Le fondateur de Peace by Chocolate et ancien réfugié syrien savoure sa nouvelle citoyenneté canadienne
Portant des chaussettes rouges et blanches décorées de feuilles d’érable, Tareq Hadhad arbore fièrement le symbole national du Canada en marquant la dernière étape de son extraordinaire parcours qui l’a mené de réfugié syrien à chocolatier, et maintenant citoyen canadien.
Le fondateur de Peace by Chocolate ne pouvait cacher un large sourire tandis qu’il prêtait son serment de citoyenneté à Halifax en compagnie de 48 autres nouveaux Canadiens agitant le drapeau du pays. La cérémonie s’est tenue au Quai 21, un site historique national et un profond symbole de l’histoire du Canada qui a accueilli des générations de nouveaux arrivants sur son territoire.
Le Quai 21 a été l’une des principales portes d’entrée des immigrants au Canada, accueillant entre 1928 et 1971 plus d’un million d’immigrants. Il abrite désormais le Musée canadien de l’immigration.
« C’est vraiment magique… c’est incroyable », déclare Tareq, âgé de 27 ans, en se rappelant la vague d’émotions qu’il a ressentie pendant la cérémonie et en recevant son nouveau statut de citoyen.
« J’ai pensé à tous les Canadiens de part et d’autre du pays. J’ai pensé à tous ceux qui ont sacrifié leur vie pour que nous puissions bénéficier de toutes ces libertés dans ce pays. »
Peace by Chocolate, l’entreprise de Tareq, est née dans la cuisine de sa maison à Antigonish, une ville de 5000 habitants sur la côte nord de la Nouvelle-Écosse où il s’est établi en arrivant au Canada en décembre 2015.
Tareq explique qu’il a embarqué dans l’un des premiers avions en partance du Moyen-Orient lorsque le Gouvernement canadien a annoncé son intention d’accueillir 25 000 réfugiés syriens au Canada avant la fin de février 2016, et ce en réponse au conflit constant et à la crise humanitaire grandissante ravageant la Syrie. Le père de Tareq, Isameddin, sa mère Shahnaz, ses sœurs Alaa, Batoul et Taghrid, et son frère Ahmad, l’ont rejoint 3 semaines plus tard.
Peace by Chocolate a vu le jour en 2016. Depuis lors, l’histoire touchante de l’entreprise ainsi que sa gamme de confiseries porteuses de messages de paix, d’hospitalité et de pardon ont séduit les amateurs de chocolat aux quatre coins du monde.
« C’est vraiment magique… c’est incroyable », déclare Tareq, âgé de 27 ans, en se rappelant les émotions ressenties pendant la cérémonie et en recevant son nouveau statut de citoyen.
Lors de son discours au Sommet des Nations Unies sur les réfugiés qui s’est déroulé à New York en 2016, le Premier Ministre Justin Trudeau a fait les louanges de cette entreprise familiale, contribuant à la médiatisation de cette jeune entreprise sur la scène mondiale.
« Il s’agit non seulement d’un héritage familial mais aussi d’une tradition », explique Tareq. « Voilà le type de compétences et de talent que nous avons amenés avec nous ici. »
En effet, la famille Hadhad a dirigé une chocolaterie au Moyen-Orient pendant plus de 30 ans.
« Mon père a commencé à fabriquer du chocolat dans sa cuisine, puis a ouvert des boutiques ainsi que l’une des plus grandes fabriques de chocolat de la région », explique Tareq sur cette entreprise qui a vu le jour en 1986.
À partir de leur maison-mère à Damas en Syrie, ils ont commencé à exporter dans le monde entier et pensaient déjà à faire profiter les autres de leur bonne fortune.
« Nous avions l’objectif d’en faire une entreprise à portée sociale et de soutenir les personnes moins favorisées de la société. »
Toutefois, lorsque la guerre civile a éclaté en Syrie en 2011, leurs rêves d’avenir ont brusquement volé en éclats. L’usine a été bombardée en 2012.
« Notre vie est devenue très difficile », se rappelle Tareq. « J’ai perdu beaucoup de membres de ma famille, qui ont été tués. »
« Notre vie a été détruite par la guerre à tous les niveaux : qu’il s’agisse de l’entreprise de mon père, de l’initiative que ma mère avait lancée au Moyen-Orient, ou de mes frères et sœurs qui ne se sentaient pas en sécurité lorsqu’ils se rendaient à l’école, craignant de voir un obus s’abattre sur eux à tout moment. »
En mars 2013, Tareq et sa famille ont fui au Liban et ont été enregistrés comme réfugiés par le HCR. Ils y ont vécu pendant plusieurs années jusqu’au jour où Tareq et sa famille ont demandé leur réinstallation au Canada.
