Les Irakiens de retour chez eux font face à des conditions désastreuses suite à la fermeture des camps

Alors que 250 000 Irakiens vivent toujours dans des camps après avoir fui Daech, la fermeture soudaine de 14 sites à la fin 2020 a contraint beaucoup d'entre eux à retourner dans des maisons détruites et des villages dépourvus de services essentiels.

Une fillette fait chauffer de l'eau dans le village de Tabouqa près de Mossoul, où des dizaines de familles vivent avec peu de services essentiels après la fermeture des camps à la fin 2020.
© HCR/Firas Al-Khateeb

Lorsque Dahi, un agriculteur de 68 ans, est rentré dans son village après avoir passé plus de trois ans au sud de Mossoul dans un camp pour les Irakiens qui avaient fui les militants de Daech, son retour chez lui était loin d'être l'événement joyeux qu'il avait longtemps imaginé.


A la fin 2020, les autorités ont annoncé la fermeture du camp de Salamiyah, donnant à la famille de Dahi et à d'autres personnes quelques jours seulement pour rassembler leurs affaires et retourner au village de Risala, au nord-ouest de l'Irak près de la frontière avec la Syrie. A leur arrivée, ils ont constaté que la plupart de leurs maisons et des infrastructures étaient détruites, y compris la petite école locale.

« Nous l'avons trouvée en ruines. Elle était laissée à l'abandon depuis trois ou quatre ans », a déclaré Dahi. « Ici les maisons sont en terre et, si vous laissez une maison en terre sans entretien pendant quelques temps, elle s'effondre. Nous avons vu plusieurs maisons effondrées. »

« Nous avons besoin d'aide. »

Le défi immédiat auquel sont confrontés les villageois était de subvenir à leurs besoins, car ils sont dans l'incapacité de cultiver en raison du manque de matériel et d'équipement agricoles, et sans emploi ni sources alternatives de revenus. Même l'approvisionnement en eau était un défi majeur, car il fallait compter sur des livraisons coûteuses par camion, souvent impossibles lorsque l'unique chemin de terre menant au village se transformait en bourbier après les tempêtes hivernales.

La précarité de leur situation s'est révélée tragiquement, lorsque la fillette âgée de trois mois d'un voisin voisin a eu de la fièvre, et que leurs tentatives pour rejoindre la ville la plus proche disposant d’un hôpital à 12 kilomètres ont échoué, après que leur véhicule embourbé a été bloqué sur la route marécageuse.

« Mon voisin Abdulhadi… sa petite fille est tombée malade et, parce qu'il n'a pas pu arriver à temps à l’hôpital à cause de l’état de la route, elle est morte », a expliqué Dahi.

Plus de 6 millions d'Irakiens ont été contraints de fuir leurs foyers lorsque les militants de Daech avaient pris le contrôle de larges pans de territoire en 2014. Quelque 4,8 millions de personnes sont depuis rentrées chez elles, mais plus de 1,2 million d’autres sont toujours déplacées à l'intérieur du pays.

  • Une école primaire dans le village de Risala, au sein du gouvernorat de Ninive en Irak, qui a été réhabilitée avec l'aide du HCR.
    Une école primaire dans le village de Risala, au sein du gouvernorat de Ninive en Irak, qui a été réhabilitée avec l'aide du HCR.  © HCR/Firas Al-Khateeb
  • Des bâtiments en ruine dans le village de Risala, au nord de l'Irak, qui a été fortement endommagé lors des affrontements pour reprendre la zone à Daech en 2016.
    Des bâtiments en ruine dans le village de Risala, au nord de l'Irak, qui a été fortement endommagé lors des affrontements pour reprendre la zone à Daech en 2016.  © HCR/Rasheed Hussein Rasheed
  • Une jeune fille porte un bouquet de brins de coriandre devant sa maison endommagée dans un village près de Mossoul.
    Une jeune fille porte un bouquet de brins de coriandre devant sa maison endommagée dans un village près de Mossoul.  © HCR/Firas Al-Khateeb
  • Un habitant est assis devant son ancienne maison dans un village près de Mossoul, qui a été complètement détruit pendant les combats pour reprendre la zone à Daech.
    Un habitant est assis devant son ancienne maison dans un village près de Mossoul, qui a été complètement détruit pendant les combats pour reprendre la zone à Daech.  © HCR/Firas Al-Khateeb

Parmi les personnes encore déplacées à l'intérieur de l'Irak, quelque 250 000 vivaient dans des camps, où les conditions sont rudimentaires mais où des services essentiels tels que des abris, la scolarisation et les soins de santé étaient fournis par le HCR, l'Agence des Nations Unies pour les réfugiés, et ses partenaires.

En octobre 2020, le gouvernement irakien a annoncé la fermeture soudaine de 13 camps, affectant plus de 34 000 résidents, et la fermeture d'autres camps dans les mois suivants. Alors que le retour librement consenti dans leur région d'origine est l'issue préférée de la plupart d'entre eux, beaucoup de ceux qui ont été affectés par la décision de fermer les camps doivent maintenant faire face à des biens et des infrastructures détruites, à l'insécurité et à la pénurie d'emplois.

Le HCR a fait part de ses inquiétudes au gouvernement, soulignant que certaines des fermetures ont été effectuées sans préavis ni consultation des résidents des camps.

Suite à une récente évaluation, le HCR travaille actuellement au revêtement en asphalte de la route reliant le village de Risala à la ville la plus proche et réhabilitera également l'école locale et l’habitation de fonction des enseignants.

Mais l'avenir demeure incertain pour Dahi et les 300 autres familles vivant à Risala, la sécheresse menaçant désormais leur capacité à se nourrir dans les mois à venir.

« Nos conditions de vie sont très difficiles. Notre source de revenus est l'agriculture et cette année, à cause de la sécheresse, nous n'avons pas de récoltes », a déclaré Dahi. « Nous avons besoin d'aide. Personne ne peut vivre uniquement d'air pur. »

D'autres Irakiens affectés par la fermeture des camps sont confrontés à un combat similaire. Dans le village de Tabouqa, au sud-ouest de Mossoul, 37 familles sont arrivées chez elles à la fin 2020 après la fermeture du camp de Hamam al Alil, pour trouver les décombres de bâtiments en ruine et un village dépourvu des services les plus élémentaires.

Un habitant, Abdelwahed, 48 ans, a décrit la situation - qu’il qualifie de désespérée - à laquelle lui et sa jeune famille sont confrontés.

« Mes enfants sont encore jeunes et devraient être scolarisés, mais ils ne le sont pas, car nous n'avons pas d'école dans le village », a-t-il déclaré. « Si quelqu'un a besoin de voir un médecin, nous devons conduire pendant des heures sur des routes boueuses pour atteindre un hôpital. Dans le camp, nous recevions du kérosène, nous avions une école et des soins de santé. »

« Nous ne savons pas comment recommencer notre vie ici. »

En raison de cette situation, Abdelwahed et d'autres villageois aspirent à une alternative qui leur aurait semblé impensable auparavant.

« Nous sommes tous à bord du même bateau qui coule. Personne ne veut rester dans notre village endommagé », a-t-il déclaré. « J'aimerais que nous puissions retourner dans la misère du camp. Au moins, c'était mieux que de vivre ici », a-t-il dit.

« Nous ne savons pas comment recommencer notre vie ici », a poursuivi Abdulwahed. « Nous avons dépensé tout l'argent que nous avions. Nous avons besoin d'un soutien financier pour acheter du matériel agricole et des machines... afin de pouvoir commencer à reconstruire à nouveau notre vie, nos fermes et notre village. »