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Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l'Homme, Rapport annuel 2007 - Éthiopie

Publisher International Federation for Human Rights
Author Organisation mondiale contre la torture; Fédération internationale des ligues des droits de l'Homme
Publication Date 19 June 2008
Cite as International Federation for Human Rights, Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l'Homme, Rapport annuel 2007 - Éthiopie, 19 June 2008, available at: https://www.refworld.org/docid/486e051120.html [accessed 23 May 2023]
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Contexte politique

Malgré la signature d'un accord de paix en 2000 et la mise en place de la Mission des Nations unies en Éthiopie et en Érythrée, le processus de paix est resté en 2007 dans l'impasse du fait des récurrentes contestations du tracé frontalier par les deux pays. En décembre 2006, l'Éthiopie est intervenue militairement en Somalie sous prétexte de soutenir le Gouvernement fédéral de transition contre l'avancée des insurgés de l'Union des tribunaux islamiques qui revendiquaient le retour à la "Grande Somalie". Son armée restait présente dans le pays fin 2007. Ce statut d'allié dans la guerre contre le terrorisme lui a permis d'être relativement peu critiquée pour les violations des droits de l'Homme commises en Somalie et dans la lutte contre les mouvements rebelles éthiopiens, ainsi que pour sa politique de répression à l'égard des défenseurs des droits de l'Homme.

D'autre part, malgré des garanties constitutionnelles pour la liberté de la presse et la liberté de l'information, le Gouvernement éthiopien a maintenu un contrôle strict de l'accès à Internet et à des médias en ligne. Le seul pourvoyeur d'accès est étatique. L'accès à des blogs politiques et à des informations sur les droits de l'Homme sont bloqués mais les informations sont souvent disponibles sur d'autres sites et les auteurs, éthiopiens, des articles postés sur ces sites n'ont pour l'instant pas été sanctionnés.1

Entraves à la liberté d'association

Dans un contexte où, en septembre 2006, le Ministre de la Justice avait fait une diffusion très limitée d'une note officielle sur l'enregistrement des ONG qui prévoyait que les ONG devraient désormais présenter leurs propositions d'activités à un Comité composé de représentants de huit ministères et signer des accords avec des agences gouvernementales pour obtenir ou renouveler leur licence, il semblerait qu'il soit actuellement sur le point de finaliser un projet de loi sur les ONG sans qu'aucune consultation avec les organisations de la société civile n'ait eu lieu.

Condamnations de défenseurs des droits de l'Homme qui avaient contesté la validité des élections de 2005

En 2007, les défenseurs ont continué de subir les conséquences de la vague d'arrestations et de poursuites judiciaires qui a suivi la violente répression par les forces de l'ordre des manifestants contestant la validité du résultat des élections législatives du 15 mai 2005 et la victoire du Front démocratique et révolutionnaire des peuples éthiopiens (Ethiopian People's Revolutionary Democratic Front), le parti au pouvoir. Plusieurs procès sont arrivés à terme cette année, mais le harcèlement à l'encontre de certains défenseurs qui ont refusé de signer une déclaration reconnaissant l'inconstitutionnalité des manifestations s'est poursuivi.

En décembre 2005, plus d'une centaine de personnes, dont MM. Kassahun Kebede, membre de l'Association des enseignants éthiopiens (Ethiopian Teachers' Association – ETA), Daniel Bekele, responsable du programme d'"Action Aid" en Éthiopie, et Netsanet Desmissie, fondateur de l'Organisation pour la justice sociale en Éthiopie (Organisation for Social Justice in Ethiopia – OSJE), avaient en effet été accusées de "conspiration", "incitation à la rébellion armée", "outrage à la Constitution", "haute trahison" ou encore "génocide", pour avoir osé contester la validité des résultats des élections législatives de 2005. L'Observatoire a, à plusieurs reprises, dénoncé les multiples irrégularités de la procédure judiciaire à leur encontre ainsi que les réquisitions du procureur en faveur de l'application de la peine de mort.

En avril 2007, sous surveillance de la communauté internationale, la Haute cour fédérale d'Éthiopie a ordonné l'acquittement et la libération de nombreux accusés, dont M. Kassahun Kebede. Plusieurs rédacteurs-en-chef de journaux et journalistes ont également été acquittés et libérés. Le 20 juillet 2007, le Président a gracié 38 des 43 condamnés, qui ont reconnu par écrit avoir recouru à des méthodes inconstitutionnelles afin de renverser le Gouvernement. MM. Bekele et Desmissie, qui ont refusé de signer cette déclaration, ont fait appel devant la Cour suprême. La libération sous caution leur a toujours été refusée et, le 26 décembre 2007, ils ont finalement été reconnus coupables, au terme d'un procès plusieurs fois reporté, d'avoir provoqué et préparé des atteintes à la Constitution et condamnés à deux ans et demi de prison.

Obstacles à l'encontre des acteurs humanitaires opérant dans les zones de conflit

Le régime éthiopien est confronté au Front national de libération de l'Ogaden (Ogaden National Liberation Front) et au Front de libération Oromo (Oromo Liberation Front) dans le sud, et au Front patriotique du peuple éthiopien (Ethiopian People's Patriotic Front – EPPF) dans le nord. Dans ces régions, les autorités ne tolèrent aucune dénonciation des violations des droits de l'Homme et du droit humanitaire qui font état d'arrestations arbitraires et de disparitions de civils. Ainsi, le Comité international de la Croix rouge (CICR) et Médecins sans frontières (MSF), accusés de soutenir le Front de libération de l'Ogaden, ont été expulsés en août 2007. Plusieurs défenseurs ont également été assimilés à des membres du Front Patriotique du peuple éthiopien et même forcés sous la torture à avouer leur appartenance à ce groupe.

