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Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l'Homme, Rapport annuel 2007 - Kirghizistan

Publisher International Federation for Human Rights
Author Organisation mondiale contre la torture; Fédération internationale des ligues des droits de l'Homme
Publication Date 19 June 2008
Cite as International Federation for Human Rights, Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l'Homme, Rapport annuel 2007 - Kirghizistan, 19 June 2008, available at: https://www.refworld.org/docid/486e0533c.html [accessed 31 May 2023]
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Contexte politique

Les crises politiques que le Kirghizistan connaît depuis la "Révolution des tulipes" de mai 2005 se sont poursuivies en 2007. Le bras de fer entre le Président Kourmanbek Bakiev et le Parlement s'est notamment traduit par une succession de réformes constitutionnelles.1 Après maints remaniements ministériels, un nouveau Gouvernement dit "d'union nationale" a été formé en avril 2007, mais plusieurs dirigeants d'opposition ont refusé de l'intégrer. Durant le mois d'avril, d'importantes manifestations ont éclaté à Bichkek, afin de contester l'action présidentielle et demander des réformes démocratiques. Elles ont été réprimées par la police et ont donné lieu à une série d'arrestations de défenseurs et d'opposants politiques.

Le 28 juin 2007, le Président a approuvé les changements introduits dans le Code pénal et l'abolition de la peine de mort, promise au lendemain de la "Révolution des tulipes", est entrée en vigueur. Les défenseurs des droits de l'Homme kirghizes se sont réjouis de cette avancée mais ont néanmoins attiré l'attention du Gouvernement sur les mauvaises conditions de détention et la pratique endémique de la torture dans les prisons.

Le 21 octobre 2007, une nouvelle version de la Constitution et du Code électoral ont été adoptées lors d'un référendum dont les résultats ont été contestés par les observateurs internationaux.2 En effet, la modification du Code électoral deux mois avant la date des élections parlementaires avait clairement pour objectif d'affaiblir l'opposition et de limiter sa présence au sein du futur parlement. Parallèlement, un nouveau parti présidentiel Ak Jol a vu le jour et les ressources de l'État dédiées à l'organisation des élections ont été largement utilisées pour faire campagne en sa faveur. De plus, durant la campagne électorale, plusieurs membres des partis politiques d'opposition et certains représentants d'ONG ont déclaré avoir subi des pressions et des intimidations de la part des autorités et ont dénoncé l'accès inégal aux médias.

Le 16 décembre 2007, Ak Jol a obtenu 71 sièges sur 90, le Parti communiste favorable au Président huit sièges et le Parti social démocrate représentant l'opposition modérée 11 sièges. Le parti d'opposition Ata Meken, bien qu'ayant recueilli 8,29 % des suffrages, n'est pas représenté, car il a obtenu moins de 0,5 % des suffrages dans l'agglomération d'Och. Les résultats de l'élection ont été contestés par l'opposition, qui a organisé des manifestations de protestation dans la capitale, lors desquelles plusieurs membres de l'opposition, des défenseurs des droits de l'Homme et des journalistes ont été arrêtés.

Difficulté de dénoncer les actes de tortures, les mauvais traitements et la corruption

Comme en 2006, dénoncer les tortures et la corruption au Kirghizistan est resté en 2007 une activité à haut risque passible de représailles. Les dénonciations de ces pratiques ont ainsi valu aux défenseurs des droits de l'Homme des poursuites judiciaires accompagnées de véritables campagnes de harcèlement par la police au cours des enquêtes, comme cela a été le cas tout au long de l'année pour Mme Valentina Gritsenko, présidente de l'ONG "Spravedlivost" ("Justice") à Djalal-Abad, qui avait dénoncé les tortures pratiquées par la police. Mme Arzykan Momuntaeva, directrice du bureau régional à Talas de la Coalition pour la démocratie et la société civile, et Mme Lira Tantabaeva, membre du Mouvement des femmes et dirigeante de l'ONG "Ayalzat", ont quant à elles été arrêtées le 26 mai 2007 et poursuivies pour "organisation de désordres de masse", "emploi de la force contre un agent de l'État" et "atteinte à la vie d'un agent de l'État", après avoir dénoncé les pratiques illégales des autorités locales et des multinationales chargées de l'extraction de l'or dans la région. Par la suite, les poursuites judiciaires à leur encontre ont été abandonnées.