Grâce au Programme mixte des réfugiés désignés par un bureau des visas (RDBV) dans le cadre duquel des habitants d’Antigonish se sont mobilisés pour faire venir une famille de réfugiés dans leur ville, ils ont pu faire de leur rêve une réalité et ainsi prendre un nouveau départ au Canada.
Avec l’appui du Gouvernement canadien, le programme RDBV permet de mettre en relation des réfugiés sélectionnés par le HCR pour une réinstallation et reconnus comme particulièrement vulnérables, avec des parrains privés au Canada. Les frais sont assumés à parts égales par les parrains et le gouvernement fédéral, et chaque partie s’engage à leur fournir un soutien financier pendant six mois.
« Je suis arrivé ici sans rien », explique Tareq. « Juste avec beaucoup d’espoir en l’avenir et de la gratitude envers tous ceux qui ont fait leur possible pour que nous nous sentions comme chez nous. »
Lors d’un rassemblement près de chez eux, Tareq se souvient de la première fois où ils ont fabriqué et distribué des chocolats que « tout le monde a adoré ». Les commentaires positifs les ont encouragés à utiliser leurs compétences de chocolatier pour lancer une nouvelle entreprise dont le nom, Peace by chocolate, revêt une signification particulière.
« Nous souhaitions véhiculer un message qui rallie le monde et montrer que la paix est quelque chose de très important dont nous avons besoin à chaque instant de notre vie. Sans paix, je n’aurais pas pu recommencer ma vie au Canada, faire venir ma famille ou démarrer cette entreprise. »
Partager leur chance avec les autres est aussi une tradition que cette famille a amenée avec elle de Syrie. En 2016, Peace by Chocolate a fait don d’un mois de bénéfices au profit des opérations de secours lancées auprès des personnes touchées par les incendies à Fort McMurray en Alberta. Ils se sont aussi engagés à reverser entre trois et cinq pour cent de leurs bénéfices à la Peace on Earth Society, une organisation de Nouvelle-Écosse qui finance des projets promouvant la paix dans le monde.
« Sans paix, je n’aurais pas pu recommencer ma vie au Canada, faire venir ma famille ou démarrer cette entreprise. »
Tareq dit que Peace by Chocolate entend recruter 50 réfugiés d’ici 2022. Ils aimeraient aussi apporter leur soutien en matière de marketing et de distribution à 10 entreprises dirigées par des réfugiés. L’entreprise est actuellement en pourparlers pour collaborer avec des organisations de réinstallation au Canada en vue de les mettre en relation avec des candidats et des entreprises. Ils espèrent lancer cette initiative d’ici fin 2020.
« Alors que nous passons du statut de petite entreprise à une entreprise (de catégorie) moyenne, nous pensons qu’il est de notre responsabilité et que le temps est venu d’aider ceux qui ont traversé les mêmes épreuves que nous », déclare Tareq qui emploie désormais 55 employés à temps plein et des saisonniers. « Ils ont besoin de franchir la première étape. Ils veulent trouver un travail, acquérir une expérience canadienne et s’intégrer dans ce pays pour commencer à aller de l’avant. »
« Nous avons aussi remarqué que les réfugiés ont souvent un esprit d’entreprise. Ils n’ont pas peur de prendre des risques et de changer les choses, » ajoute-il. « Ils veulent donc créer quelque chose de différent et d’unique dans leur ville, parce qu’ils savent qu’ils sont venus ici non pas pour prendre mais pour apporter leur contribution. »
Tareq ne semble pas non plus vouloir ralentir la cadence dans ses affaires. La sortie d’un livre sur Peace by Chocolate écrit par Jon Tattrie, un journaliste d’Halifax, est prévue pour cet automne. Et Tareq d’ajouter que les membres de sa famille souhaitent eux aussi suivre son exemple et demander la citoyenneté canadienne. Ils sont désormais 17 à l’avoir rejoint au Canada, dont son neveu Omar Al Kadri, sa nièce Sana Al Kadri, son oncle, un cousin et leurs familles respectives.
« Ils ont partagé les rires et les larmes de tous ceux qui recevaient leur citoyenneté ce jour-là. Toute la salle débordait d’enthousiasme et d’émotions. »
« Cet événement a aussi donné l’occasion à ma famille de repenser à tout ce qui a changé dans leur vie ces quatre dernières années. Ils savent désormais qu’on ne doit jamais abandonner. »