Entraves à la liberté syndicale de l'Association des enseignants éthiopiens (ETA)

En 2007, le Gouvernement a continué de s'ingérer dans les activités de l'ETA et a poursuivi le harcèlement et la répression à l'égard de ses membres. Le litige concernant l'ETA remonte à plus de dix ans et implique la remise en cause légale du droit des enseignants à s'organiser librement, en dehors de toute interférence du Gouvernement. A l'heure actuelle, deux syndicats coexistent, l'ancienne ETA et la nouvelle ETA, créée par le pouvoir. Cette année encore, les réunions de l'ancienne ETA ont été empêchées, son matériel confisqué, et plusieurs de ses membres ont été arrêtés et torturés.

L'une des pratiques des autorités éthiopiennes a notamment consisté à allouer les cotisations syndicales à la nouvelle ETA par le système de prélèvement sur les salaires, malgré les protestations des enseignants. Les enseignants qui ont dénoncé cette pratique ont été pénalisés. En outre, dans son dernier arrêt du 21 juin 2007, la Haute cour fédérale a affirmé que la nouvelle ETA avait un statut juridique qui lui permettait de posséder les avoirs de l'ancienne ETA. A cet égard, en novembre 2007, le Comité de la liberté syndicale de l'OIT a lancé un appel au Gouvernement "pour qu'il respecte pleinement le droit de l'ETA [originelle] à organiser son administration interne sans aucune ingérence des autorités, et pour qu'il réponde de manière complète et détaillée aux nombreuses et graves allégations [...] d'ingérence répétée du Gouvernement, de harcèlement, d'arrestations, de détention et de torture des membres de l'ETA depuis plus d'une décennie".2

Par ailleurs, M. Anteneh Getnet, membre du conseil régional à Addis Abeba de l'ETA, M. Meqcha Mengistu, président de la section de l'ETA à East Gojjam et membre du comité de l'ETA en charge de la mise en oeuvre du programme d'éducation et de sensibilisation au HIV/SIDA, M. Woldie Dana, dirigeant de l'ETA, Mme Wibit Legamo, l'épouse de ce dernier, et M. Berrhanu Aba-Debissa, dirigeant de l'ETA, ont été arrêtés en mai, juin et août 2007 et accusés d'être membres de l'EPPF. Après avoir été détenus à la prison de Kaliti, à Addis Abeba, ils ont été libérés sous caution le 20 décembre 2007. En outre, MM. Getnet et Mengistu auraient été torturés en détention et forcés à signer de faux aveux. Le tribunal a rejeté ces faux aveux mais n'a pas ordonné d'enquête sur les faits de torture.3

Obstacles à l'accès à l'information des défenseurs dans les zones de rébellion

En Éthiopie, le travail des ONG est constamment entravé par un certain nombre de facteurs, en premier lieu desquels la difficulté d'obtenir des informations auprès des autorités. Par exemple, le Gouvernement est très suspicieux à l'égard de toutes les personnes qui cherchent à collecter des informations sur des violations des droits de l'Homme dans les zones de rébellion, ce qui créé un environnement propice à la persistance de l'impunité. Dans la région de l'Oromo, cette tâche est ainsi devenue quasiment impossible. Par exemple, le 23 août 2007, MM. Fekadu Negeri, Tefsa Burayu et Ibsa Wake, membres du comité exécutif de la branche du Conseil des droits de l'Homme éthiopien (Ethiopian Human Rights Council – EHRCO) de la région de Nekmte, ont été arrêtés avant d'être libérés sans charges, illustrant ainsi les pratiques de la police qui consistent à abuser de la détention préventive sous prétexte de la nécessité de temps supplémentaire pour l'investigation. Par ailleurs, M. Abdi Abate, membre d'EHRCO, était toujours détenu fin 2007, après avoir été accusé de faire partie du Front de libération.

L'Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l'Homme est un programme conjoint de l'Organisation mondiale contre la torture (OMCT) et de la Fédération internationale des ligues des droits de l'Homme (FIDH).


1 Cf. "Open Net Initiative", fiche pays sur l'Éthiopie.

2 Cf. 348e rapport du Comité de la liberté syndicale, paragraphe 695, novembre 2007.

3 "Étant donné la gravité des accusations de torture à l'encontre de MM. Getnet et Mengistu au cours de leur détention pour leur faire avouer leur appartenance à une organisation illégale, la longueur de leur détention, la nature vague des charges pesant sur eux, leur libération à plusieurs reprises sans explications quant aux raisons de leur détention pour qu'ils soient ensuite de nouveau arrêtés", le Comité sur la liberté syndicale de l'OIT a prié le Gouvernement "de diligenter dans les plus brefs délais une enquête indépendante, sous la direction d'une personne qui bénéficierait de la confiance de toutes les parties concernées afin de faire toute la lumière sur les circonstances de leurs arrestations et de leurs détentions successives, déterminer les responsabilités s'il apparaissait qu'ils ont fait l'objet de mauvais traitements, et punir les responsables" (Cf. 348e rapport du Comité de la liberté syndicale, paragraphe 695, novembre 2007).

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