient de faire état dans les paragraphes précédentes valent également pour ce qui est du paragraphe 1 de l'article 33 de la Convention de 1951, dans lequel est énoncé le principe humanitaire fondamental du non-refoulement. Cette disposition est applicable à un réfugié qu'il ait ou non sa résidence habituelle sur le territoire d'un Etat contractant ou même qu'il s'y trouve régulièrement ou non [7]. Cependant, il peut arriver, et en fait, le cas s'est déjà produit, qu'une personne reconnue comme réfugié par un Etat contractant entre sur le territoire d'un autre Etat contractant et y commette un délit qui, s'il s'agissait d'un étranger ordinaire, justifierait le renvoi dans son pays d'origine [8]. En pareil cas, si les autorités du deuxième Etat contractant décident en raison de doutes graves, de réexaminer le statut de l'intéressé, le fait que celui-ci se soit déjà vu reconnaître la qualité de réfugié par un autre Etat contractant sera normalement considéré comme un élément important dont il ne pourra être fait abstraction à la légère.
c) Effet de la délivrance du titre de voyage visé dans la Convention de 1951 : séjours temporaires
18. L'article 28 de la Convention de 1951, ainsi que l'Annexe, contiennent des dispositions détaillées concernant la délivrance de titres de voyage aux réfugiés. Selon le paragraphe 7 de l'Annexe : "Les Etats contractants reconnaîtront la validité des titres délivrés conformément aux dispositions de l'article 28 de cette Convention". Normalement, on peut considérer que la reconnaissance d'un titre de voyage délivré aux termes de la Convention implique également reconnaissance de la détermination préalable du statut de réfugié qui a amené l'autre Etat contractant à délivrer ledit titre de voyage. De même qu'un passeport national constitue un commencement de preuve de la nationalité du détenteur, un titre de voyage délivré conformément aux dispositions de la Convention doit être considéré (et est en fait considéré), en l'absence de preuve contraire, comme attestant le statut de réfugié de son détenteur.
19. L'opinion exprimée dans le paragraphe précédent est confirmée par le libellé de l'article 1er de l'Accord européen relatif à la suppression des visas pour les réfugiés, en date du 20 avril 1959, aux termes duquel les réfugiés sont dispensés de la formalité des visas pour un séjour inférieur ou égal à trois mois (à moins que leur séjour n'ait pour but l'exercice d'une activité lucrative). Cet article [9] fait clairement ressortir qu'aux fins de l'Accord, le détenteur d'un titre de voyage délivré conformément aux dispositions de la Convention de 1951 doit être considéré comme réfugié.
20. Ainsi, lorsqu'un réfugié détenteur d'un titre de voyage délivré aux termes de la Convention se rend dans un autre Etat contractant pour un séjour temporaire, son statut de réfugié devrait normalement être reconnu à toutes fins utiles au cours de ce séjour. Si un réfugié souhaite rester sur le territoire d'un autre Etat contractant au-delà de la durée normalement autorisée pour un séjour temporaire il devra obtenir un permis de séjour. Dans bien des cas, ce permis a la même forme que ceux qui sont délivrés aux étrangers ordinaires. Dans plusieurs Etats cependant, le permis de séjour fait expressément mention du statut de réfugié du bénéficiaire, sur la base du titre de voyage qui lui a été délivré par l'autre Etat contractant aux termes de la Convention.
d) Transfert de responsabilité en matière de délivrance de titres de voyage de réfugié
21. Comme les instruments internationaux antérieurs relatifs aux réfugiés, la Convention de 1951 contient des dispositions concernant le transfert de responsabilité en matière de délivrance de titres de voyage aux réfugiés qui changent de résidence et s'établissent régulièrement sur le territoire d'un autre Etat contractant.
22. A cet égard, il convient de rappeler que la Convention de 1951 ne contient aucune disposition concernant l'admission des réfugiés sur le territoire d'un Etat. Elle ne reconnaît pas non plus au réfugié le droit légal de changer de lieu de résidence pour aller s'établir sur le territoire d'un autre Etat contractant sans l'assentiment de celui-ci. En conséquence, les dispositions de la Convention de 1951 relatives au transfert de responsabilité en matière de délivrance de titres de voyage pour réfugiés ne concernent que les cas dans lesquels un réfugié établit régulièrement sa résidence sur le territoire d'un autre Etat contractant avec le consentement de cet Etat.
