Les entreprises berlinoises raffolent de ses repas syriens faits maison
Elle est arrivée en Allemagne en tant que réfugiée. Maintenant son entreprise sert des repas syriens à des firmes high-tech telles que Facebook et Cisco.
Salma Al Armarchi (centre), 53 ans, avec sa fille Lana Zaïm (à gauche), 28 ans, et son fils Fadi Zaïm, 32 ans, dans sa cuisine à Berlin.
© HCR/Gordon Welters
Une entrepreneure syrienne a lancé son entreprise de traiteur, un créneau porteur, à Berlin.
Salma, 53 ans, a toujours adoré cuisiner. Aujourd'hui réfugiée à Berlin, cette cuisinière syrienne a constaté que ses talents culinaires étaient si appréciés qu’ils lui permettaient de gagner sa vie. Sa recette secrète ? La passion.
« Quand je cuisine, c’est toujours avec amour », dit Salma en riant pendant une pause dans sa cuisine. « Quand on cuisine avec amour, les gens trouvent toujours ça délicieux. »
Tout a démarré pour Salma en 2016 quand on lui a demandé de nourrir les bénévoles de ReDI, une école à but non lucratif de Berlin, où son fils Fadi suivait un cours de programmation gratuit pour les nouveaux venus.
« C’était une grosse responsabilité parce que plusieurs des enseignants n’avaient encore jamais goûté la cuisine syrienne », dit Fadi, 32 ans. « Ils ont adoré. Ils pensaient tous qu’on avait déjà un service de restauration. »
« Quand je cuisine, c’est toujours avec amour. »
Salma n’aurait jamais pensé devenir restauratrice, ni même avoir sa propre entreprise. Quand elle vivait à Damas, en Syrie, elle cuisinait pour le plaisir et retrouvait souvent des amies pour apporter de la nourriture aux gens qui avaient du mal à joindre les deux bouts.
Puis, son pays a basculé dans la guerre. En 2012, Salma, son plus jeune fils et sa fille ont fui vers l’Allemagne avec des visas de tourisme et ont demandé l’asile.
Fadi les a rejoints en 2014 dans le cadre d’un programme de regroupement familial.
Bien que sa famille soit en sécurité, Salma avait du mal à s’en sortir. Apprendre l’allemand était difficile et elle ne trouvait pas de travail dans son précédent métier.
Mais en 2015, des dizaines de milliers d’autres Syriens sont arrivés à Berlin. Salma et Fadi ont proposé leur aide à titre bénévole pour traduire, distribuer des vêtements et même aider leurs concitoyens à maîtriser un minimum d’allemand pour se débrouiller.
Salma a rencontré beaucoup de gens qui avaient comme elle des difficultés d’adaptation.
« C’est très difficile de trouver un emploi à mon âge », dit-elle. « Mon objectif, c’est de recruter d’autres personnes d’âge mûr pour ma cuisine. »
C’est alors que des circonstances fortuites lui ont donné l’idée de tirer partie de ses talents de cuisinière. Quand Fadi a demandé à Salma de préparer un pique-nique pour ReDI, elle a décidé que plus rien ne l’arrêterait.
Salma a emprunté du matériel à des amis et recruté ses deux autres enfants adultes ainsi qu’un neveu pour préparer dans leur appartement une quantité astronomique d’amuse-gueules.
Ils ont travaillé sans répit pendant trois jours pour tout préparer.
« C’est le premier pas qui est le plus difficile. »
Le pique-nique a connu un grand succès. Les plats préparés par Salma étaient présentés avant tant de professionnalisme que les enseignants – tous issus du monde en plein essor des start-ups technologiques de Berlin – commencèrent à prendre des renseignements.
Avant longtemps, Fadi fut contacté par un directeur de Cisco en quête de services de traiteur pour une conférence. Pour dissimuler sa surprise, Fadi s’est précipité dans la salle de bain pour appeler Salma qui accepta d’emblée, donnant ainsi le coup d’envoi à son entreprise.
Sous deux jours, la mère et le fils avaient établi un menu, un site web et une cuisine temporaire. Et ils avaient même un nom, Jasmin Catering, en souvenir des fleurs blanches qui parfument Damas au printemps.
« C’est le premier pas qui est le plus difficile », dit Salma. « Quand on a une idée, il faut juste s’y mettre. Commencer avec ce que l’on a. Et puis juste improviser. »
Quand les commandes ont commencé à pleuvoir, Fadi et Salma se mirent en quête d’une cuisine permanente proche de l’appartement qu’ils partagent dans le sud de la ville.
Les années suivantes ont été ponctuées par des contrats de restauration pour des repas d’affaires, des déplacements professionnels et des conférences. C’est ainsi qu’ils ont cuisiné pour Facebook, McKinsey, le parti écologiste allemand, des ambassades et même pour les services de la Chancelière allemande, Angela Merkel.
Pour Fadi, ce sont toutefois les mariages qui sont le plus grand honneur. Il y en a eu quatre dans l’année écoulée, tous pour des clients allemands.
Il attribue leur succès au fait qu’ils ont su adapter des mets orientaux aux ingrédients du pays, en ayant soin de répondre aux attentes de la vaste population végétalienne de Berlin.
« Nous sommes heureux de faire découvrir aux gens de nouveaux goûts. »
Outre les plats traditionnels tels que Heraa Esbaoo, des pâtes cuisinées avec du pain, des lentilles et des herbes, Jasmin catering réinvente des mets syriens de base, comme les boulettes de viande hachée version vegan.
« Nous offrons quelque chose de différent », dit Fadi. « Nous nous débrouillons pour transformer les recettes traditionnelles en plats végétariens ou végétaliens, donc une cuisine qui est à la fois très prisée et très saine. »
Salma et Fadi espèrent aujourd'hui tirer parti de leur succès pour fidéliser davantage de clients réguliers.
« Les gens s’intéressent beaucoup à la gastronomie ici en Europe », dit Fadi. « Et nous sommes heureux de leur faire découvrir de nouveaux goûts. Les gens sont de plus en plus nombreux à passer le cap, à essayer notre cuisine et à en apprécier la saveur. »