Le 12 février 2020, le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC) a signalé une augmentation du nombre de cas de dengue en Guyane française, en Guadeloupe, en Martinique et à Saint-Martin. En janvier 2020, les autorités sanitaires de la région ont déclaré une épidémie de dengue en Guadeloupe et à Saint-Martin, et ont indiqué qu’il existait aussi un risque d’épidémie à la Martinique.
Les épidémies de dengue dans ces territoires surviennent généralement lorsqu’il y a un changement dans le principal sérotype DENV circulant, et que des populations non immunisées (des touristes, de nouveaux immigrants, ou des personnes n’ayant pas été exposées auparavant aux sérotypes circulants, par exemple) sont exposées au nouveau sérotype par le biais des déplacements humains au sein des territoires ou entre pays voisins. La transmission locale se fait par l’intermédiaire du moustique Aedes, vecteur de la maladie présent sur les îles et en Guyane française.
Guyane française
De janvier 2019 au 17 février 2020, un total de 487 cas confirmés de dengue, sans aucun cas sévère ni décès, ont été notifiés (Figure 1). Les communes les plus touchées étaient celles de Kourou, sur la côte, avec 225 cas confirmés, et de Maripasoula, dans la partie sud-est de la Guyane française, avec 55 cas confirmés. À l’exception des années 2017 et 2018, des cas de dengue sont signalés chaque année ; la flambée la plus importante et la plus récente date de 2013 et s’est soldée par 13 240 cas présumés dont six décès.
Les analyses en laboratoire ont identifié les sérotypes DENV-1 et DENV-2 comme étant les principaux sérotypes circulant en 2019 et 2020 (au 17 février 2020). Jusqu’à présent en 2020, le DENV-2 a représenté 63 % des cas.
Guadeloupe
Du 14 octobre 2019 au 16 février 2020, un total de 5840 cas de dengue, sans aucun cas sévère ni décès, ont été signalés. Parmi ceux-ci, plus de 1200 cas ont été confirmés par le test de détection de l’antigène NS1 (protéine non structurale 1) et/ou transcription inverse et amplification génique par réaction de polymérisation en chaîne (RT-PCR). Quarante-trois pour cent (n=2540) du nombre total de cas ont été signalés depuis le début de janvier 2020 (Figure 2).
Du 19 janvier au 16 février 2020, des cas diagnostiqués cliniquement ont été signalés dans 14 des 24 communes disposant d’un médecin généraliste sentinelle (sur un total de 32 communes que compte l’archipel). La plupart des cas ont été signalés dans les communes suivantes : Basse-Terre, Le Gosier, Le Moule, Petit-Canal, Petit-Bourg, Pointe-Noire, et Saint-François et l’île de Marie-Galante (partie orientale et centrale de l’île principale). La flambée la plus importante et la plus récente en Guadeloupe date de 2013 et s’est soldée par 12 706 cas présumés dont huit décès.
Entre 2005 et 2020, les principaux sérotypes circulants ont été les sérotypes DENV-4 (2005), DENV-2 (2006 et 2007) et DENV-1 (2008 et 2010). En 2019, les analyses en laboratoire ont identifié le sérotype DENV-2 comme le sérotype prédominant, qui de fait circule actuellement et a été signalé dans toutes les zones touchées.
Martinique
De juillet 2019 au 16 février 2020, 2470 cas présumés de dengue et 575 cas confirmés par le test de détection de l’antigène NS1 et/ou la RT-PCR, dont deux cas sévères et un décès, ont été signalés (Figure 3). Quarante-sept pour cent des cas présumés (n=1155) ont été signalés depuis le début de janvier 2020. Du 19 janvier au 15 février 2020, des cas confirmés ont été rapportés dans 18 des 34 communes de l’île. Les parties de l’île les plus touchées se situent dans le sud et le centre de la Martinique. Les résultats des analyses en laboratoire indiquent que les sérotypes DENV-2 et DENV-3 sont les sérotypes prédominants actuellement en circulation.
En 2018, la Martinique n’avait signalé aucun cas confirmé. La dernière flambée notifiée en Martinique a eu lieu de 2013 à 2015, avec 7040 cas présumés et aucun décès signalé. La flambée était due au sérotype DENV-1, principal sérotype circulant.
Saint-Martin
Du 12 janvier au 16 février 2020, un total de 530 cas présumés de dengue, dont un cas sévère et un décès, ont été signalés. Les résultats des analyses en laboratoire indiquent que les sérotypes DENV-1 et DENV-3 sont les sérotypes actuellement en circulation, le sérotype DENV-1 étant prédominant.
