CHAPITRE 1:
L’ENSEIGNEMENT PRIMAIRE
COMBLER LE FOSSÉ
Des millions d’enfants et de jeunes réfugiés se voient refuser l’exercice d’un droit fondamental : le droit à une éducation de qualité.
Aujourd’hui, près de 3,7 millions d’enfants réfugiés ne sont pas scolarisés, soit plus de la moitié des 7,1 millions d’enfants réfugiés d’âge scolaire.
En dépit d’investissements majeurs dans l’enseignement primaire, l’augmentation inexorable des déplacements forcés dans le monde, avec des réfugiés, des demandeurs d’asile, des personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays et des apatrides, crée de profonds écarts du point de vue de l’accès à l’éducation1 entre les réfugiés et leurs camarades non réfugiés[1].
Au niveau de l’enseignement primaire, le nombre d’enfants réfugiés scolarisés en 2018 était de 63 pour cent, soit deux points de pourcentage de plus que l’année précédente. Ce résultat est à rapprocher du taux global de 91 pour cent pour l’ensemble des enfants.
Inverser la tendance
Ces modestes améliorations ont été obtenues grâce à des efforts impressionnants des pays hôtes, des donateurs, du personnel du HCR et des organisations partenaires pour scolariser davantage d’enfants réfugiés. Plusieurs pays ont accompli d’importants progrès, depuis l’Ouganda, le Tchad, le Kenya et l’Éthiopie en Afrique subsaharienne jusqu’au Pakistan, à la République islamique d’Iran, à la Turquie et au Mexique, pour ouvrir la porte des écoles aux réfugiés, assouplir les emplois du temps, offrir une aide spécifique aux enfants pour des sessions de rattrapage ou pour apprendre de nouvelles langues, former davantage d’enseignants, distribuer davantage de matériel pédagogique et aider les enfants à s’adapter aux difficultés de la vie en tant que réfugié.
La progression résulte également de la volonté d’un nombre croissant de gouvernements de pays hôtes d’inclure les enfants et jeunes réfugiés dans leur système éducatif national, ce qui est la stratégie la plus efficace pour stimuler les inscriptions. Donner à tous les apprenants un programme d’études adapté et un diplôme scolaire est la voie pour progresser vers l’enseignement secondaire ou supérieur et, plus loin encore, vers l’emploi. Au Rwanda, par exemple, des milliers d’enfants réfugiés ont été inscrits à l’école primaire grâce à des politiques publiques progressives et un financement ciblé des donateurs. En Ouganda, 23 000 élèves plus âgés et auparavant non scolarisés suivent désormais un enseignement primaire dans le cadre de programmes d’éducation accélérée.
La Turquie, qui accueille actuellement 3,7 millions de réfugiés, dont un million d’enfants d’âge scolaire, a mis en œuvre un programme de langue turque, parallèlement à de nouveaux matériels d’apprentissage, un transport subventionné, une formation complémentaire pour les enseignants et d’autres mesures, afin de préparer les enfants réfugiés à faire la transition depuis des écoles temporaires non officielles vers des établissements scolaires turcs. L’Équateur a adopté une législation rendant la scolarisation beaucoup plus accessible aux enfants et jeunes réfugiés vénézuéliens, même lorsqu’ils ne possèdent pas les papiers requis.
Ces initiatives et d’autres de ce type ont porté leurs fruits. Elles ont aussi bénéficié d’un partenariat ambitieux entre le HCR et le programme « Éduquer un enfant », qui a mis en œuvre des programmes d’éducation dans une douzaine de pays et a permis de scolariser plus de 250 000 enfants à l’école primaire en 2018.
Pourtant, cette volonté de donner accès aux enfants et jeunes réfugiés sur un pied d’égalité à tout l’éventail de possibilités éducatives, depuis l’école pré-primaire jusqu’à l’enseignement supérieur, ainsi qu’à la formation technique et professionnelle, et l’éducation non formelle qui débouche sur un diplôme reconnu, n’est pas universelle. Des systèmes parallèles non diplômants persistent comme réponse temporaire aux situations d’urgence de réfugiés, même s’ils sont habituellement de mauvaise qualité, ont beaucoup moins de probabilités de suivre un programme formel et mènent à des certificats d’études non reconnus. Par conséquent, les enfants qui ont travaillé avec courage dans des centres d’apprentissage temporaires finissent leurs études sans qualification officielle et peu d’espoir de passer dans l’enseignement secondaire formel. Tant que les enfants réfugiés sont exclus des systèmes nationaux, le fossé demeurera dans la scolarisation.