23. Parmi les instruments internationaux antérieurs relatifs aux réfugiés, il convient de mentionner en premier lieu "l'Arrangement provisoire" concernant le statut des réfugiés provenant d'Allemagne, signé le juillet 1936 [10], dont l'article 2 disposait
"1. Les gouvernements contractants délivreront aux réfugiés provenant d'Allemagne et séjournant régulièrement sur leur territoire un certificat d'identité conforme au modèle ci-joint (voir annexe) ou tout autre document remplissant le même objet [11].
2. Ce certificat sera délivré aux conditions suivantes a)...
b) ...
c) Le renouvellement ou la prolongation du certificat sera du ressort du gouvernement qui l'aura délivré, jusqu'à ce que son titulaire ait été à même de s'en faire délivrer un nouveau. Si le réfugié s'établit régulièrement dans un autre pays, l'autorité de ce pays sera tenue de lui délivrer un nouveau certificat."
24. De même, l'article 3 de la Convention du 10 février 1938 concernant le statut des réfugiés provenant d'Allemagne[12] 12/ disposait
"1. a) Les Hautes Parties contractantes délivreront aux réfugiés provenant d'Allemagne et séjournant régulièrement sur leurs territoires soumis à la présente convention, un titre de voyage représenté par un certificat conforme au modèle ci-joint (voir annexe), ou tout autre document tenant lieu de passeport.
...
2. Ce titre de voyage sera délivré aux conditions suivantes :
a) ...
b) ...
c) Le renouvellement ou la prolongation du titre de voyage sera du ressort de l'autorité qui l'aura délivré, jusqu'à ce que son titulaire ait été à même de s'en faire délivrer un nouveau. Si le réfugié s'établit régulièrement dans un autre territoire auquel la convention s'applique, l'autorité de ce territoire sera tenue de lui délivrer un nouveau titre de voyage;"
25. On trouve des dispositions analogues dans les articles 8 et 13 de l'Accord concernant la délivrance d'un titre de voyage à des réfugiés relevant de la compétence du Comité intergouvernemental pour les réfugiés, signé à Londres le 15 octobre 1946. [13]
"Le renouvellement ou la prolongation de validité du titre sont du ressort de l'autorité qui l'a délivré, aussi longtemps que le titulaire réside régulièrement sur le territoire de ladite autorité. L'établissement d'un nouveau titre est, dans les mêmes conditions, du ressort de l'autorité qui a délivré l'ancien titre.
(article 8, paragraphe 1)
Dans le cas d'un réfugié changeant de résidence et s'établissant régulièrement dans un territoire auquel le présent Accord s'applique, la délivrance d'un nouveau titre sera désormais du ressort de l'autorité compétente dudit territoire, à laquelle le réfugié aura le droit de présenter sa demande."
(article 13)
26. En admettant ainsi la possibilité pour un réfugié de changer de pays de résidence, les instruments internationaux précités, antérieurs à la Convention de 1951, ne subordonnent en aucun cas la délivrance d'un titre de voyage par le deuxième Etat contractant à une nouvelle détermination de la qualité de réfugié de l'intéressé.
27. On observera également que ces instruments présentent certaines différences en ce qui concerne la nature du titre de voyage à délivrer au réfugié qui établit sa résidence sur le territoire d'un autre Etat contractant. Les deux premiers instruments - Conventions de 1936 et de 1938 - prévoyaient la délivrance d'un certificat mentionnant le statut de réfugié du porteur, mais n'excluaient pas la possibilité de délivrer un autre type de document, alors qu'aux termes de l'Accord de Londres de 1946, seul un titre de voyage conforme au modèle joint en annexe, qui mentionnait le statut de réfugié du détenteur, pouvait être délivré par les Etats contractants aux réfugiés qui "séjournaient régulièrement" sur leur territoire - ou s'y établissaient régulièrement pas la suite.
