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Depuis quelques temps, le COVID-19 impacte nos vies comme nous ne l’aurions jamais imaginé. Les réfugiés habitant en Suisse sont à nos côtés et sont également touchés par la situation actuelle. Nous souhaitions leur donner la parole en leur posant quatre questions sur leur vie quotidienne pendant la pandémie.
La pandémie provoquée par le virus COVID-19 qui sévit autour de nous depuis quelques temps a remis en question beaucoup de nos acquis. Pour chacun d’entre nous à travers le pays, la vie quotidienne s’est transformée d’une manière que nous n’aurions jamais envisagée. Nous avons dû rapidement changer nos habitudes afin de préserver notre santé, celle de nos proches, de nos voisins et du reste du monde.
Le virus ne fait pas de discrimination et nous rappelle notre humanité commune. Il impacte toutefois particulièrement les plus vulnérables et leur impose des défis supplémentaires.
Pour les réfugiés, l’incertitude et l’inquiétude liées à une crise majeure leur est familière et sonne parfois comme un douloureux rappel. Le contexte actuel ravive des souvenirs traumatisants et sème des obstacles supplémentaires dans leur quotidien, notamment sur leur chemin vers l’intégration dans leur communauté d’accueil.
Leur histoire douloureuse leur a malgré tout donné certaines clés pour avancer en temps incertains. Ils savent mieux que personnes l’importance la solidarité et la force de l’engagement envers les autres. Nous avons ainsi voulu leur donner la parole afin qu’ils nous parlent de leur quotidien en ces temps de COVID-19.
Ils ont tous accepté de nous présenter leurs pensées en répondant à quatre questions sur leur quotidien. Voici notre série de portraits.
Au cours des dernières semaines, nous avons contacté plusieurs réfugiés qui nous ont parlé de leur vie pendant la pandémie. Les participants à notre projet ont vu leur processus d’intégration au sein de leur communauté d’accueil être fortement ralenti par la crise, notamment à cause de l’isolation sociale qui en découle. Les cours ont été suspendus et le travail a été parfois mis en suspens.
Les témoignages nous ont aussi appris que les réfugiés les mieux intégrés deviennent des relais auprès de leur communauté. Ils diffusent les gestes et les mesures sanitaires prescrits par la Confédération. Certains travaillent dans les métiers de la santé ou les métiers de supports en première ligne face au COVID-19. D’autres s’engagent auprès de la société civile en aidant les personnes qui en ont besoin.
Nous souhaitons les remercier d’avoir pris le temps de nous parler de leur vie, de nous transmettre des messages d’espoir et leurs conseils pour garder la tête hors de l’eau dans la crise que nous vivons ensemble aujourd’hui.
Pour plus d’information à ce sujet, nous vous proposons de prendre connaissances des recommandations juridiques du HCR déjà publiées dans le cadre de la crise liée au COVID-19. D’autres sont déjà en cours d’élaboration:
COVID-19 : Recommandations du HCR sur la procédure d’asile et l’hébergement (DE) : En plus des recommandations au niveau européen (EN), le HCR a élaboré des points spécifiques relatifs aux procédures d’asile et à l’hébergement en Suisse – Avril 2020
COVID-19 Mesures de contrôle aux frontières Considérations juridiques du HCR concernant les mesures de gestion des frontières prises par les États européens dans le cadre de la situation liée au COVID-19 (disponible uniquement en allemand)
Kayhan, est originaire de l’est de la Turquie, en bordure de la Méditerranée. Il vit à Winterthur ZH et est co-fondateur d’une organisation qui soutient les demandeurs d’asile en Suisse.
Kayhan, qui a obtenu une licence en administration publique en Turquie, est arrivé en Suisse il y a un peu plus d’un an.
Il ne parle pas encore très bien l’allemand, ce qu’il regrette beaucoup. Avant la crise de Corona, il a suivi un cours de langue, mais celui-ci est maintenant suspendu. Comme Kayhan n’a déménagé que peu de temps avant les mesures sanitaires, il n’a pas encore eu vraiment l’occasion de nouer des contacts dans sa ville d’accueil. Mais il ne se sent pas seul, car de nombreux compatriotes vivent près de lui. Néanmoins, il espère pouvoir bientôt suivre à nouveau un cours d’allemand afin de pouvoir parler plus souvent et mieux avec les Suisses.
