Les réfugiés burundais cultivent leurs liens avec leurs hôtes congolais grâce à l'agriculture
Après avoir trouvé refuge en République démocratique du Congo, des réfugiés burundais partagent leurs connaissances en matière d'agriculture avec la population locale.
Un air entraînant résonne sur la colline où un groupe de réfugiés burundais et leurs voisins congolais s'adonnent ensemble à l'agriculture à proximité des rives du lac Tanganyika, en République démocratique du Congo (RDC).
Zacharie, 25 ans, est fier de ses terres qu'il cultive dans la localité de Tabac Congo, à une quinzaine de kilomètres de la ville de Kalemie.
« J'ai commencé à m'intéresser à l'agriculture en observant des réfugiés burundais qui cultivaient des tomates, des choux, des oignons et des aubergines », explique ce père de famille congolais. « Il y a quelques années, il y avait très peu de ces légumes sur le marché local. »
Son ami burundais, Pierre, 41 ans, acquiesce. « Quand j'étais en train de travailler dans les champs, Zacharie venait souvent me voir lorsqu’il était en route pour la ville », raconte-t-il. « Il posait beaucoup de questions et semblait intéressé par mon travail. Un jour, je lui ai demandé de se joindre à moi pour récolter des légumes. »
Pierre ajoute que la générosité des membres de la communauté congolaise locale l'a encouragé, lui et de nombreux autres réfugiés burundais, à se reconstruire une vie dans la région de Tabac Congo, où ils ont trouvé refuge après avoir fui les violences post-électorales du Burundi en juin 2015.
« J'essaie de rendre à la communauté qui nous a accueillis ce que j'ai reçu durant toutes ces années. »
Avec sa femme et ses quatre enfants, et aux côtés de milliers d'autres réfugiés, Pierre avait profité de l'obscurité de la nuit pour rejoindre la ville frontalière d'Uvira, dans la province du Sud-Kivu, en RDC, avant de prendre un bateau vers le sud sur le lac Tanganyika, jusqu'à atteindre Kalemie. Dévasté d'avoir dû laisser derrière lui ses biens et son métier d'agriculteur, il n'aurait jamais imaginé à l'époque qu'il parviendrait un jour à reconstruire sa vie.
« Les premiers jours n'ont pas été faciles, mais nous sommes arrivés ici avec d'autres familles qui parlaient le swahili. Cela nous a aidés à trouver de petits emplois et à gagner peu à peu notre vie, à nous trouver un logement », se souvient Pierre. « Les premiers mois, nous vivions avec d'autres familles dans un petit abri. Aujourd'hui, je travaille dur, j'ai ma propre maison et j'essaie de rendre à la communauté qui nous a accueillis ce que j'ai reçu durant toutes ces années. »
Avant de rencontrer Pierre, Zacharie avait également du mal à joindre les deux bouts malgré des petits boulots comme celui de la production d'huile de palme pour la cuisine. Ce qui n'était au départ qu'un simple travail temporaire aux côtés de Pierre est rapidement devenu un emploi à plein temps.
Avec le concours de Pierre, Zacharie a assimilé diverses techniques pour la culture des légumes et loue désormais un petit terrain qu'il exploite, gagnant ainsi un peu d'argent pour pouvoir subvenir aux besoins de sa famille.
« J'ai tout appris à partir de zéro, du labourage du champ à la sélection des bonnes semences et des bons outils pour cultiver », explique Zacharie.
De son côté, Pierre a appris le swahili auprès de Zacharie.
« Nous labourons cette terre à la sueur de notre front », dit-il. « Chaque jour est une lutte, mais nous devons pouvoir nous nourrir tous les jours. »
Il ajoute que la pandémie de Covid-19 et la hausse des coûts ont créé des défis supplémentaires. « Les semences de bonne qualité sont devenues chères, et nous manquons de terres sur lesquelles nous pouvons cultiver avec des outils appropriés. »
Le HCR, l'Agence des Nations Unies pour les réfugiés, et ses partenaires tentent de lever certains de ces obstacles en fournissant aux réfugiés des outils et des semences agricoles et en plaidant auprès des autorités locales pour l'accès aux terres arables.
« Notre opération en RDC est l'une des plus sous-financées au monde et nous essayons de créer des initiatives agricoles durables comme celle-ci pour renforcer l'autonomie des réfugiés », explique Mamadou Cissokho, chef du bureau du HCR à Kalemie. À ce jour, le HCR n'a reçu que 40% des 225,4 millions de dollars nécessaires pour répondre aux besoins des personnes déplacées en RDC.
« Voir Pierre et sa famille accomplir autant de choses dans un pays étranger nous a beaucoup appris. »
Indépendamment des défis, le travail acharné et les compétences des réfugiés sont reconnus et appréciés par beaucoup dans la région.
« Nous apprécions leur sens de la solidarité et leur volonté de transmettre leurs connaissances aux autres », déclare Windo, un chef local dans l'un des villages de Tabac Congo. « Nous achetons des produits frais aux commerçants du marché qui achètent les légumes directement à Pierre et aux autres agriculteurs réfugiés. »
Pierre et les autres agriculteurs réfugiés rêvent d'avoir accès à davantage de terres agricoles et d'outils pour pouvoir cultiver et produire une plus grande variété de légumes destinés à être vendus sur le marché local. En attendant, ils ont déjà partagé leurs connaissances agricoles avec plus de 40 jeunes Congolais comme Zacharie.
« J'emmène souvent mes amis dans les champs, surtout pendant la saison des récoltes, pour les encourager à se lancer dans l'agriculture », explique Zacharie. « Voir Pierre et sa famille accomplir autant de choses dans un pays étranger nous a beaucoup appris. »