Une bibliothécaire discrète et un artiste syrien militant développent une amitié improbable
Un réfugié gay qui a fui les bombes et les persécutions trouve sécurité et soutien en Suède.
MALMÖ, Suède – Alqumit Alhamad est Syrien, musulman et gay. Il est arrivé en Suède un jour de février 2016 où il neigeait. Comme seul bagage, il portait un petit sac à dos avec quelques vêtements de rechange, des fournitures pour le dessin et des CD de Lady Gaga, Björk et Barbara Streisand.
« À chaque contrôle de mon sac, dans toute l’Europe, les agents me regardaient d’un drôle d’œil », explique-t-il. « Mais cela m’est égal. Je ne peux pas vivre sans ma musique ».
L’artiste de 24 ans a fui Raqqah, dans le nord de la Syrie, en 2012 quand les extrémistes ont fait de la ville leur quartier général. Alqumit et sa famille ont d’abord rejoint la ville portuaire de Latakia et il faisait des allers et retours vers Alep pour y terminer sa formation universitaire. Quand des missiles ont atterri sur le campus, il a fui vers la Turquie puis vers l’Europe via la Grèce en novembre 2015.
A son arrivée en Suède, il a d’abord logé dans un camp dédié LGBT à Västerås. Trois mois plus tard, il a rencontré Linnea Tell par le biais d’un ami et d’une organisation dénommée Refugees Welcome qui met en contact des réfugiés et des habitants de la région. Entre eux, le courant est passé tout de suite et Linnea a invité Alqumit à venir vivre avec elle et son fils Vidar de neuf ans, à Skurup, à 38 kilomètres de Malmö.
Alqumit a emménagé chez elle au mois de mai cette année.
« Je ne peux vous dire à quel point ma vie a changé et à quel point je me sens libre », témoigne-t-il. « Chaque jour, je me réveille et je me dis ‘Oh, mon Dieu, je suis en Suède’. C’est magique. Je peux dire ce que je veux, faire ce que je veux. Les gens d’ici, le soutien, la culture, la sécurité, c’est un tout autre monde, surtout pour un gay qui vient du monde arabe. »
« Je ne peux vous dire à quel point ma vie a changé et à quel point je me sens libre »
Alqumit et Linnea ont développé un lien d’amitié improbable. Il a une personnalité flamboyante et elle est discrète. Linnea suit une formation universitaire de master en sciences de l'information et des bibliothèques à l’université de Lund et elle travaille à mi-temps comme bibliothécaire.
Ils passent la plupart des soirées ensemble quand Linnea a terminé de travailler, d’étudier et qu’elle a mis son fils au lit.
« Elle se fait un thé vert et moi je prends mon thé arabe noir et nous discutons. Nous discutons de tout, de nos anciens petits amis, de nos familles, de notre travail », raconte Alqumit. « Elle est comme une sœur aînée pour moi. Quand j’ai un rendez-vous galant, elle note le nom et le numéro de téléphone du gars, au cas où. »
Linnea, 29 ans, confie qu’elle a toujours voulu pouvoir apporter son aide pendant la crise de réfugiés, mais elle n’avait pas le temps de se porter bénévole. Proposer la chambre libre chez elle lui semblait donc être une alternative plus simple.
« Une amie m’a dit qu’elle connaissait quelqu’un qui serait parfait pour moi », dit-elle. « Nous avons discuté par Skype et j’ai su immédiatement que ça marcherait parce que la conversation venait de façon naturelle. »
Alqumit utilise l’art comme mécanisme d’adaptation. Il a commencé à dessiner quand la guerre a débuté et il mettait toujours des papillons dans ses esquisses. « Pour moi, les papillons représentent l’immortalité et la renaissance. »
Maintenant Alqumit parvient à parler ouvertement du traumatisme qu’il a enduré en Syrie. Il raconte comment il a été maltraité quand il était enfant, comment une bombe a tué son voisin et qu’il a vu un corps sans vie pour la première fois, comment certains de ses amis ont été torturés par des militants. De nombreux homosexuels ont été jetés du haut d’immeubles dans ma ville natale, raconte-t-il.
Il prépare actuellement sa prochaine exposition qui aura lieu à Nyköping en mai 2017.
Ce portrait fait partie de la série No Stranger Place, qui a été créée et photographiée par Aubrey Wade en partenariat avec le HCR et qui représente des habitants et des réfugiés qui vivent ensemble en Europe. Un an après la noyade d’Alan Kurdi, un petit réfugié syrien âgé de trois ans, des milliers de gens se sont retrouvés pour bâtir un pont malgré les différences culturelles et les barrières de la langue, animés de compassion, d’espoir et d’humanité – en dépit des obstacles que certains gouvernements européens continuent à dresser. Leur générosité est un exemple pour le reste du monde.
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