Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l'Homme, Rapport annuel 2007 - Mauritanie
Publisher | International Federation for Human Rights |
Author | Organisation mondiale contre la torture; Fédération internationale des ligues des droits de l'Homme |
Publication Date | 19 June 2008 |
Cite as | International Federation for Human Rights, Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l'Homme, Rapport annuel 2007 - Mauritanie, 19 June 2008, available at: https://www.refworld.org/docid/486e051441.html [accessed 24 May 2023] |
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Contexte politique
L'élection du Président Sidi Ould Cheikh Abdallahi le 19 avril 2007, première élection reconnue démocratique depuis l'indépendance de la Mauritanie en 1960, a suscité de nombreuses attentes de la part de la population et de la communauté internationale engagée notamment dans un programme d'appui à la bonne gouvernance et à la société civile, fortement réprimée sous l'ancien régime.
Le nouveau Président s'est effectivement engagé à résorber le "passif humanitaire", conséquence des crises ethniques et raciales qui ont divisé la société mauritanienne dans les années 1980 et 1990. Ainsi, l'adoption de nouvelles lois et des consultations nationales sont actuellement en cours sur la question du droit au retour des négro-mauritaniens déportés au Sénégal et au Mali en avril 1989 ; le droit à la vérité et à la justice pour les familles des victimes d'exécutions sommaires et d'actes de torture commis dans le cadre de la "dénégrification" de l'administration et de l'armée ; l'interdiction et la pénalisation effective de l'esclavage et de toute forme d'exploitation. La place accordée à la société civile dans ces débats est fondamentale pour montrer une réelle volonté politique et conforter la démocratie.
Les participants des journées nationales de concertation et de mobilisation pour le retour des déportés et le règlement du passif humanitaire, qui se sont déroulées les 20, 21 et 22 novembre 2007 sous la direction du ministère de l'Intérieur, ont ainsi recommandé la mise en place d'une structure, qui pourrait prendre la forme d'une commission de vérité et de réconciliation pour défendre le droit des victimes. Appuyant la lutte contre l'impunité – que la loi d'amnistie avait mise à mal – cette instance contribuerait à la consolidation de l'État de droit et permettrait de prévenir des abus comme les cas de torture recensés sous couvert de la lutte anti-terroriste.1
Dans le cadre de l'adoption de la loi criminalisant l'esclavage adoptée le 8 août 2007 par le Parlement,2 les organisations anti-esclavagistes et autres associations ont également demandé au Gouvernement de mettre en place des mesures et structures d'accompagnement pour le versement de réparations et la réinsertion des victimes. Mi-octobre, pour la première fois dans l'histoire du pays, un maître a été mis en prison pour crime d'esclavage sur deux jeunes enfants dans la région d'Assaba. Un précédent qui pourrait ouvrir la voie pour d'autres cas. Cependant un bémol important a été soulevé par les associations : au terme de cette loi, la charge de la preuve revient aux organisations qui travaillent avec les victimes et celles-ci pourront être poursuivies pour dépôt de plainte calomnieux. La possibilité de se porter parties civiles est donc sérieusement limitée pour les victimes et n'est pas encore ouverte aux organisations qui accompagnent ces victimes.
La remise en cause d'une initiative visant à assouplir le cadre légal régissant les ONG
Pour les défenseurs, le défi majeur reste la définition du cadre légal régissant leurs activités. En effet, ce dernier ne correspondant plus aux évolutions démocratiques, il devenait urgent de l'adapter. Début 2007, un texte consensuel a ainsi été validé par les organisations de la société civile,3 visant à abolir le régime d'autorisation préalable qui avait permis une ingérence discrétionnaire de la part des autorités dans les activités des associations et fait évoluer celles-ci dans une insécurité légale. Ce texte proposait la mise en place d'un système déclaratif fondé sur des critères objectifs et la limitation du rôle de l'autorité compétente à la vérification de la conformité de la demande d'enregistrement à la loi. Il proposait aussi de prévoir le contrôle du juge à chaque étape de l'existence d'une ONG (constitution, fonctionnement, dissolution) et de permettre aux ONG de se porter parties civiles dans les domaines de leur compétence, comme dans le cas de la loi criminalisant l'esclavage par exemple.
Depuis, le Gouvernement, par le biais du ministère chargé des relations avec le Parlement et la société civile, a effectué un retour en arrière. En effet, un nouveau texte a été présenté lors d'un atelier de réflexion sur le cadre juridique et la déontologie de la société civile, organisé les 26 et 27 octobre par le ministère avec l'appui du PNUD. Ce texte tend à une véritable tutelle des organisations. Dans un communiqué, 22 participants à l'atelier ont rappelé la démarche participative menée en 2006 et le texte consensuel approuvé. Ils ont demandé le respect des principes déjà adoptés et réclamé une concertation sur l'avant projet de loi avec le Gouvernement avant son adoption et sa transmission au Parlement. Les principaux points soulevés concernent le retour à un régime d'autorisation préalable, la centralisation des enregistrements des associations en un guichet unique, les exigences et modalités de rapport, la possibilité de dissoudre une organisation par la voie administrative (et non plus seulement judiciaire), ainsi que l'impossibilité d'appartenir à plusieurs réseaux. Ces entraves administratives au fonctionnement des associations tendraient à les rendre complètement tributaires du bon vouloir des pouvoirs publics, sans reconnaître leur rôle. La façon de conditionner la participation à cette concertation à une inscription au siège du Fonds d'appui à la professionnalisation des organisations non gouvernementales nationales (FAPONG) a également été ressentie comme une forme d'intrusion dans la gestion interne des associations et une illustration supplémentaire du caractère liberticide de ce texte.
Ce projet de loi qui devait en principe être soumis à la session parlementaire de la fin de l'année était toujours, fin 2007, dans les tiroirs du ministère chargé des relations avec le Parlement et la société civile.
L'Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l'Homme est un programme conjoint de l'Organisation mondiale contre la torture (OMCT) et de la Fédération internationale des ligues des droits de l'Homme (FIDH).
1 Dans "l'affaire des islamistes", plusieurs des 25 présumés terroristes arrêtés en 2005, 2006, 2007 ont été torturés par des agents des forces de l'ordre. Le 5 juin 2007, la Cour criminelle du Tribunal régional de Nouakchott a acquitté 24 des 25 accusés rejetant tout aveu obtenu sous la torture.
2 Les contrevenants encourent désormais une peine de cinq à dix ans de réclusion, assortie d'une amende comprise entre 500 000 et un million d'ouguiyas (1 500 à 3 000 euros).
3 Dans le cadre du programme européen d'appui à la société civile, un atelier national de validation de l'étude participative portant sur le cadre légal régissant les organisations de la société civile et les mécanismes de dialogue État/société civile en Mauritanie s'est tenu à Nouakchott le 17 et 18 janvier 2007.