Madagascar

Rapport d'analyse de genre et protection : regions Androy et Atsimo Andrefana (octobre 2022)

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INTRODUCTION

CONTEXTE ET STATISTIQUES

Le « Kere » caractérise la crise alimentaire qui sévit dans le Grand Sud de Madagascar et constitue un phénomène récurrent, apparu depuis les années 1930 à Madagascar. Cependant, les trois années consécutives de sécheresse, depuis 2020, ont particulièrement aggravé l’insécurité alimentaire car elle a anéanti les parcelles agricoles et a impacté gravement la disponibilité et l’accès aux moyens de subsistances des populations. En 2021, selon l’analyse IPC1 de l’insécurité alimentaire aigüe, 1,14 millions de personnes sont en situation d’insécurité alimentaire aigue élevée (Phase 3 de l’IPC ou +) et ont besoin d’une assistance humanitaire urgente. Dans les zones d’études de l’analyse, les chiffres sont préoccupants car Ambovombe enregistre un score de consommation alimentaire (SCA) de 64% tandis qu’il est 69% à Ampanihy, ce qui indiquent des prévalences de SCA pauvre relatif à un indicatif de la phase 4 à 5 de l’IPC2. La rencontre de plusieurs facteurs, dont climatiques, économiques, politiques, sociaux sont déterminants de l’insécurité alimentaire qui sévit dans le Sud, couplé par les effets dévastateurs de la crise sanitaire liée à la Covid-19 qui ont entrainé une décapitalisation et ont accentué la vulnérabilité des populations dans le Sud. L’insécurité alimentaire a fortement dégradé la situation nutritionnelle des populations dans le Sud, dont les femmes, les filles et les enfants de moins de 5 ans en sont les plus vulnérables. En effet, le taux d’admission des enfants de 6 à 59 mois dans les centres de récupération nutritionnelle est aujourd’hui sept fois supérieur à la normale3. Les femmes, quant à elles, subissent fortement les impacts liés à l’insécurité alimentaire (privation des ressources et de nourriture, augmentation de la charge de travail, etc.) alors qu’elles constituent la majorité de la main d’œuvre agricole et sont responsables des besoins nutritionnels du ménage. On assiste à une détérioration de la situation de protection qui était déjà bien fragile auparavant et exacerbée par les conséquences négatives de la crise alimentaire et sanitaire liée à la covid-19. Les violences se sont accrues, touchant essentiellement les femmes et les enfants, notamment les filles qui sont fortement exposées aux risques d’abus et exploitations sexuels. L’exploitation sexuelle est en effet rapportée comme un mécanisme négatif d'adaptation utilisé par les familles et les enfants pour faire face à des ressources limitées4. Selon l’enquête MICS 2018, 58% des femmes dans la région Atsimo Andrefana et 55% des femmes dans la région Androy sont mariées avant l’âge de 18 ans5. En effet, malgré l’adoption de la loi contre les VBG en décembre 2019 qui punit les actes tirés des us et coutumes portant atteinte à l’intégrité physique d’un enfant ou d’une femme, notamment le mariage des enfants, l’institutionnalisation des mariages précoces continue de proliférer dans le Sud. Bien que régit par la loi, qui fixe l’âge national du mariage à 18 ans pour les filles et les garçons, le mariage coutumier est plus favorisé dans le Sud alors que le droit coutumier ne fixe pas l’âge légal du mariage, laissant ainsi à une interprétation libre des communautés. Microsoft Word - Rapport Analyse genre et protection_ACF_Vfinal_Validé_021723

Le recours au mariage précoce est un problème lié non seulement aux conséquences néfastes de la crise pour faire face aux manques d’accès financiers mais aussi liées aux normes sociales discriminantes qui maintient la supériorité des hommes.

Les normes sociales traditionnelles basées sur le système patriarcal et gérontocratique sont très présentes à Madagascar, notamment dans le Sud, favorisant la supériorité des hommes dans tous les aspects de la vie. Les lois maintiennent la supériorité des hommes à l’instar de la loi 2007-022 qui institue le mari comme le « chef de famille » et le seul détenteur du livret de famille, dont la femme ne peut obtenir la copie conforme qu’en cas de divorce. Ou encore, malgré la disposition de la loi 68-012 relative aux successions, testaments et donations qui donnent accès aux femmes à la propriété foncière mais permet cependant la possibilité pour les cohéritiers d’accorder aux héritières l’équivalent en argent de leur succession à la place de leur part en biens immobiliers. Ces normes sociales perpétuent et renforcent les rôles traditionnels qui assignent les femmes et les filles à la subordination et les privent de l’accès et le contrôle aux services et ressources (santé, éducation, matériels, économiques, etc.). De plus, les violences liées au genre ou non, font partie du paysage social et sont justifiées, voire renforcées par les normes sociales elles-mêmes (mariage précoce, grossesse précoce, vol de zébu, etc.). La crise liée à l’insécurité alimentaire n’a fait qu’aggraver les violences et les risques de protection, déjà marqués par le déficit des services de protection, alimentant les principales causes des troubles de santé mentale (anxiété, détresse psychologique, manque de concentration, etc.). Même si les statistiques manquent, il est indéniable que l’insécurité alimentaire a un impact sur la santé mentale d’après les entretiens menés auprès des responsables des centres de récupération nutritionnelle. La dépendance de l’aide alimentaire constitue de plus une frustration chez les populations car cela manifeste leur impuissance face à la crise et modifie les structures familiales et les relations au sein de la communauté. Malgré les efforts des acteurs humanitaires dans l’assistance aux personnes vulnérables, les aides sont insuffisantes pour répondre aux besoins des populations : Seulement 37% des besoins ont été couverts en 2021 selon l’IPC 2021).