Morsal, 12 ans, était réfugiée au Pakistan. Elle a regagné l’Afghanistan, son pays natal, en 2016. Elle est la seule fille dans sa classe de sixième. Au fil des ans, toutes les autres filles, ainsi que beaucoup de garçons, ont abandonné l’école pour assumer des responsabilités familiales, commencer à travailler ou se marier.
Morsal a réussi à rester à l’école, mais elle a dû surmonter de nombreux obstacles, depuis le manque d’infrastructures jusqu’aux pressions culturelles. « J’adore les sciences et l’anglais », dit-elle, alors que le vent fait voler la poussière autour des 520 étudiants rassemblés dans le champ où est installée cette école de fortune.
Les difficultés rencontrées par Morsal et ses camarades, dont 200 autres filles, sont caractéristiques des nombreux problèmes dont souffre le système de l’éducation en Afghanistan. Les enfants dans un village au nord de Kaboul espèrent qu’un bâtiment scolaire financé par l’ONU encouragera les parents à permettre à davantage d’entre eux de rester à l’école.
Même les pays qui n’ont pas ménagé leurs efforts pour inclure tous les enfants dans le système éducatif peuvent être freinés par des pénuries de ressources ou entravés par des politiques contradictoires. Ainsi, il y a deux ans, la Grèce a créé des écoles maternelles publiques et ouvert des classes spéciales d’accueil pour plusieurs niveaux scolaires, dans le but d’intégrer les enfants réfugiés dans les écoles publiques sur le continent. Par contre, dans les îles grecques où vivent des milliers de réfugiés, souvent dans des conditions de surpopulation, la faible capacité scolaire a permis très peu de progrès dans les inscriptions à l’école. Les demandeurs d’asile ne devraient rester que temporairement dans les installations insulaires, mais le processus de transfert sur le continent peut prendre des mois et, entre-temps, les enfants ne peuvent pas accéder à l’éducation formelle. Avec la difficulté supplémentaire de l’obstacle linguistique, certains enfants réfugiés ne sont plus scolarisés depuis plusieurs années.
Il est avéré que l’élargissement de la capacité du système éducatif national bénéficie aussi bien aux communautés locales qu’aux réfugiés. Il renforce les services éducatifs existants pour tous les enfants et les jeunes, mais il renforce en même temps la cohésion sociale et encourage la tolérance à l’égard de personnes de différentes origines. Entre 2009 et 2018, par exemple, l’initiative en faveur des zones d’accueil ou touchées par la présence de réfugiés (RAHA) au Pakistan a investi plus de 45 millions de dollars E.-U. dans plus de 730 projets éducatifs. Les réfugiés afghans représentaient 16 pour cent des quelque 800 000 enfants qui en ont bénéficié, alors que les autres étaient des Pakistanais autochtones.
Toute une enfance en exil
En 2018, près de quatre réfugiés sur cinq se trouvaient dans des situations prolongées, nettement plus que l’année précédente[2]. Par conséquent, les enfants qui ont été obligés de se fuir dans un pays étranger risquent davantage d’y rester pendant la plupart sinon la totalité de leur enfance. Par conséquent, il est fort probable que les enfants réfugiés suivent l’ensemble du cycle scolaire, de cinq à dix-huit ans, en exil, alors que ceux qui avaient commencé l’école avant d’être déracinés peuvent très bien ne jamais revenir dans les classes qui leur étaient jadis si familières. Étant donné que neuf crises de réfugiés ont rejoint cette année la liste des situations « prolongées », un nombre accru d’enfants risquent de manquer l’école si leur éducation n’est pas prioritaire.
Si l’éducation est une telle priorité pour les réfugiés, c’est notamment parce que les enfants âgés de moins de 18 ans forment près de la moitié de la population réfugiée dans le monde. Et dans certaines régions, les enfants sont bien plus nombreux que les adultes, spécialement dans les pays à revenu faible ou intermédiaire qui accueillent des millions de réfugiés. Ainsi, en Ouganda, dans la République démocratique du Congo et au Soudan du Sud, plus de 60 pour cent des réfugiés ont moins de 18 ans. Comme 84 pour cent des réfugiés vivent dans les pays en développement, dont 6,7 millions dans les pays les moins avancés, il est évident que ces endroits abritent de fortes concentrations d’enfants réfugiés. Pourtant, ce sont ces mêmes régions qui luttent pour doter leurs propres populations d’écoles en nombre suffisant, sans compter l’afflux soudain de dizaines de milliers de nouveaux arrivants.
