Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l'Homme, Rapport annuel 2007 - El Salvador
Publisher | International Federation for Human Rights |
Author | Organisation mondiale contre la torture; Fédération internationale des ligues des droits de l'Homme |
Publication Date | 19 June 2008 |
Cite as | International Federation for Human Rights, Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l'Homme, Rapport annuel 2007 - El Salvador, 19 June 2008, available at: https://www.refworld.org/docid/486e05215f.html [accessed 23 May 2023] |
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Contexte politique
Près de seize ans après la signature des accords de paix qui ont mis fin au conflit armé interne qui a ensanglanté le El Salvador entre 1980 et 1991, les disparitions forcées, les détentions arbitraires, les actes de torture et autres violations des droits de l'Homme commises pendant la guerre civile demeurent impunies. Au surplus, l'État salvadorien refuse de ratifier le statut de la Cour pénale internationale. En effet, les enquêtes ont été inexistantes ou inefficaces, et les défenseurs exigeant le respect du droit à la justice, à la vérité et à la réparation des victimes ont fait l'objet de menaces. Le Gouvernement justifie en outre l'absence d'enquête par l'existence de la Loi d'amnistie de 1993 qui, selon les autorités, est inhérente au processus de paix qui a permis la réconciliation au sein de la population du El Salvador.
Par ailleurs, le El Salvador continue de s'illustrer par un niveau de violence particulièrement élevé, qui s'explique notamment par le fort taux d'impunité, la corruption et la présence de groupes de jeunes délinquants, les "maras", dont l'apparition est notamment liée à la pauvreté et aux inégalités qui restent criantes dans ce petit pays d'Amérique centrale. En effet, si cette situation a provoqué une émigration massive qui permet, certes, l'envoi de "remesas" (envois d'argent de la diaspora à leurs familles), elle a également fragilisé le tissu familial. De surcroît, de larges secteurs sociaux restent en marge des améliorations intervenues dans le domaine socio-économique. Enfin, il semblerait que les "escadrons de la mort" fassent leur réapparition.
D'autre part, le 29 octobre 2007, la Cour suprême a déclaré l'inconstitutionnalité de la Convention n° 87 de l'Organisation internationale du travail sur la liberté syndicale, au motif que la liberté syndicale ne pouvait s'étendre aux fonctionnaires.
Criminalisation des activités de défense des droits de l'Homme, notamment au moyen de l'application de la Loi spéciale contre les actes de terrorisme
Dans ce contexte, les mouvements de protestation sociale sont nombreux, mais la réponse de l'État a été celle de la répression au moyen, notamment, de l'application de la Loi spéciale contre les actes de terrorisme à l'encontre des manifestants et des défenseurs des droits économiques, sociaux et culturels.
La Loi spéciale contre les actes de terrorisme, adoptée en septembre 2006, prévoit l'application de peines de prison particulièrement sévères pour, entre autres, les "atteintes à la sécurité de l'État" (article 1), les "atteintes à la sécurité portuaire, maritime, fluviale, lacustre, de l'aviation civile et des aéroports" (articles 17 à 20), et les "attaques contre des fonctionnaires", "pour autant que les actes commis à leur encontre le soient en raison des fonctions ou activités qu'ils exercent" (article 5). En outre, le fait de perturber les services publics, le trafic des principaux axes routiers sur le territoire national ou des édifices gouvernementaux est une circonstance aggravante (art. 34 g). Une qualification aussi large permet l'incrimination de personnes participant à des marches pacifiques, des manifestations ou autres activités considérées comme des actes de dissidence, troubles à l'ordre public et menaces à la sécurité publique.
C'est dans ce contexte qu'en 2007 plusieurs défenseurs des droits de l'Homme engagés, entre autres, dans la lutte contre la privatisation de l'eau menée par les communautés rurales, ainsi que pour l'amélioration des soins de santé, la lutte contre la corruption et la liberté syndicale ont été victimes d'actes de répression de la part des autorités, notamment par le biais de violentes interventions policières menées de manière systématique lors des manifestations. Ainsi, le 2 juillet 2007, des membres de la police nationale civile et de l'Unité de maintien de l'ordre (Unidad de Mantenimiento de Orden – UMO) ont violemment disperséles participants à une grande manifestation organisée à Suchitoto par la société civile du département de Cuscatlán, dans le nord du pays, à l'occasion d'une visite du Président Elías Antonio Saca, afin de protester contre la politique de privatisation des services publics de base, dont l'eau. Plusieurs participants, dont des personnes âgées et des enfants, ont été battus ou blessés par des balles en caoutchouc et d'autres incommodés par des gaz lacrymogènes. Quatorze membres d'organisations de la société civile du El Salvador, dont Mmes Marta Lorena Araujo Martínez, Rosa María Centeno Valle, María Aydee Chicas Sorto et Sandra Isabel Guatemala, membres de l'Association des communautés rurales pour le développement du El Salvador (Asociación de las Comunidades Rurales para el Desarrollo de El Salvador – CRIPDES), ont été arrêtés et accusés d'"actes de terrorisme" et d'"association illicite". Ces 14 personnes ont été mises en liberté conditionnelle à la fin du mois de juillet 2007, et ont toutes été acquittées en février 2008.
D'autre part, le 4 septembre 2007, Mmes Noemi Barrientos de Pérez, Elsa Yanira Paniagua, Miriam Ruth Castro Lemus, Ana Luz Ordóñez Castro, Ana Graciela de Carranza et MM. Nehemias Armando Cantaderio, Jorge Emilio Pérez et Manuel de Jesús Trejo Artero, dirigeants du Syndicat des employés de la santé du El Salvador (Sindicato de Gremio de Trabajadores/as de Enfermería de El Salvador – SIGEESAL), ont été arrêtés après avoir organisé, en août 2007, une manifestation pacifique en marge de grèves organisées dans les hôpitaux du pays, notamment celui de San Vicente, afin de lutter contre la précarisation et la privatisation du système de santé dans le pays ainsi que la corruption au sein du milieu hospitalier. Ces huit personnes ont été libérées le 9 septembre 2007 mais restaient accusées, fin 2007, de "troubles à l'ordre public" avec faits aggravés, l'audience préliminaire ayant été repoussée au 5 février 2008. A cette date, ils ont été condamnés à des mesures les empêchant de quitter le pays et de mener des activités syndicales pendant deux ans.
L'Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l'Homme est un programme conjoint de l'Organisation mondiale contre la torture (OMCT) et de la Fédération internationale des ligues des droits de l'Homme (FIDH).