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Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l'Homme, Rapport annuel 2007 - Venezuela

Publisher International Federation for Human Rights
Author Organisation mondiale contre la torture; Fédération internationale des ligues des droits de l'Homme
Publication Date 19 June 2008
Cite as International Federation for Human Rights, Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l'Homme, Rapport annuel 2007 - Venezuela, 19 June 2008, available at: https://www.refworld.org/docid/486e0526c.html [accessed 9 October 2022]
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Contexte politique

En 2007, le Président Hugo Chávez, au pouvoir depuis 1999, a poursuivi, suite à sa réélection en décembre 2006, ses réformes dans le cadre de sa politique du "socialisme du XXIe siècle". Bien que ces réformes aient été à l'origine d'un recul de la pauvreté, la démocratie reste fragile en raison des tensions politico-sociales existantes. En effet, le Président Chávez a avant tout cherché à renforcer son autorité. Ainsi, dès sa réélection, il a sollicité l'Assemblée nationale afin qu'elle lui accorde le droit de légiférer au travers de la Ley habilitante, qui l'autorise à édicter des décrets qui ont valeur et force de loi. Le 1er février 2007, cette loi est parue dans le bulletin officiel, accordant au Président ce droit pour une période de 18 mois. Cette loi a malgré tout permis quelques avancées, et c'est par ce biais que le Président a présenté son plan de renationalisation de certaines entreprises responsables des télécommunications, de la gestion de l'eau et de l'énergie.

En outre, le Président Chávez a proposé 69 amendements constitutionnels visant, entre autres, à lui conférer la possibilité de décréter un état d'exception de façon illimitée, sans l'aval obligatoire du Tribunal suprême de justice, ainsi qu'à l'autoriser à suspendre certaines garanties constitutionnelles, telles que le droit à un procès équitable ou l'accès à l'information en cas d'état d'urgence. Un amendement proposait également la possibilité pour le Président d'être réélu plusieurs fois. Certains amendements représentaient en revanche des avancées sociales : la limitation du temps de travail à six heures par jour ; la reconnaissance du droit à la citoyenneté et de l'origine multiethnique du Venezuela ; la régulation du financement étatique des campagnes électorales, etc. Ces amendements ont été refusés par 51 % de la population lors d'un référendum national, le 2 décembre 2007.

Par ailleurs, les forces de police corrompues et contrôlées pour certaines par le Gouvernement, et pour d'autres par l'opposition, s'opposent entre elles et sont fréquemment à l'origine d'exactions à l'encontre de la population, dont des exécutions extrajudiciaires, et les conditions de détention dans les prisons continuent d'être extrêmement préoccupantes : ainsi, selon l'Observatoire vénézuélien des prisons (Observatorio Venezolano de Prisiones), 498 détenus sont morts dans des conditions violentes en 2007, et 1 023 ont été blessés,1 notamment en raison de la faiblesse de la sécurité et de la corruption des gardiens, qui permettent aux gangs armés de contrôler les prisons. La surpopulation et la détérioration des infrastructures pénitentiaires sont également à l'origine des violences.

En 2007, un vif débat est intervenu sur la liberté d'expression, à l'occasion du non renouvellement de la licence de diffusion du groupe audiovisuel privé Radio Caracas Televisión (RCTV), l'un des plus anciens et des plus importants du Venezuela, arrivé à échéance le 27 mai 2007. Le Président Chávez a notamment reproché à la RCTV le soutien qu'elle a apporté au coup d'état de 2002. Celle-ci diffuse désormais à travers le câble. A cet égard, la CIDH et le Parlement européen ont exprimé leur inquiétude pour la liberté d'expression.2

Campagnes de diffamation à l'encontre des défenseurs

En 2007, certaines ONG ont été publiquement critiquées et attaquées par des membres et des proches du Gouvernement, notamment en les accusant de "trahir la patrie" pour avoir accepté des fonds de la coopération internationale, et en particulier des États-Unis. Ainsi, le 4 mai 2007, MM. Carlos Correa et Rafael Chavero, coordinateurs de l'association Espace public (Espacio Público), ont été accusés de "traîtres à la patrie" et d'"ordures" dans le journal pro-gouvernemental Papeles de Mandinga, après avoir présenté leur rapport sur la situation de la liberté d'expression en 2006 au Venezuela. On leur a notamment reproché d'être financé par les États-Unis.3

A cet égard, tout en regrettant de n'avoir pas pu réaliser une visite au Venezuela en raison du manque de coopération de l'État, la CIDH a particulièrement déploré "le nombre croissant de menaces et de tentatives de nuire à la vie et à l'intégrité physique des défenseurs des droits de l'Homme", ainsi que "les autres obstacles auxquels ils sont confrontés, tels que les campagnes de discrédit menées par les agents étatiques [...] et les difficultés qu'ils rencontrent pour avoir accès à l'information".4

Actes de représailles à l'encontre des défenseurs dénonçant les exactions des forces de l'ordre