Il ne faut pas non plus sous-estimer l’importance de la scolarisation pré-primaire. Très peu d’enfants réfugiés participent à des programmes préscolaires, alors même que les avantages sont connus depuis longtemps. De nombreuses recherches ont montré combien ils favorisent le développement social et psychologique tout en aidant les enfants à prendre un meilleur départ à l’école primaire. Si chaque enfant réfugié pouvait passer ses premières années à jouer dans un espace sûr, heureux et bien soigné, il pourrait en retirer des bienfaits qui dureraient toute sa vie.
Claudia* a quitté le Salvador après avoir fait l’objet de multiples menaces de mort. Elle a confié son fils Samuel*, 7 ans, à sa mère. Samuel a manqué plus d’une année d’école car sa grand-mère a tenté de le protéger des gangs qui visaient la famille. Il a retrouvé sa mère à Saltillo, au Mexique, après un voyage éprouvant.
En 2017, le HCR a estimé que dans les États les plus méridionaux du Mexique, où sont concentrés la plupart des réfugiés centraméricains cherchant à fuir les gangs qui font des ravages en El Salvador, au Honduras et au Guatemala, à peine 18 pour cent des enfants réfugiés sont scolarisés. Et cela, en dépit d’une législation qui garantit à tous les enfants vivant sur le sol mexicain le droit de fréquenter les écoles publiques, quelle que soit leur situation migratoire.
Mais à Saltillo, c’est une autre histoire. Pour les réfugiés qui vivent ici, le HCR identifie des emplois adaptés pour les adultes, aide à inscrire les enfants à l’école et prodigue un soutien psychosocial. Les réfugiés obtiennent aussi une aide juridique en vue d’acquérir la nationalité mexicaine, à laquelle ils peuvent prétendre normalement au bout de deux ans, et d’obtenir leur propre logement, après trois ans. Près de 92 pour cent des réfugiés qui sont arrivés ici sont parvenus à décrocher un emploi. Tous les enfants sont scolarisés.
*Les noms ont été changés pour des raisons de protection.
Des obstacles à chaque étape
Par sa nature même, le déplacement bouleverse l’éducation des enfants du fait des difficultés et des dangers rencontrés pour atteindre la sécurité, avoir accès à des ressources essentielles, acquérir de nouveaux documents d’identité et aider leur famille souvent placée dans des situations de vulnérabilité. De nombreux autres obstacles compliquent encore la situation et empêchent les enfants réfugiés de retourner à l’école.
Tout d’abord, dans les régions disposant de ressources insuffisantes, dans lesquelles vivent des millions de réfugiés, il n’y a pas forcément d’école où aller. Et lorsqu’il y en a bien une, elle peut être déjà sollicitée à l’extrême, avec des classes surchargées, trop peu d’enseignants, une pénurie d’équipements essentiels comme les installations d’approvisionnement en eau, d’assainissement et d’hygiène, et un manque de matériels d’enseignement et d’apprentissage.
Le chaos qui accompagne les déplacements forcés a aussi pour effet que beaucoup de civils fuient sans aucun document d’identité – certificats de naissance et autres formes d’identification, dossiers scolaires et attestations d’examens – qui leur garantissent l’entrée dans une école locale dans un nouveau pays. Même quand ils disposent de ces documents, une école dans un autre pays ne les accepte pas toujours. Malgré les efforts de l’Équateur pour rendre la scolarité plus accessible, une récente enquête a montré que le manque de documentation est l’une des principales raisons expliquant pourquoi les enfants réfugiés n’étaient pas scolarisés pendant la première année (alors que le plus grand obstacle pendant la deuxième année était le manque d’argent). Et avec l’inscription à l’école, la partie n’est qu’à moitié gagnée. À mesure que les enfants en âge de fréquenter l’école primaire grandissent, ils sont de moins en moins nombreux à garder le cap.
Il y a certainement eu des progrès au niveau primaire, mais les sombres statistiques aux niveaux secondaire et supérieur révèlent comment les obstacles pour la scolarisation augmentent sans cesse, alors que les pressions pour abandonner l’école s’accentuent.
ÉTUDE DE CAS : LIBAN
Des amis de différents pays s’unissent pour retirer les enfants syriens des rues et leur faire retrouver le chemin de l’école
Le Centre Borderless (Sans frontières) de Beyrouth qui offre des cours élémentaires de lecture, d’écriture et de calcul fait partie d’une initiative menée à l’échelle du pays pour extraire les enfants du travail et les ramener à l’école.