De 2002 à 2005, le sérotype DENV-3 était le seul sérotype en circulation. Entre 2006 et 2010, les sérotypes prédominants ont été les sérotypes DENV-2 (2006, 2009) et DENV-1 (2007, 2008 et 2010) avec une co-circulation des sérotypes DENV-3 et DENV-4. En 2013 et 2014, DENV-4 était le sérotype prédominant.
Saint-Barthélemy
De décembre 2019 au 15 février 2020, un total de 100 cas présumés de dengue, dont 20 cas confirmés par le test de détection de l’antigène NS1 et/ou la RT-PCR, ont été signalés (Figure 4). Les analyses en laboratoire ont identifié les sérotypes DENV-1 et DENV-2 comme les sérotypes en circulation.
La dernière flambée épidémique à Saint-Barthélemy a eu lieu de 2013 à 2014 avec 970 cas présumés et un décès signalé. La flambée était due au sérotype DENV-4 qui était alors le sérotype prédominant en circulation, le sérotype DENV-2 circulant également. Durant la flambée 2009/2010, le sérotype DENV-1 a été mis en évidence.
Action de la santé publique
Les autorités sanitaires de la Guyane française, la Guadeloupe, la Martinique, Saint-Martin et Saint-Barthélemy appliquent les mesures suivantes :
- Renforcement de la gestion intégrée des vecteurs ;
- Surveillance renforcée des cas ;
- Actualisation des lignes directrices pour la prise en charge clinique ;
- Mobilisation sociale ; et
- Communication sur les risques en situation d’urgence
Évaluation des risques par l’OMS
Le climat des îles des Caraïbes est un climat tropical. Les deux principales saisons sont une saison humide allant de juin à novembre et une saison sèche allant de décembre à mai.
La Guyane française, la Guadeloupe, la Martinique, Saint-Martin et Saint-Barthélemy ont signalé des cas de dengue tout au long de l’année 2019, une augmentation des cas étant toutefois observée en fin d’année.
En Guadeloupe et en Martinique, les cas ont dépassé le seuil saisonnier depuis les mois d’octobre et de novembre 2019, respectivement.
Un changement dans le sérotype DENV prédominant dans ces territoires peut se traduire par des infections secondaires par le virus de la dengue plus sévères et nécessiter des mesures de communication globale sur les risques. Du fait de la présence du vecteur compétent, et ces territoires étant des destinations touristiques prisées, le risque de propagation aux îles voisines et à d’autres pays ne peut être exclu.
Conseils de l’OMS
Compte tenu de l’augmentation du nombre de cas de dengue et de dengue sévère dans plusieurs pays et territoires de la Région des Amériques, surtout en 2019, l’Organisation panaméricaine de la Santé/l’Organisation mondiale de la Santé (OPS/OMS) encourage les États Membres à suivre les principales recommandations concernant la préparation et la riposte aux flambées, la prise en charge des cas, les laboratoires et la gestion intégrée des vecteurs, conformément à l'Alerte épidémiologique OPS/OMS sur la dengue du 21 novembre 2018 et à la Mise à jour épidémiologique de l’OPS/OMS sur la dengue du 11 novembre 2019. .
Il n’existe aucun traitement spécifique de la dengue, mais la détection précoce des cas, l’identification des signes avant-coureurs de dengue sévère et la prise en charge appropriée des cas sont des aspects clés pour éviter les décès dus à cette maladie. La demande tardive de soins médicaux peut souvent conduire à une issue fatale.
En outre, les activités de gestion intégrée des vecteurs devraient être renforcées en vue de supprimer les gîtes larvaires potentiels, de réduire les populations de vecteurs et de limiter autant que possible l’exposition des individus. Il faut notamment mettre en œuvre des stratégies de lutte contre les larves et contre les vecteurs adultes (par la gestion de l’environnement, la réduction à la source et des mesures de lutte chimiques). La lutte antivectorielle doit notamment être menée dans les foyers, les lieux de travail, les écoles, les établissements de soins et les autres lieux de rassemblement des individus, des familles et des communautés pour éviter les contacts entre le vecteur et l’homme.
Les moustiques du genre Aedes (le vecteur concerné) sont plus actifs le jour. Il est par conséquent recommandé de prendre des mesures de protection individuelle – par exemple de porter des vêtements qui protègent au maximum la peau pendant la journée et d’appliquer sur la peau exposée ou les habits des produits répulsifs en respectant strictement les prescriptions d’usage. Les écrans protecteurs aux portes et aux fenêtres ainsi que les moustiquaires (imprégnées ou non d’insecticide) peuvent réduire les contacts avec le vecteur dans les espaces clos la journée aussi bien que la nuit. Il convient de prendre des mesures de réduction à la source avec l’appui de la communauté et d’appliquer des mesures de surveillance des vecteurs et de lutte antivectorielle.
Sur la base des informations actuellement disponibles pour cet évènement, l’OMS déconseille l’application de restrictions générales aux voyages ou au commerce.