En 2007, les défenseurs qui ont dénoncé les exactions commises par les forces de l'ordre, dont, en premier lieu, les agents de police, ont fait l'objet de divers actes d'intimidation et de harcèlement. Ainsi, le 3 novembre 2007, M. Benjamín García, représentant légal du Comité "Gardiens de la justice" (Comité "Guardianes de la Justicia"), et son fils ont été agressés par un agent de la police municipale de Sucre. Cette agression semble être liée à une plainte déposée contre deux fonctionnaires de la police municipale de Sucre par le Comité "Gardiens de la justice". De même, M. Alcides Rafael Magallanes, coordinateur de la Fondation des droits de l'Homme d'Anzoátegui (Fundación de los Derechos Humanos de Anzoátegui), a été menacé de mort le 27 février 2007 par un policier de Bolívar, après avoir dénoncé des exécutions extrajudiciaires commises par des policiers dans l'État d'Anzoátegui.5

Les défenseurs qui luttent contre la corruption victimes d'actes de harcèlement et d'atteintes à leur intégrité physique

Les défenseurs qui luttent contre la corruption ont eux aussi été victimes d'actes de harcèlement et d'atteintes à leur intégrité physique. Par exemple, le 10 février 2007, M. José Luis Urbano, président de l'Association civile pour la défense du droit à l'éducation (Asociación Civil Pro Defensa del Derecho a la Educación), a été blessé par balle à Barcelona, dans l'État d'Anzoátegui, après avoir critiqué publiquement les irrégularités du système éducatif et la qualité de l'enseignement dispensé aux enfants défavorisés de son État, et dénoncé des allégations de corruption. Peu de temps avant, M. Urbano avait reçu des menaces de mort.6 Quant à M. Miguel Salazar, directeur de l'hebdomadaire politique Las Verdades de Miguel, son procès pour "diffamation aggravée" s'est ouvert le 18 avril 2007 à Caracas, après avoir publié, à la fin de l'année 2003, une chronique mettant en cause des affaires de corruption et de violations des droits de l'homme dans l'État de Guárico (Centre). M. Miguel Salazar encourt une peine allant de deux à quatre ans de prison et une amende pouvant aller jusqu'à 320 000 dollars, selon le Code pénal.7

Obstacles à la liberté de réunion et répression des manifestations

En 2007, les autorités ont continué de réprimer, d'interdire ou de perturber les manifestations populaires, en particulier celles relatives aux protestations contre le non renouvellement de la licence de la chaîne RCTV, aux revendications syndicales et au droit aux services publics. Ainsi, le 27 août 2007, la police a violemment dispersé des habitants qui manifestaient devant le commissariat de Maripa afin de demander la libération de 12 personnes mineures arrêtées, faisant huit blessés par balles de plomb. De même, le 13 mars 2007, une manifestation d'étudiants de l'université Unexpo qui protestaient à Carora pour exiger que la justice ne laisse pas impunie l'assassinat de l'étudiant Gabriel Piña, par des délinquants, a été réprimée par la garde nationale. Le 28 mai 2007, une manifestation d'étudiants, qui protestaient contre le non renouvellement de la licence de la chaîne RCTV à Caracas, a été à son tour violemment réprimée par la police, qui a tiré sur la foule des balles de plomb ainsi que des gaz lacrymogènes. Enfin, le 26 juin 2007, un groupe de travailleurs qui tentaient de prendre pacifiquement les installations de l'entreprise de production de sucre "Pío Tamayo" afin d'exiger de meilleures conditions de travail a été réprimé par la police municipale de Irribarren, faisant six blessés par balles de plomb et gaz lacrymogènes et menant à l'arrestation de 13 personnes.8

L'Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l'Homme est un programme conjoint de l'Organisation mondiale contre la torture (OMCT) et de la Fédération internationale des ligues des droits de l'Homme (FIDH).


1 Cf. Observatoire vénézuélien des prisons, Situación carcelaria en Venezuela, Informe 2007, janvier 2008.

2 Le Parlement européen (Cf. résolution P6_TA(2007)0216 adoptée le 24 mai 2007), la présidence de l'Union européenne (Cf. déclaration du 28 mai 2007) et la Commission interaméricaine des droits de l'Homme (Cf. communiqué n° 29/07, 25 mai 2007), se sont dit inquiets pour la liberté d'expression au Venezuela.

3 Cf. Programme vénézuélien d'éducation-action aux droits de l'Homme (Programa Venezolano de Educación-Acción en Derechos Humanos – PROVEA), Informe annual, octubre 2006 - septiembre 2007, Situación de los Derechos Humanos en Venezuela, décembre 2007.

4 Cf. rapport annuel 2007 de la CIDH, chapitre IV. Traduction non officielle.

5 Cf. PROVEA, bulletin électronique n° 182, 24 février-5 mars 2007.

6 Cf. PROVEA, bulletin électronique n° 181, 19 janvier-18 février 2007.

7 Cf. PROVEA, bulletin électronique n° 184, 1-22 avril 2007.

8 Cf. PROVEA, Informe annual, octubre 2006 - septiembre 2007, Situación de los Derechos Humanos en Venezuela, décembre 2007.

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