Dans une petite salle de classe surplombant la Méditerranée, de jeunes réfugiés syriens apprennent les mathématiques sur des ordinateurs portables, leurs tout premiers pas vers l’enseignement officiel. Quelques mois auparavant, la plupart d’entre eux tentaient de gagner un peu d’argent dans les rues de Beyrouth, la capitale libanaise.
L’un d’eux, Fahed, n’avait que 10 ans lorsqu’il a commencé à travailler chez un marchand de légumes pour aider sa mère à joindre les deux bouts. Il travaillait 10 heures d’affilée pour seulement trois dollars par jour. Originaire d’Alep, Fahed a fui vers le Liban avec sa famille en 2015 durant la bataille brutale qui a été livrée pour la reprise du contrôle de la deuxième ville syrienne.
« Mon employeur me battait », se rappelle Fahed. « Si je n’arrivais pas à porter quelque chose, il me frappait en disant que je devrais y arriver. »
Quelques mois auparavant, Fahed a toutefois été inscrit par l’ONG Borderless (Sans frontières) dans un centre d’apprentissage du quartier d’Ouzaï dans la capitale et il a depuis cessé de travailler. « C’est vraiment très bien ici. J’apprends, j’étudie et je ris avec mes camarades », dit-il. Tous les jours, de 8h à midi, Fahed apprend l’arabe, l’anglais et les mathématiques.
« Ce que nous faisons, c’est les amener ici, leur dispenser un enseignement élémentaire et tenter de rattraper leur niveau d’éducation avant de les envoyer dans les écoles officielles », explique Lina Attar Ajami, la cofondatrice du Centre Borderless (Sans frontières), elle-même originaire de Damas.
Lina a créé le centre avec Randa Ajami, une amie libanaise. Outre leur nom de famille commun, elles partagent la même hiérarchie de valeurs. Comme elles ont toutes les deux des enfants adultes, elles connaissent l’importance de l’éducation pour les jeunes.
« L’éducation est une bouée de sauvetage pour nous tous, mais surtout pour les jeunes qui doivent en bénéficier en temps opportun », dit Lina.
Situé dans un quartier défavorisé des abords de la ville, le centre communautaire dispense des cours élémentaires de lecture, d’écriture et de calcul à plus de 150 enfants syriens. Ces cours sont une voie d’accès à l’enseignement officiel et dotent les enfants réfugiés des connaissances de base dont ils auront besoin pour suivre les programmes publics de rattrapage scolaire.
« La plupart d’entre eux ne sont pas allés à l’école avant du fait de leur situation », explique Samah Hamseh qui enseigne l’anglais au centre. « Ils viennent ici dans l’espoir d’accéder à l’école. Ils veulent s’extraire de leurs conditions de vie actuelles. »
Le Liban accueille plus de 935 000 réfugiés syriens enregistrés, soit la plus forte concentration de réfugiés par rapport à la population nationale qui est d’à peine plus de 6 millions. Plus de la moitié des jeunes syriens réfugiés dans le pays ne fréquentent pas les écoles officielles, même si les autorités libanaises ont organisé par roulement des après-midi réservés aux enfants syriens dans les écoles publiques du pays.
De nombreux jeunes ont également manqué des années de scolarité et peinent à atteindre le niveau minimum requis pour entrer à l’école.
Pour résoudre ce problème, le Ministère libanais de l’Éducation a publié un cadre d’enseignement informel conçu pour donner aux enfants déscolarisés pendant plus de deux ans, voire jamais scolarisés, une chance d’accéder à l’école publique.
Il s’agit de cours accélérés destinés à aider les enfants déscolarisés à rattraper leur retard par rapport au programme. Un niveau de connaissance minimum est exigé pour bénéficier de ces cours et c’est là qu’interviennent les programmes communautaires comme celui du Centre Sans frontières de Beyrouth qui dispense des cours élémentaires de lecture, d’écriture et de calcul.
Au cours des deux dernières années, plus de 90 enfants du centre ont pu être inscrits dans des écoles publiques.
Même dans les cas où les enfants ne peuvent être scolarisés par manque de places ou de financement, le programme reste porteur d’importants avantages selon Vanan Mandjikian, employée du HCR en charge de l’éducation au bureau de terrain du Mont-Liban.
« Ce programme est essentiel pour l’avenir… parce qu’il est très important que tout enfant maîtrise la lecture et l’écriture », dit-elle.
