De Susan Pedwell à Hamilton (Ontario)
Lorsque Tyler Berglund a vu défiler sur son écran de télévision les images des bombardements et des civils blessés en Syrie, il a eu envie d’agir. « Je voulais faire ma part pour compenser les injustices de la guerre », explique-t-il.
Ces deux dernières années, c’est exactement ce qu’il a fait en parrainant deux familles syriennes réfugiées afin qu’elles puissent reprendre le cours de leur vie dans sa ville natale de Hamilton, au sud-ouest de Toronto.
En cherchant le terme « parrainage » sur Internet, il a appris l’existence du Programme mixte des réfugiés désignés par un bureau des visas (RDBV) dans le cadre duquel le HCR identifiait des réfugiés du monde entier pouvant être réinstallés au Canada. Le programme RDBV permet de faciliter le parrainage des réfugiés les plus vulnérables par des particuliers.
Pour pouvoir parrainer des réfugiés et les personnes à leur charge dans le cadre de ce programme, les parrains doivent former un groupe composé de citoyens canadiens ou de résidents permanents. Tyler a donc formé ce que le RDBV appelle « parrainage par un groupe de cinq », un groupe composé de sa sœur Julia et de trois employés de son pub Hamilton’s Doors, que Tyler, un fanatique de heavy metal, a créé.
« En réalité, nous n’étions pas cinq personnes, nous étions plus que cinq », déclare Tyler. Parmi les parrains figurent Shannon et Caleb Collins, James Mallory et Cheyenne Griffin. « Je n’ai pas eu beaucoup de mal à les convaincre de participer à ce parrainage. Cela m’a beaucoup surpris. »
Les parrains doivent fournir aux réfugiés un soutien financier pendant six mois, et payer six mois de loyer. Tyler avait reçu de l’argent de l’entreprise de son père et, au départ, il pensait assumer lui-même l’intégralité des coûts. Mais les autres parrains n’entendaient pas les choses de la même manière. Ils ont tous voulu apporter leur contribution financière en puisant dans leurs économies.
« J’étais conscient que parrainer une famille allait être un engagement de taille, mais je ne savais pas à quel point. »
« J’étais conscient que parrainer une famille allait être un engagement de taille, mais je ne savais pas à quel point », déclare Tyler. « J’y ai consacré beaucoup de temps, mais pour moi, c’était un véritable devoir.
Cela a aussi été une grande source de stress », poursuit-il. « Personne dans notre groupe [de parrainage] ne parle arabe, et cela peut causer beaucoup de problèmes de communication. » Toutefois, les membres du groupe ont appris quelques phrases en arabe, et comme les deux familles parrainées apprennent l’anglais, cela facilite de plus en plus facile la communication.
Tyler a commencé par parrainer la famille Muslim Hamo, qui a fui sa ville natale de Kobanî, en Syrie, en 2012. Gol Bahar, son mari, Dalil, et leurs deux filles, Noursin et Brojista, se sont réfugiés en Turquie, puis au Liban.
En juin 2018, la famille est arrivée à l’aéroport international Pearson de Toronto avec seulement les vêtements qu’ils portaient sur eux. « Nous avons apporté nos souvenirs avec nous », explique Gol Bahar par l’intermédiaire d’un interprète.
« Lorsque nous sommes arrivés à l’aéroport, nous nous sommes demandés où nous allions passer la nuit? Nous ne savions pas que quelqu’un allait y nous attendre », dit-elle. « Et puis nous avons rencontré Tyler et ses amis. »
Tyler leur avait envoyé un courriel pour leur dire qu’il viendrait les chercher à l’aéroport, sans savoir qu’ils n’avaient pas accès à Internet.
« Quand nous sommes arrivés, ils avaient tout préparé pour nous », se souvient Gol Bahar. « Tyler nous a emmenés chez lui et a préparé un repas pour nous. » Il a ensuite conduit toute la famille dans un appartement, meublé grâce à l’aide de l’église presbytérienne St Giles de St Catharines qui a aussi collecté des fonds pour acheter des vêtements.