Grâce à son travail au sein d’une organisation qu’il a cofondée et qui soutient les demandeurs d’asile en Suisse, Kayhan entre également en contact avec des personnes qui ne sont pas originaires de Turquie ou de Suisse. Le fait qu’il parle également l’arabe lui est d’une grande aide à cet égard.
«Lorsque vous venez en Suisse en tant que demandeur d’asile, vous vous retrouvez face à une culture étrangère.»
Lorsque le COVID-19 a atteint la Suisse, mon organisation a commencé à informer les demandeurs d’asile sur le virus dans leur hébergement. D’après ma propre expérience – j’ai moi-même vécu longtemps dans un tel logement – je savais que beaucoup ne lisent ou ne comprennent pas les informations suisses. Ou qu’il existe des différences culturelles qui font que certains problèmes actuels, tels que le virus COVID-19, ne sont pas bien pris en compte.
C’est pourquoi nous avons passé trois semaines à distribuer des masques et des désinfectants aux demandeurs d’asile et à essayer de leur faire prendre conscience du danger que représente le virus.
J’appelle ma famille en Turquie tous les jours. Par-dessus tout, ma mère me manque, et je lui manque aussi. Même si on ne se voit qu’à l’écran, je me sens toujours mieux après un tel appel.
Il y a beaucoup de demandeurs d’asile anxieux avant même l’apparition du virus. Quand vous venez ici, vous rencontrez une culture très différente que vous ne connaissez pas et que vous ne comprenez pas. Il arrive alors que les demandeurs d’asile ne sachent même pas comment communiquer, non pas à cause de difficultés linguistiques, mais en raison de problèmes de communication interculturelle. À mon avis, ces problèmes se sont aggravés avec la crise. Par exemple, une de mes connaissances qui vit dans un centre d’accueil a été testée positive au virus et il a fallu le persuader de l’hospitaliser. Dans ce cas, il est important de se soutenir mutuellement et de créer des organisations qui peuvent comprendre les demandeurs d’asile et se mettre à leur place.
J’ai encore beaucoup de contacts avec mes amis de l’hébergement collectif et avec des collègues de l’organisation. Nous nous retrouvons parfois à deux ou trois pour aller nous promener ensemble, avec bien sûr une certaine distance sociale. Mais quand il pleut, ils n’aiment pas se promener, alors je vais seul dans la forêt pour me vider la tête.
Pendant le confinement, j’ai aussi commencé à cuisiner des recettes compliquées qui figurent dans un roman.
Khaoula est originaire de Palestine. Elle a 31 ans et vit à Lausanne. Depuis une année, elle se prépare à participer aux prochains Jeux Olympiques dans la discipline du tir sportif.
Khaoula est arrivée en Suisse il y a presque 6 ans. Depuis toujours elle est passionnée de sport et pratiquait déjà le karaté. Quatre mois après la naissance de son fils, elle participe à une journée d’initiation au tir sportif. Elle y rencontre Nicolo Campriani, multiple champion olympique italien spécialisé en tir sportif et établi en Suisse. Il a le projet d’amener des athlètes réfugiés jusqu’aux Jeux Olympiques. Khaoula se prend alors de passion pour cette discipline et débute les entraînements sous son aile. Depuis, elle s’entraîne assidûment en vue des prochains Jeux Olympiques auxquels elle compte participer en tant qu’athlète réfugiée. Le COVID-19 n’a rien changé à sa motivation et elle met à profit cette situation pour parfaire sa technique. Sa discipline lui a appris à mieux se concentrer, calmer son mental et à gérer ses émotions pour atteindre sa cible. A côté du sport, elle poursuit ses études et souhaite travailler plus tard dans la diplomatie.
«C’est le bon moment pour retrouver la sensation de l’âme.»
Avec les mesures pour lutter contre le COVID-19, j’ai dû renoncer à me rendre à ma salle d’entrainement. Je n’ai toutefois pas arrêté de m’exercer car j’ai pris mes affaires chez moi. Je fais tous mes exercices quotidiens avec ma carabine presque comme d’habitude, mais je ne tire pas. C’est un bon moment pour être en face du mur. Ça me pousse à mieux me concentrer sur ma position, mes gestes alors qu’avant je me concentrais souvent trop sur la cible pour faire un bon score. Mon fils a maintenant un an et demi et il vient me regarder pendant mes exercices. Il commence à comprendre et ne me dérange pas. Je suis contente qu’il puisse voir ce que je fais. Ça lui donnera l’esprit sportif.
