Une ville frontalière polonaise accueille des réfugiés d'Ukraine, mais aura elle-même besoin d'aide
« Ces réfugiés ont presque tout perdu. Nous devons les aider. Même si cela suppose que nous apprenions à vivre avec moins », déclare le maire de Medyka, l'un des principaux points de passage par lesquels transitent les réfugiés provenant d'Ukraine.
Maire de la commune de Medyka depuis 2006, Marek Iwasieczko ne dort que quatre heures en moyenne par nuit depuis que les bombes ont commencé à tomber sur l'Ukraine.
Medyka se situe du côté polonais de la frontière avec l’Ukraine, à 85 kilomètres à l'ouest de Lviv, où environ deux millions de personnes attendent anxieusement avant une éventuelle fuite. La ville est le plus grand point de passage pour les réfugiés aux vies brisées qui fuient le conflit en Ukraine.
« Il est clair que nous ne nous attendions pas à cela - il s'agit d'une leçon pour nous », a confié Marek Iwasieczko au HCR, l'agence des Nations Unies pour les réfugiés, lors d'une récente visite d’une salle de sport reconvertie en centre d'accueil d'une capacité de 240 lits.
« La priorité est la vie humaine, il faut s'assurer que personne ne meure de froid ou de toute autre raison. En effet, la semaine dernière, les températures nocturnes sont descendues jusqu'à -12 degrés Celsius. Nous avons eu la chance que personne ne soit mort », a-t-il déclaré. « Nous avons hébergé plus de 700 personnes, qui attendaient les bus de transit pour les garder au chaud. »
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Malgré sa taille modeste, la ville a accueilli une part importante des quelque 1,8 million de réfugiés ukrainiens qui ont jusqu'à présent franchi la frontière polonaise. La plupart d'entre eux ont besoin d'un endroit pour faire une pause, se regrouper et récupérer avant de se rendre dans d'autres villes de Pologne ou au-delà.
Marek Iwasieczko s'est immédiatement mis à l'œuvre, avec les habitants, les ONG, la police et les pompiers, pour transformer le gymnase en centre d'accueil. Les animaux domestiques sont gardés dans un bâtiment voisin. « Nous avons été les premiers à créer un centre d'accueil car nous sommes les plus proches de la frontière et nous avons eu le plus gros afflux les premiers jours », précise-t-il. « Les autorités régionales nous soutiennent. »
Lors de la visite du HCR, le centre ne fonctionnait qu'à environ 20% de sa capacité, sachant que les nouvelles arrivées sont généralement nocturnes. Si le conflit se déplace vers la partie ouest de l'Ukraine, beaucoup d'autres personnes passeront par Medyka. Le HCR a renforcé ses effectifs dans les régions frontalières et les zones urbaines afin d’assurer un suivi des arrivées, fournir des informations aux réfugiés sur les options qui s'offrent à eux, conseiller les bénévoles qui aident les réfugiés et offrir un soutien spécialisé en matière de protection de l'enfance et d'aide juridique.
« Ces réfugiés ont pratiquement tout perdu. »
Le maire se dit conscient du fait que la guerre marquera Medyka d'une empreinte durable. « Ces réfugiés ont pratiquement tout perdu. Nous devons les aider. Même si cela suppose que nous apprenions à vivre avec moins. »
Cette région du sud-est fait traditionnellement partie des régions les moins prospères de Pologne, mais elle a bénéficié de fonds européens au cours de la dernière décennie. Parmi les investissements que cette commune d'environ 6 500 habitants a pu réaliser figurent la construction d'un gymnase - aujourd'hui centre d'accueil des réfugiés -, d'un jardin d'enfants et la réfection des routes.
Mais ces dernières semaines, le maire de Medyka a constaté une dégradation des structures locales, avec des lampadaires cassés et des dégâts sur les routes et les trottoirs. « Nous avons eu trop d'arrivées et les infrastructures de la ville n'ont pas pu faire face », regrette-t-il. « Tout le monde ici s’en accommode. Mais nous aurons besoin de plus de douches, de plus de salles de bains, dans un premier temps pour les réfugiés, puis pour la communauté. Nous aurons besoin de plus de salles de classe ; les besoins vont croître. »
Les maires de villes beaucoup plus grandes, comme Varsovie et Cracovie, ont déclaré qu'ils avaient également du mal à faire face au volume des arrivées et appellent d'autres villes à prendre le relais.
« À ce stade, personne ne pense à ce que cela va coûter, ni aux dons. Il y a des choses à faire dans l’immédiat. Nous espérons un soutien plus important, mais pour l'instant, nous nous concentrons sur les réfugiés. Le reste viendra plus tard », souligne Marek Iwasieczko.
« Pour l'instant, nous nous concentrons sur les réfugiés. »
Dans le centre d’accueil, des bénévoles ont apporté de la nourriture préparée dans les cuisines locales avec le soutien de l'Union européenne et des ONG. Toute la ville a mis la main à la pâte, préparant des repas et accueillant des familles de réfugiés.
À l'intérieur et à l'extérieur du centre, des piles de dons, souvent inutilisables, affluent de partout. Certaines denrées sont périmées et doivent être jetées, ce qui fait perdre un temps précieux. « Bien sûr, nous avons reçu le soutien de nombreuses organisations, mais une partie de ces dons ne constituait rien d’autre qu'un tas d'ordures », se désole le maire. « Nous avons passé énormément de temps à faire le tri et à jeter des choses. C'était absurde. »
« Nous avons besoin d'un bien universel : de l'argent liquide », ajoute-t-il, précisant que cela permettrait d'investir en fonction des besoins, au moment où ils se présentent.
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Le besoin d’argent liquide qu’évoque le maire est repris par Piotr, un volontaire du centre. « Il n'y a pas besoin de plus de vêtements. Les gens viennent ici avec la moitié d'un bus [chargé] et nous ne pouvons pas les prendre, nous sommes en surcharge. La nourriture dans des boîtes de conserve à longue échéance d’expiration est utile et peut être conservée à l'extérieur. Il y a beaucoup de nourriture maintenant mais les stocks s'épuisent en une semaine. Les personnes qui fuient la guerre ont besoin de choses précises : un abri et de quoi se chauffer, de la nourriture, des médicaments, des informations, des transports, internet. »
L'un des responsables du centre précise que le traumatisme devient un problème majeur. « Beaucoup d'enfants qui arrivent se cachent sous des couvertures ou des lits, craignant toujours que les bombes ne tombent », explique-t-il. « Il faut du temps pour qu'ils se sentent en sécurité et recommencent à jouer ; nous avons un espace pour les enfants et des psychologues pour les aider. La plupart des adultes ont besoin de plus de temps pour se confier. Ce soutien sera nécessaire une fois qu'ils seront mieux installés. »
Pour Marek Iwasieczko qui est né à deux pas du centre, prendre sa retraite est loin d’être la priorité du moment. « Nous ne savons pas quand cela se terminera et c'est la partie la plus difficile », confie-t-il. « Mais nous serons là tant qu'on aura besoin de nous et que nous pourrons aider. »