« Au début, nous devions suivre Tyler partout », explique Gol Bahar. « Avec le temps, j’ai commencé à apprendre la langue, et j’ai commencé à être de plus en plus autonome. Puis nous avons commencé à sortir sans que Tyler nous aide. »
La deuxième famille que Tyler a parrainée avec son groupe a également été surprise de les voir à l’aéroport. Bien que cela remonte à plus d’un an, ils s’en souviennent comme si c’était hier.
« Nous ne savions pas que nous avions été parrainés », explique Amena*, par l’intermédiaire d’un interprète. « Nous ne nous attendions pas à ce que quelqu’un vienne nous chercher, mais mes garçons ont vu une grande pancarte avec mon nom dessus. Nous étions tellement heureux! »
La famille composée de quatre personnes a fui la Syrie en 2012 et a séjourné en Jordanie. « Nous n’avons jamais pensé dans nos rêves les plus fous que nous vivrions un jour au Canada », dit Amena. « Mais nous sommes là! »
Tyler savait exactement ce dont les trois adolescents avaient besoin. « Il nous a acheté une PlayStation », dit Zayn* avec un large sourire.
« Et Tyler nous emmène nous balader », poursuit-il. « Nous allons au bord du lac. Ou il nous invite à souper chez lui ou nous emmène au restaurant ». Tyler joue aussi au soccer avec les garçons. Pendant qu’ils courent et se bousculent les uns les autres pour essayer de marquer des buts, la barrière de la langue disparaît.
« Au début, nous devions suivre Tyler partout. Avec le temps, j’ai commencé à apprendre la langue, et j’ai commencé à être de plus en plus autonome. Puis nous avons commencé à sortir sans que Tyler nous aide. »
Gol Bahar admet qu’elle ne savait rien sur le Canada avant d’arriver. Mais il y avait une question qui ne la quittait pas : « Est-ce que mes enfants y seront en sécurité? »
Après avoir fui la Syrie, elle se souvient d’un moment douloureux où elle a pensé perdre l’un de ses enfants.
Sa fille Noursin, alors âgée de quatre ans, s’est enfuie alors qu’elle pourchassait un chat. Pieds nus, l’enfant a marché le long d’une route passagère et personne ne s’est arrêté pour l’aider. Puis, elle a traversé un champ où les gens récoltaient du coton. Personne n’a essayé de l’aider jusqu’à ce que la petite fille arrive aux abords d’un lac. « Elle a disparu pendant huit heures, entre 14 h et 22 h », se souvient la maman.
À Hamilton, Tyler a accompagné toute la famille à l’école pour y inscrire les deux filles. Noursin, aujourd’hui âgée de neuf ans, et Brojista, âgée de huit ans, sont heureuses d’aller à l’école. Toutefois, la sécurité de ses enfants continue d’angoisser Gol Bahar qui se rend fréquemment à l’école pour vérifier que tout va bien. « Demandez au directeur de l’école », dit-elle en riant.
Pour Halloween, Julia a emmené les filles faire du porte-à-porte dans leur quartier. Avant cela, Gol Bahar et Julia ont aidé Brojista à se déguiser en papillon et Noursin en chat.
Bien sûr, les filles ont adoré recevoir des bonbons, mais ce qu’elles aiment le plus, ce sont les chats de Tyler, avec lesquels elles jouent à chaque fois que Tyler invite la famille chez lui.
« Au Canada, je considère nos parrains comme des membres de ma famille. »
« J’aimerais remercier Tyler », dit Gol Bahar. « Au Canada, je considère nos parrains comme des membres de ma famille. »
Quant à Tyler, il a décidé de s’installer à New Glasgow, en Nouvelle-Écosse, afin d’y mener une vie plus simple. Il s’est déjà mis en contact avec l’organisation Pictou County Safe Harbour, qui coordonne les programmes de parrainage des réfugiés avec les résidents locaux.
« Parrainer des réfugiés est l’acte le plus significatif que j’ai réalisé dans toute ma vie », explique Tyler. « Je vais bien entendu continuer à m’engager pour cette cause. »
*Les noms ont été changés pour des raisons de confidentialité.