Un autre aspect du COVID-19 est que les Jeux Olympiques ont été repoussés. Avant j’étais pressée de me développer et je devais garder un équilibre avec mes études. Quand ils ont changé les dates, j’ai pu me relâcher un peu. Je prends plutôt ça comme une opportunité car j’ai une marge supplémentaire pour m’exercer d’ici là.
Je suis en contact avec eux par téléphone uniquement. C’est parfois difficile car je suis une femme arabe et je viens donc d’une culture de convivialité. La vie sociale est sacrée pour nous. On aime partager des moments tous ensemble. Mais c’est comme ça, on n’a pas d’autres choix. Il faut protéger les autres autour de nous en restant à la maison.
Cette période est un bon moment pour retrouver un équilibre. On remarque que tout le monde vit une vie de stress. D’habitude, nous sommes toujours en mouvement et nous n’avons pas le temps de nous poser pour réfléchir à notre vie et aux autres. On ne réfléchit pas à sa manière de vivre, à ses valeurs. Avec mon sport, j’ai appris à me recentrer et je pense que c’est une bonne période pour mettre ça en pratique. La vie nous offre une pause. Elle donne cette chance de nous reposer, de réfléchir sur nous et il faut en profiter. C’est le bon moment pour retrouver la sensation de l’âme, pour savoir ce qu’on peut apporter aux autres.
J’ai eu la chance de commencer une nouvelle vie. Ce n’est pas donné à tout le monde. Je pense donc que c’est important de ne pas être négatif, même dans cette situation. J’essaie de continuer les choses comme avant avec mon fils, mon entraînement et mes études, mais tout ça à la maison. J’évite de sortir si ce n’est pas nécessaire et je découvre de nouvelles passions. J’ai recommencé à lire des livres, ce que j’apprécie beaucoup.
Sherihan, originaire de Syrie, vit à Dietlikon ZH et effectue un stage dans un jardin d’enfants.
Sherihan vit en Suisse avec ses quatre frères et sœurs depuis un peu plus de cinq ans.
Lorsqu’elle n’est pas occupée à s’occuper des petits enfants de la maternelle – dans le cadre de son stage – Sherihan s’occupe d’apprendre l’allemand, que ce soit seule avec un professeur, dans une association ou à l’université de Zurich. Elle est très motivée pour améliorer ses compétences en allemand.
«Dans cette période extraordinaire, j’ai découvert mon amour pour les films policiers»
Tout d’abord, bien entendu, je ne travaille plus. Avant la crise de Corona, j’étais dehors toute la journée et maintenant je suis surtout à la maison. Mais ce qui est bien, c’est que j’ai maintenant plus de temps et de tranquillité pour mieux apprendre l’allemand. Il y a plusieurs chaînes sur Youtube qui proposent des cours d’allemand en arabe que je peux suivre moi-même, et j’ai regardé beaucoup de films policiers en allemand, ce que je trouve incroyablement passionnant.
Heureusement, je vis avec mes frères et sœurs, j’aime être avec eux. Je téléphone à ma mère beaucoup plus souvent maintenant qu’avant Corona, en fait tous les jours, parfois même deux fois.
Bien que vous deviez rester chez vous, vous pouvez utiliser ce temps – et non pas simplement traîner et tuer le temps. Vous pouvez enfin faire toutes ces choses pour lesquelles vous n’aviez jamais eu le temps auparavant et obtenir ainsi un peu de succès personnel.
Je m’occupe autant que possible. En plus d’apprendre l’allemand, je m’informe sur le fonctionnement de la politique dans les différentes parties du monde ou je regarde des émissions dans lesquelles un sujet est abordé. Au fond, je pense qu’il faut aussi voir le côté positif de cette situation extraordinaire, par exemple que notre vie quotidienne est moins stressante maintenant.
Ali, 25 ans, originaire d’Afghanistan, vit à Schwamendingen ZH et fait beaucoup de sport pendant son temps libre.
Ali, originaire d’Afghanistan, est arrivé en Suisse avec sa mère il y a quatre ans. Il termine actuellement une année de préparation professionnelle et déjà trouvé une place d’apprenti plombier. Cette recherche n’a pas été facile, mais il est maintenant heureux de pouvoir commencer son apprentissage en août, pour une durée de 4 ans.