28. En ce qui concerne les dispositions de la Convention de 1951 relatives au transfert de responsabilité en matière de délivrance de titres de voyage aux réfugiés, le projet de texte initial du paragraphe pertinent de l'Annexe était presque identique à celui de l'Accord de Londres de 1946, à savoir
"Dans le cas d'un réfugié changeant de résidence et s'établissant régulièrement dans le territoire d'un autre Etat contractant, la délivrance d'un nouveau titre sera désormais du ressort de l'autorité compétente dudit territoire, à laquelle le réfugié aura le droit de présenter sa demande." [14]
29. Toutefois, la Conférence de plénipotentiaires qui a adopté la Convention de 1951 a adopté un amendement tendant à préciser plus clairement le type de titre de voyage de réfugié devant être délivré par le deuxième Etat contractant [15]. De ce fait, le paragraphe 11 de l'Annexe le la Convention de 1951 est désormais ainsi conçu
"Dans le cas d'un réfugié changeant de résidence et s'établissant régulièrement dans le territoire d'un autre Etat contractant, la responsabilité à délivrer un nouveau titre incombera désormais, aux termes et aux conditions de l'article 28, [16] à l'autorité compétente dudit territoire, à laquelle le réfugié aura le droit de présenter sa demande."
30. Lorsqu'un réfugié change de résidence et s'établit régulièrement sur le territoire d'un deuxième Etat contractant, celui-ci - selon le paragraphe 11 de l'Annexe - lui délivre un nouveau titre le voyage. La pratique des Etats à cet égard n'est pas uniforme. Dans certains Etats, la délivrance du nouveau titre de voyage a lieu automatiquement. Dans d'autres, elle est subordonnée à une vérification le caractère plus ou moins formel du statut de l'intéressé qui ne fera l'objet d'un réexamen détaillé que s'il y a des raisons sérieuses de douter de sa qualité de réfugié, par exemple, s'il apparaît que l'une des clauses de cessation de l'article 1.C ou l'une des clauses d'exclusion de l'article 1.F peuvent lui être applicables. Dans d'autres Etats encore, il est fréquent que l'on ne délivre pas aux réfugiés un nouveau titre le voyage aux termes de la Convention, mais simplement un passeport pour étrangers. Eu égard aux considérations générales exposées dans les paragraphes qui précèdent, on peut se demander si une telle pratique est bien conforme à l'esprit et à la lettre de la Convention de 1951.
31. Le paragraphe 11 de l'Annexe le la Convention ce 1951 ne précise pas quand et dans quelles circonstances un réfugié est présumé avoir changé de résidence et s'être établi régulièrement sur le territoire d'un autre Etat contractant. Aussi plusieurs accords bilatéraux et multilatéraux ont-ils été conclus pour déterminer le moment où l'on peut présumer qu'un réfugié a changé de lieu de résidence pour s'établir sur le territoire d'un autre Etat contractant et où il y a donc transfert de responsabilités pour ce qui est de la délivrance d'un titre de voyage conformément aux dispositions de la Convention. Ces accords bilatéraux et multilatéraux prévoient que ce transfert a lieu lorsque les conditions requises (en général, une certaine durée ce résidence) sont remplies. Aucun d'eux n'exige une nouvelle détermination du statut de réfugié.
32. Les dispositions de ces accords bilatéraux et multilatéraux de même d'ailleurs que le paragraphe 11 de l'Annexe de la Convention de 1951, partent de l'hypothèse que les personnes visées se rendent dans le territoire d'un autre Etat contractant en tant que réfugiés, faute de quoi ces dispositions perdraient toute signification et deviendraient sans objet. En conséquence, à moins de raisons impérieuses d'adopter une attitude contraire, il serait illogique le remettre en question le statut de réfugiés de personnes qui sont réputées avoir changé de résidence en tant que réfugiés pour s'établir sur le territoire d'un autre Etat contractant conformément à ces mêmes dispositions. Cette qualité de réfugié, qui repose sur une détermination de statut présumée faite de bonne foi par un autre Etat contractant, ne doit donc être remise en cause que dans les cas exceptionnels où il existe des doutes graves et justifiés. Il ne faut pas oublier non plus que l'intéressé, avant s'être admis à s'y établir, a vécu sur le territoire du deuxième Etat contractant en qualité de réfugié, c'est-à-dire en tant que personne précédemment reconnue comme réfugiée et à qui il avait été délivré un titre le voyage conformément aux dispositions de la Convention de 1951. Si l'on considérait qu'il n'est plus réfugié à partir, du moment où il est réputé s'établir régulièrement dans le deuxième Etat contractant conformément au paragraphe 11 de l'Annexe, on le priverait du statut juridique dont il bénéficiait jusqu'alors. Or, un réfugié doit pouvoir voyager et changer de résidence sans avoir à craindre de perdre son statut.
