Profil : persévérants
Après avoir connu une vie de réfugiés pendant 45 années, un couple burundais s'est construit une vie au Mozambique.
Camp de réfugiés de Maratane, Mozambique - C’est une matinée chargée pour Generose Mundanikure, réfugiée burundaise de 67 ans, dans sa maison faite de briques de boue au centre du camp de réfugiés de Maratane dans le nord du Mozambique.
À l’extérieur de la maison, deux journaliers locaux égrènent avec diligence le maïs qu’elle a fait pousser dans un petit champ à proximité. Un jeune homme entre dans la propriété pour emprunter quelques outils afin de travailler sur une bicyclette. Une autre personne passe pour demander des conseils concernant un différend avec un voisin. Au milieu des activités de la matinée, Generose et son mari, Thomas Ntahonkiriye, 68 ans, prennent du temps pour tous leurs visiteurs.
En 1972, Generose et Thomas étaient un jeune couple amoureux. Ils s’étaient mariés cinq années plus tôt, après s’être rencontrés quand Thomas a été affecté comme instituteur dans une école primaire du village de Generose au Burundi.
Comme il n’était pas marié, le jeune instituteur était souvent invité chez les villageois pour souper. Il appréciait tout particulièrement ses visites à la famille de Generose, car il pouvait l’y voir.
Souvent, elle le raccompagnait à la barrière après le souper, le seul moment où, dans le respect de leur culture, ils pouvaient être seuls. Après quelques mois, ils étaient mariés.
« Il était très beau et il avait un emploi, alors j’étais très enthousiaste à l’idée de l’épouser », explique Generose.
Cinq ans plus tard, ce jeune couple a été bouleversé lorsqu’il a été forcé de fuir vers le Rwanda quand les Hutus instruits ont été ciblés. En sa qualité d’instituteur, la vie de Thomas était menacée, alors lui et sa femme sont partis avec leurs deux jeunes enfants en 1972. Ils ont réussi à entamer une nouvelle vie au Rwanda et il a continué à enseigner dans l’enseignement primaire.
En 1993, après les élections au Burundi, Generose et Thomas sont rentrés chez eux, comme beaucoup d’autres. Alors qu’ils attendaient dans un centre de transit à Bujumbura, le président a été assassiné et des conflits ethniques ont éclaté dans tout le pays peu après.
Generose et Thomas ont à nouveau fui, cette fois vers Uvira, en République Démocratique du Congo (RDC) emmenant avec eux leurs sept enfants. Lorsque les combats ont repris en RDC, ils ont essayé de revenir au Burundi, mais ne s’y sont jamais sentis à l’aise. Ils ont continué à être persécutés parce qu’ils n’étaient pas considérés comme de véritables Burundais à cause de leurs années d’exil. De plus, ils ont été attaqués chez eux, Thomas a été blessé par un coup de feu et Generose a été poignardée avec un couteau par des membres d’un gang de jeunes connu sous le nom de « Sans Échec ». Ils ont alors décidé de fuir à nouveau et sont arrivés à l’endroit le plus paisible qu’ils ont pu trouver, au Mozambique.
Là, ils ont réussi à se créer une vie à force de travail et de persévérance. Ils cultivent un morceau de terre tout proche où ils font pousser du maïs et des haricots. Et malgré tout, ils ont élevé leurs sept enfants et leurs 17 petits-enfants.
Avec le soutien du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), plusieurs de leurs enfants ont pu faire des études secondaires et obtenir un diplôme universitaire. Leur cadet termine ses études universitaires au Mozambique cette année.
Avec leur petite initiative agricole et d’autres petites activités, ils parviennent à s’assurer un revenu supplémentaire et emploient quelques Mozambicains de la région et des réfugiés du camp.
« Ils sont un excellent exemple de la façon dont certaines familles prennent des initiatives pour subvenir à leurs besoins, mais également offrir un emploi aux réfugiés et aux membres de la communauté locale », explique John Woja, responsable du bureau extérieur du HCR à Nampula.
« Leur entreprise n’est peut-être pas énorme, mais elle contribue à l’économie du camp ».
« Pour nous, cela n’a rien d’extraordinaire », dit Generose. « Nous faisons simplement ce qu’il faut pour joindre les deux bouts ».
« Lorsque nous avons quitté le Burundi en 1972, nous n’avons pas imaginé que nous serions toujours des réfugiés plus de 45 ans plus tard », explique Thomas, « mais ce qui m’a donné de la force c’est de toujours avoir eu ma femme à mes côtés ».
En dépit de leurs nombreux déracinements au cours de leur quelque 50 années de vie commune en tant que mari et femme, la seule chose qu’ils ont réussi à conserver tout au long de leur vie de réfugiés est leur certificat de mariage original.
« Nous le gardons toujours avec nous », dit Generose, « mais la chose la plus importante est que nous avons toujours réussi à rester ensemble ».
« Je vivrai pour toujours avec elle », dit Thomas en souriant à son épouse.