L’école continue malgré tout, virtuellement cependant, notamment via des réunions Zoom. “Même en période de pandémie, je ne me repose pas durant l’école”, dit Ali en souriant.
«Chacun doit trouver la meilleure façon de faire face à la crise»
Normalement, je ne reste pas seulement à la maison, je suis souvent en déplacement et je fais du sport, du taekwondo, du kickboxing ou du volley-ball presque tous les jours. Quand on est habitué à cela, on s’ennuie très vite chez soi, je ne sais parfois pas quoi faire de mon temps.
J’ai déjà oublié beaucoup de mots allemands, parce que je n’en ai plus besoin aussi souvent et que je suis l’école de manière inhabituelle. Nous recevons un paquet par courrier chaque semaine depuis l’école et il y a des exercices supplémentaires en ligne tous les jours, que nous devons faire par nous-mêmes. Je trouve cela difficile.
Je n’ai de contacts téléphoniques qu’avec mes amis et ma famille. Heureusement, ma mère est ici, mais ma sœur et le reste de ma famille sont en Afghanistan ou en Iran, donc nous devons téléphoner.
Il est important de rester à la maison autant que possible. Le sport par exemple, vous pouvez le faire à la maison.
Au fond, je trouve difficile de dire ce que d’autres personnes pourraient faire. Chacun est différent et peut décider lui-même où se situent ses intérêts et ce qu’il veut faire. Certains aiment faire du sport, d’autres préfèrent lire des livres.
J’ai beaucoup d’amis ici en Suisse, que je ne peux malheureusement pas voir pour le moment, mais nous parlons ensemble au téléphone, cela m’aide. Et je fais encore beaucoup de sport, tous les après-midi je sors, par exemple pour faire du jogging. Autrement, je fais quelques exercices à la maison. Sinon, je regarde souvent les nouvelles.
Asam est originaire d’Iran et vit en Suisse depuis 30 ans. Elle est maintenant suisse depuis près de 20 ans. Elle aime s’occuper des personnes dans le besoin. Afin de transmettre et de partager ses expériences, elle s’engage avec passion pour aider les réfugiés nouvellement arrivés en Suisse. Asam donne des cours d’allemand plusieurs fois par semaine à plusieurs femmes afghanes qui ne savent ni lire ni écrire.
En dehors des heures de travail, elle se rend régulièrement dans une salle de sport de son quartier.
«Nous devons nous serrer les coudes pour vaincre ce virus»
La situation est déjà très particulière. Mais pour l’instant, nous ne pouvons rien y faire, nous avons juste besoin de patience.
Mais bien entendu, ma vie quotidienne a beaucoup changé dans cette situation de Corona. Il y a trois semaines, j’étais encore très active. Je m’occupais par exemple des réfugiés et je faisais régulièrement du sport. Mais maintenant, je suis toujours à la maison. Je ne peux même pas aller faire les courses parce que j’appartiens au groupe à risque en raison de mon âge et d’une maladie antérieure. Ce n’est vraiment pas facile, au contraire, c’est même très difficile pour moi.
J’ai des contacts téléphoniques quotidiens avec ma famille et mes amis. Heureusement, nous avons cette possibilité avec l’internet ou la messagerie électronique!
Nous devons simplement nous serrer les coudes, traverser cette épreuve ensemble et faire preuve de respect mutuel.
Je pense qu’il faut rester occupé à la maison afin de passer le temps et varier les activités. Par exemple, faire de la musique, peindre ou lire.
Je lis beaucoup, je fais du sport, de la couture ou de la peinture pour ne pas m’ennuyer. Pour l’instant, je reste à la maison, non seulement pour moi, mais aussi pour tous les autres.
Mais ce qui m’aide, c’est le contact avec mon gentil voisin – nous nous rencontrons régulièrement sur nos terrasses. Et je pense toujours que cette période est bientôt terminée, cela me donne de la force et de l’endurance.
Je recommande aux autres de penser positivement, ce temps passera. Le monde va lentement revenir à la normale et nous pourrons alors nous revoir et nous prendre dans nos bras, ce qui le rendra d’autant plus beau. Nous devons rester optimistes ! Et si nous nous serrons les coudes et nous respectons les uns les autres, nous pourrons vaincre ce virus.