Les défenseurs subissent également des violences physiques. Par exemple, le 10 août 2007, Mme Aziza Abdirasulova, présidente du Centre de défense des droits de l'Homme "Kylym Shamy", qui a participé au premier procès de policiers inculpés de torture, a été attaquée et frappée à la sortie du tribunal par un groupe de femmes sous l'oeil indifférent des policiers. De même, M. Ramazan Dyryldaev, président du Comité kirghize des droits de l'Homme (Kyrgyz Committee for Human Rights – KCHR), qui avait dénoncé la corruption et accusé les dirigeants de l'État d'être mêlés à cette pratique, a été attaqué à coups de pierres par des inconnus le 6 avril 2007. En octobre 2007, des inconnus ont tenté d'incendier le bureau du KCHR.

Harcèlement des défenseurs des droits politiques et sociaux par les services spéciaux

En 2007, les représentants des services spéciaux ont multiplié les contrôles et les "visites" des ONG qui dénoncent les violations des droits politiques et sociaux. Les défenseurs kirghizes qui participent au mouvement "Pour les réformes", qui lutte pour la démocratisation de la société, ont ainsi attiré "l'intérêt particulier" des services spéciaux, à l'instar de Mme Asia Sasykbaeva, directrice du Centre "Interbilim", et de Mme Cholpon Djakupova, directrice de la clinique juridique "Adilet", toutes deux activistes du mouvement "Pour les réformes".

Obstacles législatifs à la liberté de réunion et représailles à l'encontre des manifestants

Le grand nombre de manifestations de protestation durant l'année 2007 a poussé les autorités à multiplier les obstacles aux rassemblements pacifiques. En novembre 2007, le Conseil municipal de Bichkek a ainsi adopté un règlement restrictif déterminant les trois lieux dans la capitale qui seraient habilités à accueillir les manifestations. Cette décision est contraire à la Constitution et à la décision de la Cour suprême de 2004 stipulant qu'aucune instance ne peut limiter le la liberté de réunion pacifique. La Coalition pour la démocratie et la société civile a contesté cette décision devant le Tribunal interdistrict de Bichkek.

D'autre part, les défenseurs des droits de l'Homme qui ont pour mission d'observer les manifestations sont à leur tour devenus les victimes de violences policières et d'arrestations arbitraires. Ainsi, en juillet 2007, à la veille du sommet de l'Organisation de coopération de Shanghai, la police a dispersé une manifestation pour le respect des droits de la minorité ouïgoure organisée par l'ONG "Démocratie". Le président de l'association, M. Tursun Islam, et son fils ont été arrêtés. De même, durant la manifestation du 18 décembre 2007 contestant les résultats des élections, 18 défenseurs des droits de l'Homme, représentant la plupart des ONG kirghizes, ont été arrêtés par la police et accusés de violer "l'ordre établi par la tenue de manifestations". Deux jours plus tard, lors d'une nouvelle manifestation, M. Maxime Kuleshov, membre de l'ONG des droits de l'Homme "Monde – lumière de la culture", a été arrêté et battu par la police.

L'Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l'Homme est un programme conjoint de l'Organisation mondiale contre la torture (OMCT) et de la Fédération internationale des ligues des droits de l'Homme (FIDH).


1 La Constitution adoptée le 9 novembre 2006 proclamant la République présidentielle et parlementaire a été aussitôt remplacée le 30 décembre 2006 par une nouvelle version renforçant les pouvoirs présidentiels.

2 La mission d'observation de l'OSCE a notamment déclaré que "les élections législatives au Kirghizistan n'ont pas correspondu à bien des critères de l'OSCE" (Cf. déclaration sur les conclusions préliminaires de la mission d'observation de l'OSCE, 17 décembre 2007. Traduction non officielle).

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