Des centaines d'enfants perdent la vie pendant les traversées désespérées
Des nourrissons et des enfants comptent parmi les 8 500 réfugiés et migrants morts ou portés disparus en Méditerranée depuis la noyade du petit Alan Kurdi, il y a deux ans.
Hope*, 36 ans, une demandeuse d'asile du Nigéria, au centre de réception de Messine, où elle vit actuellement.
© HCR/Valentino Bellini
La mer s’est creusée et Hope* a tiré vers elle ses trois petites filles sur le canot pneumatique surpeuplé. Aucune d'elles ne savait nager.
« Ne pleure pas, maman. Les secours sont en route. » Ces paroles de réconfort ont été les dernières de la petite Mercy*, 10 ans.
Alors que le bateau qui venait les secourir approchait, les 130 passagers gambiens et nigériens ont été pris de panique sur l’embarcation qui dérivait sans moteur au milieu de la Méditerranée. Les hommes qui savaient nager ont plongé et déséquilibré le radeau qui a chaviré.
Serrant la petite Faith* dans ses bras, Hope a été projetée dans l'eau et prise au piège sous le radeau. Cinq minutes tard, la main d'un homme l'a attrapée dans le noir et l'a tirée sur le bateau des secours.
« Ma petite deuxième était assise là. Je lui ai dit, "où est ta sœur ?" se souvient Hope, qui était institutrice de maternelle au Nigéria, son pays natal. « Mais l'urgence, c'était le bébé qui ne respirait pas. Ils l'ont ramenée sur le grand bateau et ont essayé de la ranimer, mais il n'y avait plus rien à faire.
« Ils l'ont ramenée sur le grand bateau et ont essayé de la ranimer, mais il n'y avait plus rien à faire. »
« C'est ainsi que j'ai perdu les minutes essentielles pendant lesquelles j'aurais pu chercher mon aînée qui a disparu en mer ce jour-là. J'ai dit à l'équipe de secours que mon autre fille était encore dans l'eau. Ils sont allés chercher, mais elle avait disparu. »
En septembre 2015, les images du corps sans vie d’Alan Kurdi, le petit garçon syrien, ont soulevé une énorme vague d’émotion qui a incité d’innombrables personnes à travers le monde à agir.
Près de deux ans plus tard, des enfants comme les filles de Hope – âgées de huit ans et de 14 mois – continuent à se noyer par centaines lors de tentatives désespérées de traversée de la Méditerranée, en quête de sécurité, de protection ou d'une vie meilleure en Europe.
Depuis la mort d'Alan le 2 septembre 2015, le HCR, l'agence de l'ONU pour les réfugiés, a établi que rien que pour la seule Méditerranée, au moins 8 500 réfugiés et migrants sont morts ou portés disparus en tentant la traversée, et le nombre d'enfants parmi eux est inconnu.
« Si le nombre des arrivées en Europe a radicalement diminué depuis la mort d'Alan, les gens continuent d'entreprendre la traversée et nombreux d'entre eux y perdent la vie, » a signalé le HCR dans une déclaration.
À la fin de l'année dernière, le nombre jamais atteint de 22,5 millions de réfugiés avaient été déracinés par la guerre et la persécution à travers le monde, des enfants pour plus de la moitié d'entre eux.
Le HCR souligne la nécessité de trouver des solutions et des alternatives plus sûres pour que les mères comme Hope cessent de risquer leur vie dans ces traversées désespérées, même si, pour sa part, Hope estime qu'elle n'avait pas le choix.
Happé par la violence au Nigéria, son mari avait déjà fui en Europe. Sous la même menace, Hope et ses filles l'ont suivi sur la même route du nord, parsemée de dangers, à travers le désert jusqu'en Libye, avant de payer un passeur pour tenter la traversée de la mort vers l'Italie sur un bateau bondé, sans gilets de sauvetage ni même un téléphone satellite pour appeler de l'aide.
« Tant que les gens n'auront plus d'espoir et vivront dans la peur, ils continueront de risquer leur vie et d’entreprendre ces voyages désespérés. »
« Quand j'ai décidé de partir avec mes filles, je n'avais pas d'autre choix », explique Hope, qui a fait une demande d'asile en Italie et vit aujourd’hui dans le centre de réception de Messine avec Charity*, seule survivante parmi ses trois filles.
« Je ne pourrais pas rentrer à la maison, car les ennemis de mon mari ont juré qu'ils se vengeront sur sa famille. Mais je ne pouvais pas rester en Libye non plus. L'année dernière, l’endroit est devenu trop dangereux pour les enfants. Je devais enfermer mes filles dans l'appartement quand je sortais. »
Pour le HCR, il est clair que la communauté internationale doit faire davantage pour que cesse la perte de ces jeunes vies en pleine mer.
« Le besoin urgent de solutions reste entier pour ces enfants et les autres personnes qui sont en route — ceux qui n'ont pas d'espoir et vivent dans la peur vont continuer de mettre leur vie en danger et d'entreprendre ces voyages du désespoir », a déclaré le HCR.
« Il faut que les dirigeants politiques coopèrent pour mettre en place des alternatives plus sûres, pour mieux renseigner ceux qui envisagent d'entreprendre la traversée sur les dangers auxquels ils s'exposent, et avant tout, pour s'attaquer aux causes profondes de ces mouvements, en trouvant des solutions aux conflits et en créant de réelles opportunités dans les pays d'origine. »
* Les noms ont été changés pour des raisons de protection