ÉTUDE DE CAS : GRÈCEE
La majorité des enfants réfugiés sur les îles grecques est déscolarisée
Les îles grecques peinent à assurer la scolarité de milliers d’enfants demandeurs d’asile.
Plus des trois quarts des 4656 enfants d’âge scolaire dans les îles grecques sont des demandeurs d’asile qui vivent dans des centres de réception tels que celui de Kos et ne sont pas scolarisés.
C’est une situation que le HCR, l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés, entend améliorer.
« Tous les enfants devraient avoir un accès aisé à l’enseignement officiel aussi tôt que possible. Il faut faire davantage pour éviter qu’ils ne prennent du retard », a déclaré Philippe Leclerc, le représentant du HCR en Grèce.
Environ 1800 demandeurs d’asile vivent dans le centre de réception de l’île de Kos où les conditions sont difficiles, en partie parce que le centre avait été prévu pour des séjours provisoires, avec une capacité d’accueil de 800 personnes seulement.
De nombreux réfugiés se disent aujourd’hui mécontents des conditions médiocres et du surpeuplement du centre qui n’a même pas assez de toilettes. Des résidents vivent dans des abris de fortune maintenus avec des piquets et certains des nouveaux arrivants n’auraient même pas de matelas. Plusieurs font valoir que le surpeuplement et le manque d’installations sont source d’insécurité. La situation est particulièrement angoissante pour les enfants.
« Le camp est déplorable », dit Samir qui est préoccupé par la frustration croissante des gens vivant au centre de réception.
Comme la plupart des autres jeunes réfugiés, Samir et ses amis veulent retourner à l’école le plus rapidement possible et regagner le temps perdu avant d’accumuler trop de retard pour pouvoir le rattraper.
Samir, qui est arrivé à Kos depuis Kaboul, la capitale afghane, sait pourtant qu’il fait partie des plus chanceux.
Même si son parcours éducatif a été perturbé par l’insécurité en Afghanistan et qu’il a de nouveau manqué l’école pendant son périple jusqu’en Turquie, puis durant la traversée vers la Grèce, il est aujourd’hui de retour à l’école.
Il a commencé à apprendre le grec à KEDU, une école informelle de Kos gérée par une ONG grecque, l’Association pour le soutien social des jeunes, et appuyée par le HCR.
Les demandeurs d’asile sont supposés vivre temporairement dans les installations de l’île et ceux dont le dossier a abouti ou qui présentent des vulnérabilités sont autorisés à rejoindre le continent. L’instruction des dossiers peut toutefois durer des mois. Les besoins humanitaires concurrents prennent la priorité. Étant donné la faible capacité d’accueil des écoles de ces îles minuscule où résident peu d’enfants, les écoles sont trop petites pour absorber soudainement cette nouvelle demande.
Environ 112 enfants fréquentent chaque jour l’école KEDU. Il n’y a ni examens ni devoirs, mais des projets et des activités ludiques visant à familiariser les jeunes demandeurs d’asile avec la langue grecque. Comme il s’agit d’une école non officielle, aucun certificat n’est délivré pour attester du niveau des élèves.
Le HCR est d’avis que les écoles certifiées enseignant le programme national devraient être ouvertes à tous les enfants réfugiés et demandeurs d’asile en Grèce.
La routine scolaire favorise le retour à la normalité après les traumatismes endurés par de nombreux jeunes réfugiés et une réinsertion rapide dans la vie scolaire contribue à rétablir un quotidien normal. Comme tous les autres enfants, les jeunes réfugiés doivent en outre étudier pour réaliser leur potentiel.
Malheureusement, les choses ne sont pas toujours aussi faciles.
La barrière de la langue complique l’intégration. Le gouvernement grec organise l’après-midi des cours de langue destinés aux demandeurs d’asile afin de faciliter leur transition vers un nouveau système et des organisations non gouvernementales locales apportent un soutien aux élèves pour les devoirs.
Le HCR juge qu’il faut faire davantage. Le gouvernement a essayé d’inclure tous les enfants réfugiés et demandeurs d’asile dans l’enseignement officiel mais des difficultés subsistent, surtout dans les îles.
« La plupart des enfants réfugiés en Grèce continentale sont inscrits dans l’enseignement officiel en début d’année scolaire. La Grèce a fait d’importants progrès en ouvrant l’accès aux maternelles et aux écoles primaires et secondaires. Le gouvernement doit aujourd’hui étendre et intensifier ses efforts, avec les financements et le soutien persistant de l’UE, pour que tous les enfants réfugiés puissent être accueillis en classe », a encore déclaré Philippe Leclerc.