Biniam vit en Suisse depuis près de 5 ans et a réalisé ce dont beaucoup de gens rêvent: il va débuter cet été un apprentissage d’installateur en chauffage. Il a terminé l’école récemment et a ensuite effectué un stage d’observation pour trouver une place d’apprentissage.
Il fait aussi partie d’un groupe de course à pied avec lequel il s’entraîne deux fois par semaine pendant son temps libre. Il a également participé à de nombreuses épreuves avec eux, par exemple l’Üetliberglauf, la Sola-Stafette ou le marathon de Zurich. Son objectif est de courir un marathon entier, mais il ne lui manque pas grand-chose – il a déjà parcouru 33 km. Pour atteindre son objectif, il doit s’entraîner régulièrement seul. Il faut bien se préparer et parfois, c’est déjà épuisant.
«Mon but est de courir un marathon»
Ma vie quotidienne a déjà beaucoup changé. Je ne peux plus assister aux différents cours d’allemand gratuits et je dois désormais faire mes propres exercices en ligne si je veux rester dans le coup.
Les réunions de mon groupe de course à pied ont été annulés, je dois donc faire mon jogging seul dans la forêt ou m’entraîner à la maison.
Les cours de préparation à l’enseignement de l’école d’intégration se font aussi désormais uniquement en ligne.
En ce moment, je fais tout depuis chez moi.
Toute ma famille est encore en Érythrée, alors je leur parle régulièrement au téléphone.
Nous pourrions offrir une aide aux personnes qui appartiennent aux groupes à risque. Vous pouvez par exemple maintenir un contact téléphonique avec eux ou faire des achats pour eux.
Il convient aussi d’accorder une attention particulière aux personnes qui se trouvent dans les centres d’asile et aux sans-abri.
J’ai changé ma routine quotidienne. Maintenant, je me promène souvent et je suis souvent en pleine nature, je fais aussi du sport à la maison. Heureusement, je vis avec ma petite amie. Cela me permet de jouer aux échecs avec elle ou d’essayer de nouvelles recettes.
Il est important de ne pas s’ennuyer, que vous vous occupiez et vous distrayiez, afin de ne pas penser uniquement à cette pandémie.
Vian est arrivée seule en Suisse il y a trois ans. En Irak, elle a travaillé comme enseignante dans une école primaire. Elle y enseignait les mathématiques, la lecture et le Coran. Il a fallu beaucoup de patience, dit-elle en riant, mais elle a adoré. L’enseignement en Irak était très différent de celui de la Suisse. Les classes où elle enseignait étaient pour la plupart composées de 45 à 50 écoliers. Parfois, les classes étaient tellement remplies que certains enfants devaient s’asseoir à même le sol.
Désormais en Suisse, elle aimerait travailler comme infirmière, dans un jardin d’enfants ou dans la restauration. Vian est passionnée de cuisine. Ses amis et sa famille s’extasient régulièrement devant ses plats. Depuis quelques temps, elle cuisine avec d’autres femmes pour des événements dans la localité zurichoise de Bauma – par exemple, après des réunions pour les employés de la commune, sur un marché, après une représentation du cirque d’enfants ou après un événement à l’église. Il lui arrive parfois de cuisiner durant deux journées d’affilée.
«J’ai toujours des gâteaux et des bonbons faits maison.»
J’ai enfin commencé en mars le cours intensif d’allemand auquel je voulais assister depuis si longtemps. Mais après quelques jours seulement, la pandémie déclenchée par le COVID-19 s’est déclarée. J’avais déjà dû reporter le début du cours il y a trois mois, après avoir subi un accident. Maintenant, ce n’est plus possible à cause de cette situation. C’est vraiment la poisse!
Avant la pandémie et l’accident, j’aimais beaucoup aller au cours de natation, car je veux apprendre à nager. Malheureusement, je ne peux aussi plus faire cela.
Au fond, je n’ai pas peur, mais je suis plus prudente qu’avant. Avant la pandémie, je rendais régulièrement visite à mon cousin, qui vit à proximité. Je ne l’ai désormais plus vu depuis un mois. Une fois, j’ai dû aller chercher quelque chose chez lui et il l’a mis devant sa porte. Sans le voir, j’ai ramassé ce qu’il avait laissé dehors et je suis rentré chez moi immédiatement. Je ne suis normalement à la maison que le soir, mais maintenant il vaut mieux que je reste à la maison, même si je trouve parfois cela ennuyeux.
