Une spécialiste colombienne en médecine légale assure une sépulture décente aux Vénézuéliens

Bien que des réfugiés et des migrants vénézuéliens n'aient pas les moyens de payer des funérailles dignes pour leurs proches, Sonia Bermudez veille à assurer une dernière demeure à ces personnes démunies.

Sonai Bermudez a dédié sa vie à assurer à tous une sépulture décente.

Sonai Bermudez a dédié sa vie à assurer à tous une sépulture décente.   © HCR / NIcolo Filippo Rosso

Pendant près d'un demi-siècle, Sonia Bermúdez a travaillé dans le domaine de la médecine légale. Mais elle ne pouvait pas supporter que les familles qui pouvaient payer des funérailles étaient traitées différemment de celles qui n’en avaient pas les moyens.

Pendant près d'un demi-siècle, Sonia Bermúdez a travaillé dans le domaine de la médecine légale en tant que thanatologue. Elle ne pouvait pas supporter que les familles qui pouvaient payer des funérailles étaient traitées différemment de celles qui n’en avaient pas les moyens.

Elle a donc entrepris de faire disparaître cette disparité en fondant une ONG dont la mission est de veiller à ce que les personnes démunies et vulnérables bénéficient d’un enterrement digne, indépendamment de leur nationalité ou de la capacité de paiement de leurs êtres chers.

« Les morts demandent la clémence, ils demandent de l'aide. »

Intitulée « Gente Como Uno » ou « Des personnes comme nous tous », cette association caritative a été créée en 1996, quand la Colombie était en proie à un conflit armé sanglant qui durait depuis 50 ans. Elle prend en charge l'ensemble des démarches et du processus funéraires au bénéfice des personnes démunies.

Cette ONG a également acquis un cimetière, et aujourd’hui plus de 300 parcelles sont occupées par des Vénézuéliens - des réfugiés et des migrants, chassés de chez eux par la faim et l'insécurité, et qui ont péri durant leur quête de sécurité.

« Cela me rendait infiniment triste de voir leur état après avoir traversé la frontière », a déclaré Sonia, médecin légiste de formation qui a pris sa retraite après 46 ans au bureau du médecin légiste de Riohacha, une ville située au nord-est de la Colombie à la frontière avec le Venezuela.

Une sépulture décente pour les Vénézuéliens en Colombie (Jorge Berdugo Siosi, images ; Angela Maria Mendez Trivino, productrice ; Biel Calderon, éditeur)

Environ 1,7 million de réfugiés et de migrants vénézuéliens auraient déjà trouvé refuge en Colombie ces dernières années. Des milliers d'autres ont entrepris un voyage risqué à travers le pays, souvent à pied, en direction de l'Équateur, du Pérou et même du Chili. Tous ne parviennent pas à destination.

Bien que le nombre de Vénézuéliens qui ont fui leur pays et péri à l'étranger demeure inconnu, les accidents de personnes heurtées par des véhicules alors qu'elles marchent péniblement sur les accotements des autoroutes, ou qui succombent à des maladies ou à l'épuisement en cours de route, sont tragiquement fréquents à travers toute la région.

Quand Sonia est venue en aide à une toute première famille, l'enterrement de leur être cher au cimetière de l'association caritative « leur a apporté paix et tranquillité », a déclaré Sonia.

Lorsque des décès surviennent aujourd’hui au sein de la communauté vénézuélienne de Riohacha, une ville frontalière qui compte près de 200 000 habitants, les familles, les amis ou même les compagnons de voyage occasionnels des défunts savent qu'ils peuvent s'adresser à Sonia.

« Imaginez le traumatisme d'une famille qui ne peut pas enterrer un proche. »

Certains décès l’ont profondément marquée, notamment ceux d'une mère vénézuélienne et de son fils adulte. Soumise à un stress effroyable, la mère est morte d'une crise cardiaque et son fils, le cœur brisé, s'est suicidé peu après. Ils sont tous les deux enterrés dans le cimetière de Sonia.

« Je ne les oublierai jamais », a déclaré Sonia, ajoutant que « leur histoire m'a profondément marquée. »

L’association caritative « Gente Como Uno » ou « Des personnes comme nous tous » a été lancée il y a 25 ans après que les autorités de Riohacha aient informé Sonia qu'il n'y avait plus de place pour enterrer plusieurs personnes inconnues, en fait des restes non identifiés qui n'avaient jamais été réclamés.

Sonia ne l'a pas supporté. Elle a harcelé les autorités municipales jusqu'à ce qu'elle obtienne un terrain de 5,5 hectares à la périphérie de la ville pour mettre en place son projet.

« Les morts demandent la clémence, ils demandent de l'aide », explique Sonia, dont l'empathie pour les défunts est forte au point qu'elle parle de « mes morts » en qualifiant ceux qu'elle aide à enterrer.

Le travail de l‘association caritative est également épuisant, tant sur le plan émotionnel que financier, explique Sonia. Bien qu'elle ait reçu des fonds de la part d'organisations comme le HCR, l'Agence des Nations Unies pour les réfugiés, les coûts de fonctionnement de l’ONG dépassent souvent son petit budget, ce qui signifie que Sonia doit parfois payer elle-même l’enterrement de personnes dans le besoin.

Pourtant, Sonia reste attachée envers et contre tout à sa mission, qui consiste à assurer que les personnes démunies et vulnérables bénéficient d’une sépulture décente, et ce indépendamment de leur nationalité ou de leur statut juridique.

« Imaginez le traumatisme d'une famille qui ne peut pas obtenir de l'aide pour enterrer dignement un être cher », dit-elle, ajoutant que ce type de traumatisme peut souvent déclencher ensuite des problèmes sociaux. « Je considère mon travail pour aider les plus vulnérables comme ma plus importante contribution pour construire la paix. »