La notion générale de statut international des réfugiés
33. L'effet extraterritorial de la reconnaissance de la qualité de réfugié doit aussi être envisagé dans la perspective de la notion générale le statut international des réfugiés. Après la première guerre mondiale, quand la communauté internationale organisée a commencé à se préoccuper du problème des réfugiés, elle voulait surtout que les réfugiés bénéficient d'un statut juridique reconnu, établi par des instruments internationaux. L'une des principales préoccupations de la communauté internationale à été, lorsqu'elle a défini ce statut, de lui assurer un caractère réaliste qui le rende acceptable pour le plus grand nombre d'Etats possible. Il en, a été de même lorsqu'il s'est agi de définir le terme "réfugié". Au début des discussions qui ont abouti à l'adoption de la Convention de 1951, on a examiné s'il fallait donnée une définition large ou étroite du mot "réfugié". Plusieurs représentants ont exprimé l'opinion, qui a finalement prévalu, qu'une définition restrictive était préférable de manière à pouvoir être acceptée par tous les gouvernements. Cela devait justement permettre d'éviter qu'une personne puisse être Considérée comme réfugiée dans un Etat et non dans un autre [17].
Conclusions
34. L'effet extraterritorial de la détermination du statut de réfugié en vertu de la Convention de 1951 et du Protocole de 1967 doit être examiné à la lumière des dispositions mêmes de ces instruments et de la pratique des Etats, ainsi que du point dé vue de la notion générale l'un statut des réfugiés internationalement reconnu.
35. Les dispositions de la Convention de 1951, considérées à la lumière des travaux préparatoires qui ont conduit à son adoption ainsi que des autres instruments internationaux relatifs aux réfugiés qui l'ont précédée, témoignent du souci fondamental des Etats contractants d'assurer le maintien et la continuité du statut de réfugié une fois celui-ci reconnu. Cette préoccupation est manifeste dans la définition du terme "réfugié" qui figure à l'article premier A.1°, laquelle vise à préserver le statut de réfugié reconnu en application d'instruments internationaux antérieurs relatifs aux réfugiés, quel que soit l'Etat qui l'a initialement reconnu.
36. Plusieurs articles de la Convention permettent à un réfugié résidant dans un Etat contractant d'exercer certains droits - en qualité de réfugié - dans un autre Etat contractant. Il a finalement été décidé de ne pas inclure dans la Convention de disposition subordonnant l'exercice de ces droits à une nouvelle détermination du statut de réfugié par l'autre Etat contractant.
37. L'institution d'un titre de voyage délivré aux termes de la Convention qui fait suite aux titres de voyage pour réfugiés précédemment établis sous l'égide de la Société des Nations et dont le premier a été institué par l'Arrangement au 5 juillet 1922 - souligne que le statut de réfugié est reconnu comme tel sur le plan international. Ce titre de voyage délivré aux termes de la Convention permet au porteur de voyager en qualité de réfugié dans d'autres Etats contractants, y compris les Etats qui n'ont pas déterminé eux-mêmes le statut de réfugié de la personne en question.