Pour moi, il n’est pas si difficile de rester à la maison. En particulier par rapport à d’autres personnes avec de jeunes enfants ou vivant dans un très petit appartement, je suis chanceuse.
Je n’ai aucun contact physique avec eux. Je suis en contact avec ma famille et mes amis en Irak via messagerie électronique. Ils doivent également rester chez eux à cause du virus.
Je recommande aux gens d’avoir peu de contacts. Vous ne savez pas qui a le coronavirus et qui ne l’a pas. Nous devons tous être prudents. Les personnes âgées doivent l’être encore davantage, car le virus est souvent plus grave pour elles que pour les jeunes. C’est pourquoi je pense qu’il est bon pour elles de rester plus souvent à la maison.
Je dis à tous mes amis de rester chez eux le plus souvent possible, de bien se laver les mains et de nettoyer leurs appartements régulièrement.
Je cuisine beaucoup tous les jours, il y a toujours des sucreries et des gâteaux dans mon appartement. Je fais aussi régulièrement une demi-heure de marche avec mon voisin syrien et quelques commissions, mais ensuite je rentre toujours directement chez moi.
J’espère que tout le monde va rester en bonne santé !
Rohullah vient d’Afghanistan et fait partie des personnes actuellement célébrées et applaudies comme des héros. Le jeune homme travaille en effet dans le secteur des soins. Rohullah est toujours en formation. Celle-ci inclut notamment, en deuxième année, un stage à l’hôpital. Durant cette période, Rohullah se retrouve au front face à la pandémie de coronavirus. Portant un masque, des vêtements de protection et des lunettes, il reçoit des patients suspectés d’avoir le Covid-19 dans le département de médecine interne. Ces personnes sont ensuite isolées et si les soupçons sont confirmés, elles sont transférées dans le département Covid. Rohullah n’a pas peur, mais éprouve du respect. En tant qu’infirmier en formation, il en sait beaucoup sur le virus. Il connaît la période d’incubation, peut nommer les différences avec la grippe, connaît les évolutions graves et asymptomatiques. Il faut faire attention, dit-il, par exemple en retirant le masque de protection. Il ne doit pas être touché à l’extérieur. Plus que sa propre santé, Rohullah se préoccupe du bien-être de ses parents et de sa mère d’accueil. Il reste nalgré tout de bonne humeur.
«Je n’ai pas peur, mais j’ai du respect»
Pour l’instant, c’est relativement calme au sein du département, mais tout le monde craint que ce ne soit que le calme avant la tempête. L’ambiance est étrange. Nous portons maintenant le même masque de protection pendant toute la durée du service. Avant, nous changions fréquemment les masques, mais nous devons désormais les utiliser avec modération. Le personnel infirmier était déjà réduit auparavant.
La partie théorique de la formation a également changé. Aujourd’hui, j’ai eu pour la première fois un enseignement à distance. Cela exige plus de discipline que l’apprentissage en groupe. Il est plus difficile de se concentrer. Et le soir, je ne sors plus avec mes collègues.
Je reste en contact grâce à mon téléphone portable et à internet. Les gens sont des créatures sociales. Nous ne pouvons rien faire sans contacts. Je parle beaucoup au téléphone, y compris avec un ami qui est en quarantaine dans un centre d’asile après avoir été en contact avec une personne infectée. Heureusement, il va bien. Parfois, plus rarement, j’invite un collègue. Ensuite, nous nous asseyons sur le balcon – à une distance suffisante, bien sûr – et nous buvons du thé.
Certains me demandent quelle est la gravité du virus. Je leur explique ce que j’ai appris à ce sujet, ce que j’ai lu et entendu à l’hôpital. À ma famille, je répète : lavez-vous les mains, lavez-vous les mains, lavez-vous les mains – et restez à la maison!
Il est important d’être occupé. Il faut faire quelque chose, sinon il y a de quoi perdre la tête. Je ne peux pas aller à l’entraînement de boxe thaï le soir, cela me manque. De temps en temps, je fais du jogging pour stimuler les hormones du bonheur, les endorphines. Mais ce n’est pas la même chose que la boxe thaï. Tout cela est difficile, mais ce n’est pas dramatique pour moi.
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