38. La Convention de 1951 contient des dispositions prévoyant expressément un transfert de responsabilité pour la délivrance d'un titre de voyage de réfugié dans les cas où le réfugié change de résidence et s'établit régulièrement sur le territoire d'un autre Etat contractant. Ces dispositions, qui sont conformes à celles des instruments internationaux précédents relatifs aux réfugiés, montrent que le statut de réfugié qui a amené la délivrance d'un titre de voyage conformément à la Convention doit en principe être reconnu par l'Etat contractant dans lequel le réfugié va s'établir régulièrement avec le consentement de cet Etat. Cette conclusion est étayée par la pratique que suivent plusieurs Etats, soit unilatéralement, soit sur la base d'accords internationaux en matière de transfert de responsabilité pour la délivrance des titres de voyage de la Convention de 1951. Cependant, comme cette pratique n'est pas universelle, on peut se demander s'il ne serait pas souhaitable de faire un effort l'harmonisation en tenant compte de l'esprit et de la lettre de la Convention le 1951 et du Protocole de 1967.
39. Bien entendu, aucune des conclusions qui précèdent ne porte atteinte en quoi que ce soit au droit des Etats de réexaminer le statut de réfugié d'une personne dans les cas où il existe des raisons sérieuses de penser que ce statut lui a été reconnu a tort, par exemple s'il appert que cette reconnaissance a été obtenue de façon frauduleuse ou que l'intéressé tombe sous le coup d'une des clauses de cessation ou l'exclusion prévues par la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés.
[1] Rapport sur la vingt-huitième session du Comité exécutif du Programme du, Haut Commissaire, document A/32/12/Add.1, paragraphe 53 6) f).
[2] Cette catégorie comprend également les personnes qui étaient considérées comme réfugiées en vertu de la constitution de l'ancienne Organisation internationale pour les réfugiés (OIR).
[3] Sauf bien entendu si, dans l'intervalle, la Convention a cessé de lui être applicable en vertu d'une des dispositions de la section C de l'article premier.
[4] Mots soulignés par nous.
[5] Document A/Conf.2/31.
[6] Document A/Conf.2/SR.8, p. 11-12. Le Président de la Conférence a fait observer que l'amendement proposé était également pertinent en ce qui concernait les articles relatifs au statut personnel et à la propriété intellectuelle industrielle.
[7] Aux termes du paragraphe 1 de l'article 33, "Aucun des Etats contractants n'expulsera pu ne refoulera, de quelque manière que ce soit, un réfugié sur les frontières des territoires où sa vie ou sa liberté serait menacée en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques".
[8] Le présent raisonnement ne vise pas, bien entendu, les délits de caractère assez grave pour permettre le renvoi du réfugié dans son pays d'origine en vertu des exceptions prévues au paragraphe 2 de l'article 33.
[9] "Les réfugiés résidant régulièrement sur le territoire d'une des Parties Contractantes seront dispensés, aux termes du présent Accord et sous condition de réciprocité, de la formalité des visas pour entrer sur le territoire des autres Parties Contractantes et en sortir par toutes les frontières à condition :
a) qu'ils soient titulaires d'un titre de voyage, en cours de validité délivré par les autorités de la Partie Contractante de leur résidence régulière, conformément aux dispositions de la Convention relative au Statut des Réfugiés du 28 juillet 1951, ou de l'Accord concernant la délivrance d'un titre de voyage aux réfugiés du 15 octobre 1946;".
Il découle de ce texte qu'une personne détenant un titre de voyage délivré aux termes de la Convention de 1951 est présumée "réfugié résidant régulièrement sur le territoire d'une des Parties Contractantes" et peut donc prétendre au bénéfice des dispositions de l'Accord.
[10] Société des Nations, Recueil des traités, vol. CLXXI, No 5952.
[11] Dans le modèle, il était spécifié que le certificat d'identité tenait lieu de passeport provisoire. Ce certificat pouvait servir de titre de voyage et des visas pouvaient y être apposés. Il indiquait le statut de réfugié du porteur.
[12] Société des Nations, Recueil des traités, vol. CXCII, No 4461, p. 60.
[13] Nations Unies, Recueil des traités, vol. XI, No 150, P. 85.
[14] Document E/1850, P.31.
[15] A/CONF.2/SR.32, p. 10 à 12; SR.33, p. 5 et 6.
[16] Ces mots ne sont pas soulignés dans le texte de la Convention.
[17] Documents E/AC.32/SR.5, P. 7 et 8, 13 et 14 